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Les mouvements précurseurs

Les Guerres de l'Indépendance cubaine

A. Origines historiques

3) Les mouvements précurseurs

Car la nationalité cubaine ne surgit pas, soudainement, en 1868, à Yara65 et Yara ne fut

pas la première manifestation armée contre le système colonial espagnol. Révoltes et conspirations ponctuaient l’histoire de la colonie et particulièrement son dix-neuvième siècle.

Le Roman des Guerres se référa quelquefois à certains de ces antécédents, interprétés comme l’affirmation de la combativité des Créoles, la persistance du désir d’émancipation et la justification de la guerre comme unique recours. La relecture que nous remarquions précédemment au sujet de l’histoire coloniale, fut ici aussi manifeste. Or, non seulement les conspirations et insurrections fondatrices étaient sélectionnées – le caractère social en étant complètement oblitéré –, mais elles étaient vidées de leur projet politique ou social et traitées de manière indifférenciée. Nous reviendrons plus tard sur ces aspects qui relèvent de l’analyse du discours idéologique et politique sur la Nation.

Nous voulons ici retracer l’évolution de ces mouvements, et montrer comment ils sont aussi, de fait, constitutifs d’une culture commune, qui s’inscrit d’abord dans le cloisonnement social et racial pour évoluer progressivement vers l’unification. Nous avons distingué dans ces révoltes qui, réprimées très durement, ne purent jamais déclencher une insurrection générale, les rébellions sociales des politiques. Les premières sont directement liées à la question de l’esclavage. Les aspirations des esclaves ou des affranchis révoltés se limitaient à l’obtention de la liberté, plus tard à celle de l’abolition. Le caractère « racial » compromit la solidarisation d’autres secteurs de la population. Les secondes contestaient le Pacte colonial, les Créoles blancs se limitant à la question de la séparation politique. Elles ne furent généralement pas soutenues par la population de couleur, libre ou esclave, ni par les couches les plus défavorisées de la population blanche. La dissociation des questions de l’esclavage et de l’indépendance servit de toute évidence les intérêts coloniaux : elle marginalisait et isolait les acteurs de ces conflits sporadiques. Cette incapacité à lier abolition et système colonial ne disparaîtrait qu’avec le discours de 1868, au terme du processus de mutation de la société cubaine – dégénérescence des structures esclavagistes et insertion de Cuba dans un système de marché international capitaliste.

Puisque nous considérons l’aspiration à la liberté des esclaves comme une des composantes de l’Utopie de 1868, il nous faut évoquer l’histoire sociale des révoltes esclaves, celle du marronage et des «palenques»66

, celle des conspirations et de leur répression meurtrière67.

Il est difficile de pouvoir recenser ces rébellions, individuelles ou collectives, spontanées ou organisées, de façon détaillée, sinon exhaustive. Leyda Oquendo68 le souligne,

et l’explique par le fait que les autorités espagnoles souvent n’ont pas gardé trace des révoltes, de petite ou de moyenne importance, qu’ils purent contrôler. Ces limitations, cependant, n’empêchent pas d’en discerner les caractéristiques principales. La première est la persistance de la rébellion esclave69. La seconde est l’évolution des formes et de la fréquence de la

révolte. Initialement, dans un système patriarcal, le marronage était une pratique individuelle ou de petits groupes. Avec le développement de l’économie de plantation dans les dernières décennies du XVIIIème, avec l’exploitation toujours plus brutale de la force de travail servile, le phénomène prit de l’ampleur. Le marronage existait partout à Cuba (et particulièrement en Oriente) et sous une forme collective.

L’historien cubain José Luciano Franco70, qui a montré la permanence des

« palenques » tout au long de la colonie et leur incorporation aux contingents indépendantistes de 1868, estime qu’ils furent, au cours des premiers siècles « los únicos signos de la inconformidad con el régimen colonial»71

. S’il y eut toujours des « palenques », c’est à partir des dernières décennies du dix-huitième siècle qu’ils furent les plus nombreux et les plus importants, tel le « Gran palenque de El Frijol » qui, en 1815, regroupait en Oriente 300 marrons, hommes et femmes. Leur survie dépendait de leur clandestinité, mais ils entretenaient avec « l’extérieur » des relations allant de l’approvisionnement dans les haciendas à l’action armée. Les Crónicas de Santiago de Cuba de Emilio Bacardí permettent de constater comment la population était alors marquée par la crainte des actions des marrons. Attaques, pillages, incendies des champs de canne72 faisaient planer la menace de l’extension

de l’insoumission, voire une prise de contrôle territorial par les marrons. Ils étaient également incitatifs : non seulement il était possible d’échapper au système de la servitude, mais la révolte devenait possible puisqu’on pouvait se rallier à ces groupes organisés.

