• Aucun résultat trouvé

Arrêt 5A_198/2014 du 19 novembre 2014

1. Faits

Dans la première affaire, trois propriétaires d'une PPE valaisanne en compre-nant cinq ont tenu une assemblée générale extraordinaire à laquelle les deux autres propriétaires d'étages n'ont volontairement pas été convoqués. Les trois copropriétaires présents à l'assemblée se sont prononcés à l'unanimité en fa-veur de l'ouverture d'une action judiciaire (en validation de mesures provi-sionnelles) tendant au blocage des travaux de surélévation du toit entrepris par les deux autres propriétaires sur leurs parties privatives, à la remise en état antérieur du toit, et à l'exclusion de ces deux propriétaires de la communauté.

La demande introduite par les trois copropriétaires et la communauté a été rejetée devant les instances cantonales, décision confirmée par le Tribunal fé-déral.

2. Droit

Deux questions nous intéressent ici en lien avec la prise de décisions de la communauté :

Le Tribunal fédéral rappelle tout d'abord qu'est absolument nulle une dé-cision prise par une assemblée qui n'a pas été régulièrement convoquée. Tel est précisément le cas lorsque, volontairement et de manière fautive, la convoca-tion n'a pas été envoyée à l'un des copropriétaires18. En effet, tous les copro-priétaires doivent en principe être convoqués à l'assemblée. On ne peut renon-cer à convoquer un copropriétaire que si celui-ci risque de perturber grave-ment le déroulegrave-ment de l'assemblée ou lorsqu'en raison d'un conflit d'intérêts, il n'est pas en droit de voter, sa présence n'étant en outre pas nécessaire pour garantir ses droits procéduraux19. Or le propriétaire qui se trouve dans un con-flit d'intérêts doit avoir la possibilité de faire valoir son droit d'être entendu préalablement à la prise de décisions qui le concernent directement. Le fait que l'intéressé puisse par la suite, dans le cadre d'une procédure judiciaire, s'ex-primer sur la décision litigieuse n'est pas suffisant. En l'espèce, les décisions prises par l'assemblée des propriétaires d'étages concernaient directement les propriétaires d'étages, qui n'avaient pas du tout été convoqués. Dès lors qu'ils n'avaient pas été en mesure de faire valoir leur droit d'être entendu avant qu'elles ne soient prises, ces décisions étaient nulles ex tunc.

Le deuxième aspect intéressant de cet arrêt concerne les décisions écrites de la communauté, qui constitue l'autre forme admise de décisions et qui suppose

18 Cf., dans ce sens, WERMELINGER, n. 68 ad art. 712n CC.

19 Cf., dans ce sens, WERMELINGER, n. 48 ad art. 712n CC.

l'adhésion écrite et unanime de tous les propriétaires d'étages20. A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que la signature par tous les propriétaires d'étages des plans relatifs à des travaux, en l'occurrence de surélévation du toit, vaut déci-sion écrite unanime de la communauté des propriétaires d'étages permettant le lancement de la procédure d'autorisation de construire.

B. ATF 136 III 174, du 26 mars 201021, également publié in RNRF (92) 2011 p. 342 n° 50 et in SJ 2010 I 429, résumé in DC 2010 p. 195 n° 366 et in JDC 2013 p. 263 n° 107

1. Faits

Cet arrêt, à lire en parallèle avec ceux mentionnés à la note infrapaginale n° 21, concerne la validité d'une décision de l'assemblée des propriétaires d'étages prise suite à une convocation dont il est allégué qu'elle serait entachée d'un défaut. Dans cette affaire, un couple de propriétaires d'étages genevois contes-tait une décision de l'assemblée au motif notamment que l'administrateur avait, selon eux, omis de porter à l'ordre du jour des propositions qu'ils avaient formulées par le biais d'un courrier, qui n'était pas annexé à la convocation.

Leur action a été rejetée par les instances cantonales, décision confirmée par le Tribunal fédéral.

2. Droit

Le Tribunal fédéral rappelle, premièrement, que la convocation à une assem-blée des copropriétaires qui ne comprend pas un ordre du jour complet pré-sente un défaut qui peut entraîner l'annulation – et non la nullité – des déci-sions prises22. Il en va de même d'un ordre du jour dont les points sont présen-tés de manière imprécise, peu claire ou trompeuse23. L'ordre du jour ne peut toutefois pas être considéré comme vicié lorsque les propriétaires d'étages sa-vent sur quels points ils devront délibérer et prendre une décision24. Le Tribu-nal fédéral indique, deuxièmement, que les règles de la bonne foi (art. 2 CC) contraignent le demandeur à se plaindre du vice avant la prise de décision de l'assemblée – soit en principe à l'ouverture de l'assemblée25 –, afin de permettre sa correction immédiate. Autrement dit, l'action en annulation de la décision

20 WERMELINGER, n. 125 ad art. 712m CC. Sur l'admissibilité de la décision par correspondance ( Urab-stimmung), cf. infra ch. V.B.3.

