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B. Une structure juridique adaptable à de nombreux besoins

III. Régime juridique

1. Hiérarchie des normes

Comme le montre déjà l’art. 712a al. 1, la propriété par étages est une forme particulière de copropriété immobilière. Le texte français de la loi n’utilise d’ailleurs pas (sauf dans l’art. 712g al. 4 introduit en 2012) l’expression « pro-priétaire(s) d’étage(s) », mais toujours le terme « copropro-priétaire(s) »28. Le titu-laire d’une part d’étage n’est donc pas propriétaire de son unité d’étage, mais copropriétaire de l’ensemble de l’immeuble, y compris de sa propre unité d’étage et de celles des autres. La réglementation légale de la propriété par étages est ainsi d’abord constituée des règles des art. 646 à 651a relatives à la copropriété, dans la mesure où ces règles peuvent concerner des immeubles et où les règles spéciales des art. 712a ss n’y dérogent pas. S’appliquent ainsi à la propriété par étages, notamment, les dispositions sur les actes d’admi-nistration et les travaux de construction (ce que rappelle l’art. 712g al. 1), sur les actes de disposition (art. 648), sur l’opposabilité à certains tiers du règle-ment d’administration et d’utilisation (art. 649a) et sur l’exclusion de la com-munauté (art. 649b et 649c).

A ces règles, s’ajoutent les règles spéciales des art. 712a ss, qui définissent en particulier les prérogatives propres et les devoirs de chaque propriétaire d’étage, les modalités de la détermination de son unité d’étage ainsi que, de manière relativement détaillée, l’organisation de la communauté des proprié-taires. La délimitation des unités d’étages et de la quote-part que chacune re-présente doivent figurer dans l’acte constitutif (art. 712e al. 1).

En outre, l’art. 712g al. 3 permet à chaque propriétaire d’étage d’exiger l’établissement d’un règlement d’administration et d’utilisation. Dès lors que

27 Pour plus de détails, voir notamment WERMELINGER (note 7), Vorb. n. 123 ss ; Eric RAMEL, Le régime des apparthôtels dans la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger, thèse, Lausanne 1990 ; Urs RASCHEIN, Die Rechtsausübung der Stockwerkei-gentümergemeinschaft mit besonderer Berücksichtigung von Gewährleistungsanprüchen und des Sonderfalles Aparthotel, thèse, Zurich 1996 ; Fabian WÄGER / Erich RÜEGG, Das Konzept « Hôtel-Wohnen » und die Lex Koller, BR/DC 2013 99 ss.

28 Il en va de même du texte italien, alors qu’en allemand, le législateur utilise « Stockwerkeigen-tümer ».

presque toutes les propriétés par étages sont dotées d’un règlement dès leur constitution, la règle permet surtout de faire compléter un règlement lacunaire sur un point important29. En réalité, le règlement est un élément essentiel pour le bon fonctionnement de la propriété par étages. Il est souvent établi sur la base de modèles qui ont fait leurs preuves, mais il doit être au besoin adapté aux spécificités de la propriété par étages qu’il régit. Surtout pour les proprié-tés par étages complexes, on ne peut assez souligner le soin avec lequel le rè-glement doit être rédigé.

Les propriétaires peuvent aussi établir un règlement de maison, comme le signale l’art. 712s al. 3. A quoi il faut encore ajouter que, selon l’art. 649a al. 1, les décisions prises par l’assemblée lient les acquéreurs de parts et constituent ainsi des normes supplémentaires régissant la communauté.

Ces divers types de normes doivent évidemment être hiérarchisés. En par-ticulier, les dispositions légales sont le plus souvent de droit impératif et, lors-qu’elles ne le sont pas, ne peuvent parfois être écartées qu’à l’unanimité (voir l’art. 712g al. 2) ou à une majorité qualifiée30. Au total, chaque propriété par étages fait donc l’objet d’un appareil normatif complexe, parce qu’il doit équi-tablement tenir compte des intérêts de chaque propriétaire et de ceux de la communauté qu’ils forment. Néanmoins, la complexité de la réglementation semble globalement bien maîtrisée en pratique, sans doute parce que la plu-part des propriétés par étages sont gérées par des administrateurs profession-nels.

