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À LA PROPRICÉTÉ PRHVÉE INDJEVJEDUELLE

Dans le document Droit foncier étatique et stratégies locales (Page 139-142)

Pasteurs originaires du Sud, les "Erredir" étaient installés, avant la colonisation, sur des terres tribales des "Teleghmas" situées à 40 km de Constantine.

Malgré l'application du Senatus-consulte sur la tribu , l' inaliénabilité des terres Arch est maintenue. En 1873, la Loi Warnier introduit les procédures de constatation de propriété privée sur les terres archs, désormais qualifiées par cette loi, de "terres collectives". Cette constatation est suivie d'une procédure d'enquête générale à la suite de laquelle le commissaire enquêteur délivre un titre mentionnant la quote-part do chacun sur l'immeuble délimité, sans opérer de partage.

Ces procédures, qui s'avèrent très coûteuses, sont ensuite abandonnées au profit d'une généralisation des enquêtes partielles, en vue de la constitution régulière de la propriété individuelle, soumise à la loi française du 16 Juillet 1897. L'enquête s'ouvre, suite à une promesse de vente sur des terres archs , qui ne produisent leurs effets qu'après la délivrance du titre administratif qui clôture l' enquête.

La terre arch, traditionnellement inaliénable, subit, suite à ces procédures, une transformation de son statut juridique. Elle est alors francisée et soumise au Droit français dans ces modes d'appropriation, mais reste régie par le Droit musulman pour les transmissions successorales. La transformation de son statut, qui passe du arch au collectif puis au melk collectif va indirectement modifier le régime successoral.

Traditionnellement, la mise en valeur superposée à l'occupation et à une exploitation ininterrompue est créatrice de. droits sur la terre, des droits qui restent liés à la capacité effective d'assurer la mise en valeur, et une exploitation suivie. Ces deux conditions, ajoutées à l'exclusion des femmes des espaces publics, les excluent, de fait, de la possession des terres archs au même titre que les incapables ou les mineurs .

La transformation du caractère arch par la francisation est substantielle. Le mode d'appropriation n'étant plus lié au principe de "l'ihya" mais à un titre administratif. De ce fait, ce qui faisait l'intransmissibilité du arch aux femmes ou aulmineurs disparaît et, le titre administratif qui francise la terre en modifie les modalités de transmission et attribue, sans l'affirmer expressément et sans le vouloir, un droit aux exclus traditionnels (femmes, mineurs) de l'accès à la terre. Sans le vouloir, parce que l'objectif de cette modification du statut des terres devait en assurer la mobilité au profit des colons européens.

Les effets immédiats engendrés se sont traduits, par un émiettement des terres tribales, une dépossession de la paysannerie, une large paupérisation . Cette situation n'a pas permis l'installation d'une grosse propriété coloniale, du fait de l'extrême parcellisation et morcellement des terres, leur pauvreté, mais du fait également des résistances paysannes .

La première onde de choc passée, les dépossédés vont se ressaisir et enclencher ce que M. Lacheraf qualifie de lent et patient travail de grignotage de la paysannerie. Il se manifeste par ce que nous avons identifié, dans le.. paragraphe, sous la forme de réappropriations laborieuses sur les terres du Nord (melk). Il se manifeste, et de manière plus significative, sur ces terres archs par l'émergence d'une propriété individuelle sur une propriété tribale / francisée, fortement ébranlée par l'émiettement.

Ce processus va être double et, à côté d'un processus de constitution de propriété, vont progressivement être mises en place des stratégies de

préservation du patrimoine acquis. Il s'agit pour cela d'exclure ceux susceptibles de l'émietter à nouveau - les femmes, les filles, les épouses - et la recherche des moyens pour contourner le régime successoral.

De 1899 à 1926, profitant des conditions créées par les lois de 1873 et 1929, de la transformation du statut juridique de la terre entraînant sa mobilité, ajoutées à de mauvaises années successives pour les récoltes qui appauvrissent davantage la paysannerie, "Ali Ben Hadj Abderrahmane" reconvertit son capital cheptel en biens fonciers. Les limites apportées dans l' usage des terres de parcours par la politique de cantonnement et le

senatus-consulte constituent pour lui les raisons objectives d'une sédentarisation. Il acquiert, entre 1899 et 1926, par petites parcelles, une propriété de 270 hectares. Sa lente mais régulière stratégie se présente sous la forme d'une véritable toile d'araignée de remembrement . Après son décès, ses deux fils achèveront son oeuvre en rachetant les parts indivises restantes des parcelles déjà acquises par le père.

Les modalités d'acquisition sont significatives de l'émiettement de la propriété tribale. Elles portent par exemple pour prendre les cas extrêmes 1/5 de 28 ha ou 12 ares qu'il acquiert à trois reprises auprès de 3 indivisaires les 2/11 , ceci sans oublier les achats de droits successifs indivis, portant sur 2110/3798 .

Cet émiettement est entraîné par les procédures d'enquêtes générales et d' enquêtes partielles. Leurs résultats ont été, dans ce cas, à l'inverse de l'effet attendu par l'État français de la mobilité des terres archs, leur ouverture aux colons européens et la mise en place d'une propriété privée individuelle. Or l' extrême parcellisation et leur morcellement rendaient difficile leur appropriation, une difficulté juridique mais surtout économique. De ce fait, la circulation désormais assurée des terres archs reste limitée aux Algériens, soit par constitution de grande propriété, soit par rachats de petites parcelles.

Dans le cas précis de Erredir, cette constitution de propriété est effectuée dans 3 douars différents et, malgré tous les efforts de remembrement, elles restent morcelées .

L'étude des actes d'acquisitions est significative des effets de la francisation suite à l'application des Lois de 1873 et 1897. Toutes les parcelles en circulation sont soumises au Droit français, les actes sont passés devant notaire et publiés. Mais l'utilisation, par l'acquéreur "Erredir", du Droit français, dépasse largement les limites imposées par les lois citées en matière de mutation de propriété sur des parcelles francisées. Elle s'étend par la seule volonté de l'acquéreur, encore soumis au statut musulman, à l'exercice de la vente à réméré et de l'antichrèse prohibés par le Droit musulman et régis par le code civil français.

Une fois le patrimoine constitué, dans le cadre exclusif des lois coloniales et, grâce à leurs effets ; les fils , après le décès de leur père , mettent en place les stratégies de sa préservation, articulées essentiellement autour de l' exclusion des veuves et des filles par des mécanismes orientés contre l' application du régime successoral. Les femmes, jusque là écartées de la succession des terres archs , se retrouvent, grâce à la modification du statut des terres, placées au rang de successibles.

Les manoeuvres seront donc multiples pour les écarter, allant des techniques classiques de donations aux ventes fictives, à la première génération, au seul profit des 3 garçons. Les deux filles issues d'un premier mariage et installées avec leur mère au sein de la famille maternelle, sont écartées par leurs frères, de la succession, à la mort du père. Elle réclameront en vain leur part, par des médiations familiales puis par voie judiciaire.

Les procédures engagées depuis 1948 sont, du double effet des appels successifs, des difficultés d'exécution des jugements de partage et de l' attentisme engendré par l'application de la Révolution Agraire, restées sans résultat jusqu'à ce jour.

Ces considérations nous écartent de notre sujet et nous ramènent au rôle joué par la justice et aux raisons de son incapacité à solutionner les nombreux litiges fonciers, dont celui que nous venons de signaler demeure le moins compliqué.

D - L'ÉMERGENCE D'UNIE GROSSIE PROPRIMÉTÉ

Dans le document Droit foncier étatique et stratégies locales (Page 139-142)