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CARACTÉRISER LE SYSTÈME DE L’AIDE

1. Un pays sous perfusion : histoire de l’aide au Laos

2.2.3. Le réseau des ONG internationales

Au-delà des mécanismes institutionnels, les ONG se sont également regroupées dans une structure appelée INGO network. Le réseau a été établi en janvier 2005 grâce à un financement de la Banque mondiale. Il compte aujourd’hui 69 organi-sations membres (INGO network 2015). Il est conçu comme un point focal pour la dissémination et le partage des informations entre les ONG membres.

Le réseau est également structuré en 8 groupes de travail sectoriels, sur l’éduca-tion, la santé, les questions des terres, l’agriculture, la gestion de catastrophes, le développement des ressources humaines, la protection des enfants et l’eau et l’assainissement. Certains de ces groupes que celui sur les questions des terres sont très actifs, d’autres sont des structures plus ou moins dormantes qui peuvent se réveiller en fonction des projets et programmes en cours.

2. 3. La régulation de l’aide internationale

Tout projet d’aide mis en œuvre au Laos doit faire l’objet d’une autorisation de la part du gouvernement. Il n’y a pas à ce jour de processus standardisé pour l’ensemble des acteurs. Nous recensons trois principaux canaux de validation en fonction du type d’acteur : les ONG, les organisations internationales et bailleurs de fonds, et l’aide des pays « amis », notamment la Chine et le Vietnam.

Les activités des ONG sont régulées par le décret du Premier ministre 013/PM (Prime Minister, Government of the Lao PDR 2010). L’autorité centrale est le Ministère des Affaires étrangères, qui est en charge de délivrer le permis d’opé-ration pour une organisation donnée, qui lui ouvre les portes du pays, et les MoU spécifiques à chaque projet, en collaboration avec le ministère de tutelle du sec-teur d’intervention. Afin de pouvoir démarrer une activité, une organisation doit d’abord obtenir une lettre de soutien des autorités locales de la zone d’interven-tion, généralement au niveau du district. Ce préavis positif est ensuite envoyé à la Province, qui doit donner son feu vert pour que la demande soit acheminée au ni-veau central du Ministère des Affaires étrangères. À chaque nini-veau de validation peuvent correspondre des discussions et des négociations qui peuvent mener à la reformulation partielle de la stratégie d’intervention du projet. Dans la réalité, l’ensemble de cette chaîne décisionnelle peut prendre un temps considérable qui peut parfois se compter en années, et ce malgré le fait que le décret indique une limite maximale de 60 jours pour boucler l’ensemble de la procédure.

Le décret stipule que tout projet doit être en ligne avec les priorités et les straté-gies de développement du gouvernement (Article 7, alinéas 7.2 et 7.3), fournis-sant ainsi un instrument contraignant au principe d’alignement de la déclaration de Vientiane. La directive du Ministère des Affaires étrangères n° 164 publiée en février 2015 en complément du décret stipule qu’un maximum de 30 % du budget global peut être utilisé pour les frais administratifs, et que les 70 % doivent être

consacrés directement aux activités du projet

Il impose également la mise en œuvre d’un comité de projet comprenant des représentants de l’ensemble des institutions liées, et qui a la responsabilité d’ap-prouver les activités et les modalités d’intervention.

L’aide bilatérale et multilatérale est coordonnée par le département de coopéra-tion internacoopéra-tionale du Ministère du plan et de l’investissement, qui doit se coor-donner avec les ministères de tutelle en charge des secteurs concernés. Le pro-cessus de validation est aussi ici extrêmement complexe, comme le montre le diagramme ci-dessous.

Figure 15: Cycle de validation des projets par le gouvernement (Bowen 2014) Enfin, les aides chinoise et vietnamienne passent par d’autres circuits dont les informations ne sont pas à disposition du public. D’après certains responsables interviewés pour cette recherche, il semble néanmoins que les modalités sont plus légères et moins contraignantes.

Comme le montrent ces régulations, le gouvernement se donne les moyens d’exercer une pression sur les partenaires de développement pour que ces der-niers s’alignent sur ses stratégies et fassent un usage efficace des ressources financières. Ces décrets et directives ne mentionnent néanmoins pas explicite-ment à quelles stratégies et priorités ils font référence.

