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CHAPITRE I ETAT DE L’ART ET PROBLEMATISATION

I.1.3 Un référent culturel en lien avec la société globale

A l’issue des lectures, les valeurs qui nous semblent parmi les plus importantes chez les paysans, à savoir le travail et la famille se retrouvent également comme des valeurs centrales pour la société dans son ensemble. En effet, il ressort de l’enquête Valeurs que la famille est depuis 1981, la valeur considérée comme la plus importante, pour les Français29, devant le travail et les relations (amicales, sociales, etc., c’est-à-dire une sociabilité proche), la religion occupe la dernière place : [Près de 9 Français sur 10 considèrent toujours la famille comme très importante dans leur vie (…)] (Bréchon et Tchernia, 2009, p. 12) ; pour le travail, c’est le cas de 7 personnes sur 10. Et le classement montre la permanence des valeurs malgré les changements économiques, sociaux et politiques mais aussi les différentes crises. En outre, la religion s’est aussi révélée comme une valeur peu opératoire chez les paysans.

L’enquête Valeurs distingue également la configuration de valeurs des Français en deux dimensions : une dimension appelée [traditionalisme] (Bréchon et Galland, 2010, p. 237) qui se caractérise par un attachement aux valeurs anciennes que ce soit pour la famille, le travail, le respect des règles dans la sphère publique et privée, etc. et une dimension appelée [intégration sociale] (Ibid, p. 239) qui se définit par une plus grande confiance institutionnelle et envers autrui ainsi que par une plus grande participation démocratique, associative, religieuse, etc. (Ibid, p. 237). Cette dichotomie s’apparente à l’association valeurs anciennes- valeurs nouvelles qui se retrouve chez les paysans. Par conséquent, nous considérons que le référent culturel est inclus dans la société dont les agriculteurs font parties, certes avec des différences. Il conviendra lors de l’analyse des entretiens, de voir si les enquêtés de notre corpus partagent d’autres points communs avec les valeurs de la société d’appartenance.

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Parmi les valeurs proposées dans le questionnaire qui étaient : famille, travail, amis et relations, loisirs, politique et religions (Bréchon et Tchernia, 2009, p12, 13).

D’autre part, le paysan doit sa paternité, selon Mendras (2000), à Robert Redfield (1989) dont sa théorie de la paysannerie définit [(…) les sociétés paysannes comme une part sociéty, incluse dans une société plus large, encore appelée « société englobante » à laquelle ces communautés sont conduites à se soumettre sans pour autant perdre leur autonomie.] (Hervieu et Purseigle, 2013, p. 39). La paysannerie ne forme pas une totalité indépendante, elle entretient des liens avec le monde urbain et la classe dominante, ce qui ne signifie pas qu’elle n’ait pas ses caractéristiques propres et une certaine autonomie. De plus, on ne peut pas parler d’une culture uniquement de l’intérieur ou de l’extérieur sans se référer à une autre culture (Hall, 1979). Chaque culture a un élément de la culture globale.

Après avoir caractériser le référent culturel et mis en évidence les éléments que nous allons interroger sur le terrain, il convient d’aborder une autre hypothèse, celle de l’appropriation différenciée de ce dernier.

I.2 …Mais trois appropriations différentes du référent culturel

Nous avons également conscience que tous les éléments culturels ne vont pas se retrouver à l’identique chez tous les enquêtés mais il y aurait plutôt une personnalisation du modèle culturel : [Il existe ainsi pour chaque individu un système complexe d’accentuations, de contradictions, de transformations, en fonction des différents éléments qui jouent ou ont joué dans les processus de socialisation qui ont eu un effet sur lui.] (Michelat, 1975, p. 232). Par conséquent, l’objectif est aussi de mettre en évidence la manière dont les enquêtés s’approprient le référent culturel, qui fera l’objet d’un chapitre de l’analyse30

. Pour la psychologie sociale, chaque individu s’approprie à sa façon les valeurs – et la configuration de valeurs – il se les fait siennes. La psychologie sociale appréhende le changement comme la possibilité d’une ouverture vers d’autres valeurs, sans pour autant, abandonner celles déjà existantes mais elles perdent de leur importance (Fischer, 2005, p. 208). D’autre part, pour qu’une culture puisse se transmettre, il faut que les individus aient fait l’expérience de valeurs et de normes mais cette transmission perpétuelle n’est pas reçue à l’identique par les individus qui s’approprient les valeurs et les normes et donc en modifient le sens (Sainsaulieu, 1988, p. 10).