2. Le droit transitoire

L’introduction de la propriété par étages dans le Code civil a permis au législa-teur, en fermant un œil sur certaines exigences de l’art. 712b, de soumettre au droit fédéral les propriétés par étages antérieures à 1912 (art. 20bis T.f.). Le lé-gislateur a également donné aux cantons la possibilité de soumettre à la nou-velle loi les propriétés par étages de l’ancien droit qui, entre-temps, avaient été inscrites comme copropriétés assorties de servitudes d’utilisation (art. 20ter T.f.); comme la validité de cette construction juridique était contestée31, cette règle a suscité de nombreuses controverses, en tout cas sur le fondement dog-matique de l’inscription de ces copropriétés comme propriétés par étages du nouveau droit. Finalement, les concessions faites par les autorités entre 1912 et 1965 pour faciliter l’inscription au registre foncier des anciennes propriétés par

29 Voir WERMELINGER (note 7), Art. 712g n. 131.

30 Voir l’analyse détaillée de WERMELINGER (note 7), Art. 712g n. 32 ss et 75 ss.

31 Voir supra note de bas de page 5.

étages de droit cantonal n’ont cependant pas empêché de soumettre au nou-veau droit l’ensemble des propriétés par étages de l’ancien droit32.

3. Les révisions

Le droit de la propriété par étages a fait l’objet de deux révisions mineures, en 2001 et en 2011, en vue de supprimer dans le Code civil des précisions procé-durales qui figuraient désormais dans la loi sur les fors, respectivement dans le Code de procédure civile33. La révision de 2012 fut plus importante et porta sur trois questions :

- Un point technique, d’abord : l’introduction de plus de souplesse dans la définition des quotes-parts (art. 712e al. 1).

- Un changement relatif à la fin de la propriété par étages, ensuite : l’art. 712f al. 3 ouvre notamment à chaque propriétaire d’étage le droit d’exiger la dissolution de la propriété par étages lorsque le bâtiment est soumis à cette forme de propriété depuis plus de cinquante ans et est en si mauvais état qu’il ne peut plus être utilisé conformément à sa destination; les autres propriétaires peuvent toutefois éviter la dissolution en désintéressant le demandeur (art. 712f al. 4). La règle fera sans doute encore couler beau-coup d’encre, notamment quant à sa relation avec l’art. 647 al. 2 (voir à ce sujet ci-après la contribution de BénédictFOËX). Pour ma part, j’y vois sur-tout un signe annonciateur des difficultés que ne manqueront pas de susci-ter les propriétés par étages vieillissantes.

- Enfin, l’art. 712g al. 4 (comme l’art. 647 al. 1bis) introduit la nouveauté la plus intéressante sur le plan dogmatique : le propriétaire d’étage auquel une disposition du règlement d’administration et d’utilisation accorde un droit d’usage particulier des parties communes de l’immeuble a un droit de veto contre la modification de cette disposition. Ainsi, en plus des droits personnels (par exemple, au titre d’un bail) et, surtout, des servi-tudes (par exemple, de parking) qu’il pouvait acquérir sur les parties communes, le propriétaire d’étage peut obtenir un droit d’usage particu-lier réglementaire, bénéficiant d’une protection comparable à celle d’un droit réel, mais accordé à une majorité qualifiée. Même ainsi renforcés, ces droits d’usage particulier doivent être soigneusement distingués des droits exclusifs sur l’unité d’étage au sens des art. 712a et 712b, car ils ne confè-rent pas le droit d’aménager l’espace commun sur lequel ils portent. Il

32 Sur ces questions, voir notamment ATF 113 II 146, cons. 4 = JdT 1987 I 612 ; Eduard BROGLI, Das intertemporale Stockwerkeigentumsrecht der Schweiz am Beispiel des Kantons Wallis, thèse, Fri-bourg 1985 ; Denis PIOTET, Sur le moment de la reconversion de propriétés par étages originaires qui avaient été transformées en application de l’ancien droit transitoire, JdT 1988 I 155 ; MEIER -HAYOZ/REY (note 9), Vorb. n. 87 ss ; WERMELINGER (note 7), Vorb. n. 113 ss.

33 Voir l’art. 712l al. 2, modifié par la loi sur les fors, et l’art. 712c al. 3, modifié par le Code de procé-dure civile.

reste que, vu la protection renforcée dont il bénéficie désormais, cet ins-trument devrait évidemment être utilisé avec plus de prudence à l’avenir34!

Outre ces trois révisions venues à chef, il faut signaler l’abandon, après la procédure de consultation, du projet d’introduire dans le Code civil, à côté de la propriété par étages, une « petite propriété du logement » (appelé aussi

« droit de volume »), qui aurait conféré à son titulaire une forme spéciale de droit de superficie sur son logement. L’idée de faciliter l’accès à la propriété du logement était certes louable, mais la voie choisie ne répondait pas à un réel besoin et n’a pas été jugée viable d’un point de vue pratique35. Par ailleurs, le projet de révision de la loi sur la poursuite pour dette et la faillite destiné à faciliter les procédures d’assainissement prévoyait la suppression du droit de rétention du bailleur et, par conséquent, aussi du droit de rétention de la communauté (art. 712k)36. Le Parlement n’a cependant pas donné suite à cette proposition.

