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CHAPITRE II METHOLOGIE

II. 2.3.1.1 Les enquêtés

J’ai effectué huit films sociologiques159

(entretiens et observations souvent les deux à la fois)160 avec des durées variables allant de quinze minutes à une heure et demie environ. Il ne m’a pas été facile de formuler une telle demande, ce qui explique qu’à ce jour, je n’aie réalisé des films sociologiques qu’avec deux enquêtés membres de ma famille plus ou moins proches, que j’ai rencontré à plusieurs reprises. En effet, je suis novice dans ce domaine et je n’ai pas de méthode pour m’aider contrairement aux autres outils d’enquête ou le chercheur a, par exemple, à sa disposition, les petits ouvrages de méthode de la collection 128, bien que

158 J’emploie le terme « rejet » mais j’ai dû mal à trouver un terme qui caractérise le sentiment que j’ai ressenti et

qui explique cette mise à l’écart ou stigmatisation qui s’en est suivie. Autrement dit, je rejette le travail agricole car éprouvé comme dégradant.

159 J’ai réfléchi sur le choix du terme pour désigner cet outil et après avoir opté pour celui de « films

documentaires », j’ai finalement préféré celui de « films sociologiques » qui accentue davantage, à mon sens, l’aspect scientifique mais aussi pour mettre en avant la dimension sociologique et le travail de préparation que cela implique.

j’aie regardé les films documentaires de Raymond Depardon (2009) mais ils n’ont pas de vocation sociologique et ne se revendiquent pas comme tels. D’autre part, je n’ai pas non plus de connaissance dans la sociologie visuelle (ou filmique)161 par conséquent, il s’agit de films sociologiques amateurs, enregistrés avec peu de moyens matériels, ce qui se retrouve également au niveau du montage. J’ai filmé avec une petite caméra numérique d’amateur, ce qui explique que parfois on ait du mal à entendre les propos des enquêtés. Il m’était, en outre, difficile de demander de filmer les enquêtés car cela signifie une implication encore plus importante de leur part que l’enregistrement avec le dictaphone du fait de l’image mais aussi parce que je ne maîtrise pas un tel objet qui est la caméra et l’outil162 qui est l’image. J’avais donc besoin moi aussi d’être en confiance avec les enquêtés en question. Parmi ces deux enquêtés, il y a le consultant que j’ai également vu pour un entretien semi-directif audio lors de la pré-enquête et avec qui j’ai aussi réalisé deux entretiens libres à l’occasion de repas. Il est vrai que j’entretiens avec ce dernier une relation de confiance et donc je n’ai pas eu de difficulté à lui demander si je pouvais revenir à plusieurs reprises pour lui prendre de son temps. A l’issue de l’entretien semi-directif, j’ai perçu qu’il représentait une « personne ressource », il connaissait très bien son village auquel il était très attaché et pour lequel il avait été salarié (il était employé de mairie en même temps qu’il travaillait son exploitation avant de prendre la retraite) même s’il ne fait pas partie du conseil municipal ainsi que sur son métier. De plus, il avait un jardin potager dont il s’occupe avec soin. Au niveau du travail, je savais qu’il était mécanisé mais pas à outrance. Je voyais donc en lui, sans l’admettre ouvertement, le représentant de la culture paysanne traditionnelle du moins la représentation que je m’en fais à la suite de mon travail de lecture. Et [Si un membre de la communauté est bien considéré comme représentatif de sa culture, il l’est à travers sa singularité que nous considérons comme révélatrice]. (Michelat, 1975, p. 234). Il a été ravi de se prêter au jeu. C’est une personne qui aime évoquer son métier et son activité en dehors de celui-ci. Lors du tournage, ce dernier a même parfois semblé oublier le caractère scientifique et universitaire du film. Il a pris plaisir à être filmé et a voulu une copie de chaque film pour avoir un souvenir qu’il montrera à sa famille et à ses amis, accentuant ainsi le fait qu’il ne voit pas le film comme un outil scientifique mais comme un support de mémoire, notamment pour son fils et ses petits-enfants ; conférant donc un intérêt personnel à sa démarche, d’où son implication. Pour l’autre enquêté, il s’agit de mon père, ancien viticulteur lui aussi pluriactif et aujourd’hui retraité. J’ai choisi de faire plusieurs films sociologiques avec lui car il m’a, à plusieurs reprises, sollicitée pour me donner son point de vue, connaissant mon enquête et voyant en elle le moyen de dire ce qu’il trouve aberrant dans la profession. Néanmoins, au vu de la trop grande proximité que j’entretiens avec lui et de l’implication qu’il a dans mon enquête - il connaît le sujet voire même les guides d’entretien et il m’a aussi accompagnée pour certaines prises de contact avec des enquêtés de l’Aude - j’ai toujours refusé de réaliser un entretien, ce qu’il a fini par ne plus comprendre. Par contre, j’ai transformé sa demande en film

161 L’objectif de la sociologie visuelle est l’utilisation de l’image animée et/ou non animée dans l’analyse d’un

phénomène social : [L’image comme donnée représente et décrit les phénomènes sociaux sur la base subjective du chercheur (photographe, vidéaste) et doit être guidée par des notions sociologiques, des idées et des hypothèses théoriques.] (La Rocca, 2007, p. 37). La sociologie visuelle doit, par conséquent, élaborer à la fois une méthode pour recueillir les images sur le terrain et pour les analyser et produire des résultats.

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Quand je parle d’ « objet » je fais référence au matériel « caméra » alors que quand j’emploie le terme « outil » je fais allusion à la méthode de recueil de données.

sociologique (entretiens et quelques petites séquences d’observations directes), ne voulant pas non plus laisser passer cette occasion et j’ai également choisi les thèmes d’échange pour ne pas que les films prennent la forme d’une « tribune des revendications ». D’autre part, quand j’ai demandé à ces deux enquêtés si je pouvais les filmer, ils n’ont exprimé aucune gêne et ont accepté sans hésitations, le consultant allant même jusqu’à me solliciter par la suite, pour réaliser d’autres « films » comme il dit.