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La rédaction à l’époque de la tradition « renouvelée » (1923-1970)

Apprendre à écrire des récits, entre imitation et invention

4.3. Imitation et invention dans l’institution scolaire

4.3.3. La rédaction à l’époque de la tradition « renouvelée » (1923-1970)

C’est aussi une progression qui va de la phrase construite avec des éléments donnés (CP) aux phrases simples. On apprend à les construire selon un processus cumulatif : l’augmentation des mots. L’instituteur donne des mots qui doivent entrer dans une phrase librement composée ; il insère une indication générale sous la forme du titre ou d’un objectif à atteindre ; il exige que le même mot entre dans deux ou trois phrases différentes ; enfin il fait écrire sur le même sujet plusieurs phrases liées par le sens. On va donc du plus simple au plus complexe. Le style primaire se forge : écrire de belles phrases, simples et courtes. On chasse les accumulations de relatifs, les conjonctions lourdes. On préconise l’emploi d’artifices. Une phrase élégante débute avec un circonstanciel évocateur. Elle est construite à partir de standards répétés : l’apposition est fréquente ; les noms, et les verbes doivent être accompagnés d’épithètes pittoresques ou convenus, d’adverbes d’intensification. Les clichés, bien que combattus par les inspecteurs, font gagner des points au CEP et l’exclamation expressive est valorisée. On retrouve ces stéréotypes jusque dans les lettres des soldats de la grande guerre (Chervel, 2006).

Conclusion

Au cours de la période qui précède les lois Ferry, la rédaction est un exercice de style, de reproduction se situant en aval d’un processus d’enseignement où dominent la grammaire et l’orthographe. Imiter les textes d’auteurs constitue une injonction institutionnelle. La réforme de 1880 marque une première étape importante dans l’enseignement de la rédaction en proposant l’écriture de petites phrases dès le début de la scolarité. Le nouveau plan d’études de l’école primaire de 1882 met les exercices de composition au programme de toutes les classes selon un mode progressif, mais la rédaction d’un texte n’est envisagée qu’au Cours Supérieur. L’imitation reste encore le moyen le plus sûr de faire écrire par les élèves, dont il faut contrôler l’imagination hasardeuse, de belles phrases simples et courtes. Les carrières auxquelles l’élève est destiné ne rendent pas nécessaire ni souhaitable l’écriture d’invention (Jey, 2006). L’exercice de rédaction qui s’est d’abord développé au sein de l’enseignement grammatical va donc gagner une autonomie relative et se hisser au premier plan des préoccupations pédagogiques officielles. Mais la première période se solde par un constat d’échec qui justifie de nouvelles réformes.

4.3.3. La rédaction à l’époque de la tradition « renouvelée » (1923-1970)

• Contexte général de la réforme de 1923 : l’analyse d’un constat d’échec

L’enseignement de la rédaction suscite pendant trente ans l’insatisfaction générale. Ces résultats s’expliquent d’une part par le faible rôle du maitre dans le processus d’apprentissage et d’autre part par les choix didactiques qui sont arrêtés.

L’instituteur, généralement issu d’un milieu social modeste, reçoit une formation sommaire. Un parallèle existe entre les contenus de l’enseignement qu’il propose et l’épreuve de

recrutement qu’il subit. Son domaine de prédilection est l’orthographe. Les apprentissages sont mécaniques et l’instituteur contribue peu aux progrès en rédaction.

En dépit des évolutions règlementaires, le modèle d’apprentissage reste basé sur la mémorisation et l’écrit. Selon Carré, Inspecteur Général, la cause principale de la faiblesse de la composition française est le défaut de vocabulaire que la récitation de morceaux choisis permet de mieux ancrer dans le souvenir. La récitation de poésies forme ainsi « comme un viatique littéraire des enfants du peuple » (Boutan, 1996 : 225). Le recours à l’oral, fortement recommandé, est freiné par le modèle prestigieux du secondaire et l’échéance du CEP. La parole est proche de l’écrit : il s’agit d’apprendre à parler comme dans un livre. Ce modèle se justifie par la recherche d’une langue non pas commune mais unique, « socialement située », une langue issue de la « bonne société » d’origine urbaine, et dans le meilleur cas, parisienne (Boutan, 1996). C’est une façon de créer les conditions d’une égalité apparente. Les instituteurs sont plutôt enclins à appliquer cette langue de l’élite cultivée porteuse du progrès intellectuel et démocratique alors que le patriotisme ambiant milite en faveur de l’unité nationale.

