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B - Des réformes à mener afin de renforcer la cohérence interne du modèle

Dans le document LA POSTE (Page 120-127)

La diminution du risque résultant du modèle multi-métiers est de même nature que celle qui se réalise dans les conglomérats industriels, et s’expose donc aux critiques qui leur sont traditionnellement adressées, notamment : hétérogénéité, manque de lisibilité, complexité de gestion, allocation des capitaux non optimale. La cohérence des activités rassemblées dans le groupe, ainsi que les synergies entre elles, peuvent rendre ces critiques inopérantes, mais elles supposent des évolutions profondes.

1 -Accentuer l’interpénétration entre La Banque Postale et le Réseau

a)Le coût élevé du réseau des bureaux de poste pour LBP Les trois quarts des frais de gestion de LBP sont des refacturations du réseau : 2,0 Md€ de charges de personnel et 1,0 Md€ de facturation d’opérations de guichet. En outre, alors que le volume des opérations de guichet décroît (-25 % entre 2009 et 2013), le montant de refacturations reste stable. De même, alors que les effectifs du réseau qui travaillent

‐2 0 2 4 6 8 10 12

Allemagne France Italie Pays‐Bas Royaume‐Uni Suisse 2010

2014

%

pour LBP166 diminuent ces dernières années, les charges de personnels refacturées restent stables. S’y ajoute, en propre, le coût des systèmes d’information qui est au-dessus du niveau moyen du secteur (15 % du PNB contre 10 % dans les autres banques).

Il en résulte pour LBP un coefficient d’exploitation167 supérieur d’environ 20 points à la moyenne des grandes banques de détail françaises, et qui n’a pas baissé au rythme programmé dans le plan stratégique 2010-2015 : il est encore supérieur à 80 % (cf. graphique ci-après), alors qu’il devait descendre en-dessous de cette cible dès 2010 selon le dossier d’agrément présenté en 2005. Dans le plan stratégique 2014-2020, l’objectif est de le ramener à 75 %.

Graphique n° 26 :évolution du coefficient d’exploitation de LBP

Source : Cour des comptes, données La Poste

La baisse des charges du réseau (cf. infra II-A) apparaît donc indispensable à la viabilité du « partenariat » entre LBP et les bureaux de poste. En effet, actuellement, comme les refacturations sont indexées sur les actions de guichet liées à chaque activité, chaque branche a individuellement intérêt à chercher au maximum à commercialiser directement ses produits en dehors du réseau pour que les coûts de celui-ci soient davantage supportés par les autres branches. Mais une telle stratégie non coopérative conduit à accélérer encore la baisse d’activité du réseau et donc l’augmentation des coûts unitaires qui sont de toute façon in fine refacturés aux branches. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut donc que le coût global du réseau baisse et qu’ainsi que le poids du

166 90 % des effectifs qui travaillent pour LBP sont des personnels salariés de La Poste SA.

167 Charges d’exploitation / PNB.

70 74 78 82 86 90

2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 PS 2010‐2015 PS 2014‐2020 Réalisé

%

réseau supporté par les branches, et par LBP en particulier, ne les dissuade pas d’y avoir recours.

b)L’enjeu de la « ligne managériale unique »

Alors que les bureaux de poste remplissent pour La Banque Postale la fonction d’agences bancaires, le maintien d’une relation entre le Réseau et LBP basée uniquement sur la refacturation de prestations de service apparaît de moins en moins soutenable.

Les deux branches ont, au cours des années récentes, accentué leur interpénétration, notamment avec la bi-appartenance de dirigeants et de cadres. La directrice du Réseau est ainsi membre du comité exécutif de La Banque Postale. Sous le nom de « ligne commerciale unique » a été entamée une évolution de l’organisation qui vise à rapprocher le fonctionnement conjoint des deux branches de celui d’une banque normale avec :

- la fusion des directions commerciales de la banque et du réseau ; - la création de postes de managers ayant compétence sur des

« terrains » regroupant plusieurs bureaux sur un territoire pertinent ; - la déconcentration de la gestion des risques au niveau du « terrain »,

pour délivrer directement une réponse au client sans devoir remonter par l’échelon supérieur ;

- la montée en charge rapide des compétences bancaires des agents du réseau168.

Ces évolutions sont conformes aux recommandations formulées par la Cour dans le rapport public thématique de 2010169, où elle soulignait la nécessité de clarifier les lignes de responsabilités entre le Réseau et La Banque Postale. La spécialisation bancaire de bureaux de poste, ou de portions de bureaux, qui s’esquisse d’ores et déjà, paraît nécessaire pour mieux adapter l’offre à la clientèle desservie et répondre

168 La Poste a créé une « École de la Banque et du Réseau », destinée à la formation interne et appuyée sur des partenariats avec des organismes de formation. Entre 2015 et 2018, l’ensemble des directeurs de terrain est appelé à faire l’objet d’une formation aux métiers de la banque, ainsi que 1500 guichetiers.

