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CHAPITRE 1 : LA QUESTION DU MULTICULTURALISME EN FRANCE

1. Une question polémique

1.1. L’obstacle de la culture politique

Poser en France la question du droit des minorités sonne d’emblée comme une curiosité exotique qui heurte notre sensibilité politique. La reconnaissance publique de groupes minoritaires unis par des caractéristiques culturelles, c’est-à-dire linguistiques, religieuses, coutumières ou géographiques, va en effet à l’encontre tant de la représentation de la nature de la République française que de l’universalisme qui la fonde. La République française est présentée depuis son origine comme « indivisible », ainsi que le rappelle l’article premier de la Constitution de 1958. Elle porte à ce titre la marque de l’influence de Jean-Jacques Rousseau sur la pensée des révolutionnaires français. La République incarne l’État de droit qui est censé respecter la volonté générale, celle du peuple fondé par le pacte social, grâce auquel les individus sont unis les uns aux autres par une relation de parfaite égalité. Comme l’écrit la philosophe Catherine Larrère :

Cette égale liberté, qui niait le privilège, dans l’Ancien Régime, c’est à la loi, dans le nouveau, de la maintenir. Étant générale, comme l’expliquait Rousseau, c’est-à-dire ne faisant pas acception des personnes, elle ne peut porter atteinte aux droits de l’individu qu’elle ne distingue pas. Elle en constitue donc la garantie. Ce qui vaut pour un vaut pour tous4.

L’égalité politique garantie par la généralité de la loi s’inscrit ainsi en France dans le souvenir du moment fondateur d’une République rompant avec le système de l’Ancien Régime qui enserrait les individus dans un réseau de hiérarchies et de communautés particulières. On pense évidemment aux trois ordres, la noblesse, le clergé et le tiers-état, qui répartissaient les droits et les devoirs entre les Français de façon inégale, mais aussi aux corporations qui soumettaient les ouvriers à une stricte hiérarchie professionnelle. C’est parce qu’ils ont dû rompre avec ces inégalités ancestrales que les républicains ont autant insisté sur l’unité du peuple français et qu’ils ont politiquement œuvré à l’abolition de toute communauté intermédiaire. C’est donc leur attachement à la figure de l’universel qui explique la nécessité à leurs yeux d’assimiler les membres des minorités culturelles à la communauté nationale, qu’il

4 C. LARRERE, « Libéralisme et républicanisme : y a-t-il une exception française ? », Cahiers de philosophie de Caen, 2000, n°34, p. 130.

s’agisse des minorités religieuses ou des minorités régionales. Ainsi, les républicains ont résolument choisi, selon la célèbre déclaration du député Clermont-Tonnerre à la constituante le 24 décembre 1789, de « refuser tout aux Juifs comme Nation dans le sens de corps constitué et [d’] accorder tout aux Juifs comme individus5

». Les personnes de confession juive ont pu bénéficier très tôt des droits civiques en France mais leur intégration politique s’est faite au prix d’une forte pression assimilationniste comme le rappelle l’historienne Esther Benbassa6. De même, la République française a toujours refusé de reconnaître l’existence en son sein d’un peuple corse, basque ou breton, comme le rappelle son refus récent de ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. À cette occasion, le Conseil constitutionnel a effectivement avancé l’argument selon lequel les dispositions inscrites dans la charte étaient « contraire[s] aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français7

». La culture républicaine se traduit donc en France par un fort attachement à l’idéal universaliste que le vocabulaire de l’ethnicité semble menacer. Ce vocabulaire, qui a été mis en place principalement dans les sciences sociales américaines, notamment dans les travaux de l’école de Chicago8, et qui s’est massivement diffusé à partir de la publication en 1970 du

5 D. FEUERWERKER, L’émancipation des Juifs en France de l’Ancien Régime à la fin du Second Empire,

Paris, Albin Michel, 1976, p. 323.