Nous supposons que le rapport entretenu par les enquêtés vis-à-vis de l’innovation – autrement dit l’adhésion ou pas - est à l’origine de cette appropriation différenciée du référent. En effet, l’agriculture se caractérise par une rapidité des innovations dont la plus marquante est l’introduction du tracteur. Avec l’envahissement du progrès, ce sont les valeurs paysannes qui sont transformées et le paysan doit désormais faire face à la rationalité. Pour Mendras (1958), il s’agit de la disparition de la société paysanne : [Il nous faut constater que la modernisation de l’agriculture n’est qu’une face d’un conflit de civilisation qui remet en question les fondements de la société paysanne traditionnelle, la personnalité sociale des paysans et leur vision du monde. Il ne s’agit pas d’un simple problème d’investissement ou d’éducation mais du remplacement d’une civilisation par une autre.] (Mendras, 1958, p. 58). Le paysan - caractérisé par la vie en collectivité villageoise composée d’un petit nombre ou il

y a la prédominance de l’interconnaissance, la conscience d’une existence extérieure mais avec qui il entretient de faibles échanges et une spécialisation des tâches et des rôles déterminée par la collectivité – a laissé place à l’agriculteur, intégré dans la société dans son ensemble, participant à l’économie de marché et avec une spécialisation mais aussi une différenciation des tâches et des rôles. Pour Mendras (1976), il n’y a pas de point commun entre le paysan et l’agriculteur et ce dernier étant intégré dans la société globale, il partagerait davantage de traits avec celle-ci – voire l’ensemble des traits - qu’avec la paysannerie. Il n’y aurait donc pas de continuité entre le paysan et l’agriculteur mais une rupture entre les deux. Notre recherche se distingue de cette théorie en supposant la coexistence de plusieurs [mondes agricoles] (Hervieu et Purseigle, 2013) – se différenciant principalement en fonction de la taille de l’exploitation, de son organisation, du système de production - partageant plus ou moins de valeurs communes et il conviendra de décrire les modalités de cette coexistence : pacifisme ou tensions ? Est-ce qu’il y en a un qui veut prendre l’ascendant sur l’autre dans l’objectif de le faire disparaître ? Mais aussi combien sont-ils ? Beaud et Pialoux (1999) quand ils commencent, dans les années 80, leur enquête sur le monde ouvrier, étudient eux aussi une classe sociale qui s’est transformée et qui a perdu de son importance alors que les ouvriers sont toujours nombreux en termes d’effectifs et un certain nombre de travaux antérieurs évoquent également l’éclatement du groupe ouvrier. Leur ouvrage débute par une série d’interrogations sur notamment la nécessité d’étudier une classe en voie d’extinction : [Pourquoi écrire aujourd’hui sur les ouvriers ? Ne sont-ils pas les survivants d’un vieux monde industriel en voie de disparition ? N’a-t-on pas déjà tout dit sur la fin de la « classe ouvrière » ?] (Beaud, Pialoux, 1999, p.14). Et dans une telle conjoncture, les deux sociologues se sentent en quelque sorte obligés de justifier leur recherche sur le monde ouvrier : [Pourquoi alors continuer à travailler sur la réalité ouvrière ? Parce que nous pensons que la question ouvrière est plus que jamais d’actualité, et qu’il faut continuer d’aller voir à l’intérieur de l’entreprise comment l’on y travaille (…)] (Ibid, p. 16). Le monde agricole connaît une situation similaire, le contexte étant à la « contraction » des actifs autrement dit il y a de moins en moins d’agriculteurs mais ceux qui restent ont des exploitations de plus en plus grandes et ils produisent davantage. Et tout comme le monde paysan, le monde ouvrier ne fait plus vraiment l’objet d’enquête depuis les années 198031.

