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Notre projet de recherche est au croisement des sciences de l’information et de la communication, des sciences de l’éducation, de la sociologie de l’innovation et des usages. Il consiste à problématiser le développement d’un « projet engageant » et la question de « l’accompagnement » du changement au sein d’une Institution éducative du premier degré. Ce projet s’articule autour de la question suivante :

L’engagement des enseignants dans un projet d’usage des Tic et leur accompagnement dans la pratique des technologies peuvent-ils favoriser l’appropriation de ces outils en présence des élèves à l’école primaire ?

Les champs théoriques de la médiation, de la communication interpersonnelle et de la communication des organisations sont convoqués pour analyser les discours et les pratiques des enseignants engagés dans un projet de travail coopératif et collaboratif en ligne. Nous nous intéressons à l’intentionnalité des acteurs- enseignants de l’école élémentaire dans le cadre d’un dispositif d’appropriation des Tic que nous qualifions de « projet engageant », au sein de l’organisation Éducation nationale, que nous considérons comme une « organisation élargie à

cinq niveaux. » (Duvernay, 2004 :142) :

- « Un infra-niveau, celui de l’identité de chaque acteur, de ses

motivations intrinsèques, qui expliquent l’intentionnalité première du projet.

- Un micro-niveau, qui représente les composantes organigramme. - Un méso-niveau, celui de l’organisation-institution (…)

- Un macro-niveau, l’État et ses ministères, (…) ainsi que le tissu

socio-économique.

- Un méta-niveau, les métarécits, c’est-à-dire les grandes

institutions (Politique, Éducation, Religion) et les spécificités historiques et socioculturelles d’un pays. »

À l’école élémentaire, l’infra-niveau est le lieu d’expression des motivations intrinsèques qui prennent forme dans l’intentionnalité des acteurs-enseignants et des porteurs de projet. Le micro-niveau est celui du projet installé dans une unité de formation : la circonscription de l’enseignement primaire. Le méso-niveau est celui de l’organisation-institution, structurée autour de normes, de routines et de rituels. Il s’agit de l’Inspection académique et du Rectorat dans notre cas. Le macro-niveau est représenté par l’État et ses ministères : le Ministère de l’Éducation nationale (Men) et la Direction des Écoles. Enfin, le méta-niveau regroupe les récits fondateurs de l’Institution Éducation nationale et les grandes valeurs de Liberté-Égalité-Fraternité auxquelles notre République est attachée. Dans ce cadre, nous posons comme hypothèse centrale et principale que :

Le « projet engageant » et « l’accompagnement » sont des formes de médiation qui peuvent conduire à l’émergence d’un processus de changement des pratiques des enseignants vers l’appropriation des Tic en situation pédagogique.

Nous supposons qu’une stratégie de « projet engageant » et « d’accompagnement » favorise l’intégration des Tic par les équipes pédagogiques de l’école élémentaire. Cette stratégie accorde une place prédominante à l’intentionnalité de l’acteur-enseignant et à sa faculté de décision, tout en favorisant des alliances entre « acteurs engagés » ne se fréquentant pas au quotidien. Nous nous intéressons aussi au jeu des acteurs autour de ce « projet engageant » : leur responsabilisation, leur prise de décision, leur désir d’agir, leur besoin de reconnaissance, leurs résistances, leur espace de liberté et les contraintes qui pèsent sur eux.

Notre terrain de recherche se focalise sur l’école élémentaire. Nous insérons notre projet de recherche au sein de la circonscription de rattachement de notre

établissement. Cette dernière regroupe les écoles maternelles et élémentaires de cinq communes.

Nous testons la validité de notre hypothèse à travers une étude empirique de trente-six mois menée dans cette circonscription. Cette étude nécessite la conception et la mise en place d’un dispositif technique nommé « P’tit journ@l » et que nous présentons ci-après. Il s’agit d’un projet de communication, de collaboration et d’échanges entre acteurs en rupture avec l’unité de temps, de lieu et d’action qui caractérise la situation éducative en classe. Ce projet est ouvert à toutes les écoles élémentaires de la circonscription. Son objectif est la publication de contenus sous la forme d’un journal en ligne, en s’inspirant des comités de rédaction de journaux traditionnels. La participation volontaire des enseignants à ce projet induit un engagement de formation, de production de contenus en situation pédagogique et de communication médiatisée par les Tic. Les résultats de cette recherche nous permettent de comprendre en quoi « le projet engageant » et « l’accompagnement » sont des facteurs d’émergence de changement.

Sur le terrain, nous sommes un chercheur en situation d’immersion car nous sommes impliqué et intégré à notre terrain de recherche. Notre posture est triple :

- nous sommes un professeur des écoles confronté à un questionnement professionnel ;

- nous sommes le porteur du projet que nous avons élaboré en rapport à notre questionnement personnel et notre expérience professionnelle ; - nous sommes le chercheur en Sic, impliqué dans l’objet de recherche,

qui observe, participe et tente le pari de l’objectivation.

En conséquence, nous privilégions le paradigme compréhensif et nous accordons une place importante à la subjectivité du chercheur en réintroduisant le « sujet- connaissant » dans sa connaissance (Morin, 1986). Nous considérons que le sens émerge du travail personnel de l’acteur en action. Toutefois, nous reconnaissons que la posture du chercheur exige une distanciation pour pouvoir produire une analyse fiable et pertinente. De ce fait, nous articulons deux logiques contradictoires : la logique de la conjonction a priori et celle de la disjonction a

posteriori, la subjectivité dans l’action et l’objectivité dans la mise à distance.

Nous sommes un « chercheur-acteur-impliqué » qui s’immisce comme acteur à part entière dans les processus sémiotiques que constituent les interactions dans

l’organisation et qui est économe de ses théories : ce chercheur combine les rôles et travaille avec des hypothèses et des conjonctures tirées des situations vécues (Gramaccia, 2001).

Nous appliquons les méthodes qualitatives dont la vocation est plus de détecter des comportements et des processus que de mesurer et comparer. Nous retenons la méthode de l’observation participante complète et celle des entretiens compréhensifs qui nous permet de collecter des données qualitatives. L’analyse thématique de ce corpus d’observations et de verbatim d’entretiens représente notre travail d’extraction de sens, de recherche de significations.

Nous venons de poser le cadre de recherche. Nous allons nous attacher maintenant à présenter le projet « P’tit journ@l » et exposer en quoi notre travail de thèse relève des sciences de l’information et de la communication.

0.3.3 : L’objet d’étude : Le P’tit journ@l

Notre problématique concerne la généralisation des Tic dans le système éducatif et plus particulièrement l’appropriation de ces dernières par les enseignants en situation pédagogique. Nous supposons que la mise en place d’un projet de communication peut favoriser cette appropriation par le sens qu’il génère dans les pratiques.

Le « P’tit journ@l »49 possède une double facette : c’est un projet de

communication et un dispositif pédagogique. Le projet de communication est conçu autour d’une interface de publication collective en ligne et s’adresse aux écoles élémentaires d’une même circonscription. Le dispositif pédagogique concerne l’apprentissage et justifie l’insertion du « P’tit journ@l » dans la salle de classe. Nous détaillons l’une et l’autre de ces facettes ci-après.