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Les personnes qui arrivent à Montréal en tant que demandeurs d’asile quittent généralement leur pays dans l’urgence. Ils arrivent donc dans un nouvel environnement dont ils n’attendent qu’une réalité meilleure :

« Quand vous êtes en f uite, vous n’êtes pas exigeant. J e ne m e plains pas du t out » (Josef, E-03, demandeur d’asile, 63 ans).

Il nous a toutefois été très difficile d’aller plus loin sur le plan des appréhensions face au logement. En effet, la plupart des demandeurs d’asile ont indiqué n’avoir aucune attente précise en ce qui concerne le logement à M ontréal, si ce n’est qu’un imaginaire construit à par tir des publicités et des images typiques d’une Amérique prospère :

« Disons que chez moi, on considère en général le Canada comme un paradis, tout le monde croit que c’est comme ça. Et je pense que l’illusion est entretenue par les gens qui sont ici (…) » (Johanne, E-04, demandeur d’asile, 60 ans).

Malgré le peu d’attentes sur le plan du logement, les demandeurs d’asile avaient pour la plupart des espoirs très positifs par rapport à la réalité montréalaise en général. Ils savaient tous que le Canada

82 présenterait une réalité différente de celle qu’ils ont quittée, et cette différence est surtout associée au sentiment de sé curité et au co nfort quotidien. La sé curité, certes, représente la principale préoccupation des demandeurs d’asile, puisqu’ils ont souvent quitté un pays en guerre où un climat politique et social instable mettait parfois leur vie en péril. La sécurité, le droit et la liberté sont des composantes à la fois associées au choix du pays d’accueil et aux attentes vis-à-vis de celui-ci.

Si les demandeurs d’asile étaient généralement informés de façon très imprécise quant aux réalités canadienne et montréalaise, ils en avaient presque tous une idée très positive en tête. Ces idées sont, selon les participants aux entretiens, cultivées par la diffusion de documents publicitaires web ou papier dans leur pays d’origine. A insi, la plupart des participants ont révélé avoir pris connaissance par hasard, ou par choix, de ces informations diffusées par le gouvernement canadien :

« je croyais que c’était facile d’avoir un logement puisque le Canada est immense, tout le monde dit ça. C’est écrit dans tous les journaux que le Canada cherche 50 000 personnes pour occuper le Canada, que le Canada n’est pas assez occupé » (Johanne, E-04, demandeur d’asile).

L’information retenue par les participants prend deux formes: l’accessibilité du système d’immigration canadien pour les nouveaux arrivants, et le fait que le Canada attende un nom bre important de nouveaux arrivants à chaque année. Les premières informations sont souvent issues de rumeurs qui courent dans les journaux et sur le web. Le focus group a toutefois démontré que la plupart des gens avaient entendu ce genre de di scours au moment où i ls pensaient demander l’asile. C omme les participants au focus group l’ont mentionné, le premier réflexe lorsque l’on décide de quitter le pays de résidence est de se tourner vers le pays colonisateur, pour des raisons de culture et de l angue, principalement. Les participants ont donc eu pour première idée de se tourner vers les pays européens tels la France ou la Grande-Bretagne pour demander l’asile. Certains ont tenté de s’exiler vers ces destinations, sans même obtenir de v isa de v isiteur (résidence temporaire). L a plupart ont choisi – comme premier ou second choix – le Canada comme pays d’accueil pour des raisons administratives et pour la justice et l’égalité qu’on lui reconnait, et pour la langue parlée à Montréal. Ce thème a suscité de vives discussions parmi les membres du focus group. Certains membres du groupe se sont dits insultés de n’avoir pas obtenu de per mis de résidence temporaire dans les pays qui les ont colonisés. Par ailleurs, il nous a également semblé que le système d’immigration leur était plus familier que bien d’autres aspects de la structure politique canadienne.

Les spécificités du système d’immigration leur sont bien connues, souvent parce qu’ils souhaitent réunir leur famille dans de brefs délais. Ils acquièrent également une compréhension assez profonde du système à travers les délais d’attente de leur statut, qui sont de l’ordre de pl usieurs années. Ensuite, le focus group a démontré que la crainte de ne pas être retenu comme réfugié au Canada encourage les demandeurs d’asile à s’informer des actions qu’ils peuvent prendre pour s’assurer du bon déroulement du processus d’immigration.

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Un premier toit : les centres d’hébergement pour demandeurs d’asile et

réfugiés

Lors de leur arrivée au Canada, les participants qui y ont revendiqué le statut de réfugié ont presque tous (à l’exception d’une personne dont un membre de la famille immédiate résidait déjà à Montréal) vécu la résidence dans un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés. Les expériences qu’ils y ont vécues ne sont pas égales, et il importe d’en discuter.

Les nouveaux arrivants qui demandent l’asile à l’arrivée au poste frontalier, qu’il soit situé à l’aéroport ou sur une frontière terrestre, doivent indiquer s’ils ont un endroit où résider à l’arrivée. Si les documents qu’ils présentent ne sont pas conformes, les demandeurs d’asile sont conduits en centre de détention à Laval, près de Montréal. Lorsque leurs documents sont conformes et qu’ils n’ont aucun endroit où résider, un agent des services frontaliers leur fournit l’une des adresses où l’on accueille les demandeurs d’asile à Montréal. Ces centres d’hébergement sont semblables les uns aux autres, et offrent des services similaires. Le pl us gros centre d’hébergement de ce genre est celui du YMCA, situé à proximité du centre-ville de Montréal. La majorité des demandeurs d’asile qui ne déclarent pas de revenu suffisant, et qui n’ont aucun endroit où r ésider s’y retrouvent; il nous a cependant été impossible de connaître la proportion d’entre eux qui y résident à chaque année.

Les résidences du YMCA de Montréal accueillent les demandeurs d’asile pour la période précédant la réception des prestations d’aide sociale. Ils offrent la nourriture, l’hébergement et un titre de transport valide pour une semaine et renouvelable à chaque semaine durant le séjour. Des services de support familial et individuel, une garderie, des activités éducatives pour les enfants, des sorties familiales, un vestiaire d’urgence et une bi bliothèque sont également mis à leur disposition. S ur place, des intervenants sont présents à certains moments de la semaine pour rencontrer les résidents individuellement ou en groupe (dépendant du nombre de résidents au centre) afin de les orienter vers un logement qui leur convient (I-05). Ces intervenants affichent des logements à louer sur un babillard, et invitent les résidents à contacter les propriétaires de ces logements pour organiser la visite des logements. Dans les autres centres d’hébergement pour demandeurs d’asile que nous avons répertoriés, l’accompagnement dans la recherche de logement consiste aussi en l’affichage de logements à louer sur un babillard. P lus de la moitié des participants qui ont fréquenté les centres d’hébergement ont apprécié les services qui leur ont été offerts et mentionnent que l’existence de ces résidences a contribué à briser leur sentiment d’isolement :

« On nous a envoyés là-bas. Et ce qu’il y a de bien, c’est qu’on se sentait pas seul. On savait qu’il y avait d’autres personnes qui avaient des problèmes comme nous. On était très nombreux à l’époque. Et par le fait même ça nous encourageait » (Josef, E-03, demandeur d’asile, 63 ans).

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