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queLques Leçons issues de L’expérience d’approche

sectorieLLe santé au maLi

On peut tirer de l’expérience malienne d’approche sectorielle Santé quelques leçons qui peuvent être utiles à capitaliser, tant pour le secteur même (afin d’éviter à l’avenir certains écueils) que pour d’autres secteurs ou d’autres pays. Ces leçons sont synthétisées ci-dessous.

Parmi les différents critères qui caractérisent le processus d’approche sec- torielle, la définition d’une politique et d’un programme sectoriels communs et le respect de ceux-ci, ainsi que la coordination des PTF, comptent sans doute parmi les critères les plus faciles à réaliser. Par contre, les deux pierres d’achoppement qui sont sources de tension sont, dans le cas du Mali, la problématique des procédures de mise en œuvre et de fonctionnement, et surtout la réalisation de réformes en profondeur du système. En effet, il est bon de rappeler que l’approche sectorielle n’est pas un but en soi mais une méthode dont l’objectif est d’améliorer le partenariat entre acteurs concer- nés, tant nationaux qu’internationaux, pour un meilleur fonctionnement des systèmes de santé au bénéfice de la population et des plus démunis. Il ne faut dès lors pas oublier la fin (améliorer les services de santé) au profit des moyens (se concentrer sur la forme de l’approche sectorielle), d’autant plus que les efforts faits par les différents partenaires d’une approche sec- torielle peuvent être réduits à néant si les problèmes vitaux des systèmes de santé (ressources humaines, qualité des soins, manque de régulation du secteur privé lucratif, etc.) ne sont pas résolus. Ainsi, les évaluations du secteur ont tendance à répéter les mêmes constats d’année en année, donnant l’impression que l’approche sectorielle ne parvient pas à résoudre les contraintes fondamentales du système de santé – ce qui risque de dé- motiver les acteurs de l’approche sectorielle.

La mise en place d’une approche sectorielle exige de profonds change- ments de comportement et de pensée tant chez les PTF que chez les res- ponsables nationaux. Elle risque de faire naître de nombreuses tensions entre les différents acteurs, qu’il est important d’identifier et d’exposer en toute transparence. Une analyse des parties prenantes est très utile à cet ef- fet, afin de mettre en évidence les intérêts et contraintes propres de chaque acteur. En particulier, il existe souvent des tensions entre les représentations locales des PTF et leur siège central (administration, contrôleur financier), notamment en ce qui concerne l’harmonisation des procédures et la pré- dictibilité de l’aide.

Deux facteurs sont essentiels à la mise en place d’une approche sectorielle : un ou plusieurs partenaires qui fassent office de leaders car convaincus de cette approche et prêts à gérer la transition – en particulier au sein du gou- vernement ; mais il est également nécessaire d’avoir un consensus suffisant parmi les autres PTF et, bien entendu, au sein du secteur considéré. L’équi- libre entre ces deux éléments n’est pas toujours facile à trouver.

Le passage à une approche sectorielle devrait s’accompagner d’un chan- gement de conception de la fonction de contrôle : les PTF devraient cesser d’assurer un suivi à la ligne budgétaire près de toutes les actions entreprises,

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pour se concentrer sur les questions de dialogue politique et d’évaluation des résultats. De même, alors que l’approche-projet s’accompagne d’une redevabilité à l’égard des citoyens du Nord, l’approche sectorielle et budgé- taire devrait renforcer la redevabilité du gouvernement bénéficiaire vis-à-vis de ses propres citoyens.

De manière générale, la mise en place d’une approche sectorielle demande de nouvelles compétences et exige plus de travail de la part du gouver- nement et des représentations locales des PTF. La présence d’assistants techniques pour le dialogue sectoriel, le suivi des politiques et l’appui au développement des capacités, apparaissent cruciaux. Il est important pour les PTF de constituer petit à petit des ressources humaines compétentes dans le domaine de l’approche sectorielle, tant d’un point de vue financier que thématique.

Au-delà de l’approche sectorielle comme méthode de travail, les PTF peu- vent difficilement concevoir de faire de l’appui budgétaire (global ou secto- riel) sans utiliser corolairement des outils de renforcement des capacités, tant financières que sectorielles. Ceci implique non seulement d’apporter une assistance technique au niveau des secteurs, mais aussi de travailler à l’amélioration des systèmes institutionnels dans leur ensemble, en particu- lier pour ce qui concerne les incitants des acteurs.

