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Rappelons que le chez-soi réfère au confort et au point auquel un logement convient à son locataire et satisfait ses besoins (voir le chapitre 3). Ces éléments font tous plus ou moins appel à la perception du locataire de so n logement, et réfèrent à se s priorités en termes de logement, à so n parcours d’établissement et à ses expériences résidentielles passées. Il s’agit ici de comprendre, à travers une

115 analyse des représentations des participants de leurs propres trajectoires résidentielles, comment les demandeurs d’asile en pr ovenance d’Afrique subsaharienne arrivent à se sentir chez eux dans leur logement à Montréal.

Le chez-soi est, pour une vaste partie des participants, associé au sentiment de sécurité. Rappelons que ce sont généralement des personnes qui proviennent de pays dont le climat politique et social était plutôt instable, et que certains ont vécu dans des camps de réfugiés. La sé curité du quartier où leur logement est situé constitue donc souvent la source première de leur bien-être (Occhipinti, 1996). En second lieu, les sentiments d’indépendance et d’autonomie, puis d’un certain contrôle sur le cours des événements, participent à l a perception du lieu de r ésidence comme un chez-soi. Il importe ici de mentionner que nous n’avions ni le mandat, ni la position éthique qui nous permettait d’aborder les motifs de la fuite du pays d’origine. Nous pouvons toutefois signaler que le Canada est un des rares pays qui accueille des demandeurs sur la base des persécutions liées au genre. Dans ce contexte, la sécurité de l’environnement immédiat revêt une importance primordiale dans la définition du chez-soi. Dans l’ensemble, les participants ont indiqué qu’ils se sentaient chez eux dans leur logement. Ils ont en grande majorité fait allusion au sentiment de sécurité que leur apporte leur lieu de vie quotidienne. Certains chercheurs (notamment Occhipinti, 1996), suggèrent à cet effet que le fait de quitter un pays où règne un cl imat d’insécurité constant entraîne une su révaluation de la sécurité du quartier de résidence, dans le pays d’accueil.

« Oui, je me sens chez moi. C’est ce que je te dis, on a le sentiment de sécurité et on a la fierté d’être chez soi » (Jacqueline, E-06, demandeur d’asile ayant obtenu la résidence permanente, 51 ans)

« D’abord ce que je mettais en premier lieu c’est la sécurité. Parce qu’il y avait pas de sécurité chez moi. Alors si ma sécurité est satisfaite, je n’ai pas beaucoup d’exigences en logement (…) Il est vrai, tout au début, j’ai eu p eur, parce que l’été, la nuit, je crois qu’il y avait des feux d’artifice, et moi, j’étais pas informé, j’ai eu peur toute la nuit. Et comme je viens d’un pays ou il y a eu la guerre là où j’étais, j’ai cru qu’on était en train de tirer, qu’on lançait des bombes. Je me suis dit j’ai pas de chance, ça me poursuit jusqu’ici. Mais c’est normal d’avoir peur pour moi. Quand j’ai dit ça a un Africain, il m’a expliqué ce que c’était » (Josef, E-03, demandeur d’asile, 63 ans).

« Je suis absolument chez moi. Personne ne me dérange, si je laisse même quelque chose ici personne ne va le voler, et on laisse les chaussures dehors et personne ne les prend. Je suis beaucoup plus chez moi que chez moi, où il y avait la guerre, je suis chez moi, c’est calme, c’est magnifique » (Johanne, E- 04, demandeur d’asile, 60 ans).

Nous avons néanmoins perçu des lacunes au niveau du se ntiment d’être chez soi lorsque les questions familiales ont été abordées. En effet, les gens qui ont laissé leurs familles derrière eux se sentent chez eux dans leur logement, mais leurs besoins de confort et de bien-être ne sont pas tout-à- fait comblés parce qu’ils sont préoccupés par les conditions dans lesquelles vivent les membres de leur famille qui ne les ont pas accompagnés. Un grand nombre des participants qui sont arrivés seuls a d’ailleurs mentionné être en processus de parrainage des membres de leur famille, projeter de les parrainer lorsqu’ils recevront leur statut de résident permanent ou tenter de les accueillir en tant que visiteur.

116 « Je suis à l’aise, je suis plus en sécurité qu’au Burundi, sauf que nous avons tous des problèmes parce que la famille et les enfants sont toujours là. Alors j’aimerais mieux que ma famille soit avec moi » (Jim, E-10, demandeur d’asile ayant obtenu la résidence permanente, 62 ans).

Finalement, le focus group a aussi démontré que le sentiment de confort et d’être chez soi dans son logement était fortement lié au sentiment d’autonomie résidentielle. L’autonomie vis-à-vis de sa vie au Canada a été traduite par « la fierté de s’offrir ses propres trucs » (Jacinthe, Jocelyne, Julien, F-01). Les participants ont confirmé en groupe ce qu’ils avaient évoqué individuellement en mentionnant que la contrainte à la colocation à cause des prix du marché du logement entravait le sentiment de chez-soi dans son logement. Nous avons trouvé que si les cultures africaines connaissent les ménages multifamiliaux, elles ne connaissent pas la colocation en ménage non-familial. Ainsi, une adaptation à ce style de vie est nécessaire; certains participants s’y sont conformés et arrivent à s’y sentir chez eux.