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Quête d’une qualité de vie, ou d’un sens à la vie ?

Dans le document Villageois sans agriculture ! (Page 156-160)

Derrière les projets plus ou moins utopistes qui fleurissent ici et là, se cache un défi en apparence insurmontable : « la culture urbaine qui respecte l’échelle humaine et la complexité des besoins urbains a été perdue, oubliée. Vous ne la trouverez pas dans les programmes des grandes écoles, et si vous êtes intéressés par le sujet, vous devez vous-même dépoussiérer les vieux textes...».

Plaidoyer pour un habitat à échelle humaine

Les Américains redécouvrent les bienfaits de la centralité et de la communauté villageoises. Acte en est pris. Et celui-ci ne peut laisser sans parole les héritiers de la civilisation bimillénaire partagée par citadins et villageois européens. Car ce n’est pas dans les textes pous- siéreux, mais encore sous leurs yeux, que se trouve la preuve d’une solution à ces problèmes. En effet, l’héritage médiéval ne lègue-t-il pas, de façon intacte en certains lieux non encore défigurés, un tissu de villages de quelques centaines d’habitants, entre lesquels s’étirent des bourgs de quelques milliers d’habitants qui, reliés aux villes « his- toriques » dessinent un réseau de sociabilité et de potentialité écono- mique qui ne demande qu’à être pris en considération ?

Faudra-t-il attendre que la France ait atteint le niveau américain de désorganisation sociale et de gaspillage environnemental, pour com- prendre que l’habitat hérité du passé conserve, à part entière, son potentiel de développement économique, social et culturel ? Attendre

aussi que d’anciens villages, tel celui de Lattes dans la banlieue mont- pelliéraine, aient complètement rasé leurs vestiges, pour en regretter les charmes anciens ? Les réponses ne font pas l’unanimité.

Récurrent depuis des lustres, le débat qui met en balance les villes et les campagnes pour en mesurer les atouts respectifs, (complémen- taires ou conflictuels), a encore de beaux jours devant lui. Pour les inconditionnels de la ville, celle-ci reste le terrain où se joue l’avenir des sociétés. Que la parole soit alors rendue à ceux qui connaissent les souffrances vécues ; interrogeons les médecins. S’ils sont nom- breux à souligner combien certains lieux peuvent affecter le sensibi- lité des adultes — ainsi en va-t-il de la maison de son enfance que l’on retrouve —, ils ne manquent pas de remarquer que les déséqui- libres environnementaux se répercutent gravement sur le développe- ment des enfants. Ainsi, des enfants en rupture totale avec la cam- pagne qui, en conséquence, ne connaissent ni animaux de ferme ni plantes de jardins, et encore moins faune ou flore naturelles, n’at- teignent pas l’équilibre mental de leurs congénères élevés en harmo- nie avec la nature. T. Hiss attire l’attention sur ces enfants des quar- tiers urbains défavorisés qui ne peuvent plus faire l’expérience de la nuit, du silence, tant brillent les feux et résonne le vacarme vingt- quatre heures sur vingt-quatre. Certes, il serait fallacieux de générali-

ser ce type d’arguments pour faire le procès des villes, et taire d’autres tares possibles chez les petits campagnards.

« In land we trust »

Les défenseurs des champsne reculent devant aucune occasion

de mettre en perspective de nouveaux usages des espaces et des paysages pour transformer les lieux les plus défigurés de la société contemporaine. Pour ces inconditionnels, la campagne est considé- rée comme le terrain de prédilection où peuvent s’exprimer les créa- tivités architecturales et paysagères, tout comme les projets culturels capables d’intensifier la valeur du patrimoine public. Et le caractère rural fait partie intégrante de cette valeur publique, s’empresse de pré-

. T. Hiss,op. cit., p..

. R.G. Healy, Landscape and Landowner. Issues of Land Tenure in Rural America, Englwood Cliffs, Prentice Hall, .

La quête américaine de la qualité de vie

ciser T. Hiss. « In land, we trust», tel est leur slogan porté en bandou-

lière ; de quoi inciter l’actuelle génération américaine à ne pas être celle qui vendra la ferme, et inciter les ruraux à voler au secours des citadins, afin de leur communiquer une part de ce « pouvoir de mys- tère » inhérent à l’homme comme au cosmos.

Ainsi, villes et campagnes continuent-elles à nourrir le débat. S’il est vrai qu’il n’y a pas de temps passé qui ne revienne, faudra-t-il demain, en Languedoc comme aux États-Unis, réinventer nos bourgs judicieusement disposés en plan circulaire, ses souvenir comment

les habitants en faisaient « le tour » au moindre prétexte, longeant les rues commerçantes et côtoyant les lieux publics, avant de gagner « la place », généralement mise sous la protection de l’église et de la mairie. Faudra-t-il, un jour, reconstruire nos petites villes, avec leurs boutiques et leurs échoppes, leurs écoles et leurs bâtiments administratifs, leurs services en tous genres... Et leurs distances par- courables à pieds ! Faudra-t-il, enfin, avoir besoin de redonner aux enfants la curiosité de la nature animale et végétale, le goût de l’har- monie céleste, le mystère du silence nocturne ? C’est d’Australie que viennent les initiatives les plus audacieuses de restructuration rurale et de contre-urbanisation.

S’il est vrai que le bon sens mène le monde, nos compatriotes s’em- presseront de préserver le trésor que leur ont légué leurs ancêtres ; et que la générosité commande de partager avec nos cousins d’Amé- rique qui ont mis à profit des siècles de progrès, pour découvrir qu’une fuite éperdue en avant conduit à bien des errements.

Et ils ne pourront s’empêcher de se demander où les aïeux avaient puisé tant de sagesse pour transmettre, de génération en génération, ce savant équilibre capable de donner à la vie tant de subtils parfums et saveurs !

Jérémiades d’une historienne, dira le lecteur pressé, surtout s’il ne sait plus que, trop vite chassé, le naturel revient au galop. Puisse-t-il un jour être encore en mesure de le retenir...

. Nous avons foi en la terre. J. Kunstler, op. cit., p. .

. Cf. Krzystof Pawlowski, Circulades languedociennes, naissance de l’urbanisme

de l’an mille, Montpellier, Presses du Languedoc, .

. Peter J. Smailes, « Demographic Response to rural restructuring and counte- rurbanisation in South-Australia », in International Journal of population Geography, vol. , no

La « Révolution rurale » : un concept

Dans le document Villageois sans agriculture ! (Page 156-160)