La littérature va principalement servir de support pour étudier cette langue nationale, pour y analyser ses démembrements (grammaire, orthographe, vocabulaire) enfin, pour que, à travers les textes d’auteurs, les écoliers y recherchent inlassablement le « style » qui sied à toute composition. L’usage du « morceau choisi » se développe. L’instituteur lit ou fait lire les textes, à haute voix de préférence. Quand un morceau est lu, les élèves en rendent compte oralement ou parfois par écrit. Le texte sert de point de départ à la leçon sur la langue, mais pas encore à la rédaction (sauf sous la forme d’un compte-rendu de lecture). La littérature reste plutôt un réservoir de matériaux langagiers.

L’enseignement de la rédaction est peu instrumenté. La mémoire est mise à contribution pour les règles de grammaire et d’orthographe (Boutan, 1996 ; Chervel, 1995a). Elle est également sollicitée lorsqu’il s’agit de faire écrire sur des sujets connus, vus ou revus lors de l’échange oral avec le maitre. Les manuels axent la démarche sur les exercices de langue. La principale nouveauté est dans l’appel à la littérature comme source de référence. Elle ouvre les perspectives d’une autre configuration plus globale reliant lecture et grammaire, et grammaire et style. Les manuels servent de guide aux enseignants et offrent des exercices à trous associant des phrases sans suite. Se développe ainsi la pratique d’un avant-texte sous forme de canevas. Le style est très soutenu et le contenu sans relation avec ce qui peut intéresser l’écolier. Cette pédagogie creuse ainsi l’écart entre les usages « spontanés » de la langue de l’enfant d’origine populaire et les usages requis par l’école. Le procédé est largement utilisé car il permet d’orienter l’activité de l’élève sur la reformulation des contenus (Branca-Rossoff et Garcia-Debanc, 2007 : 39).

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Par ailleurs, la rédaction peine à s’imposer en raison du rôle toujours hégémonique de la dictée, exercice simple à corriger et demandé au CEP20. Cet examen qui devait permettre de justifier aux yeux des familles la scolarisation des enfants retirés du travail ou de l’apprentissage précoce, devient la marque du mérite scolaire en ouvrant la voie aux cours supérieurs et complémentaires. Voulu égalitaire, il participe progressivement à la sélection des élèves et légitime l’entrainement à la dictée.

Si l’épreuve de rédaction au CEP a certainement contribué à imposer l’exercice sur tout le territoire, sa forme témoigne des atermoiements de l’institution qui constate les difficultés des maitres à enseigner cette compétence. En 1880, il est demandé « une rédaction d’un genre simple (récit, lettre, etc.) » mais avec un arrêté de 1891, la rédaction devient un rappel de ce qui a été appris dans les autres disciplines (Bishop 2008 ; Chervel, 1995a : 158.). En 1917, une circulaire donne une nouvelle orientation (Bishop 2008 ; Chervel, 1995a : 265.) : « une rédaction sur un sujet simple, emprunté à la vie courante (récit, lettre, portrait, description) » est conseillée. Ce nouveau texte répond au désir de sortir du bachotage vers lequel la préparation du CEP avait dérivé (Bishop, 2008). Pour pallier le manque de culture littéraire des élèves, les sujets vont désormais s’appuyer sur la vie quotidienne des enfants appelés à raconter leur vécu. Les écritures de soi (Bishop et Molinié, 2006) vont largement fleurir pendant la première moitié du XXe siècle.

La réforme de 1882 qui généralise les exercices de composition n’est pas parfaitement appliquée. Le modèle d’apprentissage reste mécanique basé sur la mémorisation, les exercices sur la langue, la lecture de la littérature qui permet la recherche du style et l’apprentissage d’une langue unique, celle de l’élite cultivée. L’instituteur préfère enseigner l’orthographe plutôt que la rédaction. La rédaction peine à s’imposer devant l’épreuve de la dictée, pierre angulaire du système scolaire. En réponse à ce constat d’échec intervient la réforme de 1923.

