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CARACTÉRISER LE SYSTÈME DE L’AIDE

3. Des relations sociospatiales des acteurs de l’aide au Laosau Laos

3.4.1. La Banque Mondiale au centre de l’échiquier

À elle seule, la Banque Mondiale produit jusqu’à 500 articles scientifiques, livres, rapports et fiches techniques chaque année. Elle dispose d’une bibliothèque ou-verte en ligne qui permet l’accès à l’ensemble de ces produits. Ces documents sont également disséminés massivement à travers son vaste réseau de plus de 100 bureaux nationaux, sa participation active à des centaines d’évènements

nationaux et internationaux, ses collaborations avec des revues scientifiques, et ses milliers d’interventions. Entre 1997 et 2002, la banque a dépensé USD$

283 millions pour ses activités de recherche, et opéré un changement straté-gique majeur en se repositionnant en Banque du savoir (Mehta 2001). Comme le constatent Banerjee et ses collègues dans leur analyse scrupuleuse de pro-duction de savoir de la banque, la littérature pratique beaucoup l’autoréférence, outrepassant les cercles académiques, et se montre particulièrement prosélyte (Banerjee et al. 2006).

Au Laos, la Banque Mondiale est le bailleur multilatéral dont les contributions sont les plus importantes, devançant la Banque asiatique du développement, le Programme des Nations unies pour l’environnement, le Programme des Nations unies pour l’alimentation, et l’UNICEF (Ministry of Planning and Investment, Go-vernment of the Lao PDR 2015). Elle occupe également une position stratégique centrale dans les mécanismes de gestion et de coordination de l’aide, comme en témoigne par exemple sa surreprésentation dans la présidence de groupes de travail intersectoriels.

La Banque Mondiale dispose d’un capital spatial presque complet. Ses actions et son influence couvrent l’ensemble des relations sociospatiales du cadre LTRE.

En termes de champs des opérations, la Banque Mondiale s’investit dans l’en-semble des catégories sociospatiales, notamment de la façon suivante : Elle opère dans des lieux spécifiques, tels que les sites de construction des in-frastructures, les espaces de vie des communautés cibles des programmes de réduction de la pauvreté, les espaces fonctionnels des activités économiques tels que les sites industriels programmes, et, depuis son adoption de la nouvelle économie géographique officialisée dans son rapport sur le développement du monde de 2009, les lieux qu’elle juge à fort potentiel de développement, tels que les espaces urbains fortement connectés.

En travaillant majoritairement à l’échelle nationale, elle opère aussi dans les li-mites des cadres territoriaux établis et de leurs réplications aux niveaux infrana-tionaux. C’est notamment le cas de tous les projets de renforcement de capacités institutionnelles nationales, de l’appui aux politiques macroéconomiques, du tra-vail des contingents de consultants qu’elle emploie pour appuyer la révision des lois et des institutions du pays. Bien que la plupart des activités concrètes et des flux financiers liés à ce type de programme soient principalement concentrés en capitale, c’est bien le territoire tout entier qui est considéré comme champs des opérations.

La Banque opère également au sein de réseaux globaux et localisés. La Banque Mondiale est probablement l’acteur qui jouit de la plus grande quantité et de l’in-tensité la plus forte de connexions au sein et au-delà du système de l’aide. Les réseaux deviennent le champ des opérations dès lors que la Banque travaille, souvent implicitement, à étendre son influence pour que ses manières de faire et de penser le développement fassent autorité au sein du système, en imposant minutieusement ses cadres de référence, son régime de vérité, et l’ensemble des pratiques qui en découlent. La Banque joue sa partition dans les cadres réti-culaires également quand elle noue des alliances stratégiques avec des acteurs

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qui ont pu par le passé exprimer des critiques virulentes à l’encontre de ses po-litiques jugées technocratiques et insensibles aux sorts des populations locales et de leur environnement. Ainsi, depuis les années 1980, la Banque Mondiale a multiplié les collaborations avec des ONG humanitaires ou environnementalistes, des centres de recherche, des consultants. En les intégrant dans son réseau, en leur donnant la possibilité de faire entendre leur voix, la Banque Mondiale peut parvenir à désamorcer une partie de ces critiques. Pour Goldman (2005), La Banque a rétabli sa légitimité en s’engageant proactivement dans la produc-tion d’études et d’évaluaproduc-tions des impacts environnementaux et sociaux. Pour ce faire, elle a tissé des liens plus denses avec des ONG du nord en les impliquant dans les évaluations et la définition de standards. Ce faisant, elle accroît sa légiti-mité en s’alliant à ces acteurs mêmes qui faisaient jadis partie de la contestation.