6 « En 1809, les consistoires départementaux furent créés. Au fil des ans, une organisation hiérarchisée et

centralisée prit donc forme. Les fonctions initialement assignées aux consistoires étaient l’administration, la « régénération » des Juifs du pays par l’éducation, leur apprentissage des métiers utiles, leur amélioration « morale » et sociale, ainsi que le maintien de l’ordre parmi eux. En fait, on leur demandait de créer un Français modèle, le bon citoyen que la France s’imagine toujours, le citoyen idéal. » (E. BENBASSA, La République face

à ses minorités, Paris, Mille et une nuits « Essai », p. 52).

« On oublie souvent de reproduire la suite du fameux discours de Clermont-Tonnerre, pourtant révélatrice de l’autoritarisme des révolutionnaires. Au cas où les Juifs refuseraient de devenir « individuellement citoyens », « alors qu’on les bannisse » ajoutait-il. N’ayant nulle part où aller, les intéressés ne pouvaient que se plier à la loi du Prince » (Ibid., p. 64-65. Source de la citation de Benbassa : B. PHILIPPE, Être Juif dans la société française

du Moyen-Âge à nos jours, Bruxelles, Complexe, 1997, p. 143). 7

Conseil Constitutionnel, Décision N° 99-412 DC du 15 juin 1999. Texte consultable à l’adresse suivante : www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1999/99412/99412dc.htm.

8 Un des fondateurs de cette école, Robert Park, a en effet imposé l’idée que l’assimilation des immigrés se

faisait selon un « cycle des relations raciales » au cours duquel l’affirmation de la culture d’origine et sa relation conflictuelle avec la culture du pays d’accueil permettent à ceux qui possèdent la première de s’adapter à la seconde. De façon plus générale, le vocabulaire particulier des sociologues américains, et leurs références aux différences raciales et ethniques, s’expliquent par les conditions de la recherche et par le contexte historique qui ont pesé sur l’élaboration de la science sociale outre-altantique : les sociologues de Chicago mènent leurs recherches à la demande d’institutions privées et des pouvoirs locaux, à partir d’enquêtes de terrain et d’observation participante en milieu urbain, ce qui les amène à tenir compte des représentations ethniques qu’adoptent les acteurs eux-mêmes. Cette tendance est renforcée par le fait que la question raciale est incontournable aux États-Unis, étant donné le passé colonisateur et esclavagiste du pays. Enfin, l’influence de l’anthropologie culturelle de Franz Boas et de Melville Herskovitz a largement contribué à conforter l’usage des catégories ethniques chez les premiers sociologues américains. Sur ce point, voir la comparaison du contexte français et du contexte américain et les divergences induites dans la réflexion des premiers sociologues sur le problème de l’assimilation : G. NOIRIEL, S. BEAUD, « Penser l’intégration des minorités », Hommes et

livre de Glazer et de Moynihan Beyond the melting pot9, s’oppose largement à la tradition juridique qui prévaut en France depuis la Révolution de 1789 et qui écarte tout critère de distinction fondée sur l’origine. S’il s’agissait à la fin du XVIIIe

siècle de combattre la discrimination sociale, le souci de faire abstraction de l’origine s’est aussi appliqué au registre ethnique et s’est renforcé notamment à la suite de la Seconde Guerre mondiale10

. La forte tradition universaliste qui caractérise le droit français se traduit ainsi, à l’époque actuelle, par l’interdiction de faire apparaître dans les documents administratifs tout critère d’ordre ethnique. Il n’est donc pas possible en France de recenser officiellement les citoyens d’origine étrangère, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis. Cette tradition juridique explique en grande partie pourquoi il est si difficile de poser la question du multiculturalisme en France. Comment savoir en effet s’il existe dans ce pays des « minorités ethniques » et comment œuvrer à leur intégration si l’on ne dispose pas d’outils statistiques pour les identifier – en mesurant les phénomènes de discrimination – et pour évaluer les politiques menées en leur faveur ? De ce fait, le débat sur le multiculturalisme est souvent ressenti en France comme l’imposition d’une problématique étrangère à la culture politique qui est au fondement du pacte républicain11.

