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DIGRESSIONS SUR L'ÉGALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES

ANDREAS AUER

Professeur à l'Université de Genève

Introduction

Dans l'un de ces articles pionniers dont il a le secret, CHARLES-ALBERT MoRAND a dressé en 1988 un bilan lucide mais amer des premières années d'expé-rience judiciaire avec 1' article constitutionnel sur l'égalité entre hommes et femmes 1• Lucide, parce qu'il a bien vu que l'adoption de cet article, le 14 juin 1981, ne signifiait pas la victoire définitive des revendications féministes, mais <<plutôt un point de départ>>2. Lucide encore, parce qu'il osait critiquer une jurisprudence qui avait tendance à s'appuyer sur un changement des con-ceptions dominantes pour retenir une nouvelle interprétation de 1' égalité entre hommes et femmes conforme à ce changement3: «confusion entre les diffé-rences dans les faits qui justifient un traitement inégal et les représentations sociales de ces différences»4• Amer, parce qu'il a su démontrer que le Tribu-nal fédéral avait dressé une série d'obstacles de forme et de fond à la mise en œuvre de l'égalité entre hommes et femmes, à tel point «qu'en ce qui con-cerne l'interdiction des discriminations, on se trouve aujourd'hui dans une situation juridique plus défavorable à l'égalité que celle qui existait juste avant la votation du 14 juin 1981 »5.

1 CHARLES-ALBERT MORAND, <<L'érosion jurisprudentielle du droit fondamental à l'éga-lité entre hommes et femmes», in: MORAND (éd.), L'égalité entre hommes et je1mnes;

bilan et perspectives, Lausanne 1988 p. 73-107.

2 Ibidem, p. 73.

3 ATF 103 la 517, 527 Loup.

4 MORAND (note 1), 75, qui ajouta: «dans cette perspective, il suffirait que le racisme se développe assez largement pour que les discriminations fondées sur la race deviennent légitimes».

5 Ibidem, p. 106.

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Treize ans plus tard, ces constatations n'ont pas perdu leur pertinence.

En matière d'égalité entre hommes et femmes, beaucoup de choses ont changé il est vrai, en droit aussi bien que dans l'Etat et au sein de la société. Mais c'est à grande peine que l'on a dépassé le point de départ. Les conceptions dominantes continuent à être prises comme fondements de l'interprétation jurisprudentielle de l'égalité des sexes. Et en matière de discrimination, il n'est pas certain que tout aille vraiment beaucoup mieux en l'an 2001 qu'en 1981.

La présente contribution n'a pas pour objectif de poursuivre le bilan critique dressé par CHARLES-ALBERT MoRAND. Elle prend comme point de dé-part, ou comme prétexte, une affirmation apparemment fort banale, pour observer et commenter un certain nombre de changements, autant symboli-ques que juridisymboli-ques, qui marquent le discours relatif à l'égalité entre hommes et femmes.

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hom-mes.» C'est cette phrase lapidaire, cette affirmation banale que je me propose de prendre dans le collimateur pour essayer de montrer ce qu'elle révèle en sous-entendus et en perspectives dont nous sommes tous à la fois acteurs et prisonniers. Evidente en apparence, cette petite phrase définit en réalité tout un programme, qui est d'une prétention inouïe.

A. Un discours devenu dominant

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.»

Il s'est produit, en quelques années, un changement considérable quant au cercle des promoteurs et des promotrices de l'idée d'égalité entre les sexes.

Une poignée de suffragettes, considérées aujourd'hui comme des valeureuses pionnières, ont réussi, à partir de la deuxième moitié du 19ème siècle, à faire partager peu à peu leur vision, essentiellement centrée sur le droit de vote, par la classe politique qui, une ou deux guerres plus tard, a fini par mettre un terme au suffrage semi-universel exclusivement masculin.