21 Cf. ég. arrêts 5A_760/2011 du 18 mai 2012, résumé in DC 2012 p. 252 n° 439 et in JDC 2015 p. 334 n° 94 ; 5A_537/2011 du 23 janvier 2012, publié in RNRF (95) 2014 p. 268 n° 26.

22 Dans ce sens, WERMELINGER, n. 68 ad art. 712n CC.

23 WERMELINGER, n. 69 ad art. 712n CC.

24 Cf. WERMELINGER, n. 40 ad art. 712n CC.

25 WERMELINGER, n. 70 ad art. 712n CC et n. 230b ad art. 712m CC.

ne peut pas être admise si le propriétaire concerné – par exemple auteur d'une proposition qui n'aurait pas été portée à l'ordre du jour ou qui n'aurait pas été traitée – n'a simplement pas réagi lors de l'assemblée26. En l'espèce, lors de l'assemblée générale litigieuse, les recourants ne s'étaient pas plaints du fait que leur courrier n'avait pas été joint à l'ordre du jour envoyé aux propriétaires d'étages. Ils avaient simplement demandé que l'ordre du jour comporte un point séparé, traitant notamment des questions soulevées dans leur courrier.

L'ordre du jour avait ainsi été complété par chacun de ces différents points, le procès-verbal précisant que l'assemblée avait approuvé cette modification à l'unanimité, sans opposition ni abstention. Le courrier avait ensuite fait l'objet d'une lecture complète à voix haute, avant discussion et vote sur chaque point de l'ordre du jour. Dans ces conditions, les recourants ne pouvaient pas pré-tendre de bonne foi à l'annulation de la décision de l'assemblée en invoquant le caractère prétendument incomplet de son ordre du jour.

V. Divers aspects procéduraux (au sens large)

Sous ce chapitre seront abordées quelques questions particulières que le Tri-bunal fédéral a récemment dû trancher dans le cadre d'actions judiciaires in-tentées par ou contre une communauté de propriétaires d'étages ou un pro-priétaire d'étages individuel.

A. ATF 140 III 561, du 10 novembre 2014, résumé in RSJB (151) 2015 p. 63

Le premier arrêt concerne le délai pour introduire au fond une action en annu-lation d'une décision de l'assemblée des propriétaires d'étages. Selon l'art. 75 CC applicable par renvoi de l'art. 712m al. 2 CC, l'action en annulation d'une décision de l'assemblée des propriétaires d'étages doit être intentée dans le mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de la décision. Il s'agit d'un délai de péremption, non susceptible d'être prolongé27. Avec l'en-trée en vigueur du CPC, la question s'est posée de savoir si le texte de l'art. 209 al. 4 CPC, qui réserve notamment les « délais d'action légaux », visait l'art. 75 CC et, partant, impliquait un raccourcissement de la durée de validité de l'autorisation de procéder qui est de trois mois selon l'art. 209 al. 3 CPC28. L'af-faire présentée ci-après a permis de clarifier cette question.

26 WERMELINGER, n. 40a et 69a ad art. 712n CC et n. 230b ad art. 712m CC.

27 WERMELINGER, n. 230 ad art. 712m CC.

28 WERMELINGER, n. 231a ad art. 712m CC.

1. Faits

Lors d'une assemblée ordinaire du 3 mars 2011, les propriétaires d'étages d'une PPE valaisanne ont décidé de modifier le règlement d'utilisation et d'administration relativement à l'attribution des places de parc extérieures. Ils ont ainsi décidé d'attribuer à deux propriétaires un droit d'usage particulier sur deux places, qui étaient auparavant à la disposition commune de tous les propriétaires d'étages. La décision a été prise par 11 voix, représentant 903/1000, contre une voix, celle de A., représentant 12/1000, et une abstention.

Le 1er avril 2011, soit dans le délai péremptoire d'un mois de l'art. 75 CC, A. a déposé devant le juge compétent une requête en conciliation concluant à l'an-nulation de la décision prise le 3 mars 2011. La conciliation ayant échoué, une autorisation de procéder lui a été délivrée le 11 mai 2011. Le 28 juillet 2011, soit dans le délai ordinaire de trois mois de l'art. 209 al. 3 CPC, A. a ouvert action au fond contre la communauté des copropriétaires.