Enfin, la Banque Mondiale opère également dans le cadre d’échelles spécifiques.

Dans le cas du Laos, plusieurs types d’échelles fournissent le cadre d’action des différents programmes de l’institution : les échelles environnementales, lorsque les interventions sont articulées dans les cadres des bassins versants, des hotspots de biodiversité, ou de différents écosystèmes. Des échelles politiques également, lorsque ses programmes et ses stratégies se déclinent au niveau de régions économiques institutionnelles. Enfin, les stratégies de la Banque Mon-diale ne peuvent être pleinement comprises sans considération pour les articu-lations multiples entre ses différentes échelles d’intervention, de la plus locale à la plus globale, puisque plus que tout autre acteur du système, elle en couvre exhaustivement l’ensemble du spectre.

Du point de vue des principes structurants également, la Banque parvient à jouer de l’ensemble des dimensions sociospatiales disponibles, et de les mobiliser au gré de ses priorités stratégiques.

Le lieu est le principe structurant des programmes incluant des composantes de développement local, tels que le Fonds de la réduction de la pauvreté au Laos par exemple (voir Chapitre 6), et qui vise explicitement les lieux de la pauvreté.

Dans ce type d’approche, le village ou le groupe de villages (Kumban) est consi-déré comme l’unité atomique du processus de réduction de la pauvreté, à partir duquel un effet boule de neige ou tache d’huile peut permettre une diffusion par le bas des conditions permettant aux populations de se développer. En imposant le village comme principe structurant des stratégies d’interventions, un acteur tel que la Banque Mondiale peut poursuivre plusieurs objectifs stratégiques : 1. Parvenir à outrepasser les cadres rigides imposés par un État autoritaire tel

que celui du Laos et atteindre directement les populations, avec des coûts de transaction plus limités.

2. Démontrer auprès des réseaux activistes globaux que les sommes engagées par la Banque bénéficient directement aux populations, et ce faisant, prévenir les critiques potentielles quant à l’utilisation inefficace des budgets de déve-loppement des États contributeurs.

3. Parvenir à décliner certains principes de l’outillage conceptuel du dévelop-pement actuel devenus incontournables, en particulier les principes de par-ticipation publique, qui sont nettement plus difficiles à mettre en œuvre aux

échelles auxquelles le gouvernement est plus fortement présent.

Le territoire national demeure le principe structurant central pour les interventions de la Banque Mondiale, dont l’objectif ultime des interventions est d’influer positi-vement l’évolution macroéconomique du pays, et la mise en place d’un contexte national qui permette l’adoption des principes du néolibéralisme et l’intégration dans l’économie mondiale. Dans un contexte tel que celui du Laos, le territoire comme principe structurant des interventions et des stratégies de la Banque Mondiale est observable par plusieurs aspects : 1) en charge du calcul annuel de l’indice de développement humain, la Banque Mondiale est aujourd’hui devenue le principal fournisseur et diffuseur de données sur le développement des pays.

À travers son portail de données ouvertes, la Banque met ainsi à disposition du public des centaines d’indicateurs de développement, qui sont tous compilés et agrégés au niveau national. Le territoire national est donc l’unité géographique de base pour l’analyse des problèmes et des progrès du développement. Or, même un taux de croissance à deux chiffres peut se traduire au niveau infranatio-nal par l’exacerbation des inégalités, ou par des exterinfranatio-nalités environnementales et sociales importantes, qui ne sont pas reflétées par un tel niveau d’agrégation.