169 Rapport public thématique : La Poste : un service public face à un défi sans précédent, une mutation nécessaire. La Documentation française, juillet 2010, 190 p., disponible sur www.ccomptes.fr

aux attentes exprimées, notamment par les associations de consommateurs, en matière de qualification des agents.

2 -Renforcer la recherche de synergies entre les réseaux industriels

Le groupe a développé en France quatre réseaux de tri et d’acheminement du courrier et des objets : celui du courrier, comprenant notamment 47 plateformes industrielles de tri ; celui du colis au sein de la maison mère, comprenant 15 centres de tri ; celui de Chronopost, filiale de GeoPost ; et enfin celui de DPD-France (Exapaq antérieurement), filiale de GeoPost acquise en 2009.

De même, pour la distribution au client final, coexistent dans le groupe cinq réseaux : celui des facteurs, formé de 3 882 plateformes de distribution réparties en 580 établissements ; les 65 agences spécialisées qui distribuent les colis dans les grandes villes ; les réseaux de distribution propres à Chronopost et à DPD-France, en partie sous-traités ; les équipes de Mediapost (5 000 ETP) assurant la distribution des publicités et plis non adressés ; et enfin le réseau de points-relais chez les commerçants, géré par la filiale Pickup.

La coexistence de ces réseaux s’explique par des différences qui ont trait à la nature et au nombre d’objets traités (de 55 millions par an pour DPD-France à 13 milliards pour le courrier), aux délais contractuels et aux autres obligations vis-à-vis du client. Toutefois, des synergies entre eux sont possibles, dans certaines zones, pour certaines prestations ou fonctions, à certains moments de l’année, etc. Jusqu’à 2014, ces réseaux étaient localisés chacun dans une entité – métier ou filiale – différente.

Une telle situation ne facilitait pas le repérage et la mise en œuvre des synergies, et il n’existait pas d’instances ou de structures transversales destinées à les faire émerger.

La Poste a pris conscience de ce point : la recherche de synergies a constitué un des motifs du rapprochement du colis et du courrier dans la même branche et des collaborations plus formalisées se sont mises en place. Une de leurs formes concrètes consiste par exemple, dans des agglomérations où le courrier, les colis de La Poste, les colis de Chronopost et ceux de DPD-France donnent lieu à des tournées de distribution distinctes, à mutualiser certains moyens de transport, lieux de stationnement ou autres locaux, et ainsi à dégager des économies.

D’autres parties de la chaîne de traitement des colis et des objets peuvent donner lieu à des investissements, en particulier les plateformes de tri. Alors qu’un nombre croissant d’acteurs du commerce électronique déploient leur activité sur plusieurs pays, entraînant la vive croissance des flux transfrontaliers, cette démarche ne doit pas se limiter aux filiales françaises.

Cette recherche de synergies entre les outils industriels pourrait constituer un programme formalisé, présenté au conseil d’administration de la maison mère et des filiales concernées et donnant lieu à un compte rendu régulier.

3 -Un réseau des facteurs voué à des transformations profondes

a)Facteo : un outil de travail encore insuffisamment exploité Le smartphone Facteo (90 000 unités) est la pierre angulaire du déploiement de nouveaux services commerciaux du facteur. Ce projet d’équipement ambitieux concerne l’ensemble des facteurs et s’est déployé de 2012 à la fin de 2015. Facteo est programmé dans l’ordre de la tournée, avec une présentation successive des écrans nécessaires aux différentes actions. Il permet des économies et gains de productivité.

Fin 2015, le coût total du projet depuis son lancement est de 65,1 M€. La décomposition des coûts annuels montre que leur progression est tirée par la forte croissance du montant des abonnements téléphoniques :

Tableau n° 10 :coûts du projet Facteo (M€)

Année 2012 2013 2014 2015 Évol.

Développement, infrastructure 5,0 4,2 8,6 7,0 + 2

Assistance à maîtrise d’ouvrage 0,5 1,1 2,1 1,3 + 0,8

Achats de smartphones 2,1 1,9 9,7 5,5 + 3,4

Abonnements 0,3 2,3 3,4 9,9 + 9,6

Total 7,9 9,5 24 23,7 + 15,8

Source : Cour des comptes, données La Poste

Les coûts de développement sont désormais inférieurs aux coûts d’abonnements, alors que le développement des applications est un enjeu crucial pour exploiter le potentiel de l’outil.

En 2016, on ne dénombre ainsi que six services aux clients disponibles sur Facteo170 et sept services permettant l’amélioration de l’efficacité de la tournée du facteur, trois services additionnels étant par ailleurs en test depuis 2015171.

En tant qu’outil d’appui à l’activité de distribution, plusieurs possibilités restent à exploiter : par exemple, avec la géolocalisation, le téléphone pourrait avertir le facteur lorsqu’il approche d’une adresse où il doit remettre un objet contre signature, afin de lui éviter des oublis ou des retours en arrière. Les systèmes d’information du Courrier ne permettent pas, pour l’heure, leur déploiement intégral et immédiat.