Portées par ce consensus, excitées par de nouvelles perspectives de re-connaissance, les féministes prennent bientôt la relève. Peu nombreuses mais fort actives, sinon bruyantes, surfant sur une vague d'idées post

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huitardes que rien ne semble pouvoir arrêter, elles réussissent peu à peu à culpabiliser la classe politique, les autorités et l'opinion publique. Celles-ci, n'ayant rien à opposer aux revendications plus ou moins radicales des fem-mes engagées, les acceptent, les assimilent et finissent par les reprendre à leur compte. Et voici que des majorités parlementaires et, en Suisse, avec quel-ques décennies de retard, des majorités populaires se font les champions de la promotion de 1' égalité entre hommes et femmes, notamment en lui conférant le statut d'un droit fondamental.

Longtemps minoritaire et dérangeant, le discours pour une plus grande égalité entre hommes et femmes a commencé par être toléré, puis entendu et pris au sérieux avant de devenir un discours accepté, un discours dominant, politiquement cotTect. Exemple particulièrement instructif d'une idée qui a pris son origine au sein de la société civile, qui a pénétré la sphère étatique par le biais d'institutions telles que l'initiative populaire et les interventions parlementaires, qui a pris ancrage dans les lois et même dans la constitution, elles-mêmes renforcées par les traités, qui est portée et propagée, sinon impo-sée par 1' administration et reconnue par les juges. Toutes les sources du droit l'expriment désormais et lui confèrent une force qui rejaillit sur la société civile où elle s'impose même dans des lieux insoupçonnés. Qui oserait en-core, aujourd'hui, remettre en question, voire contester la nécessité et la jus-tesse de ce combat?

Comme souvent pour les idées dominantes dont les fondements ne peu-vent plus guère être remis en cause par des arguments rationnels, la réaction vient d'une certaine indifférence, d'une ignorance voulue dont certains, et particulièrement les jeunes, font preuve à l'égard du droit et de l'idéologie de l'égalité des sexes. Non pas qu'ils jugent ce droit et cette idée mauvais ou erronés. Mais tout se passe comme si la préoccupation d'une plus grande égalité des sexes avait perdu de sens et de pertinence, appartenant à un monde qui n'est plus de ce temps. L'égalité entre hommes et femmes? Elle va de soi, parlons donc d'autre chose. Un pas de plus et l'on conclut, bon gré mal gré, que le combat pour une plus grande égalité entre femmes et hommes est de-venu un combat d'arrière-garde, comme quatorze-dix-huit et mai soixante-huit.

La bienveillante indifférence que manifeste la jeunesse à l'égard de l'égalité des sexes suscite bien évidemment la critique et l'ire des moins jeunes qui,

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ayant grandi dans cette idéologie rassurante, constatent preuve à 1' appui qu'il subsiste bien des domaines, et pas les moindres, où l'égalité est un leurre et qui fustigent 1' égoïsme et le consumérisme des générations actuelles. Et ainsi, le fossé s'agrandit. La détermination des uns à continuer le combat, à l'impo-ser même à ceux qui ne le comprennent plus, à l'officialil'impo-ser par tous les moyens, même mauvais 6, ne peut qu'augmenter 1' incompréhension et 1' indif-férence des autres. Comme stimulant d'un changement social, l'idée d'égalité entre hommes et femmes semble avoir vécu.

B. Latentation de l'innocence

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.»

L'égalité est par définition un concept de lutte, un stimulant de combat.

Elle ne tombe pas du ciel. N'en déplaise à RoussEAU, nous ne sommes égaux ni à la naissance, ni dans la mort et encore moins au cours de notre vie. L'idée d'égalité nous engage à lutter contre cet état de choses.