• La réforme de 1923 : Un apprentissage par étapes de la phrase au texte

L’élément majeur de la réforme de 192321 consiste à étendre la pratique de la rédaction à tous les niveaux en proposant une progression sur l’ensemble de l’école. L’apprentissage se fait en trois étapes sur six ans. C’est une méthode progressive : de la phrase au paragraphe, du paragraphe au texte. Il s’agit bien de composition et non d’exercices, mais la rédaction apparait timidement avec l’écriture de petites phrases (CE, 7 à 9 ans). L’élève apprend à exprimer une idée, à assembler les éléments d’une proposition, pour écrire des phrases « simples » qu’il

20 Le CEP devient un examen national par la loi sur l’enseignement obligatoire du 28 mars 1882. Il sera abrogé par un décret du 28 aout 1989.

21 Arrêté du 23/02/1923 modifiant le programme des écoles primaires élémentaires et Instructions du 20/06/1923 sur les nouveaux programmes des écoles primaires de 1923 ; Arrêté du 1er février 1924 sur le Certificat d’Étude Primaire.

combinera ensuite pour rédiger un paragraphe (CM, 9 à 11 ans). L’ambition s’arrête ainsi à la rédaction de quelques phrases habilement agencées. La véritable rédaction sur un sujet simple est réservée au CS (11 à 13 ans). L’enfant est alors censé posséder un nombre suffisant d’idées et d’expressions et avoir développé ses facultés de jugement et de raisonnement pour pourvoir coordonner logiquement ses idées et ses phrases.

Les textes officiels contiennent un appel à plus de diversité dans les sujets. Il faut limiter les sujets de description et développer le genre narratif s’appuyant sur le vécu de l’enfant. Par ailleurs, ils en appellent à moins de guidage directif pour éviter « les préparations collectives trop directes » : « l’instituteur doit s’abstenir de tracer d’avance un plan détaillé qui interdirait aux élèves de révéler leurs aptitudes et d’exprimer leurs sentiments » (Chervel, 2006 : 329). Il est même recommandé de temps à autre de laisser plus de liberté aux écoliers en leur laissant choisir les sujets. La « rédaction libre » permettrait ainsi de mettre en valeur tantôt « la spontanéité et la fraicheur des sentiments, tantôt le gout littéraire, tantôt l’ingéniosité intellectuelle » et susciterait le « désir d’écrire » (Chervel, 2006 : 329).

Cependant l’exercice scolaire est encore mal situé. Si les instructions mettent en jeu la motivation du scripteur, le postulat selon lequel il n’est pas capable d’écrire spontanément demeure, parce qu’il ne maitrise ni la langue ni ne possède les idées22. Il faut donc les lui apporter. Deux conséquences en découlent. D’abord, la rédaction s’inscrit dans un cycle d’observation de la langue dans lequel le vocabulaire, l’orthographe et la grammaire, une séance d’élocution sont prépondérants. La rédaction n’est pas réfléchie comme un apprentissage autonome mais comme l’aboutissement de « l’unité d’enseignement du français ». Ensuite, même si toutes les autres disciplines sont visées, la littérature joue un rôle primordial car elle reste un modèle à imiter : elle apprend à penser, donne les idées, fournit un style. En définitive, la rédaction reste un exercice scolaire secondaire par rapport aux autres disciplines avec une fonction principalement évaluative de la langue et de la culture disciplinaire : « cet exercice permet de vérifier l’efficacité des autres enseignements et permettra d’apprécier la culture de l’enfant ». La réforme met en tension de façon ambigüe mémoire, imagination et imitation : « L’élève doit posséder dans son expérience personnelle, dans son imagination, sa mémoire, dans ses livres, les matériaux nécessaires » qui lui permettront de rédiger (ibid.).

• Une pratique résistante de la rédaction contre l’invention

La rédaction se généralise mais pas toujours dans le sens espéré des réformateurs. D’abord, les sujets du CEP ne sont pas à proprement parler des rédactions sur « un sujet simple » comme prévu par le texte de 1923 mais une suite cohérente de phrases induites par le

22 « L’enfant ne peut rédiger que lorsqu’il possède non seulement une assez riche collection d’idées, mais une assez riche collection d’expressions » (Arrêté du 23/02/1923).