2. Droit

Devant les instances cantonale et fédérale, la communauté des copropriétaires a soutenu que la demande avait été introduite au fond tardivement, soit au-delà du délai péremptoire d'un mois de l'art. 75 CC. Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à interpréter l'art. 209 al. 4 2ème phr. CPC qui prévoit une exception au respect du délai de trois mois pour ouvrir action au fond (art. 209 al. 3 CPC) en réservant notamment les « autres délais d'action légaux ». Il s'agissait plus particulièrement de décider si ces délais réservés visent uniquement les délais d'action de nature procédurale du droit fédéral ou aussi les délais de péremption fixés par le droit matériel, tel le délai de l'action en annulation de l'art. 75 CC. Le Tribunal fédéral a décidé que la réserve introduite par l'art. 209 al. 4 2ème phr.

CPC ne renvoyait qu'à des délais procéduraux et non à des délais de droit maté-riel, rappelant notamment que la requête en conciliation crée la litispendance et entraîne l'ouverture d'action du droit matériel. Dès ce moment, seul le droit de procédure régit les délais nécessaires à la poursuite de l'instance. Le de-mandeur avait donc en l'espèce agi à temps.

3. Commentaire

Point n'est donc besoin que le délai d'un mois de l'art. 75 CC soit respecté à deux moments successifs, soit au moment du dépôt de la requête en concilia-tion, puis, à nouveau, au moment de l'introduction de l'action au fond. Il suffit qu'il le soit au moment du dépôt de la requête en conciliation. Il n'y a dès lors pas, comme certains le craignaient, de réduction du délai de trois mois prévu

par le CPC pour agir au fond29. Il faudra toutefois, pour que le délai de pé-remption de l'art. 75 CC soit considéré comme respecté, que la demande au fond soit bien déposée dans les trois mois dès la délivrance de l'autorisation de procéder.

B. Arrêt 5A_913/2012 du 24 septembre 2013, publié in SJ 2014 I p. 183

Le deuxième arrêt concerne la représentation en justice de la PPE par l'admi-nistrateur30.

Le pouvoir de représentation de l'administrateur de la PPE dépend du type de procédure31. En procédure sommaire, l'administrateur peut agir même sans procuration spéciale de l'assemblée des propriétaires d'étages32. En re-vanche, dans le cadre d'une procédure ordinaire (ou simplifiée), l'administra-teur ne dispose d'aucun pouvoir de représentation légal33. Sauf cas d'ur-gence34, il doit ainsi être au bénéfice d'une autorisation préalable de l'assem-blée des propriétaires d'étages pour engager une telle procédure35. Cette déci-sion peut être prise soit par oral, à l'assemblée des copropriétaires, soit par voie de circulation (art. 66 al. 2 CC cum art. 712m al. 2 CC), ce qui suppose, dans ce cas, l'accord écrit de tous les copropriétaires36.

1. Faits

Ces principes ont été rappelés par les juges vaudois dans le cadre d'une procé-dure en réalisation d'un gage immobilier, où l'administrateur d'une PPE avait ouvert une action en contestation de l'état des charges sans justifier de ses pouvoirs. Bien qu'interpellé à cet égard par le juge de première instance (con-formément à l'art. 132 al. 1 CPC), il n'a produit aucune décision de la commu-nauté des propriétaires d'étages l'autorisant à agir en son nom. La demande a pour ce motif été déclarée irrecevable par les instances cantonales. L'adminis-trateur et la PPE ont porté l'affaire au Tribunal fédéral, qui a rejeté leur re-cours.

29 Cf. WERMELINGER, n. 231a ad art. 712m CC.

30 Sur la question de la révocation pour justes motifs de l'administrateur, également abordée par le Tribunal fédéral au cours de la période considérée, cf. arrêt 5A_795/2012 du 21 février 2013, spéc.

consid. 2.3.

