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Que devient l'évaluation de la loi de l'Etat lorsque les frontières disparaissent?

ÉVALUATION DE LA LOI FÉDÉRALE SUR LA PROTECTION DES DONNÉES

VII. Que devient l'évaluation de la loi de l'Etat lorsque les frontières disparaissent?

C'est actuellement- mais pas depuis très longtemps- un lieu commun de dire que 1' avènement des nouvelles technologies électroniques de la commu-nication a entraîné un processus «d'internationalisation de la normalisation»25 .

Cette révolution entraîne aussi de lourdes conséquences en matière de

protee-24 On peut citer quelques bons exemples en droit de la sécurité sociale, notamment, en ce qui concerne certaines incohérences de cette nature, qualifiées de «presque tragi-comi-ques»; cf. NICOLAS JEANDIN, «Bulletin des préposés aux poursuites et faillites», 62 (1998) 3, p. 81 SS.

25 Pour reprendre l'expression de KATIA BOUSTANY, «Mondialisation et mutations nor-matives: quelques réflexions en droit international>>, in: FRANÇOIS CRÉPEAU (sous la direction de), Mondialisation des échanges et fonctions de l'Etat, Bruxelles 1997, p. 41.

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tion des personnes contre l'appropriation sauvage de données personnelles26.

Les frontières étatiques sont abolies en fait dès lors que des banques de don-nées entières circulent, en quelques secondes, dans le monde entier. Les ef-forts nationaux de contrôle de ces flux, lorsqu'ils sont tentés, paraissent déri-soires et désespérés face à l'ampleur du risque encouru par les personnes.

Quelques autorités étatiques tentent de défendre certains intérêts essentiels du point de vue de 1' ordre public, traquent la pédophilie, plus rarement la propa-gande néonazie27 . Il apparaît cependant que les dangers qui menacent les citoyens ordinaires n'intéressent à peu près personne en Suisse, actuellement28 .

Il faut oser dire que des milliards d'informations circulent sans contrôle et il semble évident que ces traitements dépassent la capacité de réaction des auto-rités. Des recherches utilisant Internet et portant précisément sur les libertés qui sont prises sur ce média mériteraient d'être faites en Suisse. Des travaux de cette nature sont couramment effectués dans certains pays étrangers et les résultats sont particulièrement intéressants pour identifier les dangers et les remèdes possibles29 . Une évaluation locale de la situation serait nécessaire.

Les potentialités extraordinaires d'Internet seraient ainsi exploitées dans la

26 La presse, spécialisée ou non, fait la relation des innombrables possibilités d'atteinte aux droits des personnes, de violations graves, systématiques, de leur intimité. Une revue de presse, encore une «méthode légère», constitue une source d'informations plus révéla-trice de la situation réelle que ne peuvent l'être les rapports officiels disponibles. Ainsi, par exemple: <<Notre vie privée sous surveillance sur le Net>> (Web magazine, oct. 1999);

«Who watches the Web?>> (Time, April 19, 1999); «Grâce à l'informatique, le fichage des citoyens s'est généralisé>>; (Largeur: www.largeur.com/expArt.asp?artiD-37); «Employés, vous êtes espionnés>> (L'Hebdo, 8 fév. 2001), etc.

27 Une organisation privée de défense des consommateurs diffuse une information réguliè-rement mise à jour sur la situation légale dans la plupart des pays du monde et au plan international: Electronic privacy information center (www.epic.org/privacy&humanrights99).

Elle distribue des informations de qualité, qui constituent une source de premier ordre pour comprendre la dimension mondiale des problèmes évoqués. En droit suisse, concer-nant la responsabilité pénale de l'Internet-Access-Provider, cf. www.ofj.admin.ch/themen/

ri-ir/access/intro-1. hlm.

28 Les déclarations du Préposé fédéral à la protection des données concernant les «Elé-ments clés du développement du commerce électronique» révèlent une prise de cons-cience du fait que la dimension internationale est incontournable. On découvre aussi ...

entre les lignes, un certain scepticisme: «Les mesures destinées à mettre l'utilisateur en confiance (notamment la protection de la vie privée) doivent être efficaces» (Rap-port 1999/2000, p. 157). Effectivement, des dispositifs dont personne ne contrôle l'ap-plication ne servent à rien, ... sinon à endormir la (bonne) conscience de leurs auteurs.