Cet arrière-plan culturel explique les paradoxes d’un débat qui est aussi passionné qu’il reste superficiel. Le multiculturalisme est en effet un sujet très médiatique qui peine étrangement à s’imposer dans les débats théoriques. Dans le domaine philosophique, très peu de publications françaises s’y consacrent, à la notable exception du livre de Renaut et Mesure. En sciences sociales, la tendance est aussi à la méfiance face à ce qui est perçu comme une américanisation du débat. En témoignent les accusations subies par les sociologues français qui, à l’instar d’Alain Touraine, de Michel Wieviorka et de Didier Lapeyronnie, valorisent la dimension culturelle que prennent à l’heure actuelle les conflits sociaux, accusations que Wieviorka dénonce avec force :

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N. GLAZER, D. MOYNIHAN, Beyond the melting pot, MIT Press, 1970.

10 Le sombre épisode de la rafle du Vel d’Hiv y a contribué en rappelant de façon dramatique les dangers de la

discrimination administrative. Le 16 et 17 juillet 1942, 13 152 juifs parisiens dont 4 115 enfants furent arrêtés par la police française et conduits au Vélodrome d’Hiver avant d’être transférés dans des camps d’internement. Au départ, seuls les juifs étrangers devaient être arrêtés, mais pour augmenter les nombre d’arrestations, les autorités françaises ont pris l’initiative d’y adjoindre les enfants et des citoyens français de confession juive. Or ces derniers ont pu être identifiés grâce aux documents administratifs discriminatoires mis en place sous le gouvernement de Vichy.

11

On a pu l’observer dans les réactions hostiles suscitées chez de nombreux intellectuels et scientifiques par l’étude Mobilité Géographique et Insertion Sociale menée en 1992 par la démographe Michèle Tribalat en vue de mesurer, à partir de sources privées, l’assimilation des jeunes issus de l’immigration. Cf. M. TRIBALAT,

Faire France, Paris, La Découverte, 1995. Pour une présentation du débat soulevé par cette étude, voir

Pour m’être intéressé aux différences culturelles telles qu’elles se présentent dans l’espace public et avoir demandé qu’elles bénéficient d’une présomption de légitimité, des intellectuels et des journalistes m’ont accusé d’être au mieux un naïf, au pire un dangereux « communautariste » ou un « casseur de la République » faisant le lit des pires violences ethniques. Accusation injuste et absurde puisque mes analyses aboutissaient justement à renvoyer dos à dos les deux termes de la dichotomie qui voudrait que nous n’ayons le choix qu’entre la République une et indivisible et le choc des communautés12.

La diabolisation de la réflexion sur la diversité des identités ethniques et sur leur éventuelle reconnaissance publique explique la direction prise en France par le débat sur le multiculturalisme. Dans la mesure où il est apparu d’emblée comme une menace pour la culture politique de ce pays, il s’est aussitôt concentré sur la question de l’identité nationale et sur les problèmes lié à l’immigration.

1.2. De la lutte minoritaire à la question nationale

Ce qui précède permet de comprendre la forme spécifique qu’a prise en France la question du multiculturalisme. La sociologue française Joëlle Zask souligne ainsi que « si, aux États- Unis, le mouvement multiculturel est né des critiques féministes, en France, le problème a été élaboré pendant dix ans dans les termes du débat sur l’immigration, particulièrement en ce qui concerne l’intégration des immigrés nord-africains13

. » La question de la différence culturelle a été soulevée aux États-Unis par la remise en cause de la distinction libérale entre le public et le privé. Cette critique, principalement élaborée par les féministes14, a ensuite été réinvestie par les théoriciens du multiculturalisme pour défendre les revendications des minorités ethniques. De même que les premières ont dénoncé le caractère genré15 de cette distinction, les seconds ont mis en cause sa neutralité culturelle. Si la distinction du public et du privé a favorisé l’exclusion politique des femmes et permis de justifier les violences domestiques, elle aurait aussi fait obstacle, avec le mythe de la color-blind constitution que critique Kymlicka, à l’intégration sociale et politique des minorités ethniques.