B. La jurisprudence

Acquérir une vue d’ensemble de la jurisprudence sur la propriété par étages n’était pas possible dans le cadre de la préparation de cette contribution. Je me suis donc limité à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Depuis 1965, le Tribunal fédéral a rendu une petite soixantaine d’arrêts publiés relatifs à la propriété par étages et, de 1999 à 2014, environ 170 arrêts non-publiés. La plupart des litiges avaient trait au fonctionnement de la pro-priété par étages : actions en contestation des décisions de l’assemblée (art. 712m), en révocation de l’administrateur (art. 712r al. 2), en modification des quotes-parts (art. 712e al. 2), en constitution d’une hypothèque légale (712i) ou en garantie pour les défauts, conflits liés à la répartition interne des frais et des charges communs (art. 712h) ainsi qu’à la constitution ou l’exercice d’un droit d’usage particulier37.

On peut constater que la jurisprudence du Tribunal fédéral n’est pas parti-culièrement abondante, du moins si on la rapporte au nombre d’unités d’étages en Suisse. La jurisprudence n’a pas non plus dû résoudre des

34 La nouvelle règle s’applique aussi aux droits d’usage particulier réglementaires accordés sous l’ancien droit (art. 3 et 17 al. 2 T.f.) ; voir TF, 5A_44/2014, cons. 3.3.1 (passage non publié dans ATF 140 III 561) ; Denis PIOTET, Le droit transitoire de la révision du Code civil du 11 décembre 2009 et la pratique notariale, NB/BN 2010, p. 226 ; WERMELINGER (note 7), Art. 712g n. 10 et 178.

35 Message 2007, FF 2007 p. 5020 et 5026.

36 Message 2010, FF 2010 p. 5907 ss.

37 Voir en outre Valentin PICCININ, La propriété par étages en procès, thèse Fribourg, Ge-nève/Zurich/Bâle 2015.

blèmes fondamentaux liés à la conception même de la propriété par étages. Il y a certes des litiges, comme il est normal pour une structure juridique qui con-duit de nombreuses personnes à vivre ensemble dans un même bâtiment et à gérer en commun leur immeuble. Mais la propriété par étages ne paraît de loin pas être la source de perpétuelles disputes que l’on a parfois dépeinte.

C. La doctrine

La propriété par étages a fait l’objet de nombreuses publications, à la hauteur de l’importance qu’elle a prise dans la vie juridique. Je m’en tiendrai ici à celles qui traitent spécifiquement de la propriété par étages, sans mentionner celles qui abordent de façon plus générale la copropriété ordinaire. Je me limiterai par ailleurs aux ouvrages.

Parmi les nombreuses publications parues à la suite de la révision de 1965, on peut citer l’ouvrage d’Henri MAGNENAT, La propriété par étages (1965) et celui de Hans-Peter FRIEDRICH, Das Stockwerkeigentum, Reglement für die Ge-meinschaft der Stockwerkeigentümer (1972), ainsi que les thèses de Max MONTCHAL, La propriété par étages et par appartements (1964), PeterSTUDER,Zur Willensbildung in der Gemeinschaft der Mit- und Stockwerkeigentümer (1964), Hansjörg FREI, Zum Aussenverhältnis der Gemeinschaft der Stockwerkeigentümer (1970), RetoMENGIARDI, Die Errichtung von Beschränkten dinglichen Rechten zu-gunsten und zulasten von Miteigentumsanteilen und Stockwerkeigentumseinheiten (1972), MoritzOTTIKER, Pfandrecht und Zwangsvollstreckung bei Miteigentum und Stockwerkeigentum (1972), FritzSCHMID,Die Begründung von Stockwerkeigentum (1972), Christoph MÜLLER, Zur Gemeinschaft der Stockwerkeigentümer (1973), Kurt MÜLLER, Der Verwalter von Liegenschaften mit Stockwerkeigentum (3e éd.

publiée en 1975), Patrice MICHAUD, L’organisation de la communauté des propriétaires par étages (1975), Rolf H. WEBER, Die Stockwerkeigentümergemein-schaft (1979) et Jean-FrançoisLAURENT, Les gages grevant la propriété par étages (1980).