La lutte pour l'égalité n'est cependant pas une lutte contre les choses, une lutte contre la nature, mais une lutte contre l'homme. Pour l'égalité des sexes, cela va sans dire. Car les situations d'inégalité profitent toujours à ceux- et non pas à celles- qui sont moins inégaux, c'est-à-dire plus égaux que les autres. Voici pourquoi 1 'idée d'égalité implique toujours un combat de ceux ou de celles qui se sentent victimes de l'inégalité contre ceux ou celles qui sont censés en tirer profit. C'est ainsi que derrière la lutte séculaire pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes se profile et se répand ce poison de notre temps que PASCAL BRUCKNER appelle la tentation de l'inno-cence 7. Quoi de plus beau, quoi de plus rassurant, quoi de plus gratifiant que de se sentir et de se savoir victime. Car, par définition, les victimes ne sont pas responsables. Elles sont abonnées à l'innocence et celle-ci leur donne des

6 Par exemple les primes versées aux universités qui procèdent à la nomination de fem-mes professeurs, selon le programme «Egalité des chances» présenté par le Conseil fédéral (FF 1999 271) et fondé sur la loi fédérale du 8 octobre 1999 sur l'aide aux universités: retour indécent à une conception qui traite les femmes comme une mar-chandise et qui fait intervenir dans la procédure de nomination des professeurs un élément étranger, à savoir l'argument financier, qui risque de fausser le débat et qui pourrait même constituer une source de discrimination.

7 PASCAL BRUCKNER, La tentation de l'innocence, Paris 1995.

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ailes. Les victimes n'y sont pour rien. Les fautifs, les responsables, c'est toujours les autres. Et les autres, en matière d'égalité des sexes, c'est eux, c'est nous, c'est moi, bref: c'est les hommes.

Les hommes? Quels hommes? On se souvient que les adversaires des premiers temps étaient les machistes, les phallocrates, ceux qui déduisaient leur supériorité de la nature, c'est-à-dire de leur virilité. A supposer qu'ils aient jamais existé, ils ont disparu. Plus personne n'ose aujourd'hui sérieuse-ment s'afficher macho, sauf peut-être dans des revues et autres cabarets sati-riques, et encore. L'idéologie de l'égalité des sexes a littéralement émacié, sinon gommé la vision naguère répandue et même dominante- mais l'était-elle vraiment? - de la supériorité des hommes. Ce faisant, l'était-elle a élargi le cercle de ses adversaires. Désormais, l'ennemi n'est plus tel individu mâle isolé aux conceptions anachroniques mais le sexe fort, l'homme en tant que tel, quelles que soient ses opinions.

Parallèlement, les victimes se sont elles aussi en quelque sorte objectivisées. Ce ne sont plus Mesdames KEMPIN8, RoEDER9, QUINcHE10, LoUP11 et autres RoHNER12 qui souffrent individuellement des inégalités que le droit leur impose. Désormais, les victimes sont les femmes en tant que groupe, le sexe faible en tant que tel, indépendamment des convictions ou situations concrètes.

Et ainsi, les fronts se figent. L'idéologie de 1' égalité des sexes, dominant le débat, croit pouvoir déduire de cette domination la prérogative, sinon le droit d'imposer sa vision morale aux deux camps, de leur coller des étiquet-tes. D'un côté donc les innocentes, les victimes, les femmes, qui n'y peuvent rien mais qui veulent tout; de l'autre côté les coupables, les bourreaux, les hommes, qui sont responsables et qui sont prêts à lâcher tout. Se pourrait-il que 1' engouement de notre génération pour le combat de l'égalité des sexes ne soit qu'un indice de la profondeur qu'a atteint dans nos sociétés riches et complexes- ce qui veut dire riches en complexes -le sentiment de victimisation de tout groupe qui se considère, à tort ou à raison, comme minoritaire?

8 ATF 13, 5 Kempin.

9 ATF 49 1 14 Roeda

10 ATF 83 1 174 Quinche.

II ATF 103 la 527 Loup.

12 ATF 116 la 359 Rolma

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C. D'un droit individuel

à

un droit collectif

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.»

Le changement de perspective que traduit la définition implicite des vic-times des inégalités fondées sur le sexe se retrouve, en droit, dans la détermi-nation jurisprudentielle et doctrinale de la finalité du droit constitutionnel garantissant 1' égalité entre hommes et femmes.

