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La question des échelles de mise en œuvre des politiques publiques

I Les politiques publiques de l’aménagement et de l’environnement

I.1 Les politiques publiques de l’aménagement du territoire

1.33 Réalités contemporaines de l’aménagement du territoire

1.33.1 La question des échelles de mise en œuvre des politiques publiques

La Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire du 25 juin 1999 initie réellement ce réajustement dans les façons d’appréhender, de conduire et de développer une politique cohérente de l’aménagement du territoire.

Elle prend appui sur différents points que la loi de 95-115 avait en son temps ouverts, notamment en termes d’approche spatiale des territoires, les notions de pays par exemple. A partir du texte de présentation, et de l’exposé des motifs, nous pouvons extraire au moins trois points fondamentaux concourant à cette affirmation conceptuelle.

Il s’agit, en premier lieu, de renforcer la mobilisation des territoires et des acteurs qui l’animent. La notion de territoire est entendue comme « un agrégat cohérent de

zones rurales et urbaines dont les qualités environnementales et leur organisation intrinsèque constituent le facteur de développement durable à mettre en valeur ». Il devient un maillage complexe et dynamique d’unités locales dont les équilibres spécifiques répondent à un modèle de systèmes emboîtés, un polycentrisme maillé selon le terme concédé par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale.

Les objectifs que la politique publique poursuit tendent alors à permettre :

« Une activité équilibrée entre le monde rural et les villes : c’est la reconnaissance des métropoles à vocation internationale, alternative à l’expansion parisienne - l’organisation des agglomérations - la mise en relation des territoires ruraux et des agglomérations au sein des pays - la reconnaissance au sein des pays des zones rurales en difficulté - la mise en place de moyens (création d’un fonds de gestion des milieux naturels, mise en oeuvre du fonds national de développement des entreprises (200 M.F.), orientation durable du fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables et du fonds national d’aménagement et du développement du territoire). (Exposé des motifs - Assemblée nationale - Juillet 1998).

Sur un second plan la volonté publique se couple à un ensemble de préoccupations relatives à l’administration territoriale (plus à proprement parler) car les orientations reconnaissent ou affirment le poids des régions dans leur rôle d’aménagement du territoire, l’institutionnalisation des pays comme territoires de projets, l’intégration d’un nouvel équilibre urbain / rural et la prise en compte des agglomérations comme une réalité oeuvrant à la poursuite d’objectifs de développement économique et social. Ces intentions tendent à « reconnaître les systèmes locaux, en considérant que le développement des métropoles urbaines constitue le facteur principal d’intégration économique du pays à l’échelle européenne et internationale ». (Exposé des motifs - Assemblée nationale - Juillet 1998).

L’exposé des motifs énonce, sur ce point, qu’une coopération et une concertation accrues entre les acteurs et les instances doivent permettre le développement cohérent des objectifs propres à chacune des échelles territoriales.

Elles sont envisagées par la mise en place et de l’affirmation des rôles du Conseil National d’Aménagement et de Développement du Territoire à l’échelle nationale, de la Commission Régionale d’Aménagement et de Développement du Territoire à l’échelle régionale, des conseils de développement de pays ou des conférences d’agglomérations à l’échelle locale et du respect des instances existantes comme le Conseil économique et Social (Exposé des motifs - Assemblée nationale - Juillet 1998).

Les articulations entre les échelles sont assurées pour la dimension européenne au travers des schémas de services collectifs et par une stratégie unique pour les programmes européens et les contrats de plan. (Exposé des motifs - Assemblée nationale - Juillet 1998). Le modèle envisagé se développe à partir de la reconnaissance et de la définition des orientations communes à la nation. Ce modèle prend appui sur l’énoncé des choix stratégiques. Dans un souci de cohésion et sans réfuter la réalité du système emboîté auquel elles appartiennent, ces orientations et choix communs sont affirmés par les schémas qu’ils soient national ou régional. Ils renseignent les choix sectoriels ou thématiques à l’échelle nationale et recherchent la cohérence des actions à l’échelle locale.

Il s’agit en réalité d’une recherche de moyens quant à l’articulation cohérente entre les orientations et les documents de la planification. Ainsi, à l’échelle nationale les schémas de services collectifs prévus par l’article 2 de la loi sont au nombre de huit. Ils concernent l’enseignement supérieur et la recherche, les services collectifs culturels, les services collectifs sanitaires, l’information et la communication, les transports dans une approche multimodale, l’énergie, les espaces naturels et ruraux, le sport. Ils intègrent les volets particuliers des territoires de l’outre-mer.

