• Aucun résultat trouvé

La France sur les rails de la modernité (années 1960)

Dans le document Villageois sans agriculture ! (Page 82-94)

Le calendrier européen imposait d’accélérer la cadence du chan- gement. La nomination d’Edgar Pisani au ministère de l’Agriculture donna satisfaction, le  août , aux partisans de la nouvelle donne agricole. Son choix était fait : « je ne suis pas de ceux qui défendent la petite exploitation familiale parce que, dans cette expression, il y a un mot de trop, le mot “petite”». Cela a le mérite d’être clairement dit.

Il sera l’homme de la restructuration foncière au service d’une moder- nité économique porteuse d’une nouvelle société. Celle-ci poursuit le dessein d’établir une parité des revenus entre ceux de l’agriculture et ceux des autres activités économiquespar la réduction drastique

du nombre d’agriculteurs. Et non par la défense des prix agricoles sur les marchés, comme le demandaient les syndicats d’exploitants agri- coles.

La bataille des prix était perdue, celle des structures n’était pas gagnée pour autant.

La propriété désenchantée

La loi complémentaire, votée le  juillet , ne fit aucune

concession aux défenseurs de la petite exploitation familiale et des « bons prix » commerciaux. Elle trouva un relais décisif auprès des Jeunes agriculteurss (C.N.J.A.), désolidarisés en la matière de leurs

. Bernard Bruneteau, Les Paysans dans l’État : le gaullisme et le syndicalismr agri-

cole sous la Cinquième République, Paris, L’Harmattan, .

. Le Mouvement de défense de l’exploitation familiale regroupe de nombreux sont les sympathisants ou adhérents du Parti communiste.

. Edgar Pisani, Un Vieil homme et la terre, Paris, Le Seuil, . . Article erde la loi de .

. Publiée au Journal Officiel le  août . Il s’agit d’une loi-cadre apte à définir la politique agricole des années suivantes ; d’emblée, elle se présente comme plus opé- rationnelle et plus contraignante que celle de  davantage axée sur la définition des principes généraux.

aînés, et désireux d’accentuer le cap désigné par les experts depuis la décennie précédente : rendre les structures compétitives.

Priorité aux S.A.F.E.R.

Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, socié- tés anonymes semi-publiques à but non lucratif, sont définitivement dotées de pouvoirs leur permettant d’intervenir sur le marché fon- cier à chaque mise en vente foncière effectuée librement par des pro- priétaires. Le droit de préemption leur offre de pouvoir agir efficace- ment, en l’absence de preneur sur l’exploitation même ou de voisins soucieux d’agrandissement, de demandes issues des collectivités ter- ritoriales. Il s’agit d’accélérer, en faveur de « l’exploitation modèle », les opérations de remembrement qui traînent en longueur depuis le début du siècle. En quelques années, en résulterait une plus harmo- nieuse distribution des terres, assurait-on au ministère de l’Agricul- ture. Il fallait aussi faire régresser la superficie des terres incultes ; les S.A.F.E.R. y veilleraient. Nonobstant les attentes des « jeunes », nom- breux furent les propriétaires à s’opposer à la reconnaissance du droit de préemption de crainte qu’il ne se transforme en droit d’expro- priation, portant ainsi atteinte au droit de propriété. Les terres dont

les propriétaires ne se manifestaient pas pendant cinq ans seraient expropriées selon le Code rural.

Pisani pavoisait : « avec les dispositions concernant les terres incultes, les biens vacants, le droit de préemption des S.A.F.E.R., les cumuls, le Gouvernement veut en arriver à une véritable maîtrise du sol, sans laquelle il n’y a pas de civilisation moderne, car celle-ci ne peut pas se fonder sur une complète liberté de la spéculation fon- cière». Argumentaire habile : il occulte qu’entre la spéculation fon-

cière et la maîtrise étatique, il y a place pour la petite propriété fami- liale ; d’autant plus que celle-ci s’était enracinée en France depuis des générations ; mais sa défense ne s’inscrit pas dans la « civilisation moderne » !

Ladite défense qu’entretenaient d’une part le Vatican, depuis des lustres, d’autre part le M.O.D.E.F., depuis quelques années, n’a plus

. Le Monde,  mai  ;  juillet . . Ibidem, - juillet .

