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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

3.4. Etape biologique

3.4.2. Mécanismes de détection des cassures de l’ADN

Lorsqu’une cellule est endommagée au niveau de son ADN, la détection des lésions se fait principalement par le complexe MRN (Meiotic Recombination) constitué de Rad50, Mre11 et Nbs1 (Nijmegen Breakage Syndrom 1) (Figure 19) (Williams et al. 2009). Ce complexe se fixe sur la région endommagée afin de recruter trois protéines kinases de la famille des PI3 kinases, transmettrices du signal. Ces senseurs sont la protéine ubiquitaire ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated) principalement impliquée dans la réparation des CDBs radio-induites, la protéine ATR (ATM and Rad3-related) et la DNA-PK (DNA-dependant Protein Kinase).

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Figure 19 : Complexe MRN fixé à une cassure double-brin (Williams et al. 2009)

Dans le cytoplasme, la protéine ATM est inactive, sous forme de dimères. Lorsque le complexe MRN est recruté au niveau des CDBs, ATM se dissocie en monomères au niveau cytoplasmique puis les monomères transitent dans le noyau où la protéine s’auto-phosphoryle (pATM) (Figure 20). pATM peut alors phosphoryler la protéine Nsb1 du complexe MRN, ce qui permet sa stabilisation et engendre le recrutement d’autres molécules d’ATM (Kastan and Bartek 2004). Une fois activée, ATM va phosphoryler c-abl (Abelson murine leukemia viral oncogen), qui phosphoryle à son tour Rad51, qui interagit avec Rad52 impliqué dans la réparation des CDBs. Finalement, ATM phosphoryle l’histone H2AX, entraînant le recrutement de Mdc1 (Mediator of Damage Checkpoint 1), BRCA1 (BReast Cancer Associated Protein 1), p53BP1 (p53 Binding protein 1) et de nouveau celui du complexe MRN et ATM pour créer une cascade d’activation (O’Driscoll and Jeggo 2006).

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Figure 20 : Représentation schématique de la détection des cassures double-brin et de l'activation de la cascade de signalisation médiée par pATM (Iijima et al. 2008)

Au niveau cytoplasmique, les dimères ATM sont convertis en monomères actifs, ce qui est facilité par leur interaction avec le complexe MRN (ou RMN) qui rassemble les extrémités des CDBs. Cette monomérisation d’ATM nécessite l'acétylation au résidu lysine 3016 d’ATM par Tip60. L'interaction entre ATM et le domaine C-terminal de Nsb1 (NBS1) permet l’activation d’ATM, ce qui inclut son auto-phosphorylation au niveau du résidu sérine 1981. Plusieurs phosphatases telles que PP2A, PP5 et Wip1 sont impliquées dans la régulation de l'activité enzymatique d’ATM. La phosphorylation d’H2AX au niveau de son résidu sérine-139 par pATM facilite l'accumulation de protéines transductrices du signal de détection des CDBs telles que MDC1, 53BP1 et BRCA1. Ces protéines amplifient le signal et favorisent la réparation des CDBs et le contrôle du cycle cellulaire.

Les CDBs et les fourches de réplication bloquées provoquent la phosphorylation de l'histone H2AX voisine (γH2AX pour la forme phosphorylée) via pATM. Pour les CDBs, la distribution de γH2AX dans le noyau est localisée autour des CDBs et ces foyers apparaissent 10 min après l'induction des CDBs pour atteindre une quantité et une intensité maximales 30 minutes à 1 heure post-irradiation. Par la suite, les foci diminuent en raison de l'activité de la phosphatase PP4, démontrant l’efficience de la réparation des CDBs.

