• Aucun résultat trouvé

« Il n’y a pas de définition du quartier qui soit universelle ou généralisable » (Kearns et Parkinson, 2001 : 2103, notre traduction). E n effet, les quartiers de résidence prennent une signification et répondent à des besoins spécifiques dans les différentes régions et pays. Il demeure toutefois important, selon nous, d’étudier la perception que ses résidents en ont, car le quartier est souvent déterminant du sentiment d’appartenance au lieu de v ie quotidienne, où des rencontres fortuites se produisent.

Pour Kearns et Parkinson (2001: 2106), “if cities are landscapes of marginal encounter (Gornick, 1996), then neighborhoods ought to be arenas of predictable encounter (which for many people would also mean comfortable and secure encounters) where, to use Beauregard’s (1997) terminology, people know the narrative rules of encounter and have the appropriate discursive strategies easily to negotiate public space : they feel « at home »”.

Dans une région métropolitaine occidentale comme celle de Montréal, où les gens ne connaissent pas toujours leurs voisins, le rôle du quartier dans la définition de l’identité de ses résidents et du sentiment d’appartenance au milieu de vie peut perdre son sens. La perception du quartier de résidence comme une communauté (voir le chapitre 3) renvoie largement à l a culture d’appartenance (Forrest, 2000). Les cultures africaines et québécoise présentent des caractéristiques très différentes en ce qui a trait aux relations de voisinage et aux dynamiques de quartier, comme nous l’ont mentionné la majorité des participants.

À la question « percevez-vous votre quartier comme une communauté », la majorité des participants ont répondu par la négative. En effet, en dépit du fait que certains d’entre eux aient reçu l’aide d’un organisme de l eur quartier pour diverses raisons, cela n’a a pas contribué à leur sentiment d’appartenance au quartier de résidence, ou à leur perception d’être partie d’une communauté.

117 L’élément qui semble avoir été déterminant dans la perception du quartier comme une communauté, parmi les participants à la recherche, est la cohabitation avec des membres de la communauté d’origine.

« Oui [je perçois mon quartier comme une c ommunauté] (…) Il y a peut-être 15 familles burundaises autour de chez moi, et peut-être que j’en connais peut-être la moitié les autres je ne connais pas. Je connais d’autres nationalités, je connais une f amille haïtienne, deux familles canadiennes, on fait des relations, mais comme on est nouveaux, on peut élargir les relations, les connaissances. (…) Au moins la moitié j’ai déjà été chez eux. Parce que chaque fois qu’il y a une occasion de se rencontrer soit pour un deuil, soit pour une fête, un mariage, ils m’invitent. Et par le truchement de ceux qui habitent à coté de chez moi, je connais déjà plus de monde » (Josef, E-03, demandeur d’asile, 63 ans).

« Moi, je ne par ticipe pas beaucoup aux activités du quartier. D ’abord parce que c e quartier est trop anglophone. Et la communauté indienne et pakistanaise est trop ancrée et ils font des choses entre eux. Et la communauté grecque est trop ancrée et ils font des choses entre eux. Mêm e à l ’église, ces communautés visiblement ne communiquent pas » (Jacqueline, E-06, demandeur d’asile ayant obtenu la résidence permanente, 52 ans).

Toutefois, rappelons que la plupart des participants n’ont pas choisi leur quartier en fonction de la présence de membres de leur communauté ethnique d’origine, mais plutôt en fonction des opportunités d’accéder à un logement qui concorde avec leurs moyens financiers. Toutefois, pour certains, le quartier est le lieu de rencontres interethniques qui favorisent le sentiment d’appartenance au quartier, comme nous avons vu dans la citation de Josef présentée ci-haut et dont Johanne fait également mention :

« Oui, [je perçois mon quartier comme une c ommunauté] et je vous ai dit que je suis dans cette communauté, même avec toutes les nationalités, nous allons à l’église St-Paul, pas loin, il y a un terrain où nous avons fait un j ardin, je suis intégrée dans la communauté. E t si vous voulez, en termes de communauté on est en train de faire des réunions avec un groupe de gens, puisqu’on est en train de vendre l’église st-Paul » (Johanne, E-04, demandeur d’asile, 60 ans).