Entre 1980 et 2000, les ouvrages relatifs à la propriété par étages ont été moins nombreux. Outre le commentaire bernois d’Arthur MEIER-HAYOZ et HeinzREY, paru en 1988 et qui fait aujourd’hui encore autorité, on peut men-tionner les thèses de Pierre GIOVANOLA, Les obligations réciproques des proprié-taires d’étages et leurs sanctions (1986), Arthur MATHIS, Das Bauhandwerkerpfan-drecht in der Gesamtüberbauung und im Stockwerkeigentum (1988), Patrick BLOCH, Le fonds de rénovation dans la propriété par étages (1988), UrsBRETSCHGER, Stock-werkeigentum im zürcherischen Zivilprozess – Ausgewählte Fragen (1988), Martin HABS, La propriété par étages sur des maisons familiales en habitat groupé (1989), Amédéo WERMELINGER,L’utilisation de l’unité d’étage dans un immeuble en pro-priété par étages (1992) et Adrian VON SEGESSER, Stockwerkeigentum an Bau-rechtsparzellen (1997).

L’intérêt de la doctrine pour la propriété par étages ne s’est pas démenti ces dernières années. On pense d’abord au volumineux commentaire des art. 712a à 712t d’Amédéo WERMELINGER, paru dans le commentaire zurichois (2010), ainsi qu’aux commentaires plus orientés vers la pratique publiés par ce même auteur et réédités récemment (Das Stockwerkeigentum, 2e éd., Zurich 2014, et La propriété par étages, 3e éd., Rothenburg 2015). Mais il faut égale-ment citer l’ouvrage de Heinz REY / Lukas MAETZKE, Schweizerisches Stock-werkeigentum (3e éd. parue en 2009) ainsi que les thèses de Kezia BAADER -SCHÜLE, Praktische Probleme der Nutzniessung an Stockwerkeigentums-Anteilen (2006), PascalWIRZ, Schranken der Sonderrechtsausübung im Stockwerkeigentum (2008), Christine MERMOUD, Le temps partagé dans la jouissance de la propriété par étages (2008), Christoph THURNHERR,Bauliche Massnahmen bei Mit- und Stock-werkeigentum (2010), Guy LANNEPATS,Le statut de la copropriété des immeubles bâtis – Eléments de comparaison en droit français et droit suisse (2010), et Valentin PICCININ, La propriété par étages en procès (2015).

La propriété par étages est également bien présente dans l’offre de forma-tion continue, notamment à Genève (Journées du droit de la propriété) et à Fribourg (Journées du droit de la construction). Elle a même l’honneur, depuis 2011, d’avoir chaque année une journée de formation qui lui est entièrement consacrée à Lucerne.

D. La propriété par étages au quotidien

Faute de pouvoir mener une analyse scientifique sur la manière dont la pro-priété par étages est perçue par ceux qui la vivent au quotidien, j’ai pensé qu’une petite enquête auprès de divers administrateurs professionnels de pro-priété par étages, en milieu urbain et dans les zones touristiques, pourrait peut-être donner une certaine image de la réalité de l’institution et des pro-blèmes rencontrés au jour le jour. Les lignes qui suivent ne doivent donc pas être prises pour plus que ce qu’elles sont : une synthèse subjective d’informations et d’avis fournis par quelques spécialistes de l’administration de propriétés par étages. En même temps, je dois relever une bonne conver-gence des opinions exprimées, qui peuvent être résumées par les constats sui-vants :

- L’institution de la propriété par étages fonctionne plutôt bien. Les proprié-tés par étages difficiles à gérer sont peu nombreuses (évaluées à environ 2 à 3 %) et, sous réserve de quelques actions en contestation de décisions de l’assemblée ou en inscription d’une hypothèque légale pour garantir des contributions, les litiges devant les tribunaux sont rares.

- Les problèmes rencontrés sont plus souvent liés à des querelles de per-sonnes qu’au fonctionnement même de la propriété par étages. La mise en place d’un règlement adapté à chaque propriété par étages et la tenue

d’assemblées régulières (jouant parfois le rôle de « thérapies de groupe ») permettent de prévenir une grande partie des litiges.

- Les litiges sont plus fréquents dans les petites propriétés par étages, sur-tout dans les propriétés par étages composées de deux ou de trois per-sonnes. Proposition a même été faite d’imposer un nombre minimum de trois propriétaires pour limiter les risques de blocage ou de prévoir des règles légales spéciales pour de tels cas.

- L’exigence de l’unanimité pour certaines décisions est souvent probléma-tique, car il est rare que tous les propriétaires d’étages se mettent d’accord ou soient présents à l’assemblée, en particulier pour les résidences de va-cances.