Avant l'adoption, en 1981, de l'article constitutionnel sur l'égalité des sexes, les litiges portant sur l'inégalité juridique entre hommes et femmes étaient résolus sur la base du principe général d'égalité. La question que le juge constitutionnel était appelé à trancher était celle de la pertinence du cri-tère du sexe dans le domaine où l'autorité a cru bon d'y recourir. Elle ne se distinguait guère des inégalités dans et devant la loi qui étaient fondées sur un autre critère. En exigeant de l'autorité, selon la formule consacrée, qu'elle traite les situations semblables de façon identique et les situations dissembla-bles de façon différente13, le juge tentait d'éliminer les discriminations, à savoir les traitements différents ou identiques qui portaient préjudice aux jus-ticiables recourants. Qu'elle s'adresse au législateur ou à l'autorité chargée d'appliquer la loi, l'exigence constitutionnelle d'égalité a pour fonction es-sentielle de protéger 1' in di vi du qui s'en prévaut.

La reconnaissance d'un droit fondamental garantissant l'égalité entre hommes et femmes opère nécessairement un changement de perspective. Si, sur le plan de la procédure, le nouveau droit constitutionnel conserve sa fonc-tion individualiste, car seul celui ou celle qui est personnellement touché dans ses droits a qualité pour recourir (art. 88 OJ), sa fonction protectrice dépasse nécessairement la sphère individuelle pour viser le groupe, le collectif, les femmes en tant que catégorie sociale. C'est bien parce que le constituant a jugé que le droit général à l'égalité n'a pas permis d'améliorer la situation juridique et sociale des femmes que celles-ci se sont vu reconnaître un droit spécifique à 1 'égalité des sexes 14.

C'est donc à tort que le Tribunal fédéral a déclaré, dans le premier arrêt portant sur l'article constitutionnel relatif à l'égalité entre hommes et

fern-13 ATF 103 la 517, 519 Loup.

14 FF 1978 II 1273, 1980 I 135.

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mes, qu'il ne fallait pas «transposer la notion d'égalité des chances sur le plan collectif» ni «méconnaître le caractère individuel» de ce droit, identi-que à celui de tous les autres «droits constitutionnels que l'Etat confère à chaque citoyen»15 • Du moment qu'il se concrétise dans le domaine des rela-tions entre hommes et femmes, le principe d'égalité a bien pour fonction sup-plémentaire de promouvoir 1' égalité entre les femmes et les hommes considé-rés comme groupes. Son effectivité ne se mesure pas au nombre des cas où une femme a concrètement obtenu gain de cause en se prévalant en justice de 1' égalité des sexes. Elle dépend bien plutôt de l'amélioration générale de la situation juridique et sociale des femmes par rapport à celle des hommes. Si elle était jugée uniquement en fonction du premier critère, on serait d'ailleurs obligé de conclure que l'art. 4 al. 2 aCst. a été d'une singulière inefficacité, tant il est vrai que la plupart des affaires jugées par le Tribunal fédéral ont profité aux hommes et non directement aux femmes 16.

Ainsi, la référence au groupe est déjà contenue, du moins accessoire-ment, dans le droit fondamental à l'égalité entre hommes et femmes17. Elle devient exclusive dans la définition constitutionnelle du mandat conféré au législateur de pourvoir à 1' égalité matérielle, dans les domaines de la famille, de la formation et du travail (art. 8 al. 3 2ème phrase Cst.). L'individu passe ici au second plan pour laisser la place au collectif, au collectif des femmes dont le statut et les performances sont comparés à ceux du collectif des hom-mes.

D.

De l'égalité en droit

à

l'égalité de fait

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.»