Au début de la mise en place d’une approche sectorielle, les coûts de tran- saction (coûts d’opportunité liés à la gestion de l’aide) risquent d’augmenter significativement, tant du côté du gouvernement que des PTF, de par l’inten- sification des réunions de concertation, le besoin de ressources humaines compétentes pour participer au dialogue politique, etc. Cette situation peut apparaître paradoxale, mais ces coûts accrus de coordination sont loin d’être perdus car la réduction des gaspillages liés au manque de coordination d’une multitude de projets se fait sentir très tôt, dès la mise en place d’une ap- proche sectorielle. En outre, ces coûts de transaction élevés en période de transition sont accompagnés de bénéfices secondaires non négligeables : amélioration des compétences des différents acteurs, constitution d’une mé- moire institutionnelle et d’un capital de confiance, meilleure compréhension pour chacun des attentes et des contraintes des autres acteurs, etc. Lors de la mise en place d’un nouveau système (approche sectorielle, ap- pui budgétaire), les partenaires ont parfois tendance à ne pas tenir compte des expériences passées et à repartir de zéro – pour la bonne raison qu’on constate un manque de capitalisation des expériences, lui-même dû à des raisons diverses (changement de personnel, manque de temps, etc.). La mise en place d’un groupe de réflexion prospectif peut permettre de capita- liser les expériences et de mener une étude stratégique réfléchie concernant les grands enjeux du développement.

De nombreux problèmes de l’approche sectorielle Santé sont en fait ac- crus par l’intervention désordonnée des PTF. Ainsi par exemple, les PTF se

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L’évoLution et La dynamique de L’approche sectorieLLe santé au maLi

plaignent parfois amèrement de la faiblesse et du manque de compétence de la DAF, si bien qu’ils l’assaillent d’une multitude d’exigences et de pro- cédures – ce qui ne fait qu’aggraver cette situation. Les exigences des PTF et les missions impromptues de certains d’entre eux surchargent également les cadres et les détournent de leur travail d’analyse de base du secteur. Ce phénomène est d’autant plus important que les PTF ont tendance à multi- plier les ateliers, séminaires et formations assortis de « per diem », censés couvrir les frais de déplacement des participants, mais qui se transforment en des compléments de salaire que les fonctionnaires essaient de capter en dépit de toute efficacité. En outre, le manque de prédictibilité des enga- gements des PTF, tant dans le temps qu’en volume, est une contrainte très importante empêchant le secteur de la Santé de planifier et d’exécuter à temps les budgets attribués. Devant ces situations dont ils sont en bonne partie responsables, les PTF ont tendance à incriminer l’inefficacité des par- tenaires nationaux, alors que les solutions devraient venir de leur côté. Les initiatives internationales ciblées sur certaines maladies (sida, paludisme, tuberculose, …) posent un réel défi : comment utiliser ces ressources addi- tionnelles pour répondre aux exigences de la lutte contre ces différentes pa- thologies, tout en renforçant le développement du système de santé dans son ensemble et en évitant ainsi que le système de santé ne se résume à un appui au développement de quelques programmes verticaux ? Une vaste réflexion est menée à ce sujet au niveau mondial (voir par exemple OMS, 2006a ; WHO, 2008). Un aperçu de la question au Mali est fourni dans le Chapitre 5. Un des objectifs de l’approche sectorielle est de renforcer la souveraineté de l’État, sa capacité d’appropriation et de redevabilité vis-à-vis des parties prenantes nationales. Les conditions de pauvreté extrême d’un pays comme le Mali, tant du point de vue des ressources humaines que du budget, font qu’il est difficile pour les PTF de respecter cette souveraineté et ils ont par- fois tendance à imposer leur volonté. L’appropriation de l’approche secto- rielle Santé au Mali se limite ainsi encore principalement aux cadres de haut niveau du MS. Quant aux chaînes de redevabilité, elles relèvent quasiment exclusivement des processus hiérarchiques internes à l’administration et des rapports aux PTF – sans vraiment impliquer les citoyens et les utilisa- teurs de services de santé. Or, un véritable renforcement de la souveraineté et de la redevabilité nationales nécessite un renforcement des capacités non seulement du secteur public à tous les niveaux (y compris opérationnel), mais aussi de la société civile, des prestataires et bénéficiaires de services. Un enjeu difficile à prendre en compte dans une approche sectorielle est la nécessité, au même moment, de renforcer le niveau central tout en appuyant la décentralisation du système de santé. En effet, la dynamique actuelle du PRODESS nécessite de mobiliser d’importantes ressources humaines et ma- térielles au niveau central. Il existe un risque avéré de technocratisation du sys- tème, qui se résumerait à dépenser une énergie considérable à des activités de programmation (plus formelle qu’analytique) et de suivi d’indicateurs quan- titatifs, sans que cela se traduise par une amélioration au niveau opérationnel.

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