31 WERMELINGER, n. 63 ss ad art. 712t CC.

32 WERMELINGER, n. 68 ad art. 712t CC.

33 WERMELINGER, n. 71 ad art. 712t CC.

34 WERMELINGER, n. 77 ss ad art. 712t CC.

35 WERMELINGER, n. 74 ad art. 712t CC.

36 WERMELINGER, n. 125 ad art. 712m CC.

2. Droit

Le Tribunal fédéral confirme que l'administrateur doit prouver ses pouvoirs de représentation et que lorsqu'il ne le fait pas ou lorsqu'il a dû agir d'urgence, le juge doit lui fixer un délai pour prouver l'existence d'une autorisation préa-lable pour agir (par la production soit d'un procès-verbal, soit d'une décision écrite et unanime)37. Si la preuve n'est pas apportée dans le délai fixé par le juge, l'action est irrecevable comme les instances vaudoises l'avaient correcte-ment constaté.

3. Commentaire

La question de savoir si la décision de la communauté des copropriétaires, ici portant autorisation de l'administrateur d'agir en son nom, peut être prise par correspondance (Urabstimmung ; par application analogique de l'art. 880 CO) sans que l'unanimité soit nécessaire a, comme dans d'autres arrêts récents, été laissée ouverte38.

C. ATF 139 III 297, du 17 avril 2013, également publié in SJ 2013 I p. 393 et in CdDR 1/14 p. 6 (avec note), résumé in DC 2013 p. 334 n° 556 et in JDC 2015 p. 337 n° 100

Le dernier arrêt a trait au titre de mainlevée que doit produire la communauté qui poursuit un propriétaire qui ne s'acquitte pas des charges et frais com-muns. Le règlement d'administration et d'utilisation signé lors de l'acquisition du lot rapproché de la décision de l'assemblée des copropriétaires fixant le montant des charges pour les années concernées par les arriérés est-il à cet égard suffisant comme l'avaient jugé les instances fribourgeoises ? C'est sur cette question que le Tribunal fédéral a dû se pencher, chamboulant quelque peu certaines pratiques cantonales bien ancrées.

1. Faits

Un litige survient entre un copropriétaire et une communauté de propriétaires d'étages concernant le montant des charges et frais communs pour les années 2008 à 2010. Par acte du 8 juillet 2009, dit copropriétaire remet en nantissement à la PPE une cédule hypothécaire portant sur un montant de 200'000 fr. « en couverture des arriérés de charges 2008-2009 ». La PPE dépose une réquisition

37 WERMELINGER, n. 79 ad art. 712t CC. Cf. ég. Pierre MULLER, Pièges et chausse-trappes en procédure civile, in SJ 2014 II p. 177 ss, 184.

38 Cf. ATF 127 III 506 consid. 3a ; arrêts 5A_913/2012 du 24 septembre 2013 consid. 5.2.2 ; 5A_198/2014 du 19 novembre 2014 consid. 7.3. La question est débattue en doctrine : cf. WERMELINGER, n. 130 ss ad art. 712m CC, qui est opposé à l'admissibilité d'une telle décision par cor-respondance (n. 135).

de prise d'inventaire pour sauvegarder son droit de rétention (art. 712k CC), puis une réquisition de poursuite en réalisation du gage mobilier pour les charges échues entre 2008 et 2010 représentant un peu plus de 145'000 fr. En instance cantonale, la PPE obtient la mainlevée provisoire de l'opposition à concurrence de 139'000 fr. sur la base du règlement d'administration et d'utili-sation signé par le copropriétaire poursuivi et la décision de l'assemblée des copropriétaires fixant le montant des charges pour les années 2008 à 2010. Le copropriétaire poursuivi interjette un recours en matière civile auprès du Tri-bunal fédéral, qui l'admet partiellement et réforme l'arrêt cantonal en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition n'est prononcée qu'à hauteur de la somme de 57'500 fr., résultant du rapprochement de l'acte de nantissement de juillet 2009 et du décompte de charges pour l'année 2008 approuvé par l'una-nimité des copropriétaires en juin 2009.

2. Droit

Le Tribunal fédéral rappelle tout d'abord le principe selon lequel une recon-naissance de dette (art. 82 al. 1 LP) peut résulter d'un ensemble de pièces si le montant de la dette est fixé ou aisément déterminable dans les pièces aux-quelles le document signé renvoie. Le contenu des pièces auxaux-quelles il est ren-voyé doit toutefois être connu du débiteur au moment de la signature du do-cument d'où résulte son engagement. Par conséquent, la mainlevée ne peut pas être prononcée sur la base du règlement d'administration et d'utilisation de la PPE signé par le débiteur et du décompte de charges approuvé par l'assemblée générale. En effet, lors de la signature du règlement, le montant, arrêté d'année en année (art. 712m al. 1 ch. 4 CC), des charges et frais communs n'est ni déterminé ni aisément déterminable. En revanche, l'acte de nantisse-ment d'une cédule hypothécaire remis en couverture de charges déterminées, rapproché d'un décompte de charges approuvé par l'assemblée avant la signa-ture de cet acte, vaut reconnaissance de dette pour les montants échus.

