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LIES RÈGLES DÉROGATOIRES COMME FONDEMENT ALI DROIT COLONIAL

A - DIE LA MOUVANCE À ILA PAlUESIE

Entre 1830 et 1844, ce sont les règles de la conquête qui prévalent. La colonisation n'a pas encore besoin de terres , elle a surtout besoin de stabilité.

Lorsque les besoins en terre se feront sentir, notamment pour la création de périmètres de colonisation, le législateur colonial est tenu d'innover. Il invente l' expropriation pour cause d'inculture et le principe du cantonnement . La fiction juridique de la propriété éminente des Beys faisant de l'État colonial le successeur du pouvoir Beylical, permet de prendre possession des terres nécessaires, dans le cadre de ce qui est communément admis comme étant la période de la colonisation officielle de domanialisation . C'est le temps de la conquête et des régimes dérogatoires au Droit de la métropole

Puis vient le temps de comprendre et d'intégrer avec l'idée du Royaume Arabe et l'application du senatus-consulte .

Un peu plus tard lorsqu'il faudra passer à une phase supérieure, celle de la colonisation privée, le législateur se heurte aux mécanismes traditionnels

d'entrave à la circulation exogène des droits sur la terre.

C'est le temps de la simplification et du changement , face à l'incertitude et à l'instabilité de la propriété (1). Afin de moderniser les rapports archaïques de l'homme à la terre la propriété algérienne doit s'entourer de toutes les sûretés qui entourent la propriété dans la mère patrie (2).

La conception autochtone du rapport traditionnel à la terre (modes d' exploitations , modes de prélèvements ) est abandonnée. Dans un souci de simplification de statuts difficiles à comprendre et à intégrer, le législateur s' attachera à créer deux catégories juridiques identifiables .

- Le melk , dépouillé des entraves traditionnelles à sa circulation est simplifié. Il sera assimilé à la propriété privée, telle qu'elle est définie par le code

napoléonien. - Le deuxième sera inventé, c'est le statut du arch sur lequel se greffe une fiction juridique, la tribu et la propriété tribale. Le glissement vers la propriété collective plus facile à démembrer en propriété privée est ainsi enclenché .

La tribu , cette invention coloniale (3) est devenue un instrument d' oppression dont il faut libérer les indigènes (4). Des doctrinaires tels que Dulout (5) découvrent que l'inaliénabilité des terres archs, invoquée par ses possesseurs et considérée comme un frein au développement de la colonisation, est une invention de ceux qui l'onT précédé. Ce débat sur l' inaliénabilité du arch ouvre la voie dés 1873 à la simplification de son statut.

Le melk assimilé à la propriété privée (dés 1851) gêne par sa structure et par le fonctionnement des règles de circulation des droits qui s'y rattachent. Hormis la circulation par voie successorale, les autres formes d'aliénation sont circonscrites au cercle plus ou moins élargi de la famille et du voisinage.

1 MENERVILLE ,P.577

2 Rapport du député d'Henri Didier à l'Assemblée Nationale en juillet 1850 - cité par MENERVILLE P.135

3 Se reporter à HENIA (A) - op cité

Voir lettre de l'Empereur cité par MENERVILLE - op cité

DULOUT (F) - Des droits et actions sur les terres archs ou sebgàa en Algérie - librairie des juris-classeurs , Paris-1929

La relecture d'une histoire locale , à partir d'archives jusque là inexploitées(), permet de déconstruire certaines idées sur le fonctionnement du

melk. Contrairement aux idées reçues qui consistaient à considérer que la mobilité des droits sur les terres melks par la vente est un effet des lois coloniales, il est possible d'affirmer que l'aliénation et la mobilité des droits sont antérieurs à la colonisation. Les droits sur la terre circulaient. mais les limites apportées à leur circulation hors des sphères traditionnelles en empêchaient la mobilité au profit de l'élément européen.

Dés lors, la tâche du législateur colonial va consister à mettre en place les conditions institutionnelles et juridiques d'émergence de la propriété privée et de l'exercice absolue des droits .« Chez les indigènes les liens de

famille sont encore assez puissants pour les solliciter à rester dans l'indivision, même au détriment de leurs intérêts. Nous pouvons par exemple et par l'appât d' un surcroît de laie►► Me, les engager à iespeelei teins l►abitudes séuulai►es; mais la sagesse politique tout au moins, nous interdit de leur faire violence. Quand chacun connaîtra la part qui lui appartient dans le patrimoine commun, il se rencontrera bientôt quelques individualités peu satisfaites du collectivisme, et il faudrait ne pas connaître l'homme pour douter qu'avant très peu de temps, dans chaque famille, il y aura quelqu'un qui demandera le partage, pour mieux assurer son indépendance et donner un plus grand aliment à son activité » (2).