De plus, l’innovation est aussi source d’inégalités économiques et sociales entre agriculteurs puisqu’il y a ceux qui pourront innover - principalement les agriculteurs moyens (Bodiguel, 1975, p. 176) - et ceux qui ne le pourront pas au vu du potentiel de leur exploitation. Hervieu et Purseigle (2013) nuancent les propos de Mendras (1976), pour eux, l’innovation n’a pas seulement contribué à l’apparition de l’agriculteur, elle a transformé ce dernier en chef d’exploitation qui tend à se confondre avec un chef d’entreprise. En effet, il a eu une professionnalisation du métier puisque l’agriculteur ne se contente pas de produire, il faut qu’il produise en lien avec le marché et qu’il sache aussi vendre. Le métier n’est plus uniquement appréhendé comme une transmission générationnelle, ce qui traduit également sa professionnalisation. Et le projet de modernisation de l’agriculture d’après-guerre s’articule

31 Les agriculteurs connaissant une situation similaire à celle des ouvriers, il est bien évident que nous nous

sommes posés et qu’on nous a posé les mêmes questions que celles de Beaud et Pialoux (1999). Néanmoins, nous avons décidé d’y répondre et de montrer l’originalité de cette thèse tout le long de ce chapitre et de faire un point en conclusion de ce dernier.

autour de trois objectifs : une rationalisation du travail, une inclusion de l’agriculteur dans la société toute entière et pour finir, un développement de [la solidarité professionnelle] (Hervieu et Purseigle, 2013, p. 129). Ce projet s’est matérialisé dans des organisations professionnelles qui ont permis aux agriculteurs de former un groupe professionnel partageant des valeurs communes et donc une identité professionnelle (Hervieu et Purseigle, 2013, p. 129, 130). L’agriculture a donc été jusqu’au début du XXIème siècle, une agriculture de groupes, d’organisations ; tout comme le paysan qui était indissoluble de la collectivité villageoise. La tendance change désormais depuis une décennie environ ou la dimension individuelle tend à l’emporter sur le collectif qui se traduit par un détachement de l’agriculteur de toutes les formes organisationnelles et c’est la représentation d’un individu solitaire qui tend à émerger (Hervieu et Purseigle, 2013, p. 133). C’est donc dans ce contexte ou se développent d’autres innovations avec leurs répercussions sociologiques et socio- économiques que notre enquête a été réalisée. En outre, l'innovation peut avoir des formes plurielles, elle peut être l'adoption du modèle dominant (celui du productivisme dans les années de modernisation), elle peut être aussi l'adoption de modèles alternatifs (bio32, labels, AMAP33) ou l'adoption des formes contemporaines du productivisme comme l'agriculture raisonnée ou encore l'agriculture OGM34 et il est important de se demander quelles formes prend l’innovation.

Nous pensons que l’innovation entraînerait une distinction entre les agriculteurs qui seraient davantage enclins aux tendances paysannes notamment au niveau de la façon de travailler et ceux qui seraient du côté des tendances agricoles ; distinction liée aussi aux conditions d’existence, autrement dit ceux qui ont pu innover du fait qu’ils en avaient les moyens. Et par extension, c’est la façon de penser et de se représenter le monde qui est transformée et donc c’est le référent culturel qui est approprié différemment. A l’image de Terrail (1990) avec les ouvriers, il s’agirait d’étudier la dimension sociale et la dimension singulière des enquêtés. Nous considérons, à ce stade de la recherche, qu’il y aurait deux attitudes face à l’innovation : une adhésion totale et une adoption du stricte nécessaire. Ce qui rappelle la distinction qu’opère Mendras (1984) entre le [progrès traditionnel] (Mendras, 1984, p. 197) et le [progrès moderne] (Ibid) c’est-à-dire un changement radical ou modéré, voire adaptatif. Il faudra donc caractériser l’innovation. De plus, [Marc Bloch a bien montré que la révolution agricole du XVIIIe siècle a été faite par les grands agriculteurs contre la « routine » du petit paysan qui n’était guère sensible à l’idée d’accroître la production nationale ni même celle d’augmenter sa propre production (…) sa principale préoccupation était de conserver à peu près intact son niveau de vie traditionnel.] (Ibid, p. 48). Pour Mendras (1984), les paysans éprouvaient une certaine peur face à l’innovation car ils percevaient [le grand bouleversement social] (Ibid) qui se cachait derrière. Toute innovation est perçue, dans la culture paysanne, comme une aventure. Ce qui freine aussi la pénétration de l’innovation dans la société paysanne, c’est l’importance de la tradition et qui, aux yeux du paysan, ne peut être remise en cause puisqu’il la perçoit comme [un allant de soi] (Bourdieu, 1979), c’est pour lui, [la façon normale dont il

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Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne.

faut vivre et travailler] (Mendras, 1984 p. 51). Aller à l’encontre de la tradition est ressentie comme un risque.