3. Commentaire

Cet arrêt modifie la pratique adoptée par bien des cantons (notamment ro-mands). Dorénavant, on ne peut plus prendre en compte l'accord qu'aurait donné par oral le copropriétaire poursuivi lors du vote de l'assemblée des pro-priétaires d'étages relatif au décompte annuel des charges et frais communs.

Le procès-verbal de l'assemblée signé par l'administrateur ne peut pallier l'ab-sence de reconnaissance écrite de la dette et valoir titre de mainlevée. Il faut, en d'autres termes, que le décompte annuel des charges et frais communs soit signé par les propriétaires d'étages qui l'ont approuvé pour que, rapproché du

règlement d'administration et d'utilisation signé lors de l'acquisition de la part d'étages, il vaille reconnaissance de dette et titre de mainlevée39.

D. Arrêt 5A_640/2012 du 13 novembre 2012, publié in RNRF (95) 2014 p. 279 n° 28, traduit et résumé in CdDR 1/13 p. 1 (avec note), résumé in DC 2013 p. 128 n° 205 (avec note) et in JDC 2015 p. 334 s. n° 95

S'il peut agir seul pour déposer plainte pénale contre un tiers qui a violé une mise à ban (art. 258 CPC)40, un copropriétaire individuel peut-il agir en son nom contre un autre copropriétaire pour faire respecter le règlement de la PPE ? C'est la question examinée par le Tribunal fédéral dans cette dernière affaire.

1. Faits

En 2009, les défendeurs ont acquis un lot à destination de « bureaux ». Début 2010, ils ont obtenu un permis de construire pour transformer leurs locaux en appartement, sous réserve de restrictions d'affectation découlant du droit pri-vé. Le 10 février 2010, l'assemblée des propriétaires d'étages a refusé, par 16 voix contre 9, leur proposition de modifier l'affectation de leur lot. Malgré ce refus, les défendeurs ont entrepris les travaux de transformation litigieux.

La communauté a, dans un premier temps, voulu agir contre cette transforma-tion, mais a finalement renoncé à ouvrir action par décision prise lors d'une assemblée des propriétaires d'étages. Un copropriétaire a alors agi seul contre les défendeurs pour qu'il leur soit fait interdiction d'utiliser leur lot comme appartement. Débouté en instance cantonale, dit copropriétaire a recouru de-vant le Tribunal fédéral, sans succès.

2. Droit

En instance fédérale, seule la violation du règlement d'administration et d'uti-lisation de la PPE était invoquée, au motif que l'affectation du lot des défen-deurs y était clairement décrite comme « bureaux ». Le Tribunal fédéral rap-pelle tout d'abord que, selon l'art. 712s al. 3 CC, c'est l'administrateur qui veille à l'observation par les propriétaires d'étages de la loi et du règlement. S'il ne le fait pas, chaque propriétaire d'étages peut saisir l'assemblée des coproprié-taires afin qu'elle sanctionne cette inaction. Il appartient ainsi à l'assemblée, en tant qu'organe suprême de la PPE, de faire respecter le règlement ; sa décision peut, à certaines conditions, être contestée en justice. En l'occurrence, la

39 Cf. la note de Daniel GUIGNARD, in CdDR 1/14 p. 10 ss, spéc. 11 s.

40 Cf. arrêt 6B_880/2013 du 27 février 2014.

munauté avait initialement eu l'intention d'agir contre la transformation du lot puis y avait renoncé par décision prise en assemblée, couvrant de ce fait la passivité de l'administrateur. Ce nonobstant, le recourant n'avait pas engagé d'action judiciaire contre cette décision, alors qu'il aurait pu et dû le faire. Il avait, par cette omission, perdu la possibilité de se prévaloir de l'illicéité de dite décision. La loi ne prévoit en effet pas de prétention générale du proprié-taire d'étages individuel à faire valoir directement, par la voie judiciaire, le respect du règlement à l'encontre d'un autre propriétaire d'étages, sans que, simultanément, d'autres droits, tirés par exemple de la protection de la pro-priété ou de la possession, soient invoqués41.

VI. Opposabilité et interprétation du règlement

d'adminis-tration et d'utilisation de la PPE

VI. Opposabilité et interprétation du règlement

d'adminis-tration et d'utilisation de la PPE