29 Ainsi par exemple: Beyond Concern: Understanding Net Users'Attitudes About Online Privacy. (www.research.att.com/library/trsfTRs/99/99.4/99.4.3/report.htm) ou encore: «on fine credit fraud/misuse hits 6 millions>> (www.natlconsumersleague.org/NCLSURV5.HTM).

ÉVALUATION DE LA LOI FÉDÉRALE SUR LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES

perspective de procéder à une mesure de l'effectivité des règles de la LPD.

C'est bien de cela qu'il s'agit puisque cette loi ne peut pas ne pas avoir l'am-bition de régir les traitements de données personnelles qui s'effectuent de cette manière. L'universalisation de la problématique n'est d'ailleurs pas qu'un handicap. Il est, à certains égards, réconfortant de savoir que les mêmes pro-blèmes se posent partout. Les expériences étrangères sont autant d'acquis pour la recherche nationale. Certes, les principes législatifs qui prévalent dans chaque pays diffèrent considérablement et l'on en vient à se demander si ces velléités locales de contrôle par des puissances étatiques sont encore bien réalistes. On ne peut pourtant pas nier la réalité politique du monde actuel, sous prétexte de réalisme. C'est encore les Etats qui sanctionnent les compor-tements illicites ... lorsqu'ils le peuvent! Il convient dès lors de comparer les résultats obtenus par les différentes autorités nationales. On sait qu'actuelle-ment les philosophies politiques qui dominent en Europe et aux Etats-Unis sont très différentes. Celles-ci génèrent des habitudes qui se traduisent par 1' adoption de techniques de régulations particulières. On peut étudier cette diversité dans le cadre de 1' évaluation législative. Ainsi, les petformances des lois sur le continent européen pourraient être comparées à celles qu' accom-plissent d'autres modes ou d'autres stratégies normatives en Amérique du Nord. Il serait, par exemple, intéressant de comparer 1' efficacité des lois con-tinentales à celle des instruments d'autorégulation qui sont adoptés, en pre-mière analyse, sur le continent nord-américain30. Ce qui compte, en vérité, c'est la qualité de la protection des libertés personnelles. Il n'est pas exclu qu'Internet précisément parce qu'il comporte une dimension universelle -constitue un champ privilégié pour évaluer d'une manière comparative les petformances de techniques de régulation fondamentalement différentes. No-tre intuition- après avoir étudié une petite partie de la documentation dispo-nible sur ce média- est que la comparaison pourrait apporter quelques

sur-30 La «Federal Trade Commission» organise périodiquement des évaluations qui portent sur les progrès de l'autorégulation («Code of Practice», par exemple, celui de l'Internet Industry Association). Il s'agit de véritables enquêtes de terrain. Ainsi, la «Privacy Online: A Report to Congress ('1998 Report')» consistait en une enquête extensive portant sur 1400 «Web sites» commerciaux. Cf. la description méthodologique et les résultats in: «Prepared Statement of the Federal Trade Commission on Self-Regulation and Privacy Online>> (www.ftc.gov/os/1999/9907/pt071399.htm). Après de telles études, le jugement que l'on porte sur la nécessité d'une intervention législative corrective est fondé sur une certaine connaissance de la réalité. C'est cette approche qui fait défaut, en Europe.

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prises. Nous avons l'impression qu'en l'état actuel des choses la police auto-organisée par les commerçants spécialistes d'Internet, aux Etats-Unis, est d'ores et déjà plus efficace que celle qui existe en Europe, sous le couvert d'une législation de droit public, existante sur le papier mais largement ineffective, en réalité. Il ne s'agit certes que d'une hypothèse. Elle mériterait d'être confirmée ou infirmée. Les grandes proclamations de principe émanant des plus hautes instances politiques européennes, toujours animées de bonnes intentions, pounaient bien ne rien changer à cet état de chose31.

VIII. Recherche action- recherche participation; quels