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La « République en Armes »

Les Guerres de l'Indépendance cubaine

A. Origines historiques

II. Les Guerres : périodisation et continuité

2) La « République en Armes »

Contrairement à ce qui s’était passé pendant la Guerre de Dix Ans, les options stratégiques de la Guerre de 1895 avaient été planifiées dans la période préparatoire. Martí souhaitait une guerre la plus brève possible ; conscient de la concentration sur l’effort militaire que cela impliquait, il avait soutenu les généraux Gómez et Maceo dans cette priorité du militaire. Ceux-ci, forts de leurs expériences et loin de souhaiter que la guerre s’éternisât, étaient néanmoins conscients qu’une victoire-éclair était impossible, et que le conflit durerait forcément. Il fallait donc concevoir une forme constitutionnelle et gouvernementale qui, tout en répondant à l’impératif de la pratique démocratique, soutiendrait inébranlablement la stratégie militaire. Maceo et Martí s’opposèrent sur la question pour la dernière fois lors de leur entrevue de La Mejorana. Maceo estimait qu’en période de guerre, le commandement militaire devait bénéficier de toute liberté d’action, et qu’en conséquent, les pouvoirs devaient être concentrés sur le militaire176

. Ce serait une fois la victoire acquise que l’on pourrait se donner des institutions républicaines et démocratiques. La conception de Martí, au contraire, reposait sur le postulat qu’il ne fallait pas attendre la fin de la Guerre pour voir fonctionner ces institutions. Leur existence et leur exercice étaient encore les meilleures armes contre les dérives autoritaires ou caudillesques qui avaient été la norme sur le continent.

a) La République de Jimaguayú

Le 13 septembre 1895, les vingt délégués élus par les cinq Corps de l’Armée de Libération se réunissaient à Jimaguayú. La plupart était issue des classes moyennes et la

plupart n’était pas des Vétérans. Trois tendances cohabitèrent : une tendance « traditionaliste » – qui prétendait renouer avec l’esprit de Guáimaro – derrière Cisneros Betancourt –, une tendance « militaire » – qui, par la voix de Portuondo Tamayo, défendait les positions de Maceo, et enfin une tendance « civiliste » – derrière Enrique Loynaz del Castillo et Fermín Valdés Domínguez influencés par les conceptions de Martí.

Un consensus s’établit autour de la séparation des pouvoirs et de la concentration de l’exécutif civil et militaire en la personne d’un président. Après que Máximo Gómez en eut décliné l’offre, l’Assemblée décida de la création d’un Conseil de Gouvernement, qui concentrerait les pouvoirs afin de ne pas alourdir le dispositif gouvernemental Le premier conseil était présidé par Cisneros Betancourt, Bartolomé Masó en était vice-président, Roloff occupait le secrétariat d’Etat à la guerre, Portuondo Tamayo le Secrétariat d’Etat, García Cañizares celui de l’Intérieur et Pino María celui des Finances. Ces dispositions reflétaient une volonté d’efficacité, qui n’allait pas dans le sens de l’exercice de la démocratie tel qu’il avait pu être tenté en 1868 : il n’y avait plus d’Assemblée législative.

La rupture avec les conceptions de Guáimaro se traduisait également par la large autonomie accordée au Général en Chef, destinée à lui permettre de mener à bien sa mission militaire, la victoire. Cette fois, Gómez accepta, d’autant plus qu’il était interdit au Conseil d’intervenir dans les questions militaires. Cette dernière disposition s’accompagnait néanmoins d’une clause d’exception sur laquelle nous reviendrons. Le Général en Chef, nommé par le Président, avait sous son commandement unique et direct l’Armée de Libération. De plus Gómez demanda la nomination de Maceo comme Lieutenant-Général et subordonné direct.

