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des pratiques de mobilit´ e quotidienne

2.3. COMMENT AM ´ ENAGER DES M ´ ETROPOLES SOUTENABLES ?

politiques de subvention des transports publics favorisent l’urbanisation `a proximit´e des gares, y compris ´eloign´ees du centre-ville.

Peut-on agir sur la forme urbaine pour peser sur les pratiques de mobilit´e quoti- dienne des individus ? La litt´erature ´economique insiste sur les facteurs individuels, pour expliquer les choix de d´eplacement, qu’il s’agisse de localisation (les m´enages avec des enfants en bas ˆage valoriseront la proximit´e de la nature, les c´elibataires les centres-villes, etc.), ou de choix de d´eplacements (les m´enages ais´es pr´ef`ereront la voiture, sauf si la desserte en transport en commun est excellente).

C’est aujourd’hui un des principaux enjeux de l’am´enagement urbain que d’agir sur ces potentiels de choix individuels pour orienter les mobilit´es et les formes d’ha- bitats produites vers des objectifs d´efinis collectivement (Crozet et al., 2001).

En plus d’actions r´eglementaires ou fiscales sur la forme de la ville, les gouverne- ments urbains peuvent investir dans les r´eseaux de transport, individuels et collectifs, afin d’obtenir des effets directs sur le fonctionnement du syst`eme de transport lui- mˆeme (par une nouvelle offre de capacit´e) ou des effets indirects sur l’usage du sol futur au sein de la ville : la r´ealisation des villes nouvelles dans la r´egion parisienne (SDRIF, 1965), desservies par des infrastructures ferr´ees radiales, visait `a orienter la croissance de la r´egion urbaine. Certaines politiques s’inspirent du « Transit Orien- ted Development » (Cervero et al., 2004) afin de contrˆoler l’´etalement urbain. Le d´eveloppement d’un r´eseau de bus `a haut niveau de service permet ainsi, selon des m´ecanismes fonciers d´etaill´es par Lefevre (2007), de renforcer la densit´e autour des stations (mˆeme si des tels m´ecanismes peuvent nuire `a la mixit´e sociale dans le cas o`u le march´e est le seul m´ecanisme op´erant sur l’utilisation de l’espace).

Actuellement, la construction de nouvelles autoroutes urbaines et inter-urbaines polarise les interrogations sur les diff´erentes dimensions du d´eveloppement soute- nable, apparaissant pour certains n´ecessaire au d´eveloppement ´economique de ter- ritoires enclav´es, et pour d’autres augmentant les nuisances environnementales, so- ciales et peut-ˆetre ´economiques qui sont associ´ees `a l’usage croissant de la voiture. Le retour des transports collectifs observ´e depuis plusieurs d´ecennies (Guyon, 2000) provient d’une multiplicit´e de facteurs, que l’am´enageur doit sans cesse ´evaluer.

Parmi les enjeux de d´eveloppement m´etropolitain, on peut ´evoquer la question du d´eveloppement des infrastructures de transport et des habitats collectifs : compte tenu d’une somme d’argent allou´ee au d´eveloppement des syst`emes d’habitat et de transport d’une r´egion donn´ee, est-il pr´ef´erable :

1. d’investir dans les transports locaux, afin de limiter le recours `a l’automobile pour les trajets les plus fr´equents inf´erieurs `a 5 kilom`etres, par exemple (ville compacte),

2. d’investir dans les transports r´egionaux afin de proposer une alternative cr´edible `a l’automobile sur des trajets plus longs, y compris en rocade (Transit Oriented Development, Cervero et al., 2004),

3. d’investir dans les logements centraux pour favoriser la mixit´e sociale et fonc- tionnelle et de fa¸con concomitante la proximit´e entre habitats et gares (urba- nisme ferroviaire), entre actifs et emplois (ville coh´erente, Korsu et Massot, 2004),

4. d’investir dans les infrastructures routi`eres afin d’am´eliorer la comp´etitivit´e ´economique de la m´etropole (de fait, la question du rˆole structurant des infra- structures de transport ne fait pas consensus [Brocard, 2009]).

De fait, les compromis et les ´equilibres `a rechercher entre ces politiques sont au cœur des arbitrages que doivent op´erer les « gouvernements m´etropolitains ».

2.3. COMMENT AM ´ENAGER DES M ´ETROPOLES SOUTENABLES ?

2.3.1

Des autorit´es m´etropolitaines en gestation en Europe

Le probl`eme ici pos´e vient de ce que les entit´es g´eographiques ´evoqu´ees au cha- pitre 1, agglom´erations, aires fonctionnelles, r´egions m´etropolitaines polycentriques, ne sont pas n´ecessairement en phase avec les r´ealit´es institutionnelles des territoires. Les jeux de gouvernance sont assez complexes, et correspondent `a une fragmentation des pouvoirs entre de multiples institutions, `a de multiples ´echelles, n’entretenant pas n´ecessairement de hi´erarchie, et ne poursuivant pas les mˆemes objectifs.

L’´etalement urbain observ´e depuis la r´evolution industrielle a conduit `a une r´eorganisation administrative dans la plupart des pays europ´eens, et ailleurs23. La

r´eforme du Grand Londres (London Government Act 1963), dont la structure ac- tuelle (Greater London Autorithy, ayant un maire ´elu depuis 2000 et des pr´erogatives importante en terme de gestion des transports publics, notamment) est l’h´eriti`ere, prend acte de l’´evolution du tissu urbain londonien. Dans la mˆeme p´eriode, l’Ile- de-France est (re)cr´e´ee en 1961, d’abord comme « District de la r´egion de Paris », pr´eparant l’adaptation de la r´egion urbaine en devenir `a l’automobile (Flonneau, 2003). Il convient toutefois de souligner que la r´eforme du d´ecoupage territorial qui intervient dans les ann´ees 1960 se caract´erise par la forte pr´edominance de l’Etat dans les structures alors mises en place. C’est dans cette p´eriode qu’est par exemple lanc´e l’am´enagement des villes nouvelles. Il faudra attendre les lois Raffarin de 2003 pour que la r´egion Ile-de-France devienne une r´egion de droit commun, d´efini par les lois de d´ecentralisation de 1982 !

