• Aucun résultat trouvé

Logique d’intégration : la participation comme première étape

II Opposition et rapprochement des politiques publiques de l’aménagement et de l’environnement

II.1 Bases conceptuelles et orientations de la dialectique

1.32 Logique d’intégration : la participation comme première étape

En complément des logiques d’opposition, dont les limites deviennent de plus en plus manifestes, se développe une volonté d’implication des acteurs dans la poursuite des objectifs de protection et de gestion déjà ébauchés. Protection et gestion des ressources naturelles, protection des personnes et amélioration du cadre de vie, régulation des activités et responsabilisation des agents en constituent les lignes structurantes.

Ce réajustement des attitudes et perspectives de régulation se manifeste en premier lieu par le principe de participation et d’information. Si à l’échelle des coopérations internationales des Etats, les recommandations de la conférence de Stockholm sont explicites, à l’échelle de l’Etat sa manifestation ne l’est pas moins.

Prenant appui sur l’article 200-2 C du code rural :100 « il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement », la mise en place de l’information et de la participation de la population prend corps. Le principe prend appui sur la diffusion de l’information, conformément aux accords européens de coopération, en considérant que la participation citoyenne ne peut être effective qu’à partir d’une connaissance des enjeux. La déclaration d’Helsinki de 1975 affirme que « le succès d’une politique de l’environnement suppose que toutes les catégories de la population et toutes les forces sociales conscientes de leurs responsabilités contribuent à protéger et à améliorer l’environnement » (PRIEUR 96, page 109).

A. Kiss précise, lors de la seconde conférence européenne sur les droits de l’homme et l’environnement, tenue à Strasbourg en 1980, que : « Cette participation

100 Loi du 16 juillet 1976 sur la protection de la nature.

est un apport majeur de la conservation de l’environnement à la protection des droits de l’homme par son double aspect qui apporte à la fois des droits et des devoirs aux individus. Le droit de l’environnement transforme tout ce domaine en sortant les citoyens d’un statut passif de bénéficiaires et leur fait partager des responsabilités dans la gestion des intérêts de la collectivité toute entière.»

Si, sur le fond, la question de l’association de la société civile ouvre les interrogations relatives aux conditions démocratiques101, techniquement elle permet d’inscrire aux côtés des experts le contrôle citoyen. Cette orientation prend appui sur le décret de 1971 relatif à la mise en place du ministère de l’environnement qui a en charge

« l’information du public en vue d’associer la population » (art.3 du décret). Elle prend aussi corps avec la loi sur la protection de la nature qui favorise le développement des associations de protection de la nature.

Cette volonté ministérielle sera affirmée par les décrets n° 81-648 du 5 juin 1981 et 43-787 du 8 avril 1983 qui mandatent le ministère pour « favoriser les actions d’informations des citoyens en matière d’environnement102 » (PRIEUR 96, page 103).

En ce qui concerne l’aménagement du territoire, le développement de la responsabilisation et de la participation citoyenne se traduit d’un côté par le renforcement du rôle des associations (la revendication sociale infra I.2.2) et de l’autre par la démocratisation de l’enquête publique. Sans ignorer la toute relative effectivité de ce dernier aspect, nous pouvons appréhender les réajustements initiés par l’évolution des modalités d’association des citoyens.

L’association directe des citoyens bénéficie d’une historicité assez importante, depuis la loi sur les établissements incommodes et insalubres de 1810. Elle se réajuste par étapes successives. Sur le plan consultatif, la loi sur l’eau de 1964 a ouvert le principe en prévoyant la participation de représentants ou d’associations de

101 Il s’agit de l’ensemble des questions relatives à la consultation des associations, de la participation citoyenne aux travaux, du jeu politique national en terme partis et de vote solidaire. Ce point, rejoint l’ensemble des débat ouvert autour des questions portant sur le modèle national de démocratie représentative et sur les possibilités locales d’une démocratie participative.

102 M. Prieur reconnaît que l’évolution conséquente du droit à l’information réajuste la règle du secret. Cette dernière ne sera en matière d’environnement rendue obsolète qu’en 1978 (reconnaissance législative du droit à l’information) PRIEUR 96, page 104.

consommateurs ou de protection de la nature au comité central de l’eau (décret d’application de 1965 modifié en 1977).

En reprenant le travail de M. Prieur et de A. Kiss nous pouvons relever que l’association participative se diffuse à partir de 1979 dans les différents champs qui ont une incidence directe sur la problématique environnementale et l’aménagement du territoire. Le droit à la participation des citoyens à la protection de l’environnement se développe de façon transversale et concerne autant les échelles locales de prise en compte que la définition des priorités à établir. Sur ce point, M. Prieur relève que la rédaction maladroite de l’article L.200-1 du code rural n’aide pas à l’éclaircissement des notions de participation et de concertation. Sur ce plan, nous pouvons proposer le tableau récapitulatif sur la participation des acteurs ci-après.