Dans le monde anglophone, le débat sur le multiculturalisme a donc d’emblée été appréhendé en termes de droits des minorités. En France à l’inverse, la question de la

12 M. WIEVIORKA, La différence, op.cit., p. 13.

13 J. ZASK, « The Question of Multiculturalism in France » in R. LUKIC, M. BRUIT (dir.), Culture, Politics and Nationalism in the Age of Globalization, Ashgate, 2001, p. 130.

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Voir les articles de S. MOLLER OKIN « Le genre, le public et le privé » (p. 345-396) et d’A. PHILLIPS « Espaces publics, vies privées », Genre et politique. Débats et perspectives, Paris, Folio « Essais », 2000, pp. 397-454.

15 Les féministes distinguent le genre du sexe : alors que le sexe renvoie à la différence biologique entre le mâle

différence culturelle a été thématisée à travers la réflexion sur les problèmes d’intégration des populations immigrées. Ces problèmes ont commencé à être discutés dans l’espace public, à partir des années 1980, non pas à la suite de contestations formulées par les membres de minorités ethniques, mais du fait de la crise sociale qui s’est traduite par l’accentuation de l’exclusion sociale, de la ghettoïsation urbaine des populations immigrées et par le regain de xénophobie exprimé par les succès croissants du Front National. Zask souligne ainsi que ce sont les intellectuels qui ont initié le débat sur le multiculturalisme, soit pour dénoncer l’incapacité de la démocratie française à garantir les droits des immigrés et de leurs descendants, soit inversement pour défendre le modèle d’intégration républicaine. La peur de voir la culture politique française menacée par les débats anglo-saxons sur l’ethnicité s’est ainsi prolongée, du fait de la focalisation en France sur les questions d’immigration, dans la fameuse opposition des « modèles d’intégration ». La France incarnerait un modèle d’intégration universaliste, qui repose sur l’assimilation des individus à la même culture nationale en vue de permettre à tous également de participer à la formation de la volonté générale. Ce modèle se traduit concrètement par l’importance des institutions publiques dans la formation civique des individus, au premier rang desquelles figurent l’éducation nationale, et, jusqu’en 1996, la circonscription universelle. Les États-Unis offriraient au contraire le modèle d’une intégration décentralisée qui accorde une large autonomie aux groupes culturels et qui aurait ainsi permis la consolidation de communautés culturelles infranationales.

C’est au nom d’une telle opposition que l’on peut contester la pertinence d’une théorie comme celle de Kymlicka pour penser la diversité culturelle dans notre propre contexte démocratique, non seulement à propos des minorités nationales mais aussi des minorités ethniques. La « citoyenneté multiculturelle », qui cherche à fonder rationnellement le principe d’un droit à la différence pour les minorités ethniques, ne serait que la formalisation théorique et juridique du modèle d’intégration américain. Le Canada se pense en effet, à l’instar des États-Unis, comme un pays où « la légitimité de la citoyenneté est quasi liée à l’immigration16

». Du fait de cette proximité historique, au Canada comme aux États-Unis, la loyauté à l’égard du corps politique ne semble pas dépendre de l’homogénéité culturelle d’une communauté, ce qui est généralement présupposé en France. Dans les pays d’immigration, le civisme peut en effet reposer sur une double appartenance et prendre la forme d’une citoyenneté à trait d’union (hyphenated citizenship).

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Or nous contestons l’idée que l’opposition des modèles d’intégration suffise à invalider la pertinence d’une théorie comme « la citoyenneté multiculturelle » pour la France. Une telle opposition relève en effet beaucoup plus du parti pris idéologique que du discours scientifique. Les travaux menés entre autres par Patrick Weil et par Gérard Noiriel contribuent à montrer le caractère non opératoire d’un tel « modèle » pour éclairer l’histoire de l’immigration en France. Noiriel souligne ainsi que :

Le terme de « modèle » laisse penser à tort que la République [Française] aurait eu un projet politique d’insertion des immigrants. Avant les années 1970-1980, cependant, aucun gouvernement ne s’est vraiment penché sur la question. Depuis la fin du XIXe siècle, les immigrants et leurs descendants se sont fondus dans la société française sans que les gouvernements et les experts s’en mêlent. Le rôle du politique dans ce domaine [...] a donc été beaucoup plus limité qu’on ne le dit habituellement17.