La question de la gouvernance des villes est aujourd’hui primordiale, comme en t´emoigne le regain d’int´erˆet concernant l’´eventuelle concr´etisation intercommunale d’un « Grand Paris ». La loi Chev`enement de 1999 permet la cr´eation de « com- munaut´es d’agglom´eration », cadre visant `a simplifier la coop´eration intercommu- nale. Pr`es de 200 communaut´es d’agglom´eration se sont aujourd’hui constitu´ees en France24, parmi lesquelles un certain nombre de villes importantes (Grand Tou-

louse, Nice Cˆote d’Azur, Rennes M´etropole, Montpellier Agglom´eration, Rouen). La loi ant´erieure `a celle de 1999, toujours en vigueur, permettait la cr´eation de com- munaut´es urbaines, entit´es diff´erentes des communaut´es d’agglom´eration mais qui s’inscrivent dans la mˆeme logique : renforcer la coop´eration intercommunale. Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Nantes et Strasbourg sont concern´ees.

Les plus grandes villes fran¸caises sont ainsi dot´ees de structures de mutualisation des ressources et des investissements `a l’´echelle m´etropolitaine, `a l’exception de Paris, qui reste une structure communale `a part enti`ere. La plus grande communaut´e d’agglom´eration francilienne est la Plaine Commune (300 000 habitants environ).

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Ainsi, Antier (2005) observe depuis une dizaine d’ann´ees un mouvement de reconfiguration des autorit´es m´etropolitaines ; par exemple Toronto, Bangkok, Casablanca et Johannesburg se sont r´ecemment dot´ees d’une gouvernance `a l’´echelle de l’agglom´eration.

La Randstad (Heinemeyer, 1997), conurbation n´eerlandaise de 7 millions d’ha- bitants (OCDE, 2007), et la r´egion Rhin-Ruhr, r´egion allemande polycentrique de plus de 10 millions d’habitants (Knapp et al., 2005a), sont de plus en plus sou- vent confront´ees dans la litt´erature aux m´etropoles traditionnelles que sont Paris et Londres. Sur des espaces qui se comptent en milliers de kilom`etres carr´es, des femmes et des hommes se d´eplacent pour r´ealiser des activit´es, parcourant souvent plusieurs dizaines de kilom`etres quotidiennement. Dans ces r´egions plus polycentriques, une reconfiguration des structures de gouvernance est port´ee par un certain nombre d’organismes. A titre d’exemple, RegioRandstad (2006) est une organisation sans pouvoir politique militant pour une int´egration m´etropolitaine de la conurbation hollandaise, constitu´ee de la r´eunion de quatre agglom´erations majeures : Amster- dam, Rotterdam, Utrecht, La Haye (encadr´e 19).

La r´egion Rhin-Ruhr a une reconnaissance du gouvernement f´ed´eral allemand, depuis la cr´eation en 2000 des « Metropolregionen » (Knapp et Schmitt, 2003). N´eanmoins ce statut reste pour l’instant une posture sans r´eelle cons´equence, puisque cette nouvelle structure n’a pas de r´eel pouvoir politique.

La croissance d’espaces fonctionnels importants, et la reconfiguration de terri- toires historiquement disjoints en entit´es politiques `a l’´echelle de ces territoires sont tr`es lents, et incertains. Paasi (1986) ´evoque quatre ´etapes pour l’´emergence de r´egions sociales :

1. D´eveloppement d’un territoire (fronti`ere) 2. Formation d’un territoire symbolique (nom)

3. Emergence d’institutions (politiques, associatives, etc.)

4. Entretien, perp´etuation de la r´egion comme construction sociale

Dans un contexte de jeux de pouvoirs entre ´etats, r´egions et villes (Brenner, 1999), Knapp et Schmitt (2003) comparent les niveaux d’int´egration m´etropolitaine de quatre r´egions europ´eennes majeures : Paris, Londres, la r´egion Rhin-Ruhr et la Randstad. La r´eforme du Grand Londres (Greater London Act, 2000) va d’apr`es les auteurs dans le sens de l’int´egration m´etropolitaine, mais sur un p´erim`etre assez limit´e par rapport `a l’extension de la r´egion ´economique londonienne (« une gestion efficace mais ´eclat´ee » selon Roche, 2008) ; la Randstad et la r´egion Rhin-Ruhr n’ont pas de r´eelles institutions m´etropolitaines, et connaissent au contraire un pouvoir territorial fragment´e. Le cas de Paris est pour les auteurs le plus avanc´e, la r´egion Ile- de-France ´etant presque confondue avec la r´egion fonctionnelle, et dot´ee de pouvoirs d’am´enagement r´eels. Behar (2007) am`ene `a temp´erer ce jugement en observant que le pouvoir m´etropolitain `a Paris, ayant progress´e au cours de la seconde moiti´e du XXe si`ecle, est « entam´e par le haut et par le bas », par un retour de l’Etat dans l’am´enagement de la r´egion capitale, et par l’´emergence d’intercommunalit´es plus

2.3. COMMENT AM ´ENAGER DES M ´ETROPOLES SOUTENABLES ?