2) En fixant les objectifs de développement au niveau national, la Banque établit un ordre d’importance dans la définition de l’intérêt public. Elle parvient donc à justifier la dégradation des conditions de vie des populations directement impac-tées par certaines externalités de ses programmes en les mettant en perspective avec les intérêts nationaux. Dans le cadre des délibérations sur la construction du barrage Nam Theun 2 au Laos, les membres du conseil des directeurs de la Banque Mondiale ont souvent fait appel à cet argumentaire pour soutenir leur initiative en rappelant que le sort des populations ne pourrait être amélioré en l’absence d’une croissance économique au niveau national (Goldman 2004).

Dans ce cas-ci, la stratégie de la Banque Mondiale rejoint donc celle de l’État laotien. Elle privilégie le territoire au lieu, condamné au sacrifice pour des intérêts supérieurs qui le dépasse. Elle fournit la base de justification des politiques de déplacement des populations ou de dégradation de certains environnements au nom du développement.

La Banque Mondiale est elle-même un nœud dans des réseaux multiples. En tant qu’institution, elle se définit donc par le principe structurant du réseau. Tout d’abord, elle est membre du groupe des Nations unies pour le développement et du groupe de la Banque Mondiale des Nations unies. Elle est elle-même consti-tuée de deux institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le dé-veloppement, qui a 188 États membres et l’association internationale de dévelop-pement, qui en a 172. La Banque Mondiale naît donc de la mise en réseau de ces États autour d’objectifs communs. Ce sont les normes et les rapports de pouvoir au sein de ce réseau qui déterminent le fonctionnement de l’institution, en parti-culier les droits de vote, qui sont attribués proportionnellement aux contributions financières des États membres. Les États-Unis à eux seuls détiennent 15,85

% des votes, suivis du Japon (6,84 %), de la Chine (4,42 %), de l’Allemagne (4

%), de la France et de l’Angleterre (3,75 % chacune). Le Laos, lui, dispose de 0,04 % ! Depuis sa création, la Présidence du groupe a toujours été attribuée à un américain, selon une entente tacite qui attribue la présidence du Fonds

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nétaire International à un Européen. La Banque Mondiale, c’est aussi un réseau international d’experts, de consultants, de centres de recherche, de revues aca-démiques, d’organisations partenaires et d’États bénéficiaires de ses dons et de ses prêts. Ses interventions dans un pays tel que le Laos sont donc déterminées par les besoins spécifiques que la Banque, à travers son prisme analytique, juge prioritaires, et la capacité de l’institution à mobiliser les ressources adéquates en interne, ou par le biais de ses États membres.

Les différentes interventions de la Banque Mondiale sont articulées autours d’échelles spécifiques, dont la définition et la délimitation, qui se font parfois sur des bases douteuses, influent grandement sur le contenu, les intervenants, les bénéficiaires et les résultats des programmes. En ce sens, la définition des échelles d’intervention privilégiées est un principe structurant majeur. La Banque fait partie de ces rares acteurs à être doté d’une capacité à opérer sur l’ensemble du spectre scalaire, du local au global. Mais les échelons intermédiaires ne sont pas limités aux différents niveaux administratifs. Ils incluent également l’intro-duction des nouvelles échelles du développement durable, tels que les écosys-tèmes ou les sysécosys-tèmes socioécologiques. Au Laos, la Banque Mondiale a adop-té un portefeuille scalaire fort diversifié : des communauadop-tés bénéficiaires des programmes de développement local à l’appui aux structures décentralisées, en passant par le bassin versant et les bassins de biodiversité. Comme nous l’avons développé dans le cadre théorique, l’émergence d’une nouvelle échelle n’est ja-mais neutre et exclusivement basée sur des critères scientifiques. La capacité à contrôler et manipuler les flux d’informations, et la façon dont les histoires sont reformulées aux différentes échelles est un élément essentiel des politiques et stratégies spatiales et un instrument de domination (Lebel et al. 2005) largement utilisé par la Banque Mondiale au Laos (Goldman 2005). En vertu de sa straté-gie globale, les stratéstraté-gies locales de la Banque doivent se décliner au niveau régional. Une régionalisation de type institutionnelle l’aurait toutefois mise en compétition directe avec la Banque asiatique du développement et son initiative du grand Mékong. Par conséquent, la Banque a opté pour une définition de la région sur la base du bassin du Mékong. Mais une telle régionalisation, basée strictement sur les limites physiques d’un système hydrographique l’aurait mise face à la difficulté de devoir y intégrer la Chine, où le Mékong prend sa source.

