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Défaut affectant les parties communes

L'ATF 111 II 458 présente un autre exemple de situation délicate s'agissant de distinguer les droits de la communauté de ceux des copropriétaires. En l'occur-rence, la communauté des copropriétaires du « Condominio Roccalta » a ouvert action en réduction du prix contre le vendeur à raison de défauts affectant les parties communes du bâtiment vendu. La question consistait à déterminer dans quelle mesure la communauté pouvait intenter une action en garantie contre le vendeur des différentes parts dès lors que les défauts affectaient les parties communes de l'édifice. Le Tribunal fédéral relève que l'action en garan-tie des défauts compète exclusivement à l'acheteur ou au maître de l'ouvrage, c'est à dire aux copropriétaires ayant acheté les parts. Certes, il est vrai que la

communauté des copropriétaires est sans aucun doute capable d'acquérir puis de faire valoir en justice des prétentions en garantie pour les défauts affectant les parties communes de l'immeuble, mais encore faut-il se poser la question de savoir comment la communauté pourrait devenir titulaire de tels droits dé-coulant des art. 219 ou 368 CO. Cela pourrait survenir à la suite de cessions opérées par les copropriétaires en faveur de la communauté (art. 164 ss CO), cas non réalisé en l'espèce. Le Tribunal fédéral se pose la question d'une sorte de cession légale (ce serait bien commode…) mais y répond par la négative. En conséquence, seuls les copropriétaires – chacun agissant sur la base de son contrat et en proportion de sa part – ont qualité pour agir en réduction du prix, à l'exclusion de la communauté. A noter que le Tribunal fédéral a réexaminé en détail cette jurisprudence quelques années plus tard (ATF 114 II 239) tout en la confirmant, se refusant notamment à admettre une sorte de cession légale des prétentions en réduction du prix des copropriétaires acheteurs en faveur de la communauté.

VI. Conclusion

On le voit, la PPE revêt assurément une structure complexe, illustrée par le Prof. SylvainMARCHAND qui compare l'institution à une ruche tout en retenant que « la nature juridique de la communauté des propriétaires par étages est aussi mystérieuse que la nature juridique d'une ruche »…

Sur le plan procédural, cette complexité dans l'articulation des relations entre la communauté et les copropriétaires pris individuellement se traduit par une répartition des rôles au gré des enjeux litigieux. On retiendra finalement que la communauté n'a de prérogatives que dans la mesure nécessaire à ac-complir les tâches de gestion et d'administration qui sont les siennes, cet arti-fice juridique en quelque sorte (on fait comme si la communauté avait la per-sonnalité juridique, ce qui n'est pas le cas et relève d'une certaine fiction) ayant pour vocation de faciliter le processus judiciaire lorsque ne sont en jeu que des litiges en rapport avec la mission spécifique de la communauté telle que déli-mitée par l'art. 712l CC.

Cette construction juridique résulte assurément d'une certaine cohérence.

Elle présente aussi certaines zones d'incertitude auxquelles doivent toujours prendre garde tant l'administrateur en charge de la sauvegarde des droits de la communauté que le tiers ou le copropriétaire désireux d'ouvrir action, sous peine de lourdes sanctions procédurales…

Jurisprudence récente

GRÉGORY BOVEY1 Juge au Tribunal fédéral

I. Introduction

Le présent exposé de jurisprudence tient compte des arrêts rendus par la IIème Cour de droit civil du Tribunal fédéral durant les cinq dernières années, soit de janvier 2010 à décembre 2014. Il ne peut, par la force des choses, avoir pour but de présenter tous les arrêts prononcés au cours de la période considé-rée. Il s'agira plutôt, dans une perspective essentiellement descriptive et objec-tive, de mettre l'accent sur quelques arrêts, qui confirment, renouvellent ou affinent les principes forgés ces cinquante dernières années et qui ont un réel impact pratique.

C'est ainsi que les thèmes principaux suivants seront mis en lumière dans les quelques pages qui suivent :

- délimitation entre changement de destination et changement d'utilisa-tion de l'immeuble en PPE (ci-après ch. II) ;

- travaux de construction sur une partie commune de l'immeuble en PPE (ci-après ch. III) ;

- formalités liées à la convocation et aux décisions de l'assemblée des propriétaires d'étages (ci-après ch. IV) ;

- divers aspects procéduraux (au sens large) liés à une procédure engagée par ou contre la communauté ou un propriétaire d'étages individuel (ci-après ch. V) ;

- opposabilité et interprétation du règlement d'administration et d'utilisa-tion de la PPE (ci-après ch. VI) ;

- exclusion d'un propriétaire d'étages (ci-après ch. VII).

1 L'auteur remercie Mme Annick Achtari, docteur en droit, greffière au Tribunal fédéral, pour l'aide qu'elle lui a apportée pour la préparation de la conférence ayant donné lieu à la présente contribu-tion.

II. Délimitation entre changement de destination et chan-gement d'utilisation de l'immeuble en PPE

Le Tribunal fédéral a dû se pencher à plusieurs reprises sur la délicate distinc-tion entre la destinadistinc-tion (ou l'affectadistinc-tion) de l'immeuble en PPE et son utilisa-tion. Cette distinction est d'importance dès lors que pour modifier la destination de la chose, une décision unanime est nécessaire (art. 648 al. 2 cum art. 712g al. 1 CC), tandis que le changement d'utilisation équivaut en principe à un « acte d'administration plus important » au sens de l'art. 647b al. 1 CC (applicable par renvoi de l'art. 712g al. 1 CC), qui présuppose uniquement une décision prise à la majorité qualifiée (copropriétaires et parts)2.

Dans chacun des arrêts présentés ci-après, le Tribunal fédéral rappelle qu'il y a changement de destination lorsque, par des mesures de fait ou juridiques, l'usage et l'affectation économique de l'immeuble en PPE sont modifiés de façon profonde et significative, de sorte que la destination actuelle de l'immeuble est reléguée au second plan3. Le Tribunal fédéral rappelle également qu'il peut y avoir changement de destination (art. 648 al. 2 CC) non seulement dans les cas où l'on modifie l'affectation de toute la PPE mais aussi lorsque une seule unité d'étages est modifiée4. Dans ce cas, la modification de l'unité d'étages doit avoir une influence considérable sur le caractère global de l'immeuble. Si la trans-formation d'une seule unité d'étages n'a pas cette influence et laisse donc sub-sister le caractère global de l'immeuble, elle peut, selon les circonstances, cons-tituer un changement d'utilisation (art. 647b al. 1 CC).

Il n'est pas possible de dégager une ligne directrice dans la jurisprudence fédérale. Ce sont en effet les circonstances concrètes qui, dans un cas déterminé, permettent de décider si on a véritablement affaire à un changement de desti-nation5, comme les trois exemples suivants le démontrent6.

2 WERMELINGER, n. 150a ad art. 712a CC ; STEINAUER, n. 1259 ss p. 444 s.

3 Cf. ATF 139 III 1 consid. 4.3.2 ; WERMELINGER, n. 150b ad art. 712a CC.

4 WERMELINGER, n. 150c ad art. 712a CC.

5 WERMELINGER, n. 150b ad art. 712a CC.

6 Voir aussi, pour d'autres exemples récents, arrêts 5A_499/2010 du 20 décembre 2010 et 5A_760/2011 du 18 mai 2012, publié in CdDR 1/13 p. 3.

A. Arrêt 5A_816/2012 du 15 avril 2013, publié in SJ 2013 I p. 560 et