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CHAPITRE II METHOLOGIE

II. 2.3.1.1 L’impossible dissociation des outils de recueil de données

Il faut voir les films sociologiques comme un plus pour mon enquête quand on s’intéresse aux pratiques des enquêtés et le choix de cette technique s’est révélé utile quand on adopte une démarche compréhensive puisqu’elle permet de redonner, aux enquêtés, toute leur place. J’ai effectué des entretiens et des observations filmés, parfois les deux en même temps, puisque l’observation était accompagnée d’une prise de parole de l’enquêté permettant ainsi la mise en œuvre simultanée d’une interview et d’une observation et on sait que ces deux méthodes sont primordiales dans une recherche ethnographique et c’est aussi un bon moyen pour les indifférencier puisque [Le terrain n’est pas compartimenté (…)] (Beaud et Weber, 2003, p. 177). Réaliser un petit entretien lors d’une observation m’a permise d’enregistrer le discours

164 En 1983, le CNRS-audiovisuel publie un catalogue intitulé « Images et sons de la recherche… » retraçant la

production filmique française des trente dernières années : [(…) sur un total de 540 films ou bandes vidéographiques, les trois quarts relèvent de l’ethnologie, le quart restant se distribuant entre la sociologie (9%), l’architecture et l’urbanisme (9%), l’anthropologie, la préhistoire et l’archéologie (4%), la psychologie (2%) et les sciences économiques (1%).] (Terrenoire, 1985, p. 510). La plupart du temps, ethnologues et sociologues attribuent un rôle différent aux images : [Les uns, ethnologues, pensent pouvoir accéder, grâce à elles, à une observation médiate et différée. D’autres, sociologues, voient en elles un moyen de saisir de façon plus directe et plus immédiate la réalité sociale.] (Ibid, p. 511). On retrouve la classique distinction temporelle non fondée entre sociologie et ethnologie, cette dernière imposant un séjour plus long dans le milieu enquêté.

de l’enquêté en situation de travail c’est-à-dire en direct et de connaître la signification qu’il donne à son activité pour être ainsi au plus près de la réalité. Et l’image animée s’est aussi révélée être complémentaire aux entretiens et observations « classiques ». En effet, elle permet de saisir davantage certaines pratiques énoncées dans les entretiens mais aussi d’accéder à des sentiments notamment quand l’enquêté parle de son village. En outre, elle évite la partie fastidieuse qui consiste à retranscrire, à travers des mots, les émotions, les mimiques, les postures, les tenues vestimentaires. L’image animée a aussi l’avantage de capter plus facilement l’attention du public et de toucher un public plus large. A la suite de mes lectures, il convient de souligner que la sociologie visuelle pratique davantage l’observation et peu les entretiens.

II.2.3.1.2 L’utilisation du film sociologique

Le montage a été réalisé le plus simplement possible afin de ne pas « fabriquer » de toute pièce un matériel qui n’aura plus rien à voir avoir avec celui d’origine165

. En outre, je ne dispose pas de connaissance en ce domaine. J’ai uniquement entrecoupé, les différents extraits de film sociologique, de photos - principalement des territoires de l’enquête – afin de symboliser le passage d’une séquence filmée à une autre.

L’objectif des films sociologiques n’est pas de faire de ce matériel, un outil à valeur illustrative, mais d’exploiter les informations implicites qu’ils nous montrent sur l’enquêté : mode de vie, hexis corporelle, attachement. Je fais le choix de ne pas retranscrire les films sociologiques afin qu’ils ne perdent pas leur rôle principal : l’information par l’image. En effet, dans les films sociologiques, une place importante est accordée au décor, à l’environnement c’est-à-dire aux lieux (village, jardin) et à tout ce qui entoure l’enquêté. Le consultant (enquêté avec qui j’ai réalisé le plus de films sociologiques) a voulu, par exemple, qu’un entretien soit effectué chez lui mais en choisissant d’avoir derrière lui son mur en pierres apparentes et que celui-ci soit bien visible sur la caméra, l’autre enquêté a souhaité réaliser un entretien en compagnie de ses chevaux, au risque que l’attention du spectateur soit captivée par ce qui entoure l’enquêté et qu’il n’écoute pas ses propos. Au départ, j’ai utilisé l’image à des fins illustratives, mettre en images ce que les entretiens montrent, parfois difficilement et approximativement, par des mots. Néanmoins, j’ai essayé, tant bien que mal, lors de l’analyse des données, de dépasser la simple illustration pour obtenir une translation de nature c’est-à-dire que les images deviennent de la narration. Il s’agit d’un montage qui ne répond pas aux exigences de la sociologie visuelle. Toutefois, il est difficile de se défaire du rôle d’illustration, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agisse du rôle premier attribué à l’image animée166

(Naville, 1966) et donc un rôle mineur, le mot étant le rôle majeur. L’image a, pendant longtemps, été utilisée comme illustration par les ethnologues. Mais quand on utilise, à la fois, dans une recherche, les mots et les images, celles-ci ne doivent pas être des illustrations (La Rocca, 2007). L’image est polysémique et c’est l’usage que l’on en fait qui

165 Cf. DVD accompagnant la thèse dans lequel figure un entretien exploratoire filmé réalisé le 29 novembre

2010 avec le consultant et son fils.

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Becker (in Blanc et Pessin, 2004) notamment s’est servi de la photographie comme d’une illustration, un moyen pour fournir la preuve.

lui donne sa signification et sa dimension : [Chaque image est un produit social et a une valeur sociale en tant que produit d’une activité humaine. Il faut distinguer ici l’image sociale, une image qui a une fonction et une valeur dans la société, et l’image du social, qui est descriptive ou représentative des phénomènes sociaux et qui illustre la condition humaine.] (La Rocca, 2007, p. 36). C’est l’appréhension et l’analyse des images qui en font des données sociologiques.

J’ai cherché à utiliser l’image animée principalement en tant qu’[élément de contrôle

expérimental] (Naville, 1966, p. 165) pour reprendre l’une des trois fonctions qui lui sont

attribuées par Naville (1966) c’est-à-dire pour [(…) vérifier quelque chose autrement que par un mot ou un nombre concluants.] (Ibid) ; ayant conscience que les mots sont insuffisants pour rendre compte des pratiques et des représentations. Et secondairement, sous la forme [active] (Ibid) c’est-à-dire comme la possibilité de faire émerger des données nouvelles. Pour ce qui est des observations en situation de travail, j’ai filmé l’enquêté en train de tailler et de vendanger ; mon guide d’entretien consacrant une partie importante au thème du travail, j’ai pu ainsi enregistrer le discours en actes et en images. L’image animée a donc ici une valeur discursive.

II.2.3.2 L’image animée : être au plus près de la réalité des enquêtés