Administrativement, le pays fut organisé en six régions. Ces régions furent divisées en préfectures – centres politiques et administratifs – et sous-préfectures. Le travail agricole ou artisanal, sa division et la répartition de son produit, étaient gérés dans ce cadre. Ainsi, la Constitution de Jimaguayú organisait également les structures civiles et les relations économiques de la société républicaine, sur des bases différentes de celles de la société coloniale. C’est dans une certaine mesure ce qu’avait souhaité Martí, dans son Utopie de République sociale et révolutionnaire. Néanmoins, l’application de ces dispositions se présentait comme la traduction dans la vie quotidienne de l’effort de guerre. De plus, elle se limitait à l’organisation du monde civil du travail, mais ne laissait pas la possibilité aux populations civiles d’y participer de manière décisionnelle.

C’est ce même caractère que l’on peut relever dans l’esprit de la Constitution. Avec la mort de Martí, le contenu social et égalitaire de la République – tel que le défendait également Maceo – se vit diminué. La Constitution ne tendait pas à créer le cadre et les mécanismes susceptibles de permettre au peuple entier de Cuba Libre de se faire entendre et de participer à l’exercice du pouvoir politique et des décisions collectives. Cet infléchissement serait pourtant moins marqué que celui qui allait s’opérer à la direction de l’émigration : peut-être fut-ce parce que les personnalités à la pensée la plus radicale – et l’état-major de Maceo concentrait quelques jeunes éléments notables de cette tendance – étaient déjà dans la « manigua » et en mesure de maintenir une relative continuité dans la pensée sociale.

Car, même si cette dimension du discours martinien était quelque peu laissée de côté, la Constitution instituait littéralement le cadre idéologique et politique de la République en Armes. Il était inscrit dans la Constitution que le Traité de paix avec l’Espagne devrait obligatoirement prendre comme base l’indépendance absolue de l’île de Cuba.

Ce glissement, attesté par la Constitution, du projet de République sociale telle que l’avait conçue Martí – à la fois moteur et émanation des profonds bouleversements structurels de la société – vers une projet de « République cordiale »177

allait être progressif. L’inflexion du discours idéologique et de la stratégie politique de la Direction du Parti Révolutionnaire Cubain, après la mort de Martí, l’alimenterait pour beaucoup. Nous reviendrons sur la question de l’émigration. Mais d’ores et déjà, à la fin de l’Invasion, la prise en compte et la préservation des intérêts de la bourgeoisie cubaine allaient provoquer de graves dissensions entre le Conseil de Gouvernement et le Général en Chef.

On le sait, un des aspects de la stratégie militaire de Gómez, adoptée par Maceo, était la destruction de l’économie susceptible de renforcer l’Espagne. Mieux qu’en 1868, Gómez et Maceo mettaient en pratique la « Tea ». L’obsession des Gouverneurs militaires espagnols de pouvoir assurer « la prochaine récolte » était en soi un indicateur de la pertinence de cette analyse : permettre la récolte, c’était à la fois assurer l’activité économique, ne pas s’aliéner les « hacendados » créoles, et leur confirmer le caractère indispensable de la présence espagnole. C’était aussi inciter les planteurs à ne pas se défaire de travailleurs agricoles, ces « macheteros » souvent noirs, afin d’éviter qu’ils ne rejoignent les insurgés. Le Conseil de Gouvernement, mu par des considérations pragmatiques – négocier la destruction des cultures permettait la récolte de l’impôt révolutionnaire ; rechercher une alliance politique avec un secteur de la bourgeoisie créole ; protéger les propriétés complaisait dans une certaine mesure

aux gouvernements étrangers, et notamment nord-américain, dont on recherchait l’appui diplomatique – et par les pressions de la Direction Révolutionnaire new-yorkaise, tenta de freiner Gómez et Maceo.

Après le succès de l’Invasion d’Occidente, la permanence de l’activité de Maceo dans le centre productif de l’île leur posait problème. Lorsque Gómez demanda des renforts en contingents et en armes afin de soutenir cette campagne de destruction essentielle et menacée par le quadrillage de Weyler dans la région, le Conseil de Gouvernement fit la sourde oreille. Evoquant la clause d’exception qui lui permettait une relative ingérence dans les affaires militaires, il campa sur sa position, poussant Máximo Gómez à mettre sa démission dans la balance. Au nom de la même clause, le Conseil autorisait peu après le traitement et le commerce de la canne, ainsi que l’exploitation du café. Non seulement ces mesures entraient en contradiction avec l’esprit de la stratégie militaire, mais elles freinaient concrètement la bonne marche des opérations. Ce fut à cette occasion que Gómez demanda à Maceo de bien vouloir quitter le front et d’entreprendre la traversée de l’île pour le rejoindre et le soutenir. Maceo y laissa la vie à San Pedro.

