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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

3.4. Etape biologique

3.4.4. Irradiation et mécanismes de mort cellulaire

En réponse aux rayonnements ionisants, l’ADN lésé peut soit être réparé par les différents systèmes de réparation ad integrum décrits précédemment, soit conduire à une réparation fautive associée à une survie cellulaire et des mutations sans conséquence (à cause de la diploïdie, du caractère non codant de la majorité de l'ADN, de la différenciation cellulaire), soit conserver des anomalies qui conduisent à un état intermédiaire de catastrophe mitotique et des mécanismes de mort cellulaire tels que la mort immédiate, l’apoptose, la nécrose, la senescence prématurée et l’autophagie (Kroemer et al. 2009).

3.4.4.1. La mort immédiate

Ce mécanisme survient dans les minutes et heures post-irradiation après exposition à de très fortes doses. La mort immédiate correspond à l’arrêt de toutes les fonctions cellulaires ainsi qu’à la perte de l’intégrité physique de la cellule. Cette mort résulte d’une hyper-activation de l’enzyme PARP-1 (PolyADP-Ribose Polymerase 1). Au niveau morphologique, ce type de mort présente les mêmes caractéristiques que celles de la nécrose (Galluzzi et al. 2012).

3.4.4.2. La catastrophe mitotique

La catastrophe mitotique est un état intermédiaire, préalable la plupart du temps à une mort cellulaire par apoptose ou par nécrose. Certaines cellules peuvent survivre après dépolyploïdisation ou une réparation de l’ADN, ce qui leur permet de revenir dans le cycle cellulaire (Eom et al. 2005; Vakifahmetoglu et al. 2008). En réponse à un stress, la catastrophe mitotique se traduit par une entrée prématurée en mitose, associée à une perte de capacité à effectuer une mitose symétrique complète. Ce mécanisme est majeur dans les cellules p53 mutées mais c’est également le mécanisme prépondérant en réponse aux radiations (Roninson et al. 2001). Ce type de mort est caractérisé par la formation de cellules géantes bi- ou multi- nucléées ou par la présence de micronoyaux. Ces derniers sont souvent la conséquence d’une mauvaise ségrégation des chromosomes ou des fragments de chromosomes dans les cellules filles, mais également de la formation de ponts anaphasiques (Galluzzi et al. 2012). En fonction du niveau de lésions de l’ADN ou du fuseau mitotique et selon le contrôle de la régulation du cycle cellulaire, certaines cellules arrêtées en phase G2/M sont incapables de maintenir cet arrêt (Margottin-Goguet et al. 2003).

La catastrophe mitotique est un mécanisme qui reste peu étudié en réponse aux irradiations de haut TEL. Cependant, dans des lignées de carcinomes des VADS, des cellules polyploïdes ont été détectées de 48 à 120 heures post-irradiation par ions carbone, ainsi qu’une augmentation du nombre de ponts anaphasiques (Maalouf et al. 2009).

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3.4.4.3. L’apoptose

L’apoptose est un mécanisme de mort cellulaire programmée, essentiel au cours du développement embryonnaire et qui participe également au maintien de l’homéostasie tissulaire. Cette voie est activée en réponse à un stimulus cytotoxique (radiation ionisante, chimiothérapie…) et reste la cible privilégiée des traitements anti-cancéreux. Dans un premier temps, contrairement à la nécrose, l’intégrité membranaire est conservée, ce qui limite les réactions inflammatoires pour les cellules avoisinantes (Galluzzi et al. 2018). Au niveau morphologique, les cellules présentent tout d’abord une réduction du volume cellulaire en raison d’une déshydratation, ce qui aboutit à une condensation du cytoplasme mais au maintien de l’intégrité des organites. La chromatine nucléaire se compacte pour migrer à la périphérie de la membrane nucléaire. Cette marginalisation de la chromatine est couplée à une fragmentation de l’ADN par des endonucléases (Oberhammer et al. 1993). Cette étape est suivie d’une convolution des membranes plasmiques qui bourgeonnent à la surface cellulaire. Ces vésicules forment des corps apoptotiques qui contiennent des fragments de chromatine et de cytoplasme, qui sont éliminés par les macrophages (Kerr et al. 1972). Au niveau morphologique, l’apoptose est également accompagnée d’une translocation des phosphatidylsérines du feuillet interne de la membrane plasmique vers le feuillet externe, induisant la reconnaissance des cellules apoptotiques par les macrophages (Devitt et al. 1998; Fadok and Henson 2003).

La signalisation de l’apoptose s’effectue en trois phases (Figure 30) :

1. Phase d’initiation : l’apoptose peut être activée par deux voies dont la voie extrinsèque via ses ligands (FAS, TRAIL ou TNF-α) qui après liaison avec leur récepteur activent les caspases pro-apoptotiques (Kim et al. 2018). Les radiations sont également capables d’activer directement les récepteurs (Embree-Ku et al. 2002). L’autre voie est la voie intrinsèque mitochondriale, dépendante de l’activation de p53 et contrôlée par des protéines appartenant à la superfamille Bcl-2.