D’ailleurs, les soulèvements massifs d’esclaves furent souvent liés aux « palenques », dans la mesure où les insurgés, victorieux et en fuite, en rejoignaient ou en fondaient un. Ces révoltes jalonnèrent toute l’histoire de la Cuba esclavagiste : soulèvements répétés dans les plantations de La Havane, de Puerto Príncipe et de Trinidad en 1792, 1793, 1795 et 1796,

rébellion d’esclaves au Camagüey en 1796, soulèvements de 1812 à Puerto Príncipe et dans les « ingenios » havanais des zones de Guanabacoa et de Jaruco, mutinerie à La Havane en 1841, insurrections en 1842 principalement dans la zone de Cárdenas, et série de rébellions de 1843, liées ou non à la conspiration de « La Escalera » et réprimées dans le sang73. Leur

déclenchement était lié aux événements régionaux et internationaux comme l’application de la « loi des Français » à Saint Domingue, puis la campagne abolitionniste anglaise. Pareillement, la présence du consul anglais abolitionniste David Turnbull74

à La Havane, et l’écho des actions qu’il intentait afin de contrecarrer les activités des négriers qui refusaient le traité avec l’Angleterre75

, créa un climat de confiance : les esclaves de plusieurs plantations de café et des sucreries se soulevèrent ; même à La Havane, les ouvriers qui travaillaient à la construction du palais de la famille Aldama se mutinèrent.

Enfin, dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, l’effritement de la société esclavagiste ayant facilité, malgré certaines contradictions76

, l’intégration, la petite bourgeoisie noire nouvellement constituée promut de nouvelles formes de rébellions conspiratrices : celles dont l’organisation fut la plus complexe et le discours le plus avancé furent les plus tardives. Leur objectif était généralement l’obtention de l’abolition ; elles n’avaient cependant pas un caractère racial exclusif et bien souvent on retrouvait dans les rangs des conspirateurs des Noirs, des Mulâtres et des Blancs.

Ceci fut une caractéristique de la plus ancienne de ces conspirations, organisée en 1795 par Nicolás Morales, affranchi, à Bayamo. Elle fut découverte par les autorités espagnoles et le Lieutenant Gouverneur Sánchez Griñán, avant d’avoir éclaté. Morales tentait de s’assurer la participation des esclaves, mais aussi des paysans noirs et blancs. Ses objectifs – égalité des Mulâtres et des Blancs, annulation de certains impôts, répartition des terres agraires, mesures contre la sécularisation de la société – révèlent une formation politique certaine, et l’influence des idées jacobines.

En 1812, la conspiration d’Aponte, artisan affranchi, s’inscrivit dans le contexte politique du rejet par les Cortès espagnoles du projet d’abolition en 1812. Pour la première fois, une conspiration avait une envergure nationale, puisqu’elle était soutenue dans les provinces de La Havane, de Camagüey et d’Oriente77

. Mais elle avait aussi des ramifications à l’étranger. Ce projet conspirateur organisé avec rigueur trouvait auprès des esclaves, des artisans, blancs ou noirs, et des « bataillons de couleur », sa base populaire. Aponte fut arrêté en août 1812 et le réseau fut démantelé.