73 Des pathologies résultant de mutations du gène ATM ou encore du ralentissement de la cinétique de phosphorylation de la protéine ont été décrites. Alors que des mutations hétérozygotes du gène ATM ont été identifiées comme facteurs de risque dans le cancer du sein, d’autres mutations décrites à l’état homozygote sont associées à l’ataxie télangiectasie. La vitesse du passage de la protéine du cytoplasme au noyau (ou nucleoshutling en anglais) a aussi été étudiée et associée à des profils de sensibilité différents en réponse à l’irradiation photonique (Figure 21). Trois groupes ont été définis en fonction des foci résiduels γH2AX, des foci pATM et de la fraction de survie : groupe I radiorésistant, groupe II de radiosensibilité intermédiaire et un groupe III d’hyper-radiosensibilité (COPERNIC project investigators et al. 2016).

Figure 21 : Exemple représentatif de la cinétique des foci γH2AX et pATM et des courbes de survie des 3 groupes de radiosensibilité en réponse aux rayonnements ionisants (Bodgi and Foray 2016)

Trois lignées fibroblastiques radiorésistantes (groupe I), radiosensibles (groupe II) et hyper-sensibles (groupe III) ont été irradiées à 2 Gy et les foci γH2AX (A) et pATM (B) ont été marqués par immunofluorescence.

Alors que l’hypoxie seule ne suffit pas à activer la phosphorylation de la protéine ATM, l’irradiation a été décrite comme activatrice de la phosphorylation d’ATM (Figure 22) (Bencokova et al. 2009; Bodgi and Foray 2016).

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Figure 22 : Passage de la protéine ATM du cytoplasme au noyau en réponse à l'irradiation photonique (Bodgi

and Foray 2016)

Les rayonnements ionisants conduisent à l’induction des CDBs et à l’oxydation de la protéine ATM qui déclenche sa monomérisation. Les monomères ATM peuvent se réassocier avec eux-mêmes ou avec des protéines X ou diffuser dans le noyau. Les monomères ATM qui diffusent permettent la reconnaissance des CDBs et ensuite leur réparation. Parmi les CDBs non réparées, certaines participent à la mort cellulaire, les autres étant tolérées par les cellules.

La protéine ATR détecte les CSBs ainsi que les pontages intra-brin de l’ADN. Elle intervient également dans la résolution des fourches de réplication bloquées par des lésions de l’ADN (O’Driscoll and Jeggo 2006). Cette protéine kinase est activée en présence d’ADN simple brin couplé à plusieurs protéines RPA (Replication factor A). Les protéines RPA interagissent avec le cofacteur Ddc2/ATRIP (ATR-interacting-protein) et le complexe Rad9-Rad1-Hus1 qui mobilise la TOPBP1 (TOPo-isomerase II Binding Protein 1). Cette dernière active alors ATR recrutée par ATRIP. Cette activation découle de l’activation préalable d’ATM (McGowan and Russell 2004; Goto et al. 2012). ATM et ATR jouent également un rôle important dans le contrôle du cycle cellulaire. La détection des dommages de l’ADN est aussi médiée par la protéine kinase DNA-PK. C’est un complexe protéique constitué de la protéine kinase DNA-PKcs (sous-unité catalytique) et des hélicases Ku70 et Ku80 (sous-unités régulatrices). Ce complexe va se lier directement sur les CDBs de l’ADN et phosphoryler l’histone H2AX (Wang and Wang 2014).

75 En conséquence, ces protéine-kinases (ATM, ATR et DNA-PK), une fois activées, vont donc phosphoryler divers substrats impliqués dans les homéostasies nucléaire et cellulaire. Leurs principaux effecteurs sont :

o CHK1 et CHK2 qui entraînent de ce fait l’arrêt du cycle cellulaire et la réparation ; o p53 qui induit l’arrêt du cycle via p21/Cip1 ou l’apoptose ;

o BRCA1/DNA-PK/complexe MRN impliqués dans les mécanismes de réparation ;

o L’histone H2AX impliquée dans la modulation de la structure de la chromatine (Barzilai and Yamamoto 2004; Kastan and Bartek 2004).