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CHAPITRE II METHOLOGIE

II. 2.1.3.5 Les dernières minutes d’entretien et l’après entretien

Pour signaler que l’entretien touchait à sa fin, j’annonçais le dernier thème de la manière suivant : « Pour terminer… » afin de rompre en douceur la relation d’entretien mais aussi pour informer l’enquêté de l’état d’avancement de l’entretien (comme je l’avais fait jusque là en annonçant le passage d’un thème à un autre) et ainsi lui donner éventuellement la

111 Par la suite, je n’ai posé cette question qu’aux enquêtés que je sentais qu’ils ne seraient pas gênés, ce qui est

du ressenti très personnel ; des enquêtés qui étaient plus à l’aise que d’autres, qui avaient une plus grande aisance à parler.

possibilité d’exprimer des propos qu’il aurait oublié ou qu’il n’aurait pas eu l’occasion de mentionner jusque là. Et en même temps que je le remerciais, j’éteignais le dictaphone.

L’entretien terminé et le dictaphone éteint représentaient souvent un moment propice à une petite discussion113. Certains enquêtés voulaient savoir si leurs propos différaient ou non des autres agriculteurs et donc savoir par la même occasion ce qui se disait. D’autres ont voulu connaître mes premiers éléments d’analyse mais aussi les raisons qui m’ont poussée à choisir un tel sujet de thèse et mon futur professionnel. Faire part, à leur demande, de mes premiers résultats d’enquête m’a également permise de voir les réactions des enquêtés et ces derniers sont allés dans mon sens peut-être parce qu’ils n’ont pas osé contredire une universitaire. Une enquêtée a même poursuivie l’entretien car elle s’est rendue compte qu’elle avait oublié de mentionner un point. Par contre, rares ont été les fois ou l’enquêté s’est servi de ce moment ou l’enregistrement était arrêté pour revenir sur une idée à laquelle il n’avait pas pensé ou pour en évoquer une qu’il n’aurait pas voulu qu’elle soit enregistrée. Je notais sur mon carnet, une fois sortie, ces brèves conversations non enregistrées. Certains enquêtés, ont précisé, à l’issue de mon invitation, qu’ils viendraient à la soutenance de ma thèse, y compris des enquêtés de l’Aude et que je les tienne au courant. Néanmoins, les enquêtés m’ont posée peu voire pas du tout de question durant l’entretien, ils n’ont pas cherché, par exemple, à avoir mon avis sur certains sujets114, certaines fois, ils ont parlé de choses techniques sans savoir si cela m’était familier ou pas. Une minorité, par contre, m’a demandée si j’étais issue du milieu agricole quand je ne l’avais pas évoqué. Une limite à mon travail de terrain est à mentionner, je n’ai pas osé demander aux enquêtés comment ils avaient vécu la situation d’entretien alors que j’étais curieuse de le savoir, qu’est-ce qu’ils pensaient des thèmes d’échange, ceux qu’ils avaient trouvé intéressants, ceux qu’ils avaient eu du mal à répondre (bien que durant l’entretien, les difficultés à répondre sont généralement perceptibles, par des hésitations, des silences) ; données qui auraient eu de l’intérêt au moment de l’immersion totale mais aussi de l’écriture. En outre, il aurait également été judicieux que je fasse lire une partie de mon travail à certains enquêtés et de prendre en compte leurs éventuelles réactions mais faute de temps, je n’ai pas pu le faire sérieusement même si un enquêté a lu une de mes communications pour un colloque.

Chaque entretien était associé à une observation ou devrais-je dire une « mini-observation » puisque bien que je prenais des notes, j’ai porté la plus grande attention à regarder les mimiques de l’enquêté, ses postures, ainsi que son lieu de vie et/ou de travail puisque à l’exception de trois entretiens115

, les autres ont été réalisés ou au domicile des enquêtés ou sur leur exploitation ou les deux quand il y a imbrication domicile-exploitation. Tous ces éléments relatifs à la prise de contact et au déroulement de l’entretien (lieu, attitude de l’enquêté, possibles éléments d’analyse) ont été soigneusement notés dans mon journal de terrain. J’ai eu une utilisation « classique » du journal de bord à part que j’en ai utilisé deux.

