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Les notes et rapports commandés par le Ministère de l’Éducation nationale (Men) dressent un bilan lucide des politiques en matière de développement des Tic dans le système éducatif.

La note d’évaluation du Men, publiée en mai 200538, s’intéresse au fonctionnement du B2i au collège et publie les résultats d’un questionnaire adressé à tous les collèges publics de France Métropolitaine et des Départements d’Outre-Mer (Dom). L’analyse du discours des enseignants et des Principaux permet de dresser le bilan de la mise en place du B2i. Les indicateurs retenus sont le nombre d’établissements déclarant mettre en œuvre ce brevet et le nombre d’enseignants impliqués pour la validation du B2i dans ces mêmes établissements. Ainsi deux Principaux de collèges sur trois déclarent mettre en œuvre le B2i, en menant une politique volontariste. Dans ces établissements, le brevet ne concerne que le quart des enseignants. Les premiers utilisateurs sont les professeurs de technologie qui assument souvent seuls la validation des compétences du B2i. Les professeurs-documentalistes arrivent en seconde position avec la pratique de la recherche documentaire. Cette note constate que, bien souvent, les technologies sont sous-utilisées.

Le rapport 2005 de l’Igaen39 précise que la principale cause de retard sur le

B2i est la sous-utilisation des ordinateurs disponibles car l’usage des Tic dans l’enseignement n’a pas encore trouvé sa place et reste assez marginal. « Malgré

les efforts consentis par les pouvoirs publics, l’ordinateur ne révolutionne pas la

38 Note d’évaluation 05.04.mai: Le fonctionnement du brevet informatique et internet au collège,

disponible à l’adresse http://www.education.gouv.fr/stateval.

39 Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale. Rapport n°2005-105

vie de classe (…) si presque 9 enseignants sur 10 se servent de l’ordinateur et d’Internet, ils le font dans la plupart des cas en dehors de la classe, à leur domicile, pour la préparation de leurs cours. » (Bonrepaux, 2004 : 36). Ce

constat rejoint la « romance inconstante » de Larry Cuban (1986) entre les technologies de l’éducation et la société. Cette romance se déroule en cycles de quatre phases. Au début, un optimisme démesuré et des prophéties de changement pour les apprentissages des élèves et les pratiques des enseignants accompagnent la nouveauté technologique. Puis, pour montrer le bien-fondé de ces prophéties, des études sont menées et des situations-pilotes sont mises en place avec le soutien de l’Institution. La troisième phase voit apparaître les plaintes des enseignants qui remettent en cause les prophéties. À terme, les usages scolaires de la technologie sont très limités et les prophéties sont alors oubliées. Le cycle recommence alors avec l’apparition d’une nouvelle technologie éducative.

Le rapport daté de mars 2006 et conduit par le groupe de travail pour le développement des Tic40 dans l’Éducation nationale constate que « le

développement des Tic atteint aujourd’hui un niveau satisfaisant », que « la mutation est en bonne voie » avec « la banalisation des Tic à l’école » car « 99% des élèves de 11 à 18 ans déclarent utiliser un ordinateur. » Il constate aussi la

faible implication des enseignants au-delà du temps scolaire et la sous-utilisation des équipements pour des opérations d’accompagnement scolaire. Par contre, ce rapport ne mentionne pas qu’une telle implication des enseignants tant dans la production de contenus pédagogiques que dans l’accompagnement des élèves hors temps scolaire nécessite du temps et de l’investissement personnel. Or, pour une telle implication, les enseignants sont en demande de reconnaissance, alors même que leur image est affaiblie au sein de la société.

Nous listons ci-après les insuffisances et les échecs relevés par les rapporteurs : - En France, les financements publics des contenus, des équipements

et des usages dans le système éducatif sont en retrait par rapport aux pays voisins de l’Europe du Nord.

40 Rapport du groupe de travail pour le développement des Tic dans l’Éducation nationale (34

- L’école prend du retard dans l’intégration de l’image et du son numériques.

- Le développement des Tic est inégal selon les niveaux d’enseignement, les disciplines enseignées ou les collectivités territoriales de tutelle.

- Dans le cadre des enseignements disciplinaires, les usages sont restreints à ceux qui peuvent bénéficier de salles spécialisées, de groupes restreints ou de conditions plus favorables que le groupe classe en salle banalisée.

- Diverses difficultés freinent l’accès au matériel : la réservation des salles informatiques ; l’absence d’une « assistance professionnalisée et réactive » pour résoudre tous les petits problèmes techniques qui sont très vite déstabilisateurs en présence des élèves ; l’inconfort de la technique et l’inconfort pédagogique en raison d’un manque de formation suffisante pour les enseignants, y compris ceux fraîchement sortis de l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (Iufm).