Le doute subsiste toujours quant à la réalité de la conspiration dite « de la Escalera », en 1843-1844. Elle fut découverte dans un contexte d’agitation sociale : dans toute l’île les soulèvements se multipliaient. De plus, les autorités espagnoles avaient été informées de conspirations abolitionnistes en nombre croissant. Le Gouverneur Général O’Donnell déclencha une opération de répression ou de prévention judiciaire et militaire d’envergure. Il s’acharna particulièrement sur les esclaves, sur la petite et la moyenne bourgeoisie noire, dans le but de mater cette population dont l’origine et le statut social en faisaient un véritable vivier abolitionniste78. Mais la population de couleur, bien qu’elle ait été la cible la plus

impitoyablement brisée, ne fut pas la seule victime. Les réformistes cubains qui se montraient réceptifs à l’idée abolitionniste, dont José de la Luz y Caballero et Domingo del Monte, eurent à répondre de leur potentielle participation à cette conspiration. Cette répression légitima enfin le renforcement des mesures policières et coercitives, et ceci plus particulièrement dans les campagnes79

.

La seconde catégorie de mouvements précurseurs, telle que nous l’avons définie plus haut, est constituée des conspirations et des quelques tentatives insurrectionnelles visant à renverser l’ordre politique. Fomentées par des membres de la bourgeoisie créole, leurs objectifs sont parfois contradictoires et ambigus. En effet, le désir de changement des structures politiques répondait à la volonté d’obtenir une plus grande autonomie économique vis-à-vis de l’Espagne.

La présence d’agents étrangers, nord-américains, anglais et colombiens principalement, est aussi une caractéristique de ces mouvements. D’une part, ces nations pouvaient trouver un intérêt à promouvoir ou fomenter une révolte contre l’Espagne : pour les Hispano-américains, l’éviction de l’ancienne métropole aurait été une sécurité ; pour les Nord-américains, qui avaient déjà tenté d’acheter l’île, elle aurait permis, dans le cadre de leur politique expansionniste, de prendre possession d’un point stratégiquement important ; les Britanniques, quant à eux, menaient dans la région une guerre impérialiste contre l’Espagne, sous l’étendard abolitionniste. D’autre part, les Créoles recherchaient le soutien d’un pays qui leur apporterait une aide effective dans le processus d’accession à l’indépendance et la garantie du maintien de l’ordre social.

Dans les projets indépendantistes, la question sociale était quelquefois prise en compte et la participation de la population de couleur était recherchée. L’abolition de l’esclavage n’en était pas pour autant un point central des revendications indépendantistes.

Le cas des premières agitations de caractère nettement séparatiste dans les années 1809-1812, qui avortèrent du fait de la surveillance policière espagnole, est à cet égard remarquable. En 1812, Joaquín Infante rédigea le premier projet de Constitution de Cuba qui fut adoptée à La Havane par les conspirateurs. Menacé, il dut s’enfuir au Venezuela. Il y fit éditer, la même année, ce texte dans lequel l’organisation esclavagiste de la société n’était absolument pas remise en cause.

A partir de la fin du dix-huitième siècle, la franc-maçonnerie, en grande partie sous l’influence des Français immigrés en Oriente, se développa à Cuba. Cette première période de l’activité maçonnique atteignit son apogée dans les années 1820, juste avant que la chute du régime constitutionnel espagnol n’entraînât son interdiction en 1824, et que le gouverneur général Vives ne s’attachât à étouffer le mouvement. Il serait inexact d’affirmer que les loges maçonniques des différents rites ont permis la diffusion de l’idée indépendantiste. Cependant, la présence accrue au sein des Loges, de Créoles soucieux de la question politique infléchit leurs activités vers l’engagement indépendantiste. Par ailleurs, comme le souligne E. Torres- Cuevas80

, il faut différencier les activités d’indépendantistes au sein des Loges maçonniques des activités des membres de sociétés secrètes maçonniques aux buts politiques. Les liens entre ces structures étaient cependant très étroits, comme l’illustrèrent les cas de la conspiration de 1822-182481, dite des « Soles y Rayos de Bolívar », de celle de 1829 dite

Conspiration « del Águila negra » et de celle de la « Cadena Triangular y Soles de la Libertad » en 1837.