. Geneviève Gavignaud-Fontaine, Propriété et société rurale, les doctrine à

Le cas français

le soutien des républicains radicaux qui misent désormais sur l’exploi- tation productiviste. La jeune génération rurale, en partie venue de la Jeunesse agricole chrétienne, et organisée en centres national et départementaux des Jeunes agriculteurs, apporte aux décisions gou- vernementales un solide renfort ; elle légitime, sur le terrain, la nou- velle orientation agricole contestée par les aînés de la F.N.S.E.A.

Cette fois, les trains de décrets s’annonçaient rapides, et les mal- entendus nombreux ; les syndicats d’agriculteurs espéraient encore qu’ils vinssent combler les lacunes du texte de loi, notamment en matière de défense des prix agricoles — ce qui serait incompatible avec l’esprit du texte — ; les thuriféraires de la loi certifiaient que la parité des revenus avec les autres actifs de l’économie s’obtien- drait par l’agrandissement structurel, source de meilleure producti- vité. Plus réalistes, les Groupements agricoles d’exploitation en com- mun (G.A.E.C.) permettaient de fonder sur l’association des exploi- tations les espoirs d’une réussite que chacun savait exigeante en moyens.

Aucun doute n’est permis pour les observateurs les plus perspi- caces : « la loi Pisani peut constituer l’instrument d’une révolution juridique d’une importance véritablement historique» ; cela ne fut

d’ailleurs pas contesté par le ministre. Les préfets se mirent à l’œuvre

pour déterminer, après avis motivé de la Commission départemen- tale des structures et de la chambre d’Agriculture, les zones à sou- mettre aux S.A.F.E.R. Toute surestimation des terres mises en vente serait dénoncée devant le tribunal habilité à fixer le prix de la cession. L’exercice du droit de préemption respecterait les nouvelles décisions et le temps imparti à leur réalisation.

Des aides pour amortir les chocs

Quelques gages de bonne volonté furent donnés aux agriculteurs en quête d’installation : jusqu’à l’ouverture du Marché commun agri- cole, industriels et commerçants étaient sous l’interdiction de créer une exploitation agricole ; les « cumulards» seraient sanctionnés par

. François-Henri de Virieu, Le Monde,  juillet . . Edgar Pisani, Utopie foncière, Paris, Gallimard, .

. Les cas de Valéry Giscard d’Estaing (achat de six fermes en  dans le Loir-et- Cher), de Jean Gabin (élevage de chevaux de course et  dans l’Orne) ont été large- ment connus. Une enquête du Syndicat national des notaires de France fait conclure

une lourde amende... Si nul ne doutait de la possibilité pour ces der- niers de s’acquitter de l’amende, chacun savait aussi industriels et commerçants capables d’agir efficacement en orchestrant les Groupe- ments de Producteurs ; ceux-ci, vivement encouragés par la nouvelle loi, avaient mission d’adapter la production française et son condi- tionnement industriel aux nécessités européennes. L’Europe verte galvanisait autant d’espoirs qu’elle suscitait de violents rejets.

La « révolution silencieuse» était en marche ; les Jeunes agricul-

teurss lui emboîtent le pas, pressés de s’ériger en chefs d’exploitation, et convaincus de troquer la défense des prix contre celle des struc- tures. Le départ anticipé de leurs ascendants, et l’éviction de leurs frères ou sœurs, moyennant le paiement d’une soulte proportionnel- lement aux possibilités parentales, laisseraient, en quelques années à peine, « une France sans paysans». La « fin des paysans». à marche

forcée trouve une partie de son explication dans les longues listes d’al- locataires de l’Indemnité Viagère de Départ (I.V.D.) attribuée en com- plément de retraiteaux parents âgés de plus de soixante-cinq ans

qui transmettaient par anticipation l’exploitation à un seul de leurs héritiers. Le Fonds d’action sociale pour l’aménagement des struc- tures agricoles y pourvoirait. Il aiderait aussi les jeunes désireux de s’installer ; ceux-ci pourraient tirer avantage de la limitation faite au cumul d’exploitations, des encouragements prodigués aux G.A.E.C. et aux Groupements de producteurs pour sortir vainqueurs du conflit de générations qui les opposait à leurs pères. Aux élèves qui n’en- visageaient pas de rester au pays, le F.A.S.A.S.A. offrait des bourses d’études susceptibles de les préparer à un métier urbain.