Si les schémas de secteur ont pour fonction de formaliser les intentions de l’Etat et les schémas régionaux les intentions régionales, le titre II de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire tend lui à défendre et à promouvoir la nécessité de formaliser les projets de développement à partir d’une vision prospective et suivant une échelle durable de temps au plus près de la mise en oeuvre des actions (titre modifié par la loi sur la Solidarité et le Renouvellement urbains - Article 22 - Loi 2000-1208 13 décembre 2000 art 1 B I, B II JORF 14 décembre 2000).

En prenant appui sur la notion de pays, avancée depuis 1995 par la loi Pasqua et présentant le pays comme un territoire ayant une cohésion géographique,

culturelle, économique ou sociale, le texte invite à la mise en place d’une charte de développement. Elle est issue de la concertation active conduite avec le conseil de développement.

• La charte «exprime le projet commun de développement durable du territoire selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux du programme ‘Action 21’ de la conférence de Rio-de-Janeiro des 1er et 15 juin 1992 et les orientations fondamentales dans l’organisation spatiale qui en découlent, ainsi que les mesures permettant leur mise en œuvre. Elle vise à renforcer les solidarités réciproques entre la ville et l’espace rural ».

En troisième lieu, il s’agit de postuler que les fondements du développement durable passent par l’économie des ressources et l’amélioration de la qualité des milieux comme par la consolidation des pouvoirs locaux et de leur autonomie, en considérant que le rôle de l’Etat est d’agir comme un coordonnateur des règles et un garant des principes d’unité et d’équité.

A cet effet l’article 1er de la loi précise que :

« La politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations. Au sein d'un ensemble européen cohérent et solidaire, la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire permet un développement équilibré de l'ensemble du territoire national alliant le progrès social, l'efficacité économique et la protection de l'environnement. Elle tend à créer les conditions favorables au développement de l'emploi et de la richesse nationale, notamment en renforçant la solidarité des entreprises avec leur territoire d'implantation, et à réduire les inégalités territoriales tout en préservant pour les générations futures les ressources disponibles ainsi que la qualité et la diversité des milieux naturels ».

La loi insère et regroupe les notions de territoires (national, d’entreprise) et d’espace ( un ensemble européen) à partir d’un critère de cohérence. Elle mêle les

échelles de temps allant du temps social, où le développement est concrétisé par les notions d’emploi, de richesse et d’équilibre, au temps plus prospectif des générations futures, de la qualité et de la diversité des milieux.

Les orientations que la politique publique poursuit ne rompent pas avec le principe initial d’efficacité économique mais elles le lient au jeu des acteurs et aux échelles avec lesquelles ils interagissent.

• L’article 1er poursuit en affirmant que la politique nationale d’aménagement et de développement durable du territoire à pour objet d’assurer «l'égalité des chances entre les citoyens en garantissant en particulier à chacun d'entre eux un égal accès au savoir et aux services publics sur l'ensemble du territoire et réduit les écarts de richesses entre les collectivités territoriales par une péréquation de leurs ressources en fonction de leurs charges et par une modulation des aides publiques. Déterminée au niveau national par l'Etat, après consultation des partenaires intéressés, des régions ainsi que des départements, elle participe, dans le respect du principe de subsidiarité, à la construction de l'Union européenne et est conduite par l'Etat et par les collectivités territoriales dans le respect des principes de la décentralisation. »

Renforcement des pôles de développement, développement local en appui des réalités vécues, organisation des centres urbains comme noyau d’un espace d’interactions, soutien aux franges et aux zones en dépression constituent les points d’appui de la politique publique de l’aménagement du territoire que l’Etat initie et des actions qu’il soutient. Organisation, contractualisation et coordination des cadres d’actions constituent les mots clefs des orientations en matière d’aménagement du territoire à l’aube des années deux mille dans un espace européen en mutation.

L’Etat vise, au travers des textes, à la rationalisation des politiques publiques de l’aménagement du territoire en structurant l’énoncé de leurs orientations (les schémas) et en recherchant la mise en place d’un principe de cohérence entre les échelles et les actions (le principe de compatibilité et l’emboîtement des échelles). Le texte de loi dimensionne les échelles territoriales de mises en oeuvre sans les

séparer de leur contexte physique et spatial mais en les approchant comme des systèmes dynamiques dans le temps.

Les apports de la loi 99-553 du 25 juin 1999 permettent de reconnaître que les fondements de l’aménagement du territoire sont redimensionnés à la taille des enjeux contemporains et le territoire national appréhendé suivant un modèle dynamique de systèmes emboîtés. Ces orientations sont poursuivies par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains voté en décembre 2000.