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baines polycentriques

1.2. QU’EST-CE QU’UNE M ´ ETROPOLE SOUTENABLE ?

Encadr´e 11 (D´eveloppement durable, soutenable, ou viable ?) L’expression « Sustainable development », traduite le plus fr´equemment par « d´eveloppement durable » est introduite par Bruntland et Khalid (1987). Cette notion s’appuie sur deux concepts (p. 54), le « besoin » et la limi- tation technologique pour y r´epondre : pour les tenants du d´eveloppement durable, il est n´ecessaire d’avoir une r´eflexion et une action globale sur la r´epartition inter-g´en´erationnelle et intra-g´en´erationnelle des ressources. Hatem (1990) souligne le flou originel de ce concept, qui poss`ede six d´efinitions diff´erentes au sein du rapport, renvoyant aussi bien `a la jus- tice des interactions entre Hommes qu’au bien ˆetre de la « vie » (sous ses formes animales et v´eg´etales en particulier).

D’autres auteurs pr´ef`erent utiliser les mots « soutenable » (Pouyanne, 2005) ou « viable » (Archaeomedes, 1998), pour caract´eriser les formes souhai- tables du d´eveloppement humain, termes qui traduiraient mieux l’aspect adaptatif du « sustainable development », c’est-`a-dire non pas ax´e vers un id´eal fig´e « durable », mais sur une r´eflexion sans cesse renouvel´ee des en- jeux et des moyens d’action. Ces trois termes renvoient `a des concepts qui se recouvrent largement, tout en restant peu sp´ecifiques.

Dans cette th`ese, je choisis d’utiliser le terme de « d´eveloppement soute- nable ». Plus que lexical, l’enjeu est ici de retenir un certain nombre d’at- tributs dans le contexte urbain, qui sont `a la fois probl´ematiques, et sur les- quels il semble possible d’agir concr`etement. L’usage des voitures dans les m´etropoles est `a ce titre un bon exemple d’enjeu pouvant amener plusieurs r´eponses (´economiques, l´egales, urbanistiques, technnologiques), et donc des choix de d´eveloppement. Une entr´ee `a diff´erents ´echelons g´eographiques sera privil´egi´ee, reconnaissant la complexit´e des interrelations entre des processus ´evoluant `a plusieurs niveaux.

Que faire pour rendre les villes plus soutenables ? Dans leur ouvrage « Sustaina- bility and Cities », Newman et Kenworthy (1999) ´evoquent le m´etabolisme urbain (figure 1.8) correspondant au cycle de consommation puis de rejet de mati`ere par les habitants. Cette vision de la ville renvoie au courant de l’´ecologie urbaine de l’Ecole de Chicago (Grafmeyer et Joseph, 2004), au sein duquel la ville est vue comme une « cr´eation de l’homme o`u l’homme se constitue en mˆeme temps que la civilisation » ; il s’agirait d’un « super-organisme » par lequel trois ordres se r´ev`elent, territorial, ´economique (avec la concurrence), et culturel (avec la communication) (Balandier, 1990).

Les politiques d’am´enagement entreprises permettent d’agir sur certains aspects de la « livability » (concept ici traduit par « qualit´e de vie »). La liste propos´ee figure 1.8 n’est ´evidemment pas exhaustive et est empreinte de la culture anglo-saxonne.

Ressources (inputs) Choix urbanistiques Qualit´e de Vie D´echets produits Territoire Eau Nourriture Energie Mat´eriau de construction Autres ressources Transport Economie Vie culturelle Sant´e Emploi Revenu Niveau d’´etudes Logement Loisirs Accessibilit´e

Qualit´e de l’espace public Qualit´e de la vie locale

D´echets solides D´echets liquides D´echets toxiques Egoˆuts

Pollution de l’air Gaz `a effet de serre Nuisances sonores D´eperdition de chaleur

Fig. 1.8 – Mod`ele de m´etabolisme des concentrations humains. Source : Newman et Kenworthy (1999)

1.2. QU’EST-CE QU’UNE M ´ETROPOLE SOUTENABLE ?

Les attributs de la « livability » ne seraient peut-ˆetre pas identiques dans d’autres cultures, des consid´erations d’´equit´e dans l’acc`es aux ressources, aux emplois, aux in- frastructures de transport pouvant y ˆetre ajout´ees. La notion d’empreinte ´ecologique (Wackernagel et Rees, 1999) vise par exemple `a quantifier la pression humaine glo- bale sur l’´ecosyst`eme, qui n’est pas prise en compte par l’approche urbaine de la figure 1.8.

Les relations entre formes urbaines et pratiques de mobilit´e quotidienne concernent plusieurs dimensions de la soutenabilit´e urbaine : environnementale, sociale et ´eco- nomique.

Questionnements urbains

Dans le contexte urbain, la question de l’ « ´equilibre entre les transports et l’environnement » (Bonnafous, 1999) est boulevers´ee par les ´evolutions r´ecentes de l’occupation du sol et des pratiques de mobilit´e quotidienne. Deux aspects polarisent particuli`erement l’attention, qui ont chacun des r´epercussions sociales, ´economiques et environnementales :

1. L’artificialisation du sol sur des superficies tr`es ´etendues

– Enjeux environnementaux : d´egradation de l’´ecosyst`eme, imperm´eabilisation des sols (Djellouli et al., 2010)

– Enjeux ´economiques : coˆut pour les collectivit´es d’entretenir les r´eseaux `a de si faibles densit´es (Gu´erois, 2003 ; Guelton et Navarre, 2010), maˆıtrise des coˆuts de d´eplacements (Orfeuil, 2008), qualit´e de la vie en ville.