Le cas de la gestion de l’eau est particulièrement intéressant dans cette perspec-tive. Il y a en effet une pluralité de Mékongs (le fleuve, le(s) bassin(s) versant(s), la région) au même titre qu’il y a plusieurs eaux (comme écosystème, comme source d’énergie, comme ressource naturelle) (Sneddon & Fox 2006 ; Sneddon et al. 2002). Dans ce contexte, et en jouant sur ces multiplicités intrinsèques à la ressource, la banque a donc créé sa propre région, qui repose en partie sur des critères géophysiques, tout en s’en écartant sur les aspects qui ne conviennent pas à l’institution. C’est donc en quelque sorte un cas d’école de la politique des échelles théorisée en géographie humaine.

L’adoption des nouvelles échelles de gouvernance socio-environnementale comme principe structurant des interventions a un impact considérable sur leur contenu, les paradigmes d’action qui les sous-tendent, et les interlocuteurs aux-quels elles donnent une voix dans les processus de concertation. Non seulement

la Banque Mondiale, de par son influence importante sur le système de l’aide, parvient à institutionnaliser ces échelles, à les rendre incontournables pour les États emprunteurs et les agences de développement, mais en plus, elle est la principale productrice de connaissances et de normes pour leur mise en appli-cation. Aujourd’hui au Laos, une majorité des fonds investis par les banques de développement sont soumis à des clauses de conditionnalité environnementales.

Ce faisant, la Banque Mondiale intensifie la pression sur les États emprunteurs pour établir ou restructurer leurs agences environnementales et leurs régimes de gouvernance des ressources naturelles.

Le cas du barrage Nam Theun 2 s’étend bien au-delà du simple projet hydroé-lectrique. C’est un projet qui mobilise l’ensemble des forces vives du gouverne-ment, et qui s’attaque à une refonte considérable du système légal, fiscal, et de la gestion des ressources naturelles du Laos, conditions fixées pour l’octroi du prêt et des garanties auprès des investisseurs privés. En adoptant l’échelle du bassin versant, la banque définit également les modalités et les participants de la concertation publique et des mécanismes participatifs qui doivent être mis en place dans le cadre du projet. Ce sont ainsi les acteurs situés géographiquement au sein du bassin versant qui sont consultés. Les limites physiques du bassin opèrent de facto une ségrégation entre le dehors et le dedans, entre les voix qu’il convient d’écouter et celles qui n’ont pas leur mot à dire. Or, l’application de l’échelle du bassin sur une telle problématique revient à opérer une simpli-fication spatiale des ramisimpli-fications du projet, à opter pour une vision limitée à la stricte ressource en eau, quand bien même d’autres réalités y sont directement connectées. Il y a une disjonction spatiale entre l’incidence spatiale directe du projet et ses retombées globales. Si ce sont les populations locales qui sont en première ligne des externalités négatives (déplacement forcé, altération des moyens de subsistance, dégradation des écosystèmes), c’est à d’autres niveaux que se situent les retombées positives : l’énergie est principalement produite pour la Thaïlande voisine. Les revenus générés par le barrage sont reversés au niveau national, ou capitalisés par les investisseurs détenant des parts dans le capital, et dont la plupart sont basés hors du territoire laotien (ex : Électricité de France [EDF], qui détient 40 % des parts).

Il est difficile de caractériser de manière explicite l’espace de dépendance de la Banque Mondiale en tant qu’organisation. On ne peut pas le limiter à la localisa-tion physique de l’institulocalisa-tion — dont le siège est basé à Washington — ou de ses bureaux nationaux dans différents pays. On pourrait alors plutôt considérer que son espace de dépendance est global, puisqu’au final, le mandat de l’institution financière consiste à atteindre deux objectifs globaux : éradiquer la grande pau-vreté, et créer les conditions pour une plus grande équité (World Bank, 2014).

