• Aucun résultat trouvé

Les orientations ouvertes par la décentralisation

I Les politiques publiques de l’aménagement et de l’environnement

I.1 Les politiques publiques de l’aménagement du territoire

1.24 Les orientations ouvertes par la décentralisation

Si nous prenons appui sur les travaux du CERAM (Centre d’Etudes et de Recherches Administratives de Montpellier) concernant la planification des politiques économiques des collectivités locales dans la réforme de la décentralisation, nous pouvons relever que les mutations du rôle de l’Etat à l’entrée des années quatre-vingts assignent « aux communes et départements des tâches autrement plus diversifiées puisqu’elles vont devoir contenir la déstructuration des modes de vie et de reproduction de la force du travail. Il leur faut donc assumer les faux-frais de la croissance à travers l’aide sociale, le développement des équipements collectifs et éducatifs, l’entretien de la voirie et des infrastructures » (CERAM 84, page 15).

Dans ces conditions, comme l’écrivent C. Alvergne et F. Taullelle, la perception du territoire se modifie et ce dernier est décliné au pluriel (ALVERGNE – TAULELLE 2002, page 59). Les problématiques sociales, urbaines et économiques se diversifient, l’espace devient discontinu et les particularités des ensembles s’affirment. La planification, qui reste l’outil adapté à la formalisation des intentions poursuivies et des objectifs à atteindre, se couple à la redécouverte du local et se déforme avec la mise en acte d’une politique de décentralisation.

S. Wachter constate que ce réalignement amorce la fin de la planification globale et marque une certaine perte de légitimité du pouvoir d’orientation, qui était une prérogative majeure de l’Etat (WACHTER, 2000, page 59). En même temps, l’auteur constate que cette transition marque la montée en puissance de la planification territoriale d’échelle régionale que l’Etat relaye par une politique de contractualisation. Politique contractuelle qui constitue, par ailleurs, un des outils privilégiés pour le développement de ses objectifs d’aménageur et de planificateur.

Dans tous les cas, ces réajustements liés aux mutations que le monde contemporain subit au tournant des années quatre-vingts, rompent l’unité relative de la politique d’aménagement du territoire. Ils lui confèrent le pouvoir de prendre en

compte les ensembles territoriaux spécifiques comme le littoral et la montagne et d’œuvrer à leur développement, de se constituer comme une politique de défense de l’emploi local par un soutien aux régions en crise, d’être la garante de la planification territoriale à ses différentes échelles.

La politique d’aménagement du territoire telle qu’elle a été pensée et initiée en période de croissance est remise en perspective (ALVERGNE – TAULELLE 2002).

Elle s’insère dans un nouveau schéma d’organisation territoriale dont la recomposition se présente comme une amélioration de la démocratie locale, une réforme des pouvoirs, la re-connaissance des collectivités locales, une re-découverte des territoires composants l’espace national.

Dans ce contexte, et pour assurer une poursuite cohérente des objectifs attribués aux politiques d’aménagement du territoire, l’Etat renforce le cadre normalisateur basé sur l’établissement de documents prospectifs et incitatifs. Pour ce faire, il conditionne son action à des mesures contractuelles de financement (contrat de plan). Outre le transfert de pouvoir, la reconnaissance de l’action régionale, la volonté de renforcer les capacités des échelles locales à agir sur et pour l’activité économique sont manifestes. Ce sont les articles 5 pour la commune, 48-49 pour les départements et 66 - 68 pour les régions, de la loi du 7 janvier 1983 (loi n° 83-8) qui consacrent « cette capacité en véritable droit » (ALLIES 84, page 17 – SOLER-COUTEAUX 96, page 31). L’intervention de l’Etat au titre de l’aménagement du territoire s’inscrit alors dans un cadre partenarial. En même temps, le développement d’une politique publique de l’aménagement du territoire se présente comme une compétence organique aux différentes échelles territoriales.

Les documents de la planification ont en charge de garantir la cohérence des objectifs poursuivis aux différentes échelles de mise en œuvre. Emboîtés suivant les principes de compatibilité et de conformité, ils permettent la traduction des orientations retenues. Sur le plan opérationnel, les documents de la planification influent sur l’occupation du sol (les prescriptions retranscrites par le zonage), et réajustent le développement des droits concédés (les autorisations de construire, le développement des activités par exemple).

De ce point de vue, ces documents de la planification et leurs développements réglementaires sont de plus en plus considérés comme

indissociables (MESNARD 86, page 26). Ils forment un bloc permettant la traduction des volontés et des attentes.

L’aménagement du territoire, en tant qu’orientation à poursuivre afin de permettre à la collectivité de satisfaire ses attentes de développement, se conceptualise dans le temps et dans l’espace en liant les différentes échelles de mise en œuvre. Le développement construit et coordonné passe par une mise en cohérence et une implication (manifeste) des acteurs aux différentes échelles politiques et administratives de la nation et du territoire.

Cet état de fait est affirmé par les auteurs qui ont commenté les réformes de la décentralisation. « Ainsi, avec la décentralisation engagée en 1982, les collectivités locales ont obtenu, avec la liberté de s’administrer, le droit de la libre intervention.

Par le fait même, la notion de puissance publique et le rôle qui leur est reconnu en matière économique concernent désormais autant les collectivités locales que l’Etat » (BERNARD 84, page 41).

La réorganisation des échelles de mise en œuvre et de développement des actions en matière d’aménagement ne réduit pas pour autant la complexité du champ, si ce n’est le contraire. En réalité, c’est le rôle de coordination que l’Etat est appelé à jouer entre les enjeux locaux et les contraintes émanant du contexte international qui se renforce. Sans supprimer le centralisme étatique hérité de l’histoire sociale et politique du pays, la décentralisation permet à l’Etat une part de désengagement, notamment à l’échelle locale, mais renforce sa mission de régulateur et de médiateur entre les échelles d’enjeux.