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C - La poursuite de la chute des volumes de courrier

Dans le document LA POSTE (Page 85-90)

La Poste est aujourd’hui confrontée à la baisse rapide et structurelle des volumes de courrier du fait de la concurrence des échanges électroniques. À cet égard, la mauvaise conjoncture économique non seulement pèse sur les volumes de courrier et de colis échangés, mais incite les entreprises à choisir de dématérialiser certaines procédures (facturation, publicité adressée) afin de réaliser des économies, ce qui accélère la baisse des volumes de correspondance134.

Pour une industrie de réseau aux coûts majoritairement fixes, le maintien de la productivité de l’activité du courrier avec des volumes décroissants exige une maîtrise particulièrement stricte des charges. C’est pourquoi l’hypothèse retenue dans les plans stratégiques pour l’évolution des volumes de courrier est très importante : elle constitue à la fois le déterminant de la plus grosse part du chiffre d’affaires (- 1 % de volume de courrier correspond environ à - 100 M€ de chiffres d’affaires) et l’élément par rapport auquel se calcule l’évolution des charges afin de garantir un résultat positif.

Or, dans ses plans stratégiques successifs, La Poste a éprouvé des difficultés à prévoir le rythme de baisse du courrier, en particulier avant 2010135, ainsi que le montre le graphique n° 16.

134 La baisse des volumes de courrier s’est accélérée à partir de 2009 (cf. infra).

135 Le plan stratégique 2008-2012 ne prévoyait qu’une diminution des volumes de 1,5 % par an, en légère accélération par rapport à la période précédente (- 0,8 % par an en moyenne entre 2000 et 2007) : dans les faits, la baisse a été de - 3,75 % par an en moyenne sur la période 2008-2012, soit 2,25 points de plus.

Graphique n° 16 :prévisions dans les plans stratégiques et réalisation, évolution des volumes de courrier (Md d’objets)

Source : Cour des comptes, données La Poste et Arcep.

La situation d’autres opérateurs postaux, confrontés à une baisse plus précoce et plus prononcée du courrier, témoigne en outre du risque de poursuite et d’accélération du phénomène et laisse entrevoir le potentiel de pénétration des usages numériques en France.

Graphique n° 17 :évolution comparée des volumes de courrier en Europe136

Source : Cour des comptes, données Union postale universelle.

136 La baisse est très marquée dans les pays où la dématérialisation est avancée (Danemark) et où l’opérateur historique a perdu des parts de marché suite à l’ouverture à la concurrence (Pays-Bas) ; elle est plus faible dans les pays où le courrier n’était traditionnellement pas très développé (Allemagne). L’Estonie constitue un exemple extrême, où la politique de dématérialisation très volontariste a mené à une quasi-disparition du courrier papier.

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La menace d’un nouveau choc sur les volumes de courrier ou d’une plus grande sensibilité de la demande aux tarifs ne saurait donc être écartée.

Alors que le rythme annuel de baisse du courrier est passé en trois ans de - 3,7 % en moyenne (2010-2012) à - 6 % (2013-2015), La Poste a retenu pour la période 2015-2020 une trajectoire de baisse des volumes qui diverge peu de la période précédente (- 7 %). Or, plusieurs facteurs pourraient accentuer le phénomène d’e-substitution, par exemple les annonces récentes concernant le « choc de simplification », la levée de certaines obligations de recours à la lettre recommandée, la dématérialisation de la propagande électorale ou la montée en charge de la déclaration et du paiement des impôts en ligne137. Or, bien qu’elle ait examiné des scénarios alternatifs, dont un plus dégradé, La Poste n’affiche pas de provisions de mesures supplémentaires à mettre en œuvre au cas où elle devrait faire face à une nouvelle accélération du rythme de baisse des volumes de courrier.

Il est vrai que, parallèlement à l’accélération de la baisse des volumes, La Poste a eu recours, avec l’accord de l’ARCEP, à une augmentation des tarifs du courrier pour compenser en partie le recul des volumes. Le price cap138 a ainsi fortement évolué et la hausse du prix du timbre, peu ou prou conforme à l’inflation jusqu’en 2012, la dépasse désormais sensiblement139. Depuis 2013, le levier tarifaire est ainsi devenu central. Alors que la hausse des tarifs avait compensé moins de la moitié de la baisse des volumes sur la période 2009-2013, elle la couvre quasiment en totalité en cumulé pour les années 2014-2015 (cf. graphique n° 18). Cela illustre la forte dépendance de l’équilibre financier du courrier à la poursuite des hausses de tarifs dans les années à venir, compte-tenu de l’importance des pertes liées à la baisse des volumes (estimées à 3,4 Md€ à l’horizon 2020).