Dans cette perspective, les espaces de dépendance et d’engagement se re-joignent pour former un même ensemble.

Mais il est possible de donner une autre lecture à la situation : la Banque mon-diale comme espace d’engagement, ou comme un outil de conquête des es-paces d’engagement pour les différents acteurs du système de l’aide. En effet, l’organisation est une arène dans laquelle les différents acteurs (États membres) exercent leur influence respective (votes, contribution financière, production de

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savoir et d’information, etc.), dans l’objectif de promouvoir leurs propres intérêts : sécuriser leur espace de dépendance ; c’est à dire, dans la plupart des cas, le pays qu’ils représentent. La Banque peut être donc considérée sous deux angles. Celui de sa propre spatialité, et celui de son instrumentalisation par les membres qui la composent, dans leurs propres stratégies spatiales.

Au final, le double objectif de la Banque Mondiale, explicité plus haut, oriente la plupart de ses actions concrètes vers les pays les moins développés, où l’on retrouve les phénomènes de pauvreté et d’inégalité à une fréquence et une in-tensité plus importante. D’une certaine manière, l’existence de pays moins déve-loppés justifie l’existence même de l’institution.

Dans ces espaces globaux de la pauvreté et des inégalités, la Banque n’a néan-moins pas le monopole de l’espace d’engagement, qu’elle doit partager avec les autres acteurs du développement, notamment dans un contexte d’émergence de nouvelles banques multilatérales qui viennent contester sa toute-puissance, telles que la nouvelle banque de développement des BRICS dont la création est menée par la Chine.

Son espace d’engagement global fournit aussi le cadre d’action pour les réseaux d’activisme qui viennent la contester sur ce terrain, en mobilisant les problèmes locaux que génèrent ses politiques et interventions et les cadres de références globaux du développement durable dont elle a elle-même fortement contribué à l’émergence et à la diffusion. Comme nous l’avons vu plus haut, le cas de la définition de la région du Mékong pour la stratégie de la Banque Mondiale de manière à éviter la concurrence avec la Banque asiatique du Développement, la Chine et la Commission du Mékong, témoigne bien de la capacité de la banque à instrumentaliser les dimensions sociospatiales à son avantage. La banque est capable de jouer sur tous les fronts : bien que le territoire reste son terrain de prédilection, elle parvient à en dépasser les limites en déclinant ses interventions dans le cadre spatial des lieux, des échelles, et en mobilisant les réseaux néces-saires pour que son expertise fasse autorité. Elle influence les gouvernements pour que leur gestion du territoire institutionnalise ces cadres d’interventions en envoyant des cohortes de consultants dont les termes de référence sont formu-lés en conséquence, et qui fournissent l’expertise technique pour la révision des lois, des politiques, des régimes institutionnels et des modes d’intervention. La flexibilité dont elle jouit en partie du fait de son capital spatial lui donne même

Son espace d’engagement global fournit aussi le cadre d’action pour les réseaux d’activisme qui viennent la contester sur ce terrain, en mobilisant les problèmes locaux que génèrent ses politiques et interventions et les cadres de références globaux du développement durable dont elle a elle-même fortement contribué à l’émergence et à la diffusion. Comme nous l’avons vu plus haut, le cas de la définition de la région du Mékong pour la stratégie de la Banque Mondiale de manière à éviter la concurrence avec la Banque asiatique du Développement, la Chine et la Commission du Mékong, témoigne bien de la capacité de la banque à instrumentaliser les dimensions sociospatiales à son avantage. La banque est capable de jouer sur tous les fronts : bien que le territoire reste son terrain de prédilection, elle parvient à en dépasser les limites en déclinant ses interventions dans le cadre spatial des lieux, des échelles, et en mobilisant les réseaux néces-saires pour que son expertise fasse autorité. Elle influence les gouvernements pour que leur gestion du territoire institutionnalise ces cadres d’interventions en envoyant des cohortes de consultants dont les termes de référence sont formu-lés en conséquence, et qui fournissent l’expertise technique pour la révision des lois, des politiques, des régimes institutionnels et des modes d’intervention. La flexibilité dont elle jouit en partie du fait de son capital spatial lui donne même