La révolution est juridique, structurelle, démographique et sociale. Elle est orchestrée par la volonté économique de tirer de la France, qui totalise la moitié des terres cultivables européennes, la richesse agri-

à « l’absence d’accaparement des terres par les non professionnels de l’agriculture » ; cf. François-Henri de Virieu, Le Monde,  août .

. Michel Debatisse, La Révolution silencieuse : le combat des paysans, Paris, Calmann-Lévy, .

. M. Gervais, C. Servolin, J. Weil, Une France sans paysans, Paris, Le Seuil, . . Titre de l’ouvrage de Henri Mendras, La Fin des paysans, changement et innova-

tions dans les sociétés rurales françaises, nouvelle édition suivie d’une réflexion vingt ans après, Arles, Actes Sud, .

Le cas français

cole la plus forte. Au dix-huitième siècle, les physiocrates avaient eu le même objectif. L’« agriculture moderne» avait le vent en poupe pour

produire à bas prix de revient, et se montrer concurrentielle sur les marchés : le développement économique global dépendait de sa réus- site. Bâtis sur le modèle américain des Marketing Orders, les Comités économiques agricoles ont mission d’œuvrer en vue d’une unité de gestion et de vente de chaque produit.

La protection de la petite propriété a cédé sous l’assaut des pres- sions économiques ; bon nombre de propriétés-exploitations agri- coles fermeraient rapidement leurs portes, faute de pouvoir intro- duire les techniques de production de masse sur des parcelles de terre à échelle familiale. C’est la disparition annoncée de plus d’un mil- lion de propriétés-exploitations familiales, celles-là même qui entre- tiennent l’« exception française » désormais analysée en termes de « retard français ». D’aucuns y verraient un « assassinat».

La fin d’un monde

Sous la plume de certains observateurs acquis au changement, les « paysans » désignent, dans les années , les producteurs désespé- rés par l’état du marché, prompts à des manifestations violentes et incontrôlables; par opposition, les « agriculteurs », modernes, sou-

cieux d’adaptation au progrès, constituent l’exemple à suivre. En

clair, les premiers sont sommés de se transformer en hardis chefs d’entreprise ou de disparaître. Tel est le « destin des temps nou- veaux» réservé aux cultivateurs du sol français ; l’organisation écono-

mique de la profession se ferait par catégories de produits mis en mar- ché. L’agriculture n’est plus au service de la société, mais la société

se met à la botte du marché.

. Claude Servolin, L’Agriculture moderne, Paris, Seuil, .

. Jean-Clair Davesnes, L’Agriculture assassinée, mort de la civilisation rurale, Édit. de Chiré, .

. Nathalie Duclos, Les Violences paysannes sous la Cinquième République, Paris, Economica, .

. Cf. Isabel Boussard, Les Agriculteurs et la République, Paris, Economica, . . Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau -, Paris, Plon, , p.  et suiv.

. Cf. François-Henri de Virieu, Bilan de la Cinquième République : la fin d’une

Une restructuration foncière à pas de charge

En , la publication du mémorandum Mansholt fait trembler les campagnes : il désigne cinq millions d’agriculteurs en trop dans la Communauté économique européenne ; le Rapport Vedel lui fait suite... en mettant en perspective la diminution du tiers de la super- ficie agricole utilisée, et la fermeture de trois cent mille exploitations. Les bilans ne cesseraient de s’alourdir.

Douze millions et demi d’hectares sont restructurés via l’Indem- nité viagère de départ (I.V.D.); les S.A.F.E.R. s’imposent sur le quart

du marché foncier ; les prêts du Crédit agricole ne concernent que des exploitations détentrice d’une superficie minimum. La popula- tion active agricole perd plus de deux millions de ses membres entre  et , soit une perte de  % de son total en quatorze ans.