Il serait possible, dès à présent, de dresser le portrait théorique des « agriculteurs innovateurs35 », qu’il conviendra de vérifier et d’approfondir lors de l’analyse. Nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit d’enquêtés qui ont moins de cinquante ans, ils ont une grande exploitation36 dont une partie a été héritée du père, ils ont suivi un enseignement agricole, font régulièrement des formations, sont syndiqués et ont contracté un certain nombre de crédits pour agrandir et moderniser l’exploitation transmise. Autrement dit, ils se posent beaucoup de questions concernant la conduite de leur exploitation – se remettant régulièrement en question - qu’ils gèrent de manière rationnelle et n’ont pas peur de prendre des risques. Dans ce contexte, il est intéressant de se demander qu’est-ce qu’il en est des valeurs paysannes ? Pour Mendras (1976), l’innovation ne s’accompagne pas d’une remise en cause des valeurs paysannes. On peut également s’interroger sur ce qu’il y a derrière l’innovation : un besoin pour la viabilité de l’exploitation ou une recherche incessante de profits jamais assouvie ? L’innovation est-elle perçue comme une valeur – un élément de construction de l’identité - ou comme [un phénomène de mode et d’imitation] (Mendras, 1984, p. 179-180) ? L’autre portrait serait son contraire37. L’enquête de Mendras (1984) fait ressortir trois idéaux-types même s’il souligne ne pas avoir construit de typologie : [Le routinier, fidèle au modèle traditionnel du paysan, a le sentiment d’aller à la ruine ; il en rend responsables les malheurs du temps et la perfidie des puissants et pousse son fils à apprendre un métier. Le moderniste traditionnel investit, « met du foin dans ses bottes », et s’apprête ainsi à tenir le coup si les temps deviennent plus durs, sachant bien que « ses » hommes politiques ne laisseront pas les temps devenir trop durs. Le progressiste a compris le fonctionnement d’un système économique qu’il ne contrôle pas ; il fait des paris, crée des institutions neuves, s’adapte à l’évolution de la demande mais risque d’être condamné s’il a fait un mauvais pas ou si le jeu est faussé sans qu’il s’en rende compte.] (Ibid, p. 210). Et ce n’est pas tant l’âge des agriculteurs qui aurait une grande influence sur le changement (Ibid, p. 207) mais la taille de l’exploitation : [les modernistes traditionnels sont plus souvent des gros et les modernistes progressistes des gros moyens] (Ibid) ; il y a donc une corrélation entre le changement et les moyens dont les agriculteurs disposent. En effet, il faut disposer de moyens financiers suffisants pour ne pas courir le danger d’adopter une innovation qui peut se révéler inefficace et mettre en péril l’exploitation. En outre, étant donné que la terre cultivée nourrit le paysan et sa famille, ce dernier hésite à essayer toute nouveauté. L’enquête de Mendras (1984) met également en évidence que [Disposer de 5 hectares ou de 30, avoir trente ans ou soixante-dix, être propriétaire ou fermier : cette diversité de situations n’interdit pas de partager une même vision des choses et n’induit pas à des attitudes et à des comportements déterminés.] (Ibid, p. 207). La classification de Mendras (1984) ressemble à la typologie de Champagne (1986) élaborée en quatre idéaux-types, autrement dit, quatre différents cas de figure de la

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Terme que nous utilisons à cette étape de la recherche et qui risque d’être modifié.

36 L’analyse s’attachera à ne pas séparer les propos des enquêtés des données objectives (autrement dit les

caractéristiques sociodémographiques comme l’âge, le niveau de diplôme, la date d’entrée dans le métier ou encore le type et la taille de l’exploitation).