- L’adhésion des enseignants est de ce fait très limitée car la plus- value pédagogique des Tic reste à démontrer. Plus de 35 ans après l’expérimentation des 58 lycées, les Tic continuent de susciter des questionnements quant à leur efficacité ! Par ailleurs, la mutualisation des riches contenus pédagogiques auto-produits par les enseignants n’est que très peu organisée et indexée sur Internet. - Le pilotage national de la politique des Tic dans le système

éducatif s’intéresse plus à l’évaluation des conditions matérielles à travers le ratio du nombre d’élèves par ordinateur qu’à la question de la qualité pédagogique des usages. En effet, il existe pour les jeunes des usages extrascolaires qui correspondent à leur espace privé. Cependant, ces usages ne correspondent pas à ceux que l’Institution éducative entend développer dans l’univers éducatif. Il convient donc de rapprocher les univers distincts du scolaire et de l’extrascolaire pour assurer une continuité et donner du sens aux usages des Tic.

Sur ce dernier point, la récente étude Médiappro41, menée en 2005-2006 dans neuf pays de l’Union européenne et au Québec, apporte des éclairages sur les usages et l’appropriation par les 12-18 ans d’Internet et des technologies portables. Elle montre combien les perceptions de l’Institution, des enseignants et des élèves divergent pour ce qui concerne l’usage des Tic. Les jeunes considèrent qu’Internet appartient à la sphère privée, familiale et amicale et non au monde scolaire. L’école est le lieu de l’initiation à la recherche documentaire alors que leurs pratiques personnelles sont diversifiées et essentiellement axées sur la communication. Cette distorsion entre les pratiques réelles et les pratiques scolaires conduit à un manque d’intérêt pour les pratiques éducatives liées à Internet. Médiappro confirme que les jeunes s’approprient Internet chez eux en communiquant avec leurs amis, en visitant des sites, en écoutant de la musique, en téléchargeant des fichiers, en jouant…Pour eux, la pratique d’Internet à l’école est trop encadrée. Les restrictions portant sur leurs activités de communication et de loisir et sur la consultation de sites les conduisent à penser que cette pratique d’Internet est impossible à l’école. L’appropriation se fait donc à la maison et passe par un pair plus âgé ou plus expert, le plus souvent hors de la présence d’un adulte, quand les adolescents sont seuls devant l’écran et qu’ils expérimentent pour comprendre. Cependant, l’école reste le lieu des premières découvertes pour tous les jeunes qui ne disposent pas d’accès Internet à la maison. Selon l’étude Mediappro conduite en 2005/2006, ils sont encore 6% en Europe et 4% en France. Dans la continuité, la mission d’audit de modernisation a présenté en mars 2007 un rapport sur la contribution des nouvelles technologies à la modernisation du système éducatif42. Ce rapport dresse le bilan des équipements et constate leur répartition inégale sur le territoire et entre niveaux d’enseignement, en raison d’un partage des responsabilités entre l’État, le Ministère de l’Éducation nationale et les Collectivités territoriales. Il suggère de reconstituer un cadre de gouvernance national plus efficace pour la mise en œuvre d’une vraie politique des Tic et de faire du territoire académique un échelon de cohérence sur la base d’un projet Tic

41 Médiappro : Appropriation des nouveaux médias par les jeunes : une enquête européenne en

partagé par l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, le système éducatif n’est pas en mesure de définir ses attentes en matière de Tic, sauf en ce qui concerne l’acquisition du B2i par les élèves. Il importe de rendre possible un réel partenariat entre l’État et les Collectivités territoriales, sur la base d’orientations nationales et de référentiels bien établis afin de garantir la performance des investissements et des moyens consacrés aux Tic. En ce qui concerne les usages, les auteurs du rapport indiquent que les enseignements reposent pour la plupart sur des cours structurés et non sur la conduite de projets à l’initiative des élèves. Cette démarche pédagogique, combinée au doute des enseignants sur l’apport effectif des Tic à l’acte éducatif, limite les possibilités d’usage spontané des Tic par les élèves. Les auteurs proposent donc de mettre en place un cadre global d’accompagnement du changement et des pratiques, lequel reposerait sur un effort de communication, une formation initiale et continue répondant aux attentes, un dispositif d’accompagnement de proximité professionnalisé, une incitation individuelle aux usages et un encouragement des expériences innovantes pour faire une large place aux « bonnes pratiques » et capitaliser les connaissances. Ce rapport considère que la convergence de l’État et des Collectivités territoriales est décisive pour l’intégration des Tic dans le système éducatif.