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Les coûts relatifs au logement représentent plus de la moitié du r evenu du m énage de t ous les participants à l’étude, à l’exception du participant E-10, qui a obtenu un logement social. Celui-ci avait toutefois toujours déboursé plus de la moitié de so n revenu pour assumer les coûts des logements occupés antérieurement.

La taille des logements occupés par les demandeurs d’asile et réfugiés que nous avons rencontrés était jugée satisfaisante dans la plupart des cas, et respectait les normes d’occupation nationales, à l’exception de trois ménages familiaux, qui vivaient dans des logements surpeuplés. Cela ne signifie pas que les autres répondants jugeaient leur logement convenable. Nous aborderons ces perceptions dans le chapitre suivant.

104 Salubrité

Trois participants à l’étude ont révélé vivre ou avoir vécu dans des logements insalubres.

« Pour le moment, comme je suis seul, ça va. Mais là en haut, ils font trop de bruit. Et l’autre rendez- vous, samedi, vraiment j’avais un peu honte, tu allais arriver chez moi, l’eau coulait par le plafond » (Jeffrey, E-08, demandeur d’asile).

« Non, il était propre, on avait même retapé la maison, mais c’était vraiment une maison, une maison un peu vieille, je ne me rendais pas compte qu’il y avait des coquerelles, et autres choses, et on a essayé d’enlever ça, et ça n’a rien donné. Il fallait enlever le plancher, et tout refaire, et le propriétaire ne voulait pas faire ça. Mai s à c e moment-là, j’avais déjà fait la demande à l ’office pour un H LM » ( Jim, E-10, demandeur d’asile ayant reçu la résidence permanente, 63 ans).

Par contre, un certain nombre d’entre eux ont visité des logements insalubres mais ont accédé à un logement qui leur convenait davantage par la suite. Les problèmes répertoriés par les participants touchaient généralement l’entretien déficient des logements et les infestations d’insectes.

« Après je suis allé dans Acadie, je suis parti voir le concierge, mais la maison était pas bon. Le frigo, le chauffage, la chambre était petite, c’était sale. (…) [le logement que j’ai actuellement], oui, c’est bon pour l’instant. Seulement le chauffage, ça travaille pas bien, bien. Aussi les toilettes, les tap, les trucs là, l’eau chaude ne vient pas. Et ça coule pas bien » (Jason, E-05, demandeur d’asile, 25 ans).

« le gars voulait, il m’a dit viens ici, toi, je vais te donner un bon coin. Il m’a pris dans sa voiture, il était convaincant, intimidant, et je me suis dit il faut que je fasse attention. Il m’a fait entrer dans une chambre, et après il y a un lit, une cuisinière dans la même salle, une douche dans laquelle je ne peux même pas me tourner, et c’était très, très sale, et le coin tout était sale. C’était comme si une bête vivait dedans. Je me suis dit à moi-même, si j’étais à sa place je ne ferais même pas entrer un client pour voir le coin dans cet état la, ça va le décourager » (Julien, E-07, demandeur d’asile, 32 ans).

Relations avec le propriétaire

Nous avons constaté que les relations conviviales des locataires avec les propriétaires sont importantes et peuvent affecter le sentiment d’appartenance à un logement pour un nouvel arrivant. Or certains participants à notre étude ont révélé avoir vécu des relations difficiles avec le locateur de l’immeuble à logement qu’ils avaient choisi. Ces situations surviennent habituellement lorsqu’une des parties ne satisfait pas aux exigences de l’autre partie, mais également lorsque les propriétaires abusent de leur situation d’autorité.

« Mmm… propriétaire assez dur, dur, dur. C ’est la gestion X. C e sont des gens d’abord vous leur donnez des chèques durant 12 mois. (…) Oui, en fait disons que j’ai un petit problème à l’aide sociale, et que le chèque ne tombe pas, ils prélèvent ça le 31 décembre. Si le 31 décembre à minuit semble t-il ils n’ont pas leur chèque, ils envoient une lettre c’est sur et c’est accompagné de 10$ d’amende. De frais supplémentaires du côté de X, et à votre banque, il y a aussi une amende de je sais pas, 40$. Alors c’est assez dur et ça ne dépend pas toujours de vous » (Johanne, E-04, demandeur d’asile, 60 ans).

