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De l'activité judiciaire de la communauté des copropriétaires

1. For judiciaire

Dans les litiges internes (par opposition aux litiges de nature internationale pour lesquels le for se détermine en application de la LDIP voire de la Conven-tion de Lugano [art. 2 CPC]), le for judiciaire (à ne pas confondre avec le for de l'exécution évoqué au chapitre précédent) se détermine en application des art. 9 à 46 CPC. A ce titre, le for applicable au procès dans lequel la commu-nauté agit comme demanderesse sera déterminé en fonction du rapport de base duquel est issu la prétention litigieuse : on peut penser au for ordinaire (art. 10 CPC), au for élu (art. 17 et 18 CPC), au for contractuel (art. 31 CPC), au for de l'action fondée sur un acte illicite (art. 36 CPC) ou encore au for de la poursuite dirigée contre le tiers lorsque le juge est requis par la communauté de statuer sur une requête en mainlevée de l'opposition (art. 84 al. 1 LP et 46 CPC).

A l'inverse, lorsque la communauté se retrouve partie défenderesse, le for judiciaire correspondra au lieu où l'immeuble est ou devrait être immatriculé au registre foncier, en application de l'art. 29 al. 1 lit. b CPC. Il s'agit toutefois d'un for exclusif mais non impératif auquel les parties sont en conséquence libres de déroger (art. 17 et 18 CPC).

2. La communauté demanderesse à la procédure

Comme déjà évoqué, c'est en fonction de l'adéquation de l'objet du litige avec le critère des avoirs résultant de la gestion prévu à l'art. 712l al. 1 CC que se déterminent les procédures auxquelles la communauté est susceptible d'être partie demanderesse. L'enjeu de la question est évidemment important puisque l'absence d'adéquation avec ce critère aura pour conséquence le défaut de capacité d'être partie et d'ester en justice si bien qu'une telle demande serait alors irrecevable (art. 59 al. 2 lit. c et 60 CPC) ainsi que nous l'avons évoqué supra, p. 86.

Je me propose en conséquence d'énumérer toute une série de cas dans les-quels la communauté est susceptible d'agir comme demanderesse à la procé-dure :

- prétentions contractuelles de la communauté en relation avec un contrat qu'elle a conclu dans le cadre de la gestion de la copropriété (paiement du loyer à raison d'un bail portant sur des parties communes, livraison d'une tondeuse à gazon) ;

- prétention en dommages-intérêts résultant de dégâts occasionnés sur les parties communes, que ce soit à l'encontre d'un tiers, d'un coproprié-taire voire même de l'administrateur ;

- prétention contractuelle cédée en sa faveur, issue d'un contrat touchant aux parties communes (ATF 108 II 194, cession des prétentions de l'en-trepreneur général contre un bureau d'ingénieur) ;

- prétentions découlant de servitudes constituées en relation avec l'im-meuble de base de la PPE (action en rectification du registre foncier, ac-tion en paiement de la participaac-tion aux frais due par un voisin à raison de l'utilisation du réseau de chauffage central alimenté par la coproprié-té en vertu d'une servitude grevant l'immeuble de base, action néga-toire) ;

- action en revendication ou en cessation du trouble de voisinage (art. 641 et 679 CC) en relation avec l'usage d'une partie commune (à l'encontre d'un tiers ou d'un copropriétaire) ;

- action en rétablissement d'une partie commune après qu'elle a été modi-fiée sans droit par un propriétaire (par ex. modification de la répartition des caves) ;

- contentieux fiscal en relation avec l'estimation de l'immeuble ;

- litiges dirigés à l'encontre d'un copropriétaire en relation avec la déter-mination et le paiement des contributions aux charges communes (art. 712h CC), ou encore avec la constitution d'une hypothèque légale garantissant le droit aux contributions des trois dernières années (art. 712i CC, étant précisé [al. 2] que l'administrateur peut agir sans l'autorisation préalable de l'assemblée des copropriétaires) ;

- mise en œuvre du droit de rétention garantissant le droit aux contribu-tions des trois dernières années (art. 712k CC) ;

- litiges administratifs en relation avec le droit des constructions pour au-tant que la copropriété soit touchée ;

- plainte pénale à raison d'agissements de l'administrateur ou d'un tiers portant atteinte aux actifs de la communauté (escroquerie, dommage à la propriété), étant rappelé que la constitution de partie plaignante peut se faire tant pour le pénal que pour faire valoir des prétentions civiles (art. 119 al. 2 lit. a et b CPP).

Dans tous ces cas, et pour en rester à l'hypothèse d'un procès en Suisse, la procédure – de nature patrimoniale – sera gouvernée par le CPC et relèvera soit de la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC) soit de la procédure simplifiée lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas CHF 30'000 (art. 243 al. 1 CPC).

