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L’opposition des activités aux espèces

II Opposition et rapprochement des politiques publiques de l’aménagement et de l’environnement

II.1 Bases conceptuelles et orientations de la dialectique

1.22 L’opposition des activités aux espèces

A l’identique des grandes orientations internationales, qui ont initié les démarches de protection physique des espaces naturels dans la perspective de protéger la nature, certaines espèces animales ou végétales font l’objet de mesures de protection.

Celles-ci se développent soit sous la forme d’une réglementation visant à en réduire et à en contrôler l’exploitation par des mesures d’interdiction ou par une mesure de limitation dont la motivation est initialement apparue comme purement économique.

Au tournant des années soixante, soixante-dix, les intentions, conformément aux considérations générales qui prévalent, prennent une orientation plus ferme, plus volontaire dans l’entreprise de sauvegarde en accord avec les mises en garde scientifiques. Un ensemble conséquent de mesures est mis en œuvre sur le plan international, auquel la France participe et alimentera les volontés régulatrices nationales.

L’Antarctique est mise sous protection, au titre de son rôle écologique majeur dans l’équilibre de la planète, et la conservation de sa faune et de sa flore font l’objet de “ mesures convenues ” le 2 juin 1964. Dans le même sillon, les grandes espèces africaines font l’objet des mêmes intentions en 1968, mais l’articulation réelle prend corps avec la convention de Washington sur le “ commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction ” en 1973, qui reconnaît dans son préambule “ que la faune et la flore constituent de par leur beauté et leur variété un élément irremplaçable des systèmes naturels, qui doit être protégé par les générations présentes et futures.[...] Reconnaissant en outre que la coopération internationale est essentielle à la protection de certaines espèces de la faune et de la flore sauvages contre une surexploitation par suite de commerce international... ”.84

L’apport de cette convention de Washington du 3 mars 1973 est assez controversé, mais il est intéressant de constater qu’elle sera une des premières conventions à être admises par les accords sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) au titre de son article XX b), qui reconnaît la validité de la prise en compte si celle-ci est “ nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux ” (LONDON 2001, page 7). Autrement dit, le critère de nécessité semble s’imposer et ouvrir la voie à une intégration de préoccupations environnementales dans les considérations générales de l’Accord et de l’orientation économique.

Opposition entre droits de commerce et intérêt général (la sauvegarde des espèces), la convention de Washington initie un vaste programme de coopération dans la prise en compte de la problématique et met en avant la nécessité de protection avec, en ligne de mire, la limitation ferme des activités prédatrices. A l’échelle internationale différents actes et engagements sont signés85. Ils constituent des mesures de régulation par la limitation des activités d’exploitation et, à ce titre, concrétisent une volonté de protection de la nature et se présentent comme des cadres réglementaires permettant d’intégrer les préoccupations environnementales.

84 Convention signée le 3 Mars 1973 à Washington D.C. et amendée à Bonn le 22 juin 1979.

85 Ce sont les actes relatifs à la “ protection des Ours blanc ” du 15 novembre 1973, la convention sur la protection du milieu marin dans la zone de la mer baltique en 1974, de la mer Méditerranée en 1976 comme la convention d’Apia sur “ la protection de la nature dans le Pacifique Sud ” le 12 juin 1976.

De ce point de vue, l’exemple américain, qui fera école avec la convention de Bonn et celle de Berne en 197986, est démonstrateur et, dans la droite ligne de la convention de Washington, réglant le commerce des rapaces diurnes, les Etats-Unis vont plus loin en définissant un statut de droit particulier pour les espèces très menacées. L’Endangered Species Act de 1973, en plus d’interdire toute action portant atteinte à l’espèce, prévoit l’élaboration d’un plan de sauvetage Recovery Act et insère la possibilité d’interventions volontaires allant jusqu'à l’élevage des espèces visées, la suppression des espèces concurrentes indigènes, la mise en place d’habitats... ( KISS 89b, page 259-260).

En Europe, les orientations envisagées, par les deux conventions relatives à

« la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe», définissent le cadre général. La première, dans son article III-4, exige “ la mise en place d’un contrôle sévère des introductions d’espèces exotiques ” et la seconde prévoit “ la réintroduction d’espèces indigènes de flore et de faune sauvage lorsque cette mesure contribue à la conservation d’une espèce menacée d’extinction et exige un contrôle strict des espèces non indigènes ” (PRIEUR 96, page 282).