137 Ces phénomènes ont notamment été analysés par la Cour dans le rapport qu’elle a remis au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur les Relations aux usagers et modernisation de l’État, vers une généralisation des services publics numériques, janvier 2016, 129 p., disponible sur www.ccomptes.fr

138 Cf. Glossaire.

139 Inflation + 0,3 % pour la période 2009-2012 ; inflation + 1 % pour la période 2013-2015 ; inflation + 3,5 % pour la période 2015-2018.

Graphique n° 18 :impact annuel moyen des hausses de tarifs140 et de la baisse des volumes de courrier sur le REX du courrier

Source : Estimations Cour des comptes, données La Poste et Arcep.

Si cette politique de hausse soutenue des tarifs est largement partagée par l’ensemble des opérateurs européens, elle n’en contient pas moins le risque d’accentuer la dématérialisation des échanges.

140 Il ne s’agit pas seulement du prix du timbre mais de l’ensemble de la grille tarifaire du courrier.

‐600

‐400

‐200 0 200 400 600

2009‐2013 2014‐2015 Objectifs du PS 2014‐2020

Impact annuel moyen sur le REX des hausses de tarifs

Impact annuel moyen sur le REX de la baisse des volumes de courrier M€

La hausse des tarifs postaux en Europe

Face au problème partagé de la baisse des volumes de courrier, les opérateurs postaux européens ont mené, pour la plupart, une politique tarifaire dynamique. La hausse la plus spectaculaire a été mise en œuvre au Royaume-Uni, où Royal Mail a augmenté ses tarifs à un rythme nettement supérieur à celui de la baisse des volumes, proche de 13 % par an entre 2008 et 2015, contre 5,5 % pour La Poste et 2 % seulement pour Deutsch Post141.

Les Pays-Bas ont, eux aussi, récemment augmenté fortement le prix du timbre (+ 18,5 % en 2014), qui était auparavant très inférieur à la moyenne. À l’autre bout du spectre, le Danemark pratique le prix du timbre le plus élevé (1,21 € en 2014) et en poursuit l’augmentation dans le cadre d’une politique volontaire en faveur de l’e-substitution. Avec un timbre prioritaire à 0,76 € en 2015 (0,80 € au 1er janvier 2016), La Poste est dans la moyenne des tarifs du courrier en Europe, alors que le territoire français est plus vaste et moins densément peuplé que celui de la plupart des autres pays.

Graphique n° 19 :tarif 2015 de la lettre prioritaire

Source : Cour des comptes, données La Poste et ARCEP.

141 Cette hausse très marquée des tarifs au Royaume-Uni, destinée à restaurer l’équilibre économique de Royal Mail dans le contexte de sa privatisation, a été critiquée par le régulateur Ofcom en juillet 2015, qui examine actuellement l’opportunité d’un contrôle tarifaire plus strict, pour des raisons de distorsion éventuelle de concurrence.

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4

Allemagne Belgique Danemark France Italie Pays‐Bas Royaume‐Uni

La sensibilité du volume de courrier aux tarifs (élasticité-prix) est considérée par La Poste comme très variable selon les segments de marché142. C’est la raison pour laquelle, en 2015, la hausse a été de 11,3 % pour le timbre unitaire, de 3 % pour le courrier relationnel (factures, relevés bancaires, etc.) et de 1,4 % seulement pour le courrier publicitaire.

La Poste joue également sur la modification de son offre, en orientant ses clients vers des produits moins urgents (type Lettre Verte), dont la généralisation permettrait de dégager des économies en réorientant l’outil industriel vers le « J+2 ».

Le levier tarifaire a néanmoins ses limites. Le prix du timbre est en effet un sujet sensible, et ce d’autant plus que La Poste bénéficie de sa position ultra-dominante d’un ancien monopole d’État sur ce segment. De fait, le financement direct par le consommateur a déjà fait réagir les associations de consommateurs, qui soulignent en outre que ces hausses répétées ne servent pas à améliorer la qualité de service (cf. chapitre II, II- A). Par ailleurs, concernant les entreprises et les administrations, les pertes de « grands comptes » provoquées par une hausse trop rapide des prix peuvent avoir un effet significatif et irréversible.

III - Des interrogations fortes sur la capacité

Dans le document LA POSTE (Page 85-90)