Une autre ingérence allait créer un contentieux supplémentaire. Elle se révélait également la conséquence de l’infléchissement de la Direction à New-York. Si elle était – seulement en apparence – moins directement pernicieuse à la conduite de la Révolution, elle traduisait un revirement qui mettait en cause tout le projet révolutionnaire égalitaire. Prétextant que la présence d’officiers noirs portait préjudice à la Révolution – soucieux surtout de voir des hommes d’origine populaire, de plus noirs et mulâtres, aux rênes du processus – ceux dont Estrada Palma s’était fait le porte-parole convainquirent le Conseil de révoquer José Maceo, alors à la tête de l’Armée d'Oriente. Le Conseil nomma à sa place Mayía Rodríguez, alors à Las Villas. José Maceo refusa d’appliquer un ordre qui n’émanait pas de son unique supérieur, le Général en Chef Gómez. Mayía Rodríguez, inconscient des sous-entendus de l’affaire, fit son rapport. Gómez prit très mal l’affaire, et remit sa démission au Conseil. La réunion de l’Assemblée de la Yaya allait, heureusement calmer le jeu, sans pour autant pouvoir régler le fond du problème.

b) L’Assemblée de la Yaya

A Jimaguayú, avait été prévue la réunion d’une seconde Assemblée, ayant pouvoir pour réviser la Constitution et élire un nouveau Conseil, au cas où la guerre durerait encore.

Les Représentants nouvellement élus se réunirent à Aguará, puis à La Yaya, en septembre 1897,dans des circonstances complexes : le succès de la campagne de l’Armée de Libération, l’infléchissement de la Direction du Parti Révolutionnaire Cubain, le conflit entre Gómez et le Conseil de Gouvernement, les propositionsespagnoles en vue de l’établissement d’un statut autonomique, et les croissantes marques d’intérêt des Etas-Unis.

Mais le point crucial était le conflit entre Gómez et le Conseil - conflit qui semblait une résurgence destructrice des dissensions de la Guerre de Dix Ans. L’Assemblée prit le parti de Gómez et décida d’assumer sa vision stratégique et politique. Les relations hiérarchiques furent redéfinies en ce sens : à partir du 30 octobre, le Conseil était tenu de consulter les militaires avant de prendre toute mesure susceptible d’influencer la politique de la guerre. Le point de vue de Gómez prévalut également dans la composition du nouveau Conseil. Seule la réélection de Bartolomé Masó, comme président cette fois, assurait une relative continuité avec l’équipe antérieure.

La deuxième question débattue était portée par les revirements tactiques et politiques de l’Espagne et des Etats-Unis . L’Assemblée de la Yaya décida de rester sur la position de l’obtention de l’indépendance absolue. C’était le renforcement d’une décision fondamentale, qui répondait sans équivoque aux propositions espagnoles, soutenues par les Autonomistes de Cuba, et aux vélléités annexionnistes émises depuis les Etats-Unis par leur gouvernement et par certains secteurs de l’émigration.

Enfin, l’Assemblée protégeait la Révolution en réservant l’accession aux postes suprêmes de la République aux Cubains ayant servi plus de dix ans la cause indépendantiste. Cette mesure visait principalement à écarter les « Indépendantistes de la dernière heure », notamment les récents émigrés new-yorkais, suspectés à juste titre de vouloir réviser à leur convenance la politique et le projet révolutionnaires. Elle assurait également une forme de pérennisation de l’Indépendantisme historique et démocratique. Elle présentait pour finir l’inconvénient d’exclure la jeune garde, qui n’était pas la moins radicale du panorama politique de la République en Armes.