Notons que la distinction, que nous avons reprise, quant aux associations agréées ou non, porte sur les capacités données aux associations de se constituer partie civile devant une juridiction, de participer à l’action des organismes publics même si ces distinctions tendent à être dépassées (PRIEUR 96, page 115).

Tableau 4 - Principaux cadres de participation des associations civiles aux organes consultatifs ayant trait aux problématiques environnementales.

d’après M.Prieur, « Droit de l’environnement », 3ème édition – précis Dalloz, Paris, 1996, 916 pages.

Associations non agréées Au niveau central

Comité national de l’eau Représentants d’associations de consommateurs ou de protection de la nature. Art. 2 décret 3 septembre 1965 modifié le 7 février 1977

Conseil supérieur de la Forêt Deux représentants des associations de protection de la nature. Art. 41 décret du 3 août 1964 modifié le 15 septembre 1975

Conseil de le recherche sur l ‘environnement et le cadre de vie

Deux personnalités responsables d’associations. Art 3 décret du 15 septembre 1979

Conseil supérieur des

installations classées Deux membres d’association. Art 2 décret du 29 décembre 1976 modifié le 2 mars 1989 Commission supérieure des

sites, perspectives et paysages

Cinq représentants d’association. Art 10 décret du 31 mars 1970 Conseil d’administration du

conservatoire de l’espace littoral

Quatre responsables d’associations. Art 75 décret du 11 décembre 1975 modifié le 9 mai 1979 ; Art R.243-10 du code rural.

Conseil national du bruit Dix représentants des associations concernées par la lutte. Art 2 décret du 7 juin 1982 modifié le 15 janvier 1986

Commission d’homologation

des pièges Deux représentants d’associations de protection de la nature. Art 5 arrêté du 23 mai 1984 Conseil supérieur de la sûreté et

de l’information nucléaire Trois représentants d’associations. Art 2 décret du 2 mars 1987 Commission nationale de

l’expérimentation animale

Trois personnalités sur propositions des associations de protection des animaux et de la nature. Art 28 décret du 19 octobre 1987

Au niveau local

Conseil d’administration de l’agence des espaces verts de la région Ile de France

Deux représentants d’association. Art 4 décret du 2 octobre 1976

Comités techniques régionaux de l’eau

Participation éventuelle d’associations. Art 9 décret du 27 février 1987 Comités économiques et

sociaux des régions Représentants d’associations. Décret du 11 octobre 1982 modifié le 11 mai 1989 Conseil d’administration des

parcs nationaux Participation de personnalités décret du 16 février 1990 – article R.241-18 du code rural Commission départementale

d’équipement commercial

Un représentant d’associations de consommateurs. Art 30 de la loi du 27 décembre 1973 modifié par la loi du 29 janvier 1993

Commission départementale des sites, perspectives et paysages

Dix personnalités qualifiées en matière de protection des sites, du cadre de vie, et des sciences de la nature. Loi du 8 janvier 1993

Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement

Participation d’associations. Art 6 de la loi du 3 janvier 1977

Commission départementale des carrières

Deux membres d’associations. Art 16-2 de la loi du 16 janvier 1976 crée par la loi du 4 janvier 1993. art 1 du décret du 9 juin 1994

Collège régional du patrimoine et des sites

Représentants d’associations. Art 1 du décret du 25 avril 1984

Comité de bassin Participation des associations de protection de la nature. Crée par l’article L.233-1 du code rural – loi du 29 juin 1984

Commissions régionales de la

forêt et des produits forestiers Participation des associations de chasseurs, d’usagers et de protection de la nature. Art 2 décret du 14 mars 1986

Commission départementale de

gestion des déchets ménagers Représentants d’association de protection de l’environnement. Art 4 du décret du 3 février 1993

Associations agréées Au niveau central

Conseil national de l’eau Six personnes désignées sur proposition des associations de protection de la nature. Art R251-5 du code rural

Conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Trois représentants d’associations agrées. Art 4 décret du 26 juillet 1991

Commission nationale d’élimination des déchets autres

que ménagers

Représentants d’associations de protection de l’environnement. Art 6 du décret du 26 juillet 1993

Fonds de modernisation de la

gestion des déchets Deux représentants d’associations agrées. Art 2 décret du 29 mars 1993 Comité consultatif de

modernisation de la gestion des déchets

Deux représentants d’associations agrées. Art 2 décret du 29 mars 1993

Conseil pour le droit des

générations futures Participation d’associations agrées. Art 4 décret du 8 mars 1993

Au niveau local

Commission départementale des sites siégeant dans la formation de la protection de la nature

Deux représentants d’associations agrées. Art 2 décret du 25 novembre 1977

Conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage (depuis 1986)

Deux représentants des associations agrées choisies. Art R.221-29 du code rural

Commission départementale

d’aménagement foncier Deux représentants d’associations agrées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages. 9e Art L.128-8 du code rural modifié par l’article 11-VII de la loi du 8 janvier 1993

Conseil d’administration des agences financières de bassin.