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Il n’est pas exclu que l’analyse fasse émerger d’autres portraits, notamment un portrait intermédiaire. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas encore, à ce stade de la recherche, d’idéaux-types.

succession, chacun renvoyant à un portrait : [une succession impossible] (Champagne, 1986, p. 44) qui concerne les paysans « traditionnels », [une succession difficile] (Ibid, p. 50) qui est le fait de petits agriculteurs qui se sont agrandis mais qui n’ont pas changé leur façon de travailler, [le retour de l’héritier] (Ibid, p. 56) qui fait référence à [une bourgeoisie agricole locale] (Ibid) aux exploitations modernisées et pour finir, [la passion de l’agriculture] (Ibid, p. 62) renvoyant à un [agriculteur résolument « moderniste »] (Ibid).

Lamarche (1987), dans une étude réalisée dans les années 70, sur deux villages, un dans le Morbihan et un dans les Cévennes, a également établi une typologie comprenant quatre types d’exploitations s’apparentant aux idéaux-types de Mendras (1984) et Champagne (1986) : [les entreprises familiales et les entreprises capitalistes, les exploitations paysannes vivrières, ou « de survie », et les exploitations modernes peu soumises au marché et relativement plus dépendantes par rapport à la famille (…)] (Mendras, 1995, p. 308). Les entreprises familiales et capitalistes sont très modernes, mécanisées et productivistes. Elles sont tournées vers le marché et non vers le local ce qui contribue à dépeupler le milieu rural. Contrairement aux exploitations paysannes qui [(…) développent des activités économiques nombreuses et diversifiées, base de toute une trame d’échanges de produits et de services, proches de l’économie informelle, qui entretiennent la vitalité du monde rural, qui reste en liaison avec les villes petites et moyennes.] (Ibid, p. 308-309). L’exploitation moderne se différencie des autres. Elle se développe suivant sa propre logique. Sa production est plutôt extensive et en partie autoconsommée, elle a plus d’autonomie que les autres modèles d’exploitation, elle n’est pas non plus entièrement orientée vers le marché et elle est également plus indépendante par rapport aux aides de l’Etat. En outre, la terre et la famille gardent une place importante : [l’exploitation moderne utilise plus de main-d’œuvre que les entreprises et celle-ci est presque uniquement familiale ; elle n’a recours au travail salarié que pour des tâches ponctuelles et saisonnières.] (Ibid, p. 309). Les exploitants modernes sont bien intégrés à la collectivité villageoise.

Ces différentes typologies mettent l’accent sur la diversité des modes de vie au sein des agriculteurs, ces derniers se rapprochant, selon les cas, des classes inférieures et pour d’autres des classes supérieures. On peut donc se demander ce qu’il y a de commun, au niveau des valeurs entre le petit producteur et le gros exploitant capitaliste ? Pour Grignon (1975), du fait de l’hétérogénéité de leur revenu, de leur mode de vie et de leur travail, il est difficile de donner une définition du paysan et encore plus de le classer dans une ou l’autre extrémité de l’échelle sociale, soit classe dominante, soit classe dominée (Grignon, 1975, p. 82). A l’intérieur de la paysannerie, il y aurait des catégories – petits, moyens, gros - et il identifie ce qu’il appelle [« les nouveaux paysans »] (Ibid) comme faisant partie des classes supérieures. En outre, tout dépend ce que l’on mesure – niveau de consommation, de diplôme, d’investissement, d’épargne – et selon le critère choisi, le paysan se rapprochera des classes dominantes, indépendantes ou des classes dominées, ouvrières. Mais il est aussi à certains égards impossibles de les assimiler à l’une ou l’autre extrémité, sinon de fournir une interprétation erronée, c’est le cas en ce qui concerne le choix d’une scolarité courte. Il s’agit d’une catégorie qui se caractérise par une certaine ambivalence, voire un entre-deux ou encore une funambule passant d’une catégorie à une autre selon les situations : [Les « jeunes agriculteurs », les « nouveaux paysans » qui ont su se lancer à temps dans l'élevage industriel seraient des bourgeois s'ils ne vivaient à la fois comme des bourgeois et comme des ouvriers

agricoles ou même comme des sous-prolétaires. Ils participent à des séminaires, à des sessions de formation, manient des idées comme s'ils étaient des cadres ou des « managers », mais ils n'encadrent, au moins pour la production, qu'eux-mêmes et leur famille (…)] (Ibid, p. 83). D’où les difficultés à caractériser le paysan : s’agit-il d’un travailleur indépendant – dans la mesure ou personne ne lui donne des ordres mais il n’en donne pas non plus – ou d’un