La France, insérée dans le processus de régulation international, prend appui sur les cadres de protection déjà institués et inscrit la protection spécifique des espèces dans le cadre plus général de la protection des espaces et des beautés naturelles.

Les premières orientations, en appui des lois de 1913 et de 1930 sur la protection des sites et monuments naturels, renforcées par la loi sur les réserves naturelles tendent à être unifiées. Le texte réellement unificateur sera la loi sur la protection de la nature de 197687. Il réunit un ensemble épars de mesures en les regroupant sous la volonté de protection du patrimoine biologique (PRIEUR 96, page 274).

L’orientation de protection de la nature reste forte et le cadre défensif affirmé.

Ainsi, le décret d’application de la loi sur la protection de la nature (décret 77-1295 du 25 novembre 1977) précise que la protection des espèces prend en compte les

« espèces qui n’ont pas subi de modification par sélection de la part de l’homme ».

La distinction entre la protection du patrimoine biologique et le potentiel de réserve

86 La convention de Bonn (concernant les espèces migratrices) sera signée le 23 juin 1979 et la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe en septembre de la même année.

87 Décret 77-1295 pris pour application des articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1976 puis par le décret 77-1296 pris pour application de l’article 6 de la loi (PRIEUR 96, page 274 § 322).

en gibier n’est pas affirmée, si ce n’est par le texte n°11-1157 d’octobre 1977 qui définit lui le gibier comme « les espèces animales non domestiques figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la chasse après avis du conseil national de la chasse et de la faune sauvage » (PRIEUR 96, page 276).

En ce qui concerne le règne végétal, l’établissement des listes permet de reconnaître 450 espèces soumises à protection. Très discutées, sur le plan procédural, les listes seront successivement établies, abrogées et reprises pour être reconnues à la fin des années quatre-vingts.

Sur le plan de l’aménagement, la protection des espèces se traduit par la mise en place de périmètres de protection. Cette mesure conservatoire et protectrice conduira, au fil du temps, à la distinction des espèces soumises à une protection sur l’ensemble du territoire national, et d’un ensemble d’arrêtés spécifiques d’échelle régionale.

Dans le même temps, la volonté protectrice passera aussi par le développement des acquisitions privées, au titre associatif (c’est le modèle anglais des zones d’intérêts) ou publiques par les départements.

Le développement des attitudes de protection des espèces animales et végétales se traduit, aujourd’hui, par la mise en place de Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique (ZNIEFF) graduées en fonction de leur importance biologique.

La création de ces zones fait suite au travail entrepris par le Muséum d’Histoire Naturelle depuis les années 92. L’établissement de ces zones répond à des impératifs régionaux et nationaux. Elles s’intègrent aussi à des attitudes de protections plus étendues en termes de superficie et de diversité biologique, calées sur la spécificité des espèces, telle que les zones d’intérêt communautaire des oiseaux qui se ponctuent par la démarche Natura 2000. Elles s’inscrivent dans le développement des accords internationaux dont la convention de Ramsar en 1971 avait ouvert la voie.

Outre la protection physique des espèces, les attitudes de conservation de la faune et de la flore posent la question des activités humaines pouvant nuire à l’équilibre biologique des espèces soit par effets directs, les phytosanitaires, soit par effets indirects, les atteintes au biotope. Reconnues comme des « espèces

sensibles», la question de leur protection rejoint les préoccupations relatives à la protection des personnes et fait appel à la régulation des activités. La mise en place de mesures de contrôle sur l’utilisation des produits anti-parasitaires à usages agricoles en est un exemple.

De fait, l’arsenal protecteur se diffuse dans le code rural. Ce dernier permet, d’intégrer les orientations protectrices à la gestion sylvicole et au développement des activités.

Pour l’aménagement, avant comme après sa décentralisation, la coordination des attitudes de conservation ou de protection reste sous la coupe du préfet. Préfet, qui par le « porté à connaissance » dans l’élaboration des documents planificateurs, permet la prise en compte des spécificités locales et la poursuite des objectifs communs que la nation se reconnaît. L’article 30 de la loi du 2 février 1995 précise que l’inventaire des espèces sera intégré dans l’inventaire départemental et de fait mis à la disposition du public (PRIEUR 96, page 274).