Dans certains cas le choix pourra être fait en faveur de la procédure (som-maire) pour les cas clairs de l'art. 257 CPC. Tous ces cas aboutiront en principe à un jugement qui déploiera autorité de la chose jugée entre la communauté elle-même et sa partie adverse.

Enfin, il est des cas dans lesquels la procédure sommaire s'applique en ver-tu de la naver-ture de l'action envisagée par la communauté ainsi que le prévoit le CPC : on mentionnera la requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale en vue de garantir le paiement des trois dernières années de contribu-tions (art. 712i CC cum art. 249 lit. d ch. 5 CPC).

3. La communauté défenderesse à la procédure

Dans d'autres cas, la communauté ne prendra pas elle-même l'initiative du procès, qui sera l'œuvre de la partie adverse agissant comme demanderesse.

C'est alors cette dernière qui se retrouvera « devant la feuille blanche » au moment de rédiger la demande, et plus particulièrement lorsqu'il s'agira de désigner la partie défenderesse. S'il assigne la communauté à raison d'actifs ne ressortissant pas de sa gestion, le demandeur s'expose à un jugement d'irrece-vabilité (art. 59 al. 2 lit. c et 60 CPC) puisque la communauté ne disposerait alors pas de la capacité d'être partie et d'ester en justice. Si en revanche il as-signe un ou plusieurs copropriétaires en lieu et place de la communauté alors qu'il s'agit d'un litige portant sur des actifs/passifs rattachés à la communauté en raison de sa gestion, le demandeur s'expose à un déboutement pour défaut de légitimation passive.

Je me propose, comme précédemment, d'énumérer quelques litiges dans lesquels la communauté pourrait être valablement assignée :

- action de tiers à raison de la non-exécution par la communauté d'obliga-tions contractuelles (paiement de la location de la salle réservée en vue de la tenue de l'assemblée générale, des honoraires de l'administrateur, de l'électricité pour les parties communes) ;

- action en responsabilité civile dirigée contre la communauté à raison d'actes illicites engageant sa responsabilité objective (art. 58 CO : res-ponsabilité du propriétaire de l'ouvrage en rapport avec les parties communes) ;

- action d'un ou plusieurs copropriétaires tendant à l'instauration d'un règlement d'administration et d'utilisation valable (art. 712g al. 3 CC) ou à la nomination d'un administrateur (art. 712q al. 1 et 2 CC, l'action

pouvant être aussi intentée par un créancier gagiste ou un assureur), ou encore à la révocation de l'administrateur (art. 712r al. 2 CC) ;

- action d'un copropriétaire visant à ce que les actes d'administration in-dispensables au maintien de la valeur et de l'utilité de la chose soient exécutés (art. 647 al. 2 ch. 1 CC, applicable aussi à la propriété par étages) ;

- action en annulation des décisions prises par l'assemblée introduite par un ou plusieurs copropriétaire(s) (art. 75 cum art. 712m al. 2 CC) ; - action introduite par un ou plusieurs copropriétaire(s) en vue d'obtenir

une répartition des frais tenant compte du cas de figure réservé par l'art. 712h al. 3 CC.

Ces actions appellent mutatis mutandis les mêmes remarques procédurales que les demandes introduites par la communauté elle-même, notamment quant au type de procédure applicable.

A noter toutefois que certains litiges dans lesquels la communauté des co-propriétaires est défenderesse relèvent de la procédure sommaire ainsi que le prévoit expressément le CPC : il en va ainsi lorsqu'un copropriétaire entend contester l'existence d'un juste motif à l'appui de l'opposition décidée par l'assemblée des copropriétaires à l'aliénation d'une part, à la constitution d'un usufruit ou d'un droit d'habitation, ou à la conclusion d'un bail sur un étage (art. 712c al. 2 et 3 CC cum art. 249 lit. d ch. 3 CPC), lorsqu'un copropriétaire agit en vue d'obtenir la nomination ou la révocation de l'administrateur (art.

712q et 712r CC cum art. 249 lit. d ch. 4 CPC), ou encore lorsqu'un coproprié-taire requiert les actes d'administration nécessaires au maintien de la valeur et de l'utilité de la chose en copropriété (art. 647 al. 2 ch. 1 CC cum art. 247 lit. d ch. 1 CPC).

IV. Statut procédural du/des copropriétaire(s)

On l'a évoqué jusqu'ici, la vocation de la communauté consiste à se substituer en quelque sorte aux copropriétaires lorsqu'elle acquiert des droits et des obli-gations dans le cadre de sa gestion, ce qui ne peut survenir (sous peine d'irre-cevabilité de l'action, peu importe que la communauté apparaisse à la procé-dure comme demanderesse ou défenderesse) que dans le cadre prévu à l'art. 712l CC. Dans les autres cas de figure, à savoir lorsque les intérêts juri-diques des copropriétaires sont touchés sans qu'on ne puisse envisager que la communauté apparaisse comme partie à la procédure, ce sont les coproprié-taires eux-mêmes qui devront agir, respectivement être assignés.