Participation éventuelle d’une association agrée de protection de la nature. Art 5 du décret du 11 septembre 1986 modifié par le décret du 19 septembre 1986

Comités de bassin Participation de deux ou trois représentants d’associations agrées de protection de la nature. Arrêté du 12 décembre 1986

Groupe de travail des zones de

publicité autorisée Participation avec voix consultatives des associations locales, d’usagers, agrées. Art 13-1 de la loi du 19 juillet 1979

Collège régional du patrimoine et des sites

Au moins deux représentants d’associations agrées au titre de la protection de l’environnement. Art 1 du décret du 25 avril 1984

Conseil départemental d’hygiène

Participation à titre de membre sur désignation du préfet sur proposition des associations agrées de la protection de la nature et de défense de l’environnement. Art 1 du décret du 5 mai 1988

Commission d’élimination des déchets autres que ménagers

Participation des représentants sur désignation du préfet sur proposition des associations agrées de protection de l’environnement. Art 3 du décret du 3 février 1993

Pour ce qui est de la planification, l’incidence est quelque peu différente. La participation des citoyens, dans les questions relatives à l’aménagement et à l’urbanisme, remonte à la loi du 31 décembre 1976 (« loi n° 76-1285 portant réforme de l’urbanisme »). A l’initiative de l’Etat, il est prévu, pour l’établissement des schémas directeurs, que « les associations » intéressées par les questions de l’urbanisme et de l’aménagement « puissent être entendues » et, « à leur demande », par la commission d’élaboration des schémas susdits.

A partir de la réforme induite par la loi du 7 janvier 1983103, le processus diffère et il est mentionné que le président de la structure intercommunale ayant compétence « peut » prendre l’avis des associations (art. L.122-1-1 du code de l’urbanisme). En revanche, la consultation du public devient effective pour le recueil des avis et des commentaires avant l’approbation par l’autorité administrative compétente, ce qui, en théorie, doit permettre la prise en compte des opinions des citoyens et de leurs associations.

Cette réforme de la participation des citoyens, à l’échelle de l’élaboration des schémas directeurs, en ce qui concerne la problématique environnementale sous ses différents linéaments, apparaît comme restrictive. En même temps, elle doit être mise en relation avec les réformes induites par la décentralisation, en particulier pour

103 Loi n°83-8 relative à la répartition des compétences.

les Plans d’Occupation des Sols, les Plans d’Aménagement de Zones ou encore les Plans de Sauvegarde et de Mise en Valeur.

Ainsi pour les Plans d’Occupation des Sols, le processus est inverse car la réforme donne aux associations le pouvoir de se faire entendre d’une façon volontaire104. Si avant 1983 les citoyens ne pouvaient participer à l’élaboration en tant que personne associée, la réforme de l’urbanisme leur donne le pouvoir d’être entendus par le maire à leur propre demande par la voie des présidents d’associations, agréées ou non, sous réserve de leurs compétences et cela lors de l’élaboration du Plan d’Occupation des Sols (art. L.121-8). La loi prévoit qu’avant la communication publique du Plan d’Occupation des Sols, le projet peut être communiqué aux Présidents des associations qui en font la demande : leurs notes et commentaires seront, de fait, intégrés en annexe à l’enquête publique.

Pour les Plans de Sauvegarde et de Mise en Valeur, la procédure est identique à celle du Plan d’Occupation des Sols. En ce qui concerne les Plans d’Aménagement de Zone (PAZ), la procédure d’association repose sur l’enquête publique et crée en cela un droit dérogatoire car, sous ce classement, la commune peut échapper à la concertation souvent très forte eu égard à l’échelle très localisée de l’intervention105 (Prieur 96, pages 124-127).