2. 4. La politique de développement et de réduction de la pauvreté

Depuis les premières tentatives de formulation des plans quinquennaux de déve-loppement socioéconomique au milieu des années 1950, le Laos s’est toujours attaché à développer des stratégies plus ou moins élaborées de réduction de la pauvreté. Ces stratégies et les principes sur lesquels elles reposent constituent en grande partie la composante locale du cadre régulateur de l’aide au Laos.

Le système de l’aide au Laos 148

La stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté (SNCRP), formulée en 2004, procure le cadrage général dans lequel s’inscrivent les plans de développement socioéconomiques quinquennaux, les autres plans sectoriels et par conséquent les activités liées au processus de table ronde. Cette stratégie est générale, et fixe les objectifs à long terme sans rentrer dans les détails. C’est ensuite aux plans quinquennaux de les articuler en modalités concrètes. Les éléments de cette stratégie convergent vers l’objectif principal qui est de sortir de la liste des pays les moins développés des Nations Unies à l’horizon 2020. Pilier central de la politique gouvernementale en matière de développement, cette stra-tégie est donc le reflet direct du positionnement et de la pensée du Parti.

La formulation de ce document intervient au moment où le Laos intègre l’ap-proche de la Stratégie de réduction de la pauvreté initiée par la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international à la fin des années 1990 comme une pré-condition imposée aux pays hautement endettés pour demander un allégement de la dette. La stratégie de réduction de la pauvreté est considérée comme l’une des réformes de l’aide les plus importantes au cours des dernières décennies (Khennavong 2014), étendue à plus d’une soixantaine de pays. Trois bénéfices principaux sont attendus de cette approche : 1) les économies budgétaires réali-sées sur le remboursement de la dette pourront être utilisés pour la réduction de la pauvreté. 2) La préparation des stratégies apporte des changements positifs sur les processus de planification des politiques publiques du gouvernement. 3) L’amélioration des relations entre gouvernements et bailleurs de fonds.

L’adoption de cette stratégie par le Laos résulte de la pression de la Banque Mon-diale pour octroyer le prêt nécessaire à la construction du barrage Nam Theun 2.

Elle est non seulement poussée par un acteur extérieur, mais également facilitée par l’envoi de consultants internationaux pour soutenir le gouvernement dans la déclinaison locale des principes dont elle est porteuse (Khennavong 2014). C’est donc, dans une certaine mesure, une imposition par le haut.

Or, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, toute norme ou modèle im-posé par le haut passe dans ses déclinaisons locales par un ensemble complexe de processus de réappropriation par les acteurs qui la reçoivent. Cette affirmation se vérifie dans la formulation de la SNCRP, dont le résultat final est un produit hybride, qui intègre tant les normes internationales du développement durable, de la lutte contre la pauvreté ou de la participation publique que des préoccupa-tions typiques du Parti autoritaire en matière de sécurité et de stabilité politique, et des éléments de la culture politique locale, tels que « Thammasat Way of De-velopment », qui préconise que « local solutions are to be found respecting the natural context, productive forces, technology, values and traditions on which the country’s future is built » (gouvernement du Laos 2004, p.11). Il est ainsi intéres-sant de noter que le document de la SNCRP a été rédigé en anglais, et n’a pas jamais été traduit en Lao. Ce n’est qu’à partir du plan quinquennal 2006-2011 que la rédaction se fera dans la langue locale, ensuite traduite en anglais. L’usage de l’anglais est loin d’être généralisé dans la fonction publique laotienne. Il est donc probable que le document de 156 pages, rédigé dans un anglais relativement technique, n’ait été lu que par une infime minorité des responsables politiques laotiens. Cela en dit long sur le niveau d’appropriation de l’exercice par les

auto-rités nationales.

En vertu des principes d’harmonisation et d’alignement de la Déclaration de Vientiane, la stratégie de réduction de la pauvreté et ses déclinaisons en plans quinquennaux formulés par le gouvernement du Laos fournit donc un cadre opé-rationnel concret auquel les acteurs de l’aide doivent en théorie se conformer.

Les cadres logiques des différents projets doivent donc être orientés de manière à contribuer aux objectifs généraux fixés ici. Les secteurs d’interventions à pri-vilégier sont également définis. Enfin, en établissant les critères nationaux de pauvreté et de vulnérabilité, c’est également le ciblage géographique des inter-ventions qui est influencé.

Mais si ces stratégies demeurent suffisamment générales pour laisser une marge de manœuvre significative aux opérateurs, les directives deviennent par contre plus précises dans la formulation des stratégies sectorielles.