La « Conspiration de Vuelta Abajo » occupe une place de choix dans la liste des antécédents révolutionnaires cités dans les romans des Guerres. Dans un climat de mécontentement, de rumeurs d’expéditions annexionnistes organisées aux Etats-Unis et de signes d’organisation de soulèvements destinés à les soutenir, les autorités espagnoles découvrirent en 1852 des réserves d’armes à La Havane. Le directeur du journal clandestin, La Voz del pueblo. Órgano de la Independencia, était impliqué dans cette conspiration, organisée depuis La Havane, et à laquelle participaient, entre autres, Anacleto Bermúdez et, peut-être, le Comte de Pozos Dulces. Ils voulaient préparer un soulèvement dans la région de Vuelta Abajo là même où Narciso López avait échoué l’année antérieure.

Dans le cas des insurrections annexionnistes82, qui visaient à proclamer l’indépendance

puis à demander le rattachement à un autre pays, les revendications passaient sous silence la question de l’esclavage : en fait, la demande d’annexion à une puissance étrangère

esclavagiste fut majoritaire à partir des années quarante, dans le but de maintenir le statu quo social.

La dimension internationale peut être illustrée par le cas de Francisco Agüero et Manuel Andrés Sánchez, tous deux originaires de Camagüey. Ils avaient pris part aux événements des années 1820 et avaient été en contact avec José Antonio Lemus (lui-même en relation avec les Colombiens et impliqué dans la conspiration de « Soles y Rayos de Bolívar »). En 1825, sous-lieutenants tous deux de la Marine colombienne, ils se joignirent en Jamaïque aux colonels colombiens José de Salas et Juan Betancourt. Dans les premiers mois de 1826, ils tentèrent d’entrer en contact à Cuba avec des éléments susceptibles de seconder le projet d’un débarquement colombien. Découverts en février 1826, ils furent jugés et exécutés en mars à Puerto Príncipe. Ils sont considérés par certains comme les premiers martyrs de la cause indépendantiste83.

Mais la grande période des insurrections annexionnistes est marquée par le personnage de Narciso López. L’expédition qui débarqua à Cárdenas en 1850 avait pour objectif de réaliser l’indépendance de Cuba pour ensuite demander son rattachement aux Etats-Unis d’Amérique, encore esclavagistes84. Narciso López maintint cette stratégie jusqu’en 1851

quand il fut arrêté et exécuté. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons la question de l’annexionnisme politique.

L’abondance des mouvements contestataires, expression ou non d’un projet politique ou social, traduisait l’inconformité avec le régime colonial espagnol. Ce désir de rébellion, par ailleurs, touchait, au gré des conjonctures, des secteurs sociaux bien différents : esclaves, paysans, petite-bourgeoisie noire des villes, moyenne et grande bourgeoisie blanche. Cependant, aucun projet global rassemblant ces diverses composantes de la société n’apparaissait, et ces révoltes s’inscrivaient dans l’atomisation de groupes sociaux incapables d’élaborer un projet politique et social commun.

Néanmoins, ces tentatives insurrectionnelles inabouties ou ces insurrections réprimées furent progressivement assimilées comme des références et des jalons marquant l’élaboration d’une histoire identitaire et non officielle. Les indépendantistes de 1868 et ceux de 1895 se considéraient comme les héritiers de cette tradition de rébellion armée contre le pouvoir colonial. Certains de ses aspects furent néanmoins passés sous silence85

.

Ces rébellions, bien plus que les différentes formes du discours nationaliste86, furent

nationale. On ne peut pas pour autant éluder l’aspect politique de la prise de conscience nationale.

B.

Les évolutions du discours patriotique

L’inconformité au système colonial se traduisit au long du dix-neuvième siècle par différents discours politiques. A l’aube du siècle, avec l’apogée du mouvement indépendantiste continental, l’idée de la rupture avec l’Espagne apparut. Ce séparatisme initial disparaîtra ensuite temporairement au profit des solutions autonomistes ou annexionnistes. Au gré de l’évolution de la situation en Espagne, au gré de l’évolution des relations avec l’Espagne, au gré des changements des conditions sociales, politiques et économiques à Cuba, ces projets distincts s’inscrivent dans une dialectique débouchant finalement sur une radicalisation du discours avec le projet martinien de révolution nationale. Ces courants perdurèrent souvent simultanément, bien que l’on puisse définir chronologiquement des périodes où l’un d’entre eux domine les autres, pour des raisons diverses que nous serons amenée à signaler.