La branche Courrier doit donc s’efforcer de lever les obstacles empêchant le développement intégral et rapide de toutes les applications de services aux clients et aux facteurs permises par Facteo. La pleine utilisation de cet outil est bien l’un des déterminants à l’appui des nouveaux marchés et des nouvelles fonctions auxquels les facteurs sont destinés.

b)L’avenir du métier de facteur

La chute des volumes de courrier met en question l’existence même d’un réseau de 73 000 facteurs répartis dans 3 882 implantations, pour visiter six jours sur sept 36 millions de boîtes aux lettres. Son avenir doit être envisagé en tenant compte d’autres évolutions qui le concernent.

La première, déjà mentionnée (cf. supra I, A-3), est le développement des nouveaux services du facteur, qui signifie une évolution profonde de leur métier. Même si ces services sont très divers, le contenu, les règles et le rythme des tâches qu’ils impliquent vont le plus souvent différer fortement de la distribution du courrier et des objets.

170 La vigie de personnes, l’enregistrement de diagnostics au domicile, la collecte d’informations diverses, l’expédition en boîte aux lettres de colis, la remise commentée de documents et la vérification de l’adresse.

171 La prise de photo d’un pli pour visualiser les services qui y sont associés, la prise de photo d’une boîte aux lettres pour visualiser les habitants associés et les croiser avec les services qu'ils ont souscrits et une fonction d’assistant vocal qui répond à toute question du facteur sur les contrats des clients (réexpédition, procuration, etc.).

Les adaptations à réaliser seront encore plus fortes si une des formes imaginables du développement des nouveaux services se concrétise : la vente à grande échelle, dans un cadre volontaire et non régulé où La Poste conserverait la maîtrise de ses tarifs, de « minutes facteur » correspondant à des prestations de distribution de nature diverse, mais devant respecter des standards de format, de poids, de conditionnement, etc. Les clients, aussi bien des entreprises de grande taille que des commerces locaux, auraient vocation à intégrer ces prestations dans leur propre offre, et, outre la livraison et le portage, elles pourraient comprendre le recueil d’information.

Indépendamment de cette diversification, le champ d’action des facteurs, le « dernier kilomètre », traditionnellement point névralgique des activités logistiques, voit son importance accrue par plusieurs mouvements de fond.

En premier lieu, comme cela a été dit au chapitre III (II, A-2), la livraison représente pour le commerce en ligne un enjeu majeur : son coût doit permettre au commerçant de la rendre gratuite sans perdre toute sa marge, et elle doit répondre à des attentes de qualité de service qui ne cessent de s’élever : raccourcissement drastique des délais au premier chef, mais aussi choix du moment et du lieu de la livraison, possibilité de les changer en cours de route, information en temps réel, etc. Les livraisons de colis par les facteurs, qu’il s’agisse des Colissimo de la maison mère ou de celles de Chronopost, doivent répondre à ces exigences. La livraison des colis en soirée, en rupture avec des tournées du courrier qui ont lieu le matin, illustre les changements que cela implique. S’ils ne s’accomplissent pas, l’écart entre les prestations de La Poste et celles de la concurrence entraînera des pertes de chiffre d’affaires.

En deuxième lieu, un marché de services de livraison rapide en milieu urbain a récemment émergé, avec, en France, des acteurs comme Colisweb, Stuart, etc. ou, pour les restaurants, Deliveroo, Foodora, Allo-Resto, etc. La prise de participation de GeoPost dans Stuart a manifesté le souci de La Poste de ne pas rester en marge de ce marché où règne une vive concurrence et dont le modèle social ne repose pas sur le salariat. Or, son développement nécessitera de l’adosser, au moins en partie, aux réseaux de distribution existants, au premier chef celui des facteurs.

En troisième lieu, pourraient apparaître dans de grandes agglomérations, comme c’est déjà le cas dans des pays voisins, des réglementations des livraisons en centre-ville imposant des regroupements, voire obligeant, pour limiter les encombrements, à passer

par un ou plusieurs transporteurs avec lesquels la municipalité aura passé un contrat. Forte de ses implantations, de ses véhicules et de ses facteurs, La Poste aurait naturellement vocation à les déployer sur ce marché.

Ces évolutions ont en commun d’offrir des perspectives aux facteurs, de diversifier leur activité et de la relier plus qu’aujourd’hui à celle d’autres entités du groupe, voire de tiers. Mais les bouleversements de l’organisation qu’elles impliquent sont plus nombreux et plus profonds que ceux qui relèvent de la seule optimisation de la productivité : outre de transformer le métier des facteurs, ils auraient potentiellement pour effet de modifier l’architecture des établissements et des implantations, le mode de management, l’organisation de la production, les horaires et cycles de travail, voire la position du réseau des facteurs dans l’organigramme du groupe. La Poste ne saurait faire l’économie d’une analyse approfondie des scénarios d’organisation les plus aptes à réaliser ces évolutions.

C - Inscrire pleinement la croissance externe dans une

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