Du jamais vu jusqu’alors... Un million trois cent mille membres sup- plémentaires disparaîtraient des statistiques au cours des quatorze années suivantes... soit plus de trois millions d’hommes et de femmes en moins de trente ans !

Si l’on en croit les aveux du président de Gaulle, ce n’était pas sans émotion qu’il prenait acte du changement entrevu : « comment, étant qui je suis, ne serais-je pas ému et soucieux en voyant s’es- tomper cette société campagnarde, installée depuis toujours dans ses constantes occupations, et encadrée par ses traditions ; ce pays de villages immuables, des églises anciennes, des moissons ; cette contrée des légendes, chansons et danses ancestrales, des patois, cos- tumes et marchés locaux ; cette France millénaire que sa nature, son activité, son génie avait faîte essentiellement rurale. » La campagne

demeurerait-elle longtemps « la source de la vie, la mère de la popula- tion, le recours de la patrie» ?

Les propos de son Premier ministre Michel Debré ont été clairs : « les paysans doivent mettre fin à l’individualisme [sic] et à bien

. -. Rappelons qu’il s’agit de compléments de retraite alloués aux agricul- teurs léguant à une seul héritier l’ensemble de leur propriété-exploitation.

. Selon le recensement de , le nombre de chefs d’exploitation (hommes et femmes) s’élève à    ; il se réduit à    en . Le nombre d’aides fami- liaux passe, entre les mêmes dates, de    à    ; celui de salariés de    à  .

. Charles de Gaulle, op. cit., p.  et suiv. . Ibidem.

Le cas français

d’autres traditions qui ne conviennent plus à ce qu’ils attendent, et à ce que la nation attend de notre riche terre». Propos qui ont le mérite

d’endosser la responsabilité de l’action menée, à la différence d’Edgar Pisani qui ne craint pas d’affirmer, après avoir été « aux responsabili- tés » : « nous avons été les complices bien involontaires d’une stratégie européenne de conquête commerciale».

Pour les auteurs de la France rurale, il a été plus précocement évident que la mise en application du Marché commun agricole s’in- tègre pleinement dans la stratégie globale du gaullisme. La volonté

de puissance économique française confondait alors, comme par le passé, l’indépendance nationale et l’essor agricole. Le moyen en a bien été la mise au pas moderniste des campagnes françaises, sous le symbole du « paysan-modèle» acquis au « technocrate» : l’ac-

célération d’une Révolution agricole commencée aux siècles précé- dents, mais qui, à la différence du Royaume-Uni et autres États sep- tentrionaux, a rencontré sur son chemin de solides obstacles. Les choix faits au lendemain de la guerre ont fait sauter les derniers ver- rous de la défensive rurale ; la voie s’ouvrait largement à un « chan- gement », dont nul n’aurait pu préciser les résultats sociaux en fin de course, mais dont les partisans garantissaient l’harmonie finale. Une antienne régulièrement adaptée, depuis le dix-huitième siècle, aux nécessités du moment, mais rarement vérifiée par les faits.

Cascade d’exigences européennes

Sans tarder, la France, véritable « ferme de l’Europe » affiche un pal- marès agricole de première qualité au vu des exigences économiques, une production nette par actif qui sextuple entre  et , un excé- dent commercial de quarante milliards de francs (). Tandis que

. Le Monde, eraoût , texte de l’allocution radiodiffusée et télévisée pronon- cée par le Premier ministre.

. Edgar Pisani, Un Vieil homme et la terre, op. cit., p. . . Histoire de la France rurale, op. cit., p. .

. Michel Colomb, Henri Nallet (direct.), Le Syndicalisme agricole et la création

du paysan-modèle, Inra, Cordes, .

. M. Mazoyer, Le Technocrate et le paysan, Essai sur la politique française de

modernisation de l’agriculture de à nos jours, Paris, Éditions Ouvrières, .

. Cf. Geneviève Gavignaud-Fontaine, Propriété et société rurale en Europe,

les produits industriels accusent un déficit de quatre-vingt milliards, les espoirs les plus vifs se fondent sur les exportations agroalimen- taires qui placent la France au second rang mondial.