Ce mouvement est entamé à partir de la loi warnier en 1873. Les règles qui entravent les mécanismes de sécurisation foncière et les conditions d' émergence de la propriété privée sont reformulées et redéfinies. La famille d' abord comme lieu de résistance, ensuite le hobous et la chéfa'â comme entrave à la circulation des droits sur la terre.

Progressivement, pendant qu'un Droit colonial s'élabore, des pans entiers

Se reporter à ce propos à la Thèse en préparation de F. Zohra Guechi qui prend comme référence les actes des cadis

du fonctionnement du rapport foncier lui échappe. Soit par omission du législateur ou tout simplement parce que le fait colonial était arrivé à un stade de maturité marqué autant par son reflux dans certaine région que par sa concentration sur les terres les plus riches. C'est le temps de la pause et du reflux.

Le législateur renonce à généraliser la procédure de francisation des terres . Il développe une logique de préservation des acquis et met en place des mesures d'assouplissement dans le but d'endiguer la paupérisation croissante de la paysannerie qui menace la stabilité du régime colonial . C'est cet esprit qui prévaut dés 1897 et se poursuit jusqu'en en 1926. Et, c'est également dans cet esprit que la généralisation du cadastre et de l' immatriculation seront abandonnées moins pour leur coût que pour leur inutilité (1).

Le débat entamé dés le début de la conquête et qui tournait autour d'une généralisation ou non du système foncier français était définitivement abandonné dés l'entre deux guerres. La volonté d'imposer le Droit français, par la procédure de francisation des terres, avait échoué aussi bien pour des raisons intrinsèquesau système mis en place que pour des raisons politiques. Le paysage foncier est marqué par la pluralité dont l'Algérie indépendante va hériter.

B - LE DROIT DIE LA

coNce[ÊTE

Dés 1830 , le processus de domanialisation est enclenché avec la récupération des biens Beylicaux , et des biens hobous publics . l'État français, héritier des principes de 1789 et de la séparation de l'église et de l'État, se retrouve en Algérie le gestionnaire des fondations pieuses . Le mouvement de constitution d'un domaine public, qui servira à fournir les européens en terres, entamé avec le "butin de guerre" de la conquête se poursuivra avec les

1 Se reporter pour cela au débat sur l'introduction du système Torrents aux archives départementales de Constantine

expropriations pour cause d'inculture , le cantonnement et le séquestre

Dans le but d'arriver à la mise en valeur. l'inculture était frappéed'un impôt spécial et soumise à l'expropriation, par l'ordonnance de 1844 , ignorant en cela le principe de l'assolement biennal et triennal en vigueur en Algérie . Les

terres situées à l'intérieur d'un périmètre de colonisation devaient obligatoirement faire l'objet d'une mise en valeur. Cette mesure est durcie avec l' ordonnance de 1846 (art.82 & 83) , l'imposition est supprimée au profit de la déclaration de vacance.

A l'intérieur des périmètres de colonisation , lors de la vérification des titres

«tout réclamant sera tenu de produire des titres remontant, avec une date certaine, à une époque antérieure à la date du 5 juillet 1830 et constatant le droit de propriété ... Les terres incultes , comprises dans le périmètre , dont la propriété n'aura pas été réclamée conformément à l'article 82 sera déclarée vacante».

Un fléchissement est néanmoins apporté à cette mesure qui , au regard de l' absence de titres précis sur la terre , aurait déclaré vacantes la majorité des terres . L'article 91 consacre un droit de culture sur la terre,«celui qui possède

dans le périmètre , une terre cultivée , est réputé légitime propriétaire , à l'égard du domaine»

Parallèlement à ces mesures coercitives, des procédures de vérification et de validation des biens mal acquis, dans le but de sécuriser les européens sont mises en place . De nombreuses acquisitions avaient été faites dans les premiers temps de la conquête «elles ont eu lieu au hasard , sur la foi suspecte

des vendeurs , en vertu de titres insuffisants»(1) . L'intention des rédacteurs de l'

ordonnance n'est pas de trancher la question de la propriété . Ils s'abstiennent de se prononcer sur le fond et consacrent un droit de culture sans titre . Ils valident des ventes sans vérification et sans expliquer ni la nature des droits détenus ni d'où ils découlent. Les objectifs du peuplement et de la mise en valeur débordent du moule philosophique du droit de propriété telle qu'il est

consacré par la constitution de 1789 ,«le travail est un titre , le meilleur peut être

à la possession du sol »(1).

Édictées , de manière conjoncturelle, ces deux ordonnances dont le but est de sécuriser les européens et de permettre la mise en valeur , trouvent rapidement leurs limites. « La terre n'offrait pas de garanties suffisantes aux

capitaux , concédée à titre provisoire ou acquise à des propriétaires , l' occupation était exposée aux contestations administratives ...avec une population civile élevée en France et habituée aux protections de la loi . ll n'y a que le Droit commun et la liberté qui puissent mener à bien l'oeuvre coloniale»

().

C - LA Led DE 8851