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questionnement sur un texte de lecture. Par ailleurs, les manuels ne rompent pas avec la tradition classique fondée sur une démarche étapiste et maintiennent un guidage directif par des exercices préparatoires nombreux et le passage obligé par le plan. Ils donnent une part encore importante au genre descriptif et consacrent le primat du littéraire avec un recours intensif au questionnement et au canevas laissant peu de place à l’imagination et à la liberté de l’écolier pour son récit de vie. Les écritures sont faussement « de soi23 ». Préconisés par l’institution24, ces récits devraient faciliter les apprentissages en s’appuyant sur les souvenirs d’enfance et la langue de l’élève. Mais il s’agit d’un leurre. Ce n’est pas tant le vécu autobiographique qui est sollicité qu’une expérience prescrite par les lectures, les dictées et les récitations, soumise à des fortes contraintes morales. Il s’agit de récits aux contours stéréotypés, à l’image de ce que racontera bien plus tard Sarraute de son enfance (1983)25 : « L’injonction autobiographique conduit à une fictionnalisation du vécu qui doit être modifié pour correspondre au schéma convenu. » (Bishop, 2007 : 22).L’écriture de soi procède plus en définitive de l’imitation littéraire que de l’invention.

• Le texte libre : une réorientation du récit scolaire

S’il est un courant pédagogique de l’entre-deux-guerres qui s’oppose à l’imitation docile des grands auteurs et à leur langue policée, c’est bien celui du mouvement Freinet (1947) issu des principes de l’Éducation nouvelle. Parce que l’école doit éduquer pour réformer la société, Freinet entend redonner la parole aux enfants du peuple qui ne manient pas correctement la langue écrite (Freinet, 1974).Sa pédagogie est avant tout une revendication pour l’égalité et celle-ci s’appuie sur un bras armé : la rédaction. Il souhaite rompre ainsi cette « schizophrénie » qui impose à l’enfant une double vie langagière « l’une fictive répondant aux normes linguistiques et morales de l’institution, l’autre réelle et quotidienne qui ne franchit pas l’enceinte de l’école » (Bishop, 2004 : 69).

Ce novateur prône paradoxalement une écriture répondant véritablement aux exigences règlementaires. Il s’agit d’une véritable écriture autobiographie proche du témoignage, un texte court, informatif : l’élève est conduit à raconter la vie quotidienne de son milieu rural, son village, sa famille ou la vie de la classe. Les modalités d’écriture sont bouleversées. Le maitre prend

23 Les écritures de soi sont des « textes rédigés à la première personne où l’auteur porte témoignage de sa propre vie » (Gusdorf, 1991 : 53). Bishop a dégagé les caractéristiques de ce genre scolaire : écriture à la première personne, narration rétrospective, contenu centré sur le vécu personnel, contexte scolaire (Bishop, 2004 : 64).

24 Les programmes de 1882 recommandent « les sujets les plus simples et les mieux connus des enfants » et la circulaire de 1917 sur le C.E.P « une rédaction sur un sujet simple, emprunté à la vie courante » (même si l’on trouve à côté du récit, la lettre, le portrait et la description).

25 « Je me tiens dans l’ombre, hors d’atteinte, je ne livre rien de ce qui n’est qu’à moi... mais je prépare pour les autres ce que je considère comme étant bon pour eux, je choisis ce qu’ils aiment, ce qu’ils peuvent attendre, un de ces chagrins qui leur conviennent » (Sarraute, 1983 : 208-209).

connaissance des centres d’intérêts de ses élèves, lesquels deviennent la base du programme de la classe. La production repose sur une absence de consigne et donc de contraintes explicites. L’élève écrit quand il veut, ce qu’il veut. C’est une écriture libre, simple, s’appuyant sur la langue de l’enfant. Le texte est le point de départ de toutes les activités de classe y compris linguistiques : la correction collective issue d’une pédagogie coopérative donne l’occasion de travailler la grammaire. C’est une écriture utile qui fait sens : les rédactions sont imprimées, éditées dans le journal scolaire et servent à une correspondance ou une diffusion hors de l’enceinte de l’école. Elle prend donc en compte un véritable destinataire. La rédaction devient un moyen d’expression et de communication, un outil de socialisation (ibid.). Le modèle se diffuse dans les discours institutionnels et les classes mais lentement et parfois au prix d’adaptation et de contresens.