Remettre en cause la pertinence des « modèles » d’intégration ne consiste pas à nier la spécificité de la culture politique française que nous avons commencé par relever. Il s’agit seulement de contester le caractère rhétorique que prend trop souvent cette opposition et la façon dont elle contribue à interdire le débat. La logique des modèles tend en effet à discréditer le simple fait de rapprocher les situations française et américaine, en présupposant que le processus d’intégration n’est pas de même nature dans les « pays d’immigration » - où les nouveaux immigrés ne font que s’ajouter aux anciens - et dans les « vieilles nations » - où ils semblent se fondre dans une communauté culturelle déjà constituée. Or un tel présupposé est loin d’être vérifié. En outre, quand bien même il le serait, pourquoi les immigrés ne pourraient-ils pas désormais exiger des vieilles nations les mêmes mesures d’intégration que celles mises en œuvre dans les pays d’immigration ? L’opposition des modèles d’intégration devrait susciter d’autant plus la méfiance que sa visée stratégique ne fait guère de doute. Loin d’être une description neutre, elle valorise clairement le modèle français au détriment du modèle américain, en suggérant que le premier est le seul à respecter l’universalisme de la citoyenneté démocratique. Elle prolonge à ce titre la tradition révolutionnaire qui considère que « le langage de la république est le langage universel de l’humanité18 ».

Comme le remarque le sociologue Eric Fassin, cette tradition s’exprime aujourd’hui négativement sous la forme de « l’épouvantail américain » qui sert « à opposer rhétoriquement la République universaliste, réputée française, au communautarisme, supposé américain (en particulier en matière d’ethnicité) 19

». Elle cristallise de la sorte les craintes des

17 G. NOIRIEL, « Petite histoire de l’intégration à la française », Manières de voir, mars-avril 2002. 18 C. LARRERE, « Libéralisme et républicanisme : y a-t-il une exception française ? », article cité, p. 130. 19

intellectuels qui se revendiquent républicains20 face à l’évolution inédite des mouvements sociaux et à la dimension identitaire que prennent les revendications sociales, qu’il s’agisse des jeunes issus de l’immigration, des personnes homosexuelles ou encore des femmes. D’après Fassin, ce qui est en jeu derrière l’opposition de l’universalisme et du communautarisme, c’est la perception de l’identité nationale. La peur de voir la nation « menacée de fragmentation sous l’effet du communautarisme américain21 » invite à s’interroger sur sa définition. Pourquoi considérer en effet que les revendications culturelles menacent la République ? Pourquoi y voir, dans le cas de l’immigration, un signe de non intégration ? Sans doute parce qu’il est communément admis en France que l’actualisation du statut de citoyen passe par la possession d’une culture commune. Mais de quelle culture s’agit-il ? De la langue, de certaines pratiques sociales, de certaines valeurs politiques, de certaines traditions juridiques, de l’attachement à certains symboles nationaux ? C’est pour tenter d’éclairer ce problème qu’il nous semble préférable de cesser d’agiter « l’épouvantail américain » et de rapprocher au contraire la France et les États-Unis à propos des questions soulevées par l’immigration et par le multiculturalisme pour se donner les moyens de « penser l’intégration des minorités22

». Dans ces deux pays en effet, la réflexion sur l’immigration

pose des problèmes sociaux et politiques similaires. Que signifie « s’intégrer » à une nation démocratique ? Cette intégration est-elle un processus involontaire ou le résultat de la bonne volonté des individus ? Relève-t-elle du politique ou du culturel et dans quelle mesure est-elle compatible avec le respect des différences culturelles ?

L’ensemble de ces questions que l’opposition rhétorique des modèles d’intégration tend à