2. Phase de régulation : l’ensemble des signaux apoptotiques convergent vers la mitochondrie (Parone et al. 2003). Cette étape repose principalement sur la formation de pores de transition de perméabilité dans les membranes mitochondriales. Cette phase s’accompagne d’une diminution du potentiel transmembranaire mitochondrial, suivie du gonflement de la matrice, d’une interruption du métabolisme énergétique aérobie et d’un stress oxydatif. Des protéines pro-apoptotiques telles que le cytochrome c et AIF sont ensuite libérées dans le cytoplasme. En effet, en l’absence de stimulus, les protéines anti-apoptotiques (Bcl-2, Bcl-xL…) forment des hétérodimères avec les protéines pro-apoptotiques (Bax et Bak), ce qui maintient la stabilité de la mitochondrie. Lors de l’activation de la voie intrinsèque, les deux familles de protéines se dissocient et les facteurs pro-apototiques vont ensuite agir sur leurs cibles.

86 3. Phase effectrice : cette phase débute par la formation de l’apoptosome composé d’Apaf-1, du cytochrome c et de la pro-caspase 9. Ce complexe protéique active par clivage la caspase 9 (Srinivasula et al. 2001), qui à son tour clive la pro-caspase 3, activatrice des caspases 6 et 7. Ces caspases vont alors interagir avec des protéines cibles et déclencher les évènements caractéristiques de l’apoptose tels que l’inhibition de la réparation via PARP, Rad51 et DNA-PK (Soldani and Scovassi 2002), l’activation des endonucléases responsables de la fragmentation de l’ADN et la dégradation directe des structures cellulaires (Ruchaud et al. 2002; Schutte et al. 2004).

Figure 30 : Voies de signalisation conduisant à l’apoptose (Cabon et al.2013)

L’apoptose peut être déclenchée par les récepteurs de mort (voie extrinsèque) ou par la mitochondrie (voie intrinsèque). L’induction de l’apoptose active des caspases initiatrices, les caspase 8 ou 10 (voie extrinsèque) ou la caspase 9 formant l’apoptosome avec APAF-1 et le cytochrome c (voie intrinsèque). Elles activent les caspases exécutrices 3, 6 et 7 qui vont cliver les substrats. Cela conduit à la fragmentation de l’ADN, au bourgeonnement de la membrane plasmique et à la condensation de la chromatine. La protéine Bid, membre de la famille Bcl-2 est un point de convergence de ces deux voies.

87 Plusieurs études ont montré que l’apoptose radio-induite est plus importante lors d’une irradiation de haut TEL par rapport à un faible TEL et ceci de façon TEL-dépendant (Tsuboi et al. 2007; Maalouf et al. 2009). L’induction de l’apopotose dépend du céramide, independamment du statut p53. Cette production post-irradiation est précoce dans les cellules radiosensibles et tardive dans les cellules radiorésistantes (Alphonse et al. 2013; Ferrandon et al 2015). L’équipe de Takahashi a aussi montré que les ions carbone induisent l’apoptose in vivo dans des tumeurs cérébrales humaines xénogréffées chez la souris nude (Takahashi et al. 2005 ).

3.4.4.4. Nécrose ou oncose

La nécrose ou oncose, est une voie de mort cellulaire non programmée. La cellule est agressée au niveau structural ou chimique et perd son intégrité membranaire. La cellule se désagrège et est auto-digérée par ses enzymes. La nécrose se caractérise par une augmentation de la taille des organelles, une perméabilisation de la membrane plasmique, une perte du contenu intracellulaire, un dysfonctionnement mitochondrial et une fragmentation de l’ADN (Golden et al. 2012).

Dans la littérature, très peu de travaux sont consacrés à l’étude de la nécrose radio-induite. En effet, ce type de mort a été rapporté après irradiation avec des neutrons (Yasui and Owens 2012). Cependant, aucune nécrose n’a pu être mise en évidence dans plusieurs lignées radiorésistantes de carcinome des VADS après irradiation par des ions carbone (Maalouf et al. 2009).

3.4.4.5. La sénescence prématurée

La sénescence a été décrite pour la première fois en 1961 par Hayflick sur des fibroblastes primaires. Elle induit un ralentissement puis un arrêt irréversible de la division cellulaire en raison d’un arrêt du cycle cellulaire en phase G1/S. Ce mécanisme peut être classé en sénescence réplicative et sénescence prématurée induite par le stress (radiation ionisante, agent chimique…) (Robles and Adami 1998). La sénescence réplicative est caractéristique du vieillissement cellulaire, qui consiste au fur et à mesure des divisions cellulaires, en une réduction des séquences télomériques protectrices aux extrémités des chromosomes. Lorsque la limite de Hayflick est atteinte, les divisions cellulaires ne sont plus possibles et la protéine p53, induisant la production de p21, arrête le cycle cellulaire.