En ce début du XXe siècle le récit de vie semble donc être plébiscité à la fois par les pédagogues qui s’inscrivent dans le courant Freinet et ceux qui s’en tiennent à une conception plus traditionnelle de la rédaction. Mais les démarches sont radicalement opposées. Tandis que le texte

libre s’appuie sur le vécu réel et donne toute sa place à l’imagination, l’écriture de soi qui sévit

dans les classes ordinaires est un moyen supplémentaire d’imposer une imitation des textes littéraires.

• La réforme de 1938 : des orientations contrastées

Les instructions de 193826 s’ouvrent sur un autre constat de carence : « Il ne semble pas que de très grands progrès ont été réalisés » (dans Chervel, 1995a : 225). Jean Zay, Ministre de l’éducation nationale fournit plusieurs explications qui tiennent aux dérives pédagogiques. D’une part, les enseignants surestiment les capacités des élèves et anticipent sur les progressions proposées par l’institution. D’autre part, la démarche d’apprentissage qui a été choisie résulte de « malentendus ». La focalisation abusive sur les aspects linguistiques de l’écriture est ainsi dénoncée : « Les exercices de grammaire qui tous allant du mot à la phrase procèdent dans l’ordre inverse des exercices d’élocution ou de rédaction » (Chervel, 1995a : 377). Le ministre propose une démarche inverse en s’appuyant sur l’analogie avec le dessin. De même que l’enfant n’apprend pas à dessiner en commençant par le trait et en complexifiant mais en observant des objets réels, pour la rédaction « on commence par une idée d’ensemble du sujet ; c’est en cherchant à se préciser que l’idée se divise, s’analyse, et trouve par là même son expression. » (Chervel, 1995a : 377). La troisième explication rejoint les précédentes constatations : on a privilégié à tort l’imitation littéraire d’où des dérives comme l’emploi abusif des clichés. Si le lien entre lecture et écriture n’est pas rompu, le texte perd son caractère modélisant. Il faut

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d’ailleurs que les textes soient mieux choisis : qu’il y ait « une certaine unité et non pas une suite d’observations ou d’impressions dispersées », qu’ils « intéressent les enfants ». S’agissant des genres scolaires, les textes officiels (arrêtés du 23/3/1938) recommandent à nouveau le récit de vie, mais d’autres écrits sont également cités comme le résumé, le rapport, le compte-rendu de lecture et même la reproduction orale et écrite de textes (au CS). Ainsi, la composition française reste le prolongement des exercices de lecture, et la croyance aux vertus de la mémorisation demeure sous-jacente. Devant l’imminence de l’entrée dans la vie professionnelle, l’écrit social conserve également toute sa place avec la lettre (CS 2e année et cours de fin d’études).

À la lecture de ces textes règlementaires, on ne peut qu’être frappé par la diversité des genres et des approches. Il existe une exhortation à la fois à l’observation et à l’imitation du réel (le vécu de l’élève) et à l’invention (tout en appelant à « discipliner l’imagination »), tandis que les sujets plus classiques de « reproduction », de « compte rendus de lecture » ou de résumé « le texte sous les yeux » incitent à l’imitation des textes d’auteurs. Pourtant il faut encore s’exprimer avec simplicité, loin de la langue des modèles littéraires.

• Des textes règlementaires et des pratiques qui revendiquent à la fois l’imitation et l’invention

Les textes postérieurs à 1938 ne bouleversent pas profondément les programmes. Aux fonctions toujours réaffirmées de l’écrit (affiner la pensée, enrichir sa langue, se préparer à la vie sociale) s’ajoute le développement de « l’effort continu »27. Parmi les genres scolaires qui s’empilent, une place particulière est réservée à la lettre valorisée pendant la période de guerre28, et le « sujet libre »29, influence sans doute du texte libre. Une tension est toujours présente entre, d’une part, les sujets dits simples empruntés à l’observation de la vie réelle avec le recours à une imagination maitrisée comme les récits de vie et même les suites de récit introduites par le texte de 1942 (Chervel, 1995b : 38-39) et, d’autre part, les écrits rédigés à partir de modèles sociaux (lettre, P.V, compte-rendu, rapports etc.) et de modèles littéraires (reproductions, résumés), eux basés sur l’imitation. Même dans les sujets d’invention, l’imagination est toujours bridée par une

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