« Alors ça n’a pas été facile, même quand j ’étais en bas, ils avaient promis de faire les réfections, ils avaient promis de faire les réfections au moment ou je l’occupais, ils ne les ont jamais faites.. Mais je suis venue en haut, et ce que vous voyez, ici, ce n’était pas comme ça avant, ça a été réfectionné. Mais comme il ne met le chauffage que quand lui il est là, ce n’est pas grave, je mets ma chaufferette. (…) Et si je dois me lever tôt pour travailler, il fait froid. Et il met le chauffage quand ses enfants reviennent de l’école. Alors je me suis dit que si je trouve une autre maison, si ce n’est pas une maison où je peux régler le chauffage, je ne la prends pas. (…) Avant, je ne savais pas comment ça marchait. Des fois je

105 reste ici avec mes bottes et mon manteau » (Jacqueline, E-06, demandeur d’asile ayant reçu la résidence permanente, 51 ans).

« Et le monsieur il m’a dit c’est pas cher, c’est seulement 425$. Il a dit je vais te dire, ce n’est rien ça, c’est pas cher, et tu es un immigrant, et les gens ne font pas attention aux nouveaux venus ici. Je ne pense pas que tu vas trouver mieux que ça. Et il a dit que tu es mieux de prendre ça, ou tu vas te trouver dans la rue. La manière dont il me parlait, c’est comme s’il me forçait à prendre le coin. Je ne voulais pas dire non, j’étais intimidé, après j’ai dit je vais voir, et j’ai demandé, parce que les armoires étaient cassées, c’était sale, et j’ai demandé, tu vas peindre ça? Il dit non, je vais pas peindre tout, c’est toi qui vas peindre. M ais lui m’a dit que l es immigrants n’ont pas de c hance, pour avoir un l ogement, il faut commencer par ça. J’accepte qu’il faut commencer petit à petit, mais il faut quand même pas vivre dans des conditions pires ici qu’en Afrique. Quand je dis que je viens de l’Afrique, les gens disent qu’il vient de la pire des situations, et il va accepter n’importe quoi. Le monsieur là m’a fait sentir comme ça» (Julien, E-07, demandeur d’asile, 32 ans).

Les relations tendues des locataires avec le propriétaire de l’immeuble ne sont pas si fréquentes parmi les témoignages relevés dans cette étude, mais lorsqu’elles surviennent, les locataires qui occupent leur premier logement au Canada tentent par plusieurs moyens de détendre ces relations. Car ce propriétaire, bien que parfois abusif ou négligent, fait office d’unique référence valable à présenter au locateur subséquent. Ils sont donc prêts à accepter des conditions résidentielles plus ou moins adéquates, en connaissant leurs droits, et dans le but d’obtenir les références nécessaires à la poursuite d’une trajectoire résidentielle ascendante. Ils agissent ainsi pour s’assurer de ne pas perdre leur logement, car comme nous l’avons noté plus tôt, le système de location d’un logement, dont les droits des locataires font partie, est assez mal connu des nouveaux arrivants.

Conclusion

Nous avons fait état dans ce chapitre du défi de taille qu’a représenté la recherche de logement pour une majorité des demandeurs d’asile et réfugiés que nous avons rencontrés. En dépit d’attentes fondées sur la réputation d’un Canada dont les territoires demeurent encore à peupler, les nouveaux arrivants ont trouvé un marché résidentiel dans lequel il faut frayer leur propre chemin pour accéder à un logement qui leur convient. Suite à de plutôt courts et certainement indispensables séjours dans des centres d’hébergement, les recherches de logement se sont généralement déroulées dans des contextes angoissants. Les obstacles du prix du m arché, et les nombreuses exigences des propriétaires et locateurs ont certes été les plus difficiles à surmonter, à cause du faible capital social dont les participants disposaient à l’arrivée. Les stratégies qui furent mobilisées afin de surmonter les obstacles ont le plus souvent fait appel aux membres de la communauté ethnique d’origine, qui semblent avoir été les plus utiles en termes d’aide de pr emière ligne. Les conditions résidentielles dans lesquelles vivent les demandeurs d’asile et réfugiés au moment de la rencontre dépendent d’un certain nombre de facteurs, dont le plus important est probablement la détermination du s tatut d’immigration. Ainsi, certains participants vivent toujours dans des conditions de surpeuplement, en attendant de connaître leur destin, alors que d’autres attendent d’intégrer le marché de l’emploi pour changer de logement.

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CHAPITRE 6 ANALYSE : LA RÉALITÉ MONTÉALAISE VUE À