La remise en question des politiques agricoles mondiales débouche, dès , sur la nécessité de réformer la Politique agricole commune (P.A.C.) et, à partir de , d’intégrer les produits agricoles dans les accords du G.A.T.T. selon la volonté américaine. L’avenir des agricul- tures européennes devient, plus que jamais, incertain. Est-ce parce que les campagnes ont trop bien réussi dans la course aux rende- ments et à la productivité qu’un nouveau plan Mansholt opte, dans les années , pour une réduction minimale de  % de la produc- tion agricole ? Les agriculteurs sortis indemnes de la guerre commer- ciale deviennent-ils victimes de leurs performances en tous genres ? Le triomphe de l’agriculture productiviste semble porter en lui-même sa propre condamnation : les stocks s’accumulent, la part de popula- tion active s’effrite d’année en année. La Révolution agricole en assu- rant le succès de la grande exploitation performante, inséparable de la surenchère technique compétitive, accélère la concentration des terres et des activités entre les mains d’une poignée d’entrepreneurs ; elle libère les populations pour d’autres activités (y compris le chô- mage), et d’autres occupations de l’espace dont les plus spectacu- laires sont les concentrations urbaines.

Les villages de haute montagne (Alpes, Pyrénées) ont été désertés dès le dix-neuvième siècle ; ont suivi ceux des moyennes montagnes (Massifs central et armoricain) : de la Lozère à la Corrèze, de la Creuse à la Haute-Loire, la vie s’est retirée ; seuls congés et vacances y entre- tiennent l’illusion d’une reprise saisonnière. Depuis les années , sont concernés les villages de « arrière-pays » (« pays de l’intérieur » présente sans doute une connotation moins péjorative), situés à plus de cinquante kilomètres d’une ville de grande dimension ; à l’excep- tion des espaces dotés d’une rente de situation, beaucoup ont sombré dans le rouge du déficit démographique.

La chute du nombre d’exploitations agricoles devient vertigineuse : tous les quinze ans, le taux de population active agricole diminue de moitié ; des quatre millions d’agriculteurs recensés en , il en reste moins d’un million en . Les prévisions les plus efficaces s’accom- modent de   agriculteurs : les experts ont calculé qu’en ,

Le cas français

  agriculteurs sur   produisaient  % de la production agricole ;   réalisaient déjà plus des trois quarts de ladite pro- duction. La France paysanne avait vécu.

L’État a entériné les effets de l’exode : les services publics (écoles, postes, hôpitaux...) ont fermé progressivement leurs portes dans les communes en voie d’abandon ; les commerçants et artisans locaux ont généralement subi l’électrochoc de la concurrence urbaine de la grande industrie et des grandes surfaces commerciales. Au bout du compte, la désertification et la fricheont emporté des pans entiers

de la France rurale. Ainsi s’est retirée en France, rapidement et sans davantage crier « gare ! », la civilisation rurale, jusqu’alors constitutive de l’« exception française». Il est dans la logique de la Révolution agri-

cole que les villages se vident, que la friche gagne du terrain, que les paysans et leurs activités désertent les campagnes. Ce que n’avaient dit ni les physiocrates, ni les agronomes chargés de la promouvoir. Et que refusent d’entériner ceux qui ont la terre chevillée au cœur.

Questions d’avenir

Une forte ambiguïté pèse encore sur le destin rural de la France : les campagnes feraient-elles peau neuve pour répondre à un projt économique faisant du passé table rase ? Ou bien, selon les vœux des populations et souvent de leurs élus, sauraient-elles préserver en elles ce qui avait survécu à la mutation sans précédent qui les avait pré- cipitées dans la modernité ? Serait-ce seulement pour entretenir le souvenir d’un passé révolu, pour doter le présent des bienfaits de la mémoire et du patrimoine ?

Quoi qu’il en soit, la « fin des paysans » analysée par Henri Mendras dans les années ne signifie pas la fin des campagnes. Quelques

signaux avant-coureurs clignotaient dans les mois qui suivirent les manifestations estudiantines de  ; déçus de pas avoir trouver

. Emile Fottorino, La France en friche, Paris, Lieu commun, . P. Alphandéry, P. Bitoun, Y. Dupont, Les Champs du départ. Une France rurale sans paysans ? Paris,

Dans le document Villageois sans agriculture ! (Page 82-94)