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Je n’ai pas actionné à nouveau le dictaphone.

114 Ce que j’explique - peut-être à tord - par le fait que j’ai ressenti, chez mes enquêtés, une grande envie de

parler et ainsi il ne voulait pas risquer de perdre du temps de parole en me demandant mon avis. Je suis très peu intervenue, pour donner mon opinion, durant les entretiens et la plupart du temps pas du tout.

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Parmi ces trois entretiens, un s’est déroulé à mon domicile, un à la cave coopérative et l’autre à la mairie puisque l’enquêté qui est viticulteur est aussi le maire de son village.

Sur un j’ai inscrit la manière dont j’ai rencontrée les enquêtés, comment je les ai connus, par qui, les modalités de la prise de contact, au téléphone ou en face à face, lieu, heure, les propos des enquêtés, des remarques concernant le moment de la passation de l’entretien (que j’ai souvent noté à la sortie de l’entretien, dans ma voiture), mes impressions, si l’enquêté a été à l’aise, des notes relatives à certaines réponses aux questions, les discussions de fin d’entretien. J’ai ensuite retranscrit, à l’ordinateur, le journal de bord sous la forme d’un encadré116

qui précède chaque entretien dans lequel je donne des éléments situationnels (date, durée de l’entretien, lieu), fais des remarques sur l’entretien et/ou sur la relation enquêté-enquêtrice et mentionne des données d’observation. Et chaque entretien a été minutieusement retranscrit avec une attention particulière accordée aux silences (plus ou moins longs)117, aux hésitations, changements de ton, rires et autres mimiques, tant des enquêtés que de l’enquêtrice puisque [Un entretien sociologique est donc d’autant plus riche et interprétable que sa retranscription respecte les silences, souligne les hésitations et atermoiements, marque les inflexions de la voix et signale les différences de ton, note les gestes et mimiques qui accompagnent la parole.] (Beaud, 1996, p. 250). En plus des encadrés de début, à la fin de chaque entretien figure les caractéristiques sociodémographiques de l’enquêté en question remplies par moi- même de retour à mon domicile au vu des propos de l’enquêté durant l’entretien. Etant donné que les entretiens duraient en moyenne deux heures, je n’ai pas osé donner aux enquêtés les fiches des caractéristiques sociodémographiques à remplir, comme je l’avais prévu, me rendant, en outre, très vite compte que j’avais les informations nécessaires pendant l’entretien. Il convient donc de considérer chaque entretien comme l’expression personnelle et singulière du référent culturel.

Pour ce qui est des observations participantes, j’ai écris, dans le journal de bord mes hypothèses de départ et les informations recueillies relatives à la grille d’observation c’est-à- dire la retranscription de celle-ci en phrases. Le journal de bord représente aussi mon répertoire téléphonique puisque j’ai consacré les dernières pages de celui-ci à l’inscription des coordonnées des enquêtés et des informateurs. Sur un autre, j’ai noté, à la fin de chaque interview, des éléments récurrents c’est-à-dire qui se retrouvent dans plusieurs entretiens et qui pourront, peut-être, par la suite, représenter des éléments d’analyse. Ces derniers étant nombreux, j’ai trouvé plus judicieux d’y consacrer un journal dans lequel j’ai également marqué des éléments de méthodologie concernant l’image animée, sa réalisation, ses contraintes, ses atouts ainsi que des références bibliographiques, des ouvrages et des articles que je compte lire.

116 Je me suis rendue compte, au moment de la lecture, que dans certains encadrés, j’emploie le « nous »

scientifique et dans d’autres, le « je ». Je n’ai pas apporté de modification car je trouve que cette différence d’emploi du pronom marque des moments de rupture différente.

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J’ai arbitrairement établi une distinction entre ce que j’appelle « silence » et « bref silence ». Le « silence » étant bien plus long même s’il ne s’agit toujours que de seconds et non de minutes. J’ai fait la même différence pour ce qui est des « sourires », « petit rire » et « rires ». Il y a une hiérarchisation, le sourire est un mouvement des lèvres qui ne produit pas de son mais un léger arrêt de la parole, le petit rire est bref alors que les rires sont bien plus longs et communicatifs c’est-à-dire qu’ils ont entraîné des rires de ma part et un arrêt momentané du discours.