88 La senescence radio-induite dépend de l’activation des voies p53 (Quick and Gewirtz 2006; Campisi and d’Adda di Fagagna 2007). La protéine p53 va stimuler les expressions de p16lnk4a et p21WAF1 qui empêchent la phosphorylation de Rb, bloquant ainsi le cycle cellulaire et induisant la senescence prématurée. Cependant, la majorité des cellules cancéreuses présente des mutations des protéines p53 et p16lnk4a. Plusieurs études ont donc émis l’hypothèse que ce mécanisme de mort cellulaire serait p53-indépendant (Chang et al. 1999; Shay and Roninson 2004). Pourtant, si cette hypothèse tend à être confirmée par différents travaux qui mettent en évidence l’induction de la senescence par Chk2 (Aliouat-Denis et al. 2005), elle est à modérer dans la mesure où il a été démontré l’existence d’une sénescence p53-dépendante dans des cellules cancéreuses de prostate (Zemskova et al. 2010).

Au niveau morphologique, les cellules sénescentes présentent des caractéristiques phénotypiques particulières (augmentation de la taille des cellules et du noyau, aplatissement cellulaire, augmentation de la granulosité, polynucléation….). La chromatine change également de structure en formant des foyers d’hétérochromatine. L’activité lysosomale et principalement l’activité de la β-galactosidase acide sont augmentéeset l’accumulation d’agrégats lipido-protéiques est observée. D’un point de vue moléculaire, une surexpression des inhibiteurs du cycle cellulaire et une baisse du métabolisme sont également mises en évidence (Campisi and d’Adda di Fagagna 2007; Lee et al. 2014).

3.4.4.6. L’autophagie

L’autophagie est une voie de dégradation, alternative à celle du protéasome, qui permet à la cellule de digérer une partie de son contenu, que ce soit son cytoplasme, des protéines ou encore ses organites cellulaires, en formant des autophagosomes qui vont être adressés aux lysosomes. Ce processus paradoxal qui induit la mort cellulaire, est nécessaire au maintien de l’homéostasie métabolique, en permettant le renouvellement des protéines et l’élimination de certains organites (Kroemer et al. 2009). Le plus souvent, l'autophagie constitue une réponse cyto-protectrice dans la tentative des cellules de faire face au stress.

Dans un premier temps, en conditions de stress ou en conditions hypoxiques, la cellule crée un autophagosome à partir des membranes du réticulum endoplasmique ou via une synthèse de novo (Figure 31). Cette synthèse a lieu grâce au recrutement transitoire des protéines Atg (Autophagy related protein) et LC3 (microtubule-associated protein 1 Light Chain 3) au niveau des membranes via la PI3K de type III en collaboration avec la bécline 1 et p150. L’autophagosome formé fusionne alors avec un lysosome après s’être dissocié des protéines Atg. Ce processus peut être

89 inhibé par la PI3K de type I qui active Akt/PKB (Protein Kinase B), stimulant ainsi la voie mTOR (Mammalian Target Of Rapamycin). La protéine mTOR joue donc un rôle clé dans la régulation de cette voie tout comme le complexe Atg/PI3K. L’irradiation, en activant p53 et PARP-1, inhibe la voie PI3KI/Akt-PKB/mTOR et induit donc l’autophagie. Sur le plan morphologique, ce type de mort est caractérisé par une vacuolisation cytoplasmique massive. Cependant, ce mécanisme doit également être étudié sur les plans biochimique et fonctionnel, en analysant le flux autophagique (Galluzzi et al. 2012).

L’autophagie est induite en réponse aux irradiations de haut TEL. Dans une étude sur des lignées de glioblastomes humains et de cellules HeLa du cancer du col de l’utérus, l’irradiation par des ions de hauts TEL augmente les niveaux de LC3-II et de p62, indiquant de ce fait une induction marquée de l'autophagie. L’autophagie dans les cellules tumorales irradiées augmente de manière TEL-dépendante (Jin, Li et al. 2015).

Figure 31 : L'autophagie (Cabon et al. 2013)

L’autophagie est induite par diverses conditions de stress cellulaire ou lors du développement. Elle débute par la formation d’un phagophore caractérisé par une double membrane. Cette étape est finement régulée par plusieurs complexes moléculaires, comme le complexe bécline-1 et LC3/Atg8. L’élongation de la membrane autophagique s’effectue grâce au complexe Atg5/Atg12. La fusion des membranes conduit à la séquestration des organites et protéines cytoplasmiques dans une vacuole à double membrane, l’autophagosome. Les autophagosomes fusionnent ensuite avec des lysosomes pour former les autophagolysosomes, responsables de la dégradation du contenu. L’autophagie peut à la fois constituer un mécanisme de survie ou de mort cellulaire.

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