– Enjeux sociaux : question du lien social (Orfeuil, 2008), territoires enclav´es sans acc`es `a l’emploi (Wenglenski, 2007), fragmentation institutionnelle (Ghorra- Gobin, 2005).

2. Le recours extensif `a l’automobile

– Enjeux environnementaux : ´emission de particules polluantes (enjeux lo- caux) et ´emission de gaz `a effet de serre (enjeux globaux).

– Enjeux ´economiques : d´ependance au p´etrole (Orfeuil, 2008), congestion automobile.

– Enjeux sociaux : d´ependance automobile (Dupuy, 1999), risques d’accidents, risques pour la sant´e (Orfeuil, 2008).

Les attributs de la soutenabilit´e environnementale, ´economique et sociale peuvent ˆetre vus sous plusieurs angles. Comme le r´esume Fischer (1976), mettant en exergue la complexit´e inh´erente aux villes, « la taille qui maximise les revenus individuels est diff´erente de la taille qui maximiserait la cr´eativit´e artistique, encore diff´erente de celle qui minimiserait la pollution, et ainsi de suite. Il serait vain de tenter d’agr´eger ces diff´erentes « bonnes » et « mauvaises » choses en un unique indicateur ».

Le sch´ema de la figure 1.9 ´evoque les interrelations complexes entre des processus et des acteurs op´erant `a diff´erents niveaux. Les individus, les villes et des entit´es

de niveau sup´erieur (par exemple des Etats ou des ensembles d’Etats) ont la pos- sibilit´e, `a leur niveau, d’observer le syst`eme urbain, et d’agir dessus pour l’orienter vers une situation jug´ee souhaitable. Dans ce sch´ema, l’´etat du syst`eme urbain, au cœur de l’hexagone, n’est pas fig´e, et ´evolue selon des processus propres (progr`es techniques, m´etropolisation). Pour reprendre les termes du sch´ema de la figure 1 (page 8), on distingue ici plusieurs types d’« am´enageurs urbains », qui peuvent in- fluer sur le syst`eme urbain par des actions pr´ecises, urbanistiques ou ´economiques par exemple. L’objectif principal de ce sch´ema est de faire ressortir la n´ecessit´e pour ces am´enageurs urbains, quels qu’ils soient, d’observer l’´etat du syst`eme urbain par une approche synth´etique, d´eveloppant diff´erentes familles d’indicateurs capables de mesurer l’´etendue d’un probl`eme suppos´e ou de suivre l’impact d’une politique donn´ee.

A titre d’exemple, des Etats peuvent, `a la suite d’un constat de consommation d’´energie excessive et de pollution globale (´emission de gaz `a effet de serre), d´ecider d’une politique de maˆıtrise de la mobilit´e automobile (par exemple en taxant le prix du carburant ou des ´emissions de CO2). Une telle politique peut avoir des effets

divers sur les mesures des syst`emes urbains, par diff´erents acteurs de la ville : – Les villes, constatant une demande en hausse sur les modes de transport col-

lectifs, sont conduites `a augmenter l’offre de transport. De fa¸con concomitante, la taxation de la mobilit´e automobile peut avoir des effets ind´esir´es, comme une aggravation du ph´enom`ene de d´ependance automobile pour les m´enages les moins ais´es (voir section 1.2.2). Les collectivit´es urbaines peuvent alors r´eagir en agissant sur la forme urbaine (en densifiant les zones proches des gares) ou sur l’offre de transport (en augmentant le maillage des dessertes). Enfin, des consid´erations de comp´etitivit´e ´economique peuvent conduire `a un investissement dans des infrastructures de transport collectif rapide.

– Les individus, constatant une baisse de leur mobilit´e, ou `a partir d’une prise de conscience individuelle d’enjeux environnementaux, peuvent choisir de re- localiser leur m´enage ou leur activit´e `a proximit´e d’infrastructures ferr´ees. Ils peuvent ´egalement choisir de modifier leur pratiques de d´eplacement.

Le sch´ema de la figure 1.10 illustre l’exemple qui vient d’ˆetre d´evelopp´e. La si- tuation est en r´ealit´e plus complexe : non seulement les individus peuvent s’adapter, `a titre individuel, `a la nouvelle offre du march´e, mais il peut apparaˆıtre n´ecessaire de prendre en compte des consid´erations collectives, rendant la mesure « acceptable » ; a titre d’exemple, Raux et Souche (2000) s’int´eressent en particulier aux ´equilibres entre efficacit´e ´economique escompt´ee, et trois sortes d’´equit´e : horizontale (couver- ture des coˆuts : principe du « pollueur-payeur »), verticale (prise en compte des effets sp´ecifiques de telles politiques sur les m´enages les plus d´efavoris´es) et territoriale (la taxation ne devant pas se faire au d´etriment d’un « droit `a la mobilit´e », partag´e par tous).

1.2. QU’EST-CE QU’UNE M ´ETROPOLE SOUTENABLE ?