Les pages qui suivent nous renverront bien souvent aux conspirations et rébellions que nous avons évoquées précédemment. C’est que les insurrections font partie de l’histoire de ces mouvements politiques, puisque la stratégie de rupture avec l’Espagne des séparatistes et des annexionnistes cubains passait nécessairement par l’action armée. Par ailleurs, les révoltes et les conspirations sociales, effrayant les milieux créoles liés à l’institution servile, les conduisirent à se réfugier dans un comportement annexionniste : nous rappellerons donc ces relations de causalité.

Les romans mettent en évidence et revendiquent ces mouvements insurrectionnels et ces conspirations comme sources et modèles des indépendantistes de 1868 et de 1898. Mais leurs contenus politiques et sociaux – aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue – sont, à quelques rares exceptions près, gommés du discours littéraire sur les Guerres. De l’histoire des rébellions sociales, les auteurs gardent et expriment seulement une angoisse délirante et raciste de la violence, considérée comme inhérente à la génétique africaine... Rien n’est dit, ou si peu, de la contribution active de la communauté de couleur à la formation de l’identité nationale et à l’émancipation politique. De l’histoire des rébellions politiques, les auteurs ne se souviennent que des faits d’armes et de la répression : Narciso López,

l’annexionniste, est présenté comme un des Pères de la Patrie87

... Il est vrai que dans ce dernier cas, les Indépendantistes eux-mêmes contribuèrent à l’assimilation des uns aux autres : l’Assemblée de Guáimaro n’adopta-t-elle pas, quelques années plus tard, comme emblème national le drapeau que López avait déployé à Cárdenas le 19 mai 1850 ?

C’est donc pour respecter la représentation donnée par les auteurs que nous avons mis en valeur en la traitant séparément la question des repères historiques insurrectionnels. Néanmoins, consciente du phénomène de dissimulation des enjeux politiques et sociaux que cette démarche idéologique impliquait, nous compensons cette lecture par une mise au point indispensable.

1) L'indépendance

Bien que l’indépendantisme cubain apparaisse et se diffuse dans la décennie de 1820, ses origines sont antérieures de quelques années. José Luciano Franco a étudié ces conspirations des années 1810-1812, qu’il qualifie de « proto-nationales ». La loge maçonnique « Le Temple des Vertus Théologales » 88, fondée à La Havane en 1804, engendra

un petit groupe formé au discours révolutionnaire de l’époque. Ses membres adoptèrent la voie révolutionnaire indépendantiste. Román de la Luz, Luis Francisco Bassave, José Joaquín Infante et Manuel Ramírez, avec des appuis au sein du « Batallón de Pardos y Morenos », fomentèrent par exemple la conspiration dite « de La Havane »89, découverte et vite étouffée

en 1810. L’indépendantisme se révèle d’un point de vue historique la réponse politique initiale à l’éclosion du sentiment national.

Les guerres d’indépendance sud-américaines inspirèrent de manière fondamentale cette pensée. Les jeunes républiques continentales, à leur tour, la considérèrent d’un bon œil et l’encouragèrent quelquefois. Nous évoquions plus haut la participation ou la présence d’agents étrangers dans les organisations conspiratrices. La Colombie favorisa les menées indépendantistes cubaines : l’enjeu était important du point de vue de sa sécurité nationale. Permettre que Cuba accédât à l’Indépendance contribuait à l’éviction définitive de l’ancienne puissance coloniale espagnole et à l’annulation du risque d’une tentative de reconquête à partir de ses têtes de pont antillaises. Mais ces modèles et ces appuis n’expliquent pas seuls l’éclosion du projet et son succès.

La vague indépendantiste se développa après les années 1820 avec la conspiration de « Soles y Rayos de Bolívar » qui s’appuyait sur l’aide d’Hispano-américains résidant à Cuba90

, et celle de « El Águila Negra », qui bénéficia un temps du soutien mexicain. Elle apparaîtrait de manière plus directement conjoncturelle comme une réponse au constat d’échec de la tentative réformiste de 1820 et du durcissement de la politique coloniale.

Les intellectuels – pensons au poète José María Heredia –, les étudiants, formés par les discours libéraux – pensons au séminaire San Carlos de José Agustín Caballero et à