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Les risques pointés dans La Littérature internationaLe

Même si les preuves scientifiques à ce sujet sont limitées et parcellaires, il apparaît que les initiatives globales pour la santé ont, dans leur ensemble, atteint des résultats appréciables à certains niveaux, en particulier pour augmenter le niveau des financements, accélérer les progrès dans certains domaines et encourager la recherche et la mise à disposition de nouveaux traitements (Caines et al., 2004 ; Bill & Melinda Gates Foundation and McKinsey & Co., 2005). Toutefois, au même moment, de sérieuses inquié- tudes sont soulevées quant à l’efficacité de certaines initiatives et quant à leur efficience et leur impact global. Les principaux doutes soulevés dans la littérature quant aux financements spécifiques ont trait à :

un manque d’efficience au niveau global et de soutenabilité : Si les initiatives spécifiques sont parfois très efficaces pour atteindre des ré- sultats ponctuels, elles ont rarement une vision globale du système dans lequel elles opèrent ; elles ont tendance à dupliquer les efforts et les instances de coordination ; soit à boycotter les systèmes locaux, soit à les détourner à leur profit ; et leurs financements sont imprévisibles, de court terme et peu coordonnés (Caines et al., 2004 ; Ruxin et al., 2005 ; Bill & Melinda Gates Foundation and McKinsey & Co., 2005). Dès lors, la fragmentation croissante de l’appui à la santé, qui s’accompagne d’une multiplication des coûts fixes, laisse craindre une diminution de son effi- cience globale. En outre, la soutenabilité des résultats de ces initiatives pose également un gros problème car les pays bénéficiaires s’engagent, poussés par les financements extérieurs, dans des programmes consé- quents qu’ils auront très peu de chances de pouvoir reprendre à leur compte si les financements extérieurs se tarissent, comme prévu, après quelques années (Caines et al., 2004).

des problèmes liés à l’allocation des ressources des initiatives glo- bales et fonds spécifiques : Les initiatives globales et financements spécifiques ont tendance à imposer leurs propres priorités, qui ne cor- respondent pas nécessairement aux besoins les plus criants au regard du profil épidémiologique des pays concernés. Ainsi, Carlson (2004) ne trouve qu’une corrélation modérée entre la prévalence ou le nombre de cas d’une maladie et la présence d’un partenariat pertinent pour la santé globale. Sridhar et Batniji (2007) constatent également que les décisions de déboursement et d’actions prioritaires de santé globale sont condi-

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approche sectorieLLe et financements spécifiques pour La santé

tionnées par les mandats institutionnels des organismes de financement et par des considérations d’influence politique, plus que par les besoins réels ressortant d’analyses de santé publique dans les pays considérés. En outre, les priorités des initiatives globales ne correspondent pas non plus aux besoins financiers : ainsi, Carlson (2004) ne trouve aucune cor- rélation entre le niveau des dépenses de santé publique dans un pays et le nombre ou le type de partenariats pour la santé globale présents dans ce pays.

des problèmes macroéconomiques, de capacités d’absorption et de « crowding-out » : L’arrivée massive de financements ciblés sur quelques maladies pose en fait de nombreux problèmes pour assurer que ces ressources puissent être absorbées sans compromettre l’équi- libre macroéconomique du pays. À ce niveau, il semble que le princi- pal facteur de risque d’instabilité vienne de la volatilité des flux d’aide plutôt que de leur magnitude (Caines et al., 2004). Un autre problème souvent pointé a trait au risque de manque de capacités techniques des pays bénéficiaires pour effectivement absorber les ressources sup- plémentaires en augmentant la couverture des programmes de santé. Par ailleurs, dans certains pays, les objectifs de dépenses par secteur fixés dans les cadres des dépenses à moyen terme (CDMT) peuvent se convertir en plafonds de dépenses, qui sont rapidement saturés à cause de l’arrivée massive de financements spécifiques pour la santé, auquel cas ces financements extérieurs sont compensés par une réduction des dépenses nationales de santé (Ooms and Schrecker, 2005). Ceci s’est passé en Ouganda par exemple, où les financements du Fonds mondial ne se sont pas ajoutés au budget du secteur santé, mais se sont fondus avec les ressources nationales dans les limites des plafonds sectoriels (Wendo, 2002). Si les financements concernés sont ciblés sur des ma- ladies qui ne correspondent pas aux priorités nationales ou utilisent des systèmes de gestion parallèles, cela pose d’énormes problèmes pour le financement des priorités sectorielles et le fonctionnement normal du système de santé.

des effets pervers sur les systèmes de santé : Il est souvent avan- cé que la multiplication des initiatives spécifiques dans un pays risque de causer des effets pervers sur son système de santé, car soit elles contournent les systèmes de santé existants qu’elles jugent trop faibles, soit elles les utilisent à leur compte en drainant une partie des ressources humaines (surtout les plus qualifiées) vers leurs activités, aux dépens du système dans son ensemble. En particulier, la gestion des fonds dé- diés, par exemple, à la lutte contre le VIH/SIDA dans de nombreux pays africains risque de drainer les ressources et de dépasser les capacités de gestion des administrations nationales (tant au niveau central qu’au niveau opérationnel) et dès lors de déforcer les systèmes de santé. Ainsi, une étude sur le fonctionnement du Fonds mondial, de l’Initiative du pré- sident Bush contre le sida (PEPFAR) et du MAP dans trois pays d’Afrique subsaharienne (Mozambique, Ouganda et Zambie) a montré qu’au ni-

veau opérationnel, les trois programmes ont établi des systèmes et pro- cessus spécifiques, distincts de ceux du gouvernement. Plusieurs cas de détournement des ressources humaines, notamment à travers des complémentes de salaires pour répondre à des exigences spécifiques aux programmes, ont été reportés, ce qui risque de les éloigner de leur travail de routine et systémique (Ooman et al., 2008).

Enfin, plusieurs critiques ponctuelles sur la façon de travailler de certaines initiatives spécifiques pour la santé sont reportées, telles que le manque de soutien technique aux pays bénéficiaires, la tendance à développer des programmes « taille unique » sans tenir compte des spécificités de chaque pays, et celle de ne pas assez communiquer avec les pays partenaires et les autres PTF (Bill & Melinda Gates Foundation and McKinsey & Co., 2005).