Les Représentants de l’Assemblée de La Yaya, par l’esprit et le contenu des mesures qu’ils adoptèrent, répondirent directement aux tendances politiques consensuelles émergentes dans l’émigration et au sein de la République, rejoignant les critères de Gómez et de Maceo ; mais, ce faisant, ils renforcèrent la Révolution, la Révolution du peuple, et mirent en échec la tendance aux concessions à la bourgeoisie cubaine, concessions politiques et économiques préjudiciables à l’intérêt du plus grand nombre.

Le respect des décisions de cette Assemblée, peut-être grâce – qui sait ? – à la clause limitative sur les fonctions présidentielles, se manifesta lors de la promulgation du Manifeste de Sebastopol par le président Masó, le 24 avril 1898. Quelques jours à peine après l’Intervention nord-américaine et l’appel du gouvernement colonial à une union hispano- cubaine contre les Etats-Unis, le Président réaffirmerait l’objectif inaliénable de l’obtention de l’indépendance absolue, synthétisée dans la devise : « Independencia o muerte ».

3) L’émigration

Dans l’émigration cubaine, une évolution bien différente s’était amorcée. Pourtant, contrairement aux coûteuses désaffections de 1868 et de 1879, grâce à la constance de la mobilisation populaire et grâce à l’organisation rigoureuse des émigrations au moyen du Parti Révolutionnaire Cubain, les émigrés assumèrent cette fois pleinement leur rôle essentiel d’auxiliaires des combattants. Il nous faut, pour comprendre ce qui se passa dans cette émigration, distinguer d’une part la Direction du Parti Révolutionnaire Cubain – représentée par le délégué Tomás Estrada Palma après la mort de Martí – du Parti Révolutionnaire Cubain, dont la composante populaire majoritaire était très largement fidèle aux conceptions et au projet de Martí. Il faut également ne pas considérer l’émigration cubaine comme un ensemble homogène géographiquement, ni surtout socialement, ni politiquement.

La composante ouvrière de l’émigration patriotique aux Etats-Unis avait progressivement déserté New-York pour rejoindre les zones d’activité économique susceptibles de fournir du travail. La base populaire du Parti Révolutionnaire Cubain se trouvait donc principalement en Floride. Elle constituait, pour les raisons que nous avons abordé précédemment, la fraction la plus fidèle au projet martinien. Géographiquement éloignée du siège du Parti, mise peu à peu à l’écart du pouvoir décisionnaire, elle continua à favoriser l’union : en ne s’opposant pas à l’infléchissement de la politique du Parti, ce qui aurait pu l’affaiblir ; en continuant à soutenir l’effort de guerre des « Mambis ». Cependant, elle continua à diffuser et défendre le projet de Martí, à une échelle, hélas, relativement réduite.

Le centre nerveux du Parti se situait donc à New-York. Martí, dans les années consacrées à l’unification du mouvement indépendantiste, avait eu du mal à rallier les patriotes new-yorkais, dont beaucoup montraient de très fortes réticences envers le projet de République populaire de Martí. Sincèrement ralliés à la cause indépendantiste, ces Cubains souhaitaient l’avènement d’une République, certes, mais d’une République bourgeoise excluant tous contenus socialisants. Le ralliement de personnalités comme Estrada Palma et Gonzalo de Quesada avait permis alors l’intégration de ce groupe new-yorkais au mouvement.

Néanmoins, après le départ puis la disparition de José Martí, ces éléments se retrouvèrent en charge du Parti Révolutionnaire Cubain. Martí, lui-même avait pressenti Estrada Palma comme son successeur. Cela ne suffisait certes pas à le faire nommer Délégué. D’autres facteurs comme sa participation à la Guerre de Dix Ans, ses fonctions de Président de la République en Armes, son refus de retourner à Cuba tant que l’île serait une colonie, sa modeste situation sociale, contribuèrent – et continueraient ultérieurement à contribuer – à son prestige et à sa réputation d’intransigeance.