Comme le mentionnent Rose et Séguin (2007), les liens faibles à l’échelle du v oisinage peuvent entraîner, particulièrement parmi les populations comme celle des nouveaux arrivants, « un sentiment de confort dans l’espace public, un sentiment d’appartenance à leur milieu local, ou à tout le moins, un sentiment d’y être chez soi, de s’y sentir bien ». Selon Grafmeyer (1995, dans Rose et Séguin, 2007), l’occurrence quotidienne de ces petites manifestations de socialisation entre les résidents d’un quartier peut entraîner un sentiment de « sécurité et d’acceptation plutôt que d’exclusion ».

Dans l’ensemble, toutefois, les perceptions des quartiers de résidence des participants semblaient plutôt partagées entre la déception de ne pas retrouver le milieu communautaire connu dans le pays d’origine, et la manifestation d’une certaine reconnaissance de l eur chance de v ivre au se in d’un quartier où des membres de leur communauté ethnique d’origine vivent. Le regret, et parfois la nostalgie de l’environnement communautaire préexistant dans les sociétés africaines ont souvent teinté les discours. Le peu de temps passé à Montréal, et la méconnaissance de ses modes de sociabilité peuvent être mis en cause.

118 « Ah non [je ne perçois pas mon quartier comme une c ommunauté]. C’est pas du tout comme ça » (Jason, E-05, demandeur d’asile, 25 ans).

« Non [je ne perçois pas mon quartier comme une c ommunauté]. J e connais personne. M ême les résidents de l’immeuble, là je vois un Latino [américain] que je salue souvent, mais ceux qui sont tout à coté, je ne les connais pas » (Jocelyne, E-01, demandeur d’asile, 51 ans).

« Pour moi, non [je ne perçois pas mon quartier comme une communauté]. Mais aussi quand je vais à St-Laurent, et je vois comment les choses se font là-bas, c’est pas la même chose ici. À Ville St-Laurent, il me semble que il y a beaucoup d’implication, c’est un peu chaleureux là bas dans les communautés, tandis qu’ici, quand tu veux participer à c ertaines activités, c’est pas facile. En tout cas, c’est des communautés qui vivent superposées (…) » (Jacqueline, E-06, demandeur d’asile ayant obtenu la résidence permanente, 51 ans).

« Non. Pas comme en Afrique. C hez nous, malgré les conflits ethniques, tu vois que c’est plus rapproché qu’ici » (Julien, E-07, demandeur d’asile, 32 ans).

« non [je ne perçois pas mon quartier comme une communauté]. Et c’est ça qu’il manque ici. Parce qu’ici tu peux habiter juste à coté, et il a des enfants et ses enfants ne vont jamais connaitre tes enfants. Les enfants grandissent tous seuls, et c’est vraiment l’isolement, et c’est vraiment le grand défaut. Regardez juste la madame qui a fait que [je t’ai rencontrée], je l’ai connue au building là-bas mais étant donné que nous sommes tous des Africains, c’est devenu comme une maman pour moi. C’est ça d’où on vient. Excuse-moi, si c’était une blanche, est ce que ça se passerait comme ça? Non » (Jane, E-11, demandeur d’asile ayant reçu la résidence permanente, 30 ans).

« Euh…mon quartier non [je ne le perçois pas comme une communauté]. Parce que moi, ce que j’appelle communauté, c’est on est ensembles, tes voisins, c’est peut-être pas tes amis, mais tu les connais. Tu dis bonjour. C hez nous les voisins, c’est comme ta famille. C ’est pas comme ici, tu connais pas ton voisin » (Jessica, E-12, demandeur d’asile ayant reçu la résidence permanente, 30 ans).