Le combat d'aujourd'hui n'est plus un combat pour l'égalité des deux sexes, mais pour une plus grande égalité entre hommes et femmes. La nuance est de taille. Quand les femmes étaient privées du droit de vote, exclues de toutes les professions sauf celle de mère et ménagère, quand elles n'avaient rien à dire ni dans la famille ni dans la société et encore moins dans l'Etat, il

15 ATF 108 la 22, 31 Fischer.

16 ANDREAS AUER, «Les mesures positives et l'art. 4 al. 2 Cst.» PJA, 1993, p. 1336, 1340/41.

17 CHARLES-ALBERT MORAND était d'un avis contraire, (note 1), p. 100.

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fallait et il suffisait de revendiquer 1' égalité, 1 'égalité tout court, dans toute sa simplicité et sa splendeur. Aux exclus, l'idée d'égalité promet et permet à terme de devenir des inclus, de faire partie du jeu. A partir du moment où les femmes ont conquis la citoyenneté, dès lors qu'elles peuvent accéder à toutes les chefferies modernes- chef de famille, chef d'entreprise, chef de bureau, chef d'Etat -l'égalité toute nue ne suffit plus. Car, oh surprise, les inégalités persistent, voire se renforcent en se déplaçant. Une fois admises dans le cer-cle des initiés, les femmes constatent que 1' égalité est encore loin et qu'il faut continuer le combat.

Le discours dominant en déduit qu'il faut dépasser le formalisme étroit de 1' égalité juridique pour revendiquer 1' égalité de fait, 1' égalité matérielle, la tatsiichliche Gleichstellung comme le dit si bien, dans le sillage de l'art. 1er de la loi sur l'égalité du 24 mars 1995, la deuxième phrase de l'art. 8 al. 3 de la Constitution fédérale. L'art. 4 al. 2 aCst. se passait de cet adjectif, qui est donc nouveau. La nouveauté n'est pas innocente. L'égalité de fait a acquis le statut de norme constitutionnelle. Un pas de plus, et on reproche à l'égalité de droits, naguère si convoitée, de bloquer l'accès à la nouvelle terre promise.

Or les inégalités de fait sont partout, dans tous les recoins de l'organisation sociale, économique et politique. Car la société, à savoir les rapports sociaux entre les hommes et les femmes, est fondamentalement et foncièrement iné-gale, parce que les hommes et les femmes, qu'on le veuille ou non, le sont tout autant. Dès lors on postule que le combat pour l'égalité matérielle ne peut être qu'un combat à long terme, où les étapes se suivent et ne se ressemblent pas, dans l'espoir qui est devenu certitude d'atteindre un jour l'objectif fixé.

Dans cette longue ascension vers une plus grande égalité entre femmes et hommes, le moment est peut-être venu de se poser la question de savoir ce qui adviendrait si, par impossible, le sommet était atteint et l'égalité matérielle pleinement réalisée. Poser la question c'est y répondre. La vision d'un avenir radieux où les différences de fait entre hommes et femmes auront été, grâce au droit, définitivement éliminées est prisonnière, comme le marxisme, de cette conception optimiste, née au 19ème siècle, qui promet 1' avènement d'une société qui baignerait béatement dans une harmonie totale. On peut même dire qu'elle partage avec le marxisme un certain totalitarisme, en ce qu'elle justifie les sacrifices que peuvent impliquer les mesures visant à éliminer les inégalités de fait par la nécessité impérieuse d'atteindre enfin le royaume promis.

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Le dépassement de 1' égalité formelle par 1' égalité matérielle, désormais consommé en droit, risque fort de nous faire oublier «à quel point le carac-tère formel de l'égalité est porteur d'effets réels: c'est parce que l'égalité ( ... ) n'est que formelle qu'elle tend à s'établir en toute relation humaine.

Vouloir réaliser matériellement l'égalité, c'est nécessairement limiter son champ d'application à l'objet visé ici et maintenant par l'action politique chargée de cette réalisation»18Il n'est donc pas certain que la fixation sur l'égalité matérielle représente en tous points un progrès dans la mise en œuvre du principe d'égalité.

E. Les femmes d'abord

«Nous luttons pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.»

L'égalité tant convoitée est celle, bien sûr, entre femmes et hommes et

L'égalité tant convoitée est celle, bien sûr, entre femmes et hommes et