- La constitution d’un fonds de rénovation est souvent prévue par les pro-priétaires par étages. Quelques administrateurs conseillent de contribuer chaque année à hauteur de 0.2 % de la valeur incendie (taux au demeurant proposé dans le modèle de règlement d’administration et d’utilisation de la Chambre vaudoise immobilière). Toutefois, le fonds ne suffit générale-ment pas à financer de grands travaux de rénovation, tels que le change-ment de la toiture ou l’isolation extérieure du bâtichange-ment38. Les propriétaires doivent trouver des liquidités, ce qui a pour conséquence de retarder de manière importante les travaux. Malheureusement, aujourd’hui encore, il reste difficile de transformer des cigales en fourmis, même si une obliga-tion légale de constituer un fonds de rénovaobliga-tion pourrait améliorer la si-tuation.

- L’hypothèque légale garantissant les contributions des propriétaires d’étages est souvent utilisée comme moyen de pression. Selon certains administrateurs, la protection de la communauté mériterait d’être renfor-cée par l’octroi d’un privilège, comme en matière d’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs.

Conclusion

Au total, il faut constater que, cinquante ans après son introduction dans le Code civil, la propriété par étages s’est bien implantée en Suisse et permet de répondre à des besoins très divers. Elle fonctionne globalement bien et le con-cept mis en place en 1965 a en ce sens fait ses preuves, même si – on l’a vu – certains problèmes demeurent et que des améliorations normatives peuvent être envisagées (voir ci-dessous la contribution d’Amédéo WERMELINGER).

38 Voir aussi StefanBRUNI /Christoph HANISCH /JürgINDERBITZIN, Erneuerungsfonds im Stockwerkeigen-tum – eine empirische Analyse für die Agglomeration Luzern, Studie im Auftrag des Bundesamtes für Wohnungswesen, Lucerne 2011, qui font également le constat que les fonds de rénovation ne sont en généralpas suffisants.

Toutefois, la propriété par étages est, et restera nécessairement, une pro-priété collective, avec son lot d’avantages et de désagréments, ses modes com-plexes de décisions et ses problèmes de personnes. Cela étant, le succès à long terme d’une propriété par étages me paraît tenir à quatre facteurs :

- un bâtiment de qualité,

- une réglementation bien adaptée,

- un administrateur (professionnel) compétent, et - un solide fonds de rénovation.

Comme un règlement peut toujours être révisé et un administrateur, révo-qué, ce sont finalement la qualité de la construction et les réserves financières de la communauté qui sont vraiment essentielles. Ces deux points ne peuvent pourtant que difficilement faire l’objet d’évaluations objectives, et en tout cas de telles évaluations n’existent pas actuellement au plan fédéral. Reste donc l’espoir que la clairvoyance et la prudence des propriétaires d’étages ont été, et sont encore, suffisantes. A l’aune de bâtiments, cinquante ans sont toutefois trop peu pour en juger : les décennies de vérité de la propriété par étages sont encore à venir.

Les actes authentiques dans le domaine de la propriété par étages

MICHEL MOOSER

Notaire, professeur à l’Université de Fribourg

Introduction

1 Lorsqu'il a adopté le Code civil, le législateur suisse n'a pas voulu de la pro-priété par étages : il n'a pas souhaité consacrer une institution juridique conçue comme une source de crises potentielles1 (« Ein halbes Haus ist eine halbe Hölle »2 ; « communio est mater rixarum »). Il ne l'a introduite que près de 60 ans après l'adoption du Code civil. Il l'a fait notamment au vu de l'évolution des prix de l'immobilier et du développement des sociétés anonymes de loca-taires, qui cherchaient à atteindre le même but économique que la propriété par étages3.La PPE a depuis lors pris un essor considérable4. L'institution a maintenant fait ses preuves ; le séminaire de ce jour est l'occasion de fêter son cinquantième anniversaire.

2 Compte tenu de l'importance que revêt la propriété par étages, le législateur a d'emblée associé le notaire à sa constitution, en subordonnant en principe l'acte constitutif au respect de la forme authentique. Cette forme est également exigée durant la vie de la propriété par étages et, en général, au moment où celle-ci prend fin. C'est cette évolution chronologique qui guidera la présente

1 Notamment FELICITE-IVANES, p. 23 : « Déjà à l'époque du droit statutaire, du droit coutumier, en France et en Suisse, particulièrement en Suisse occidentale, on perçoit des voix hostiles à cette ins-titution. On fait allusion à « un pénible héritage du passé », « à de fréquentes disputes », « source

1 Notamment FELICITE-IVANES, p. 23 : « Déjà à l'époque du droit statutaire, du droit coutumier, en France et en Suisse, particulièrement en Suisse occidentale, on perçoit des voix hostiles à cette ins-titution. On fait allusion à « un pénible héritage du passé », « à de fréquentes disputes », « source