Le dispositif de réajustement des modalités d’association et de concertation se complète à l’échelle départementale en 1983 par la « Commission de conciliation en matière d’élaboration de schémas directeurs, de schémas de secteur, de plans d’occupation des sols et de tout document d’urbanisme opposable au tiers élaboré par la commune ». Cette « commission composée à part égale d’élus communaux désignés par les maires des départements et des personnes qualifiées désignées par le représentant de l’Etat (…) peut être saisie par des personnes publiques associées qui ont émis un avis défavorable aux documents d’urbanisme qui leur a été soumis » (article L.129-1106 ancien, code de l’urbanisme).107

104 A l’échelle des schémas directeurs, le cadre participatif lors de l’élaboration évolue d’un « peut se faire entendre » à un « peuvent être entendu(s)(es) » alors que pour les plans d’occupation des sols la situation permet aux personnes associées de participer et de se « faire entendre » lors de l’élaboration.

105 Cette réalité dérogatoire est tout aussi réelle avec l’encadrement des études d’impacts où par exemple la fixation des « seuils » limite la portée : les lotissements inférieurs à 5000 m2 ne sont pas soumis à l’étude, bien que leur impact environnemental ou paysager puisse être de première importance.

106 Cet article sera remplacé par le L.121-6 qui « adapte le champ de compétence et dont il élargit la composition » (commentaires Code de l’environnement DALLOZ 2002, page 47).

107 Précisons que, dans le cadre de notre recherche, nous n’avons pas envisagé d’interroger la validité du travail de ces commissions et nous ne savons pas si celles-ci ont une fonction purement théorique ou non. Dans le même esprit, nous avons eu l’occasion de porter, lors de travaux précédents, un regard critique sur la

L’association citoyenne se développe sous l’angle de la « participation des citoyens à la vie locale», comme la loi sur les droits et libertés des communes, départements et régions du 2 mars 1982 l’a envisagé, même si les auteurs comme M. Prieur reconnaissent que cette ouverture de la démocratie locale reste toute relative, et ce malgré les réajustements portés par la loi sur l’Administration territoriale de la République (loi ATR) du 6 février 1992 (PRIEUR 96, page 127). A cet effet, l’examen du développement de l’association des citoyens doit être observé avec le cadre opérationnel et plus général de l’enquête publique qui précède les grands travaux d’aménagement. Il s’agit des remembrements et ré-aménagements fonciers, des défrichements, des travaux d’hydraulique agricole, des travaux de défense contre les eaux et d’installations des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique.

Pour les transports, la liste des travaux soumis englobe la voirie routière, les voies ferrées et navigables, les aérodromes ou plus spécifiquement les remontés mécaniques. Pour les équipements, il s’agit des ports fluviaux et des ports maritimes ainsi que les lotissements ou les réalisations de camping / caravaning.

Sont concernés de droit les installations classées, comme les équipements publics d’adduction ou de traitement des eaux, le transport d’énergie électrique ou fossile comme l’ensemble des activités relatives à l’exploitation des ressources du sous-sol, au stockage des combustibles fossiles ou des rejets108.

L’enquête s’impose comme le « lieu » d’information et de collecte des attentes sociales à partir des orientations retenues (article 3 loi 83-630 du 12 juillet 1983 dite loi Bouchardeau - secrétaire d’Etat à l’environnement). La loi Bouchardeau de 1983 tente une démocratisation de l’enquête en la plaçant comme le véritable instrument de la participation et de l’information du public.

L’article 1 mentionne que les réalisations soumises à l’enquête en raison de leur nature, de leur consistance ou de leur caractère le sont, étant donné que « ces opérations sont susceptibles d’affecter l’environnement ».

représentation des citoyens dans le cadre des Commissions Locales de l’Eau dont la nomination reste sous l’autorité du préfet et peut motiver un large débat (DAL CIN mémoire DESS-IATEUR S/D S. TRAORE juriste - Maître de conférences à l’Université de Reims « Eau, Homme de l’éloignement à la régulation » IATEUR, 1998, pages 92-99.

108 Regroupement fait à partir du Code de l’environnement, DALLOZ 1992, pages 119-125.

L’article 4 mentionne que les associations peuvent se faire entendre auprès du commissaire enquêteur, et que ce dernier a la possibilité et les moyens d’organiser des réunions publiques en présence des maîtres d’ouvrage et en accord avec l’autorité compétente. Il précise aussi : « l’enquête doit être conduite de manière à permettre au public de prendre une connaissance complète du projet et de présenter ses appréciations, suggestions et contre-propositions ».

Enfin, ce même article fait obligation « au commissaire enquêteur ou à la commission d’enquête de faire état, dans le rapport, des contre-propositions qui ont été produites durant l’enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d’ouvrage » (DALLOZ 2002, page 107). Toutefois la validité des orientations poursuivies reste, dans la pratique, subordonnée à la réelle volonté de concertation locale comme à l’implication du commissaire enquêteur (PRIEUR 96).