Estrada Palma et le groupe qui le soutenait, craignaient à plusieurs titres les implications du déroulement de la Révolution à Cuba. Depuis longtemps, ils se méfiaient de Máximo Gómez et d’Antonio Maceo, leur supposant des intentions caudillesques et redoutant leur popularité. Un des autres motifs de leur défiance était la participation active et la présence majoritaire du peuple de Cuba. Dans leur esprit, les populations blanches et de couleur étaient susceptibles de s’allier et de menacer, par une révolution ultérieure, la société libérale qu’ils envisageaient de mettre en place. Si bien que le caractère de plus en plus marqué des préoccupations sociales de Gómez et de Maceo, leur laissait entrevoir une alliance de ces chefs militaires et de la population qui les laisserait perdants. Leur vision quant à l’avenir de Cuba et au système qu’il leur convenait d’y implanter avait par ailleurs été influencé, au cours de leur expérience aux Etats-Unis, par les conceptions de la « démocratie à l’américaine ». Ce modèle politique répondait à leurs préoccupations en instaurant les élites économiques et blanches comme les seules aptes à diriger le destin de la collectivité nationale. Les Etats-Unis n’étaient-ils pas, pour une grande partie de la bourgeoisie créole blanche, le modèle socio-économique, l’image du progrès et de la modernité sur cette terre depuis longtemps déjà ?

En septembre 1895, le Conseil nomma Estrada Palma Représentant Diplomatique unique, aux pouvoirs illimités, de la Révolution aux Etats-Unis. Cette nomination, qui s’accompagnait aussi des nominations de Gonzalo de Quesada et de Guerra à des postes complémentaires, renforça la position de ce groupe au sein de l’émigration. Elle renforça aussi énormément le poids personnel d’Estrada Palma, qui cumulait charge diplomatique et délégation du Parti. Il se permit alors de revoir les statuts du mouvement, afin de pouvoir garder sa délégation sans avoir à passer par la sanction du suffrage. Le discours officiel du Parti évolua à partir de ces années : on ne parlait plus de bouleversements sociaux, on parlait moins d’égalitarisme, on oubliait Porto Rico... La pensée de Martí, dans les textes qui s’y référaient, perdait son contenu social au profit de son côté moral et indépendantiste. Déjà il acquérait ces caractéristiques minimales sur lesquelles nous reviendrons dans la prochaine partie.

Deux nouvelles données, intrinsèquement liées, allaient accélérer cette dérive. Une fois la Campagne d’Invasion de Maceo et de Gómez achevée, les deux généraux s’attaquèrent à l’activité économique en Occidente. C’était une stratégie peu prisée par ces libéraux modérés de New-York.

De plus, consécutivement à l’implantation du front en plein centre producteur et aux portes de la capitale, la bourgeoisie cubaine alla se mettre à l’abri à l’étranger. New-York était l’un des centres les plus attractifs. Cette population d’anciens Autonomistes et d’anciens réformistes renforça le courant mitigé de Estrada Palma et tenta, depuis l’intérieur de l’indépendantisme, d’influencer la direction de la guerre par ses manœuvres visant à limiter ou arrêter la « Tea » – qui menaçait quelquefois leurs propres terres – et à éliminer les chefs trop populaires – dans la double acception de ce dernier terme.

Ces nouveaux arrivants contribuèrent aussi certainement à modifier le regard des Nord-américains. Déjà des hommes comme Estrada Palma représentaient une certaine élite sociale et étaient considérés comme des interlocuteurs respectables. Mais ces émigrés-là étaient des hommes d’affaire et avaient des contacts auprès de leurs homologues new-yorkais. La version, l’interprétation et les objectifs de la Révolution selon les premiers étaient plus en phase avec les intérêts des seconds. La campagne de presse anti-espagnole et pro-cubaine ne dépendait-elle pas aussi de ces contacts et de cette écoute nouvelle ? De plus, ces « hacendados », qui avaient besoin que cessât la guerre avant que leurs propriétés ne fussent détruites, jouaient la carte de l’intervention diplomatique nord-américaine. Or jouer cette

carte équivalait à mettre en avant les intérêts privés que des investisseurs pourraient trouver dans le cadre d’une Cuba indépendante.

Mais en 1897, les décisions de l’Assemblée de La Yaya les mettaient en échec vis-à- vis de Gómez. C’est certainement une des raisons pour laquelle ces Cubains se tournèrent plus résolument vers l’option nord-américaine. L’obtention de la belligérance – au tout au