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B LE PHÉNOMÈNE DE L'ELLICirriF, VÉCU PAR LES OCCUPANTS

Dans le document Droit foncier étatique et stratégies locales (Page 167-171)

1) UNE DÉFINITION DE L'OCCUPATION ILLÉGALE

La dissociation du phénomène faite par A. Haflane est parfaitement appréhendée par les occupants qui définissent le bidonville par "hai kasdiri"

(quartier de tôle ) et l'habitat illégal 'bina faoudhaoui" ( constructions anarchiques).

Cette dernière définition relève davantage de l'opposition à ce qui a été planifié et construit par l'État qu'à une définition intrinsèque au phénomène en soi. A ce propos deux éléments méritent être soulignés:

- Les processus de production de cet habitat relève d'une certaine

planification.

- Le rapport aux normes techniques indique une volonté de conformité qui sera déterminante pour une intégration à la ville , en ce qu'elle implique comme commodités (téléphone, électricité tout à l'égout ).

2) UNE LÉGITIMITÉ DE L'OCCUPATION OPPOSÉE À LA LÉGALITÉ

«Ces constructions que l'on dit anarchiques ont toujours existé depuis que je suis venu au monde»('). Le phénomène de l'illicite se trouve ainsi marqué par deux facteurs , fondamentaux

- L'antériorité à l'État national, au Droit et à la planification.

- La légitimité du droit exercé , en infraction à toutes les normes juridiques officielles

L'antériorité du phénomène fait que le rapport à l'État et à son Droit n'est pas un rapport de confrontation. Située en dehors de l'espace temps de l'État national

,

cette a-historicité finrpar en supprimer les caractères de l'illégalité. Ce type d'occupation et de construction, en violation des règles en vigueur, ne signifie par pour les habitants une violation des lois de l'État qu'ils reconnaissent et qu'ils sollicitent par ailleurs. C'est pour eux une manière de concrétiser un droit à un logement décent. C'est l'invocation de la légitimité de ce droit qui l'emporte sur la légalité :

«J'ai participé à la lutte de libération nationale comme les autres et je suis toujours vivant dans un pays que l'on a arraché de nos mains aux colonisateurs. Est ce que je n'ai pas le même droit que ceux qui ont combattu

avec moi »(2).

C'est la légitimité révolutionnaire, sur laquelle l'État national fonde son pouvoir qui est ainsi invoqué et qui lui est disputé . L'interpellation porte ainsi indirectement sur le partage des richesses nationales. Elle s'adresse à ceux là mêmes qui sont aux commandes du pouvoir qui s'appuieeur cette légitimité révolutionnaire tout en profitant de leurs positions, occupations des meilleurs logements d'européens, attributions de logements neufs et plus tard attributions abusives de lots de terrains dont la presse s'était faite l'écho du temps du parti unique et qui exprimait ainsi les luttes des clans.

La politique des quotas à la toute puissante organisation des moudjahidines dont la qualité de certains étaient contestée, tendait à renforcer chez les occupants de ces sites dits illicites l'idée d'injustice et la justification de l'occupation.

La répartition des logements neufs entraînait une inégalité qui accentuait cette idée d'exclusion et leur donnait cette légitimité à gagner par leurs moyens propres leur droit à un logement .

L'attribution des logements neufs et des lots pour la construction, malgré les discours égalitaires sur la justice sociale restent tributaires des enjeux de pouvoir et de la recherche d'équilibre dans la société à travers ces différentes composantes. C'est ce qui peut expliquer, en partie, le rapport des exclus du partage à l'illégalité au Droit urbain et les difficultés des pouvoirs locaux à éradiquer le phénomène et à appliquer les sanctions prévues par la loi.

Ainsi entre 1966 et 1972 l'offre publique en logement a été de 40/°, elle a satisfait en priorité

- 1000/0 l'enseignement supérieur -900/0 l'éducation nationale

- 40°/0 l'administration et les sociétés nationales -2 à 3 0/0 de cas particuliers (3)

1 idem

2 idem

La référence à la légitimité et à un droit quasi-naturel , celui d'avoir un toit s'oppose à un champ légal balisé par le Droit positif. La légalité reste pour la plupart des enquêtés :«un concept difficilement compréhensible et dont la signification est réduite à la construction elle même »(1).

Cette appréhension de l'illégalité par les "contrevenants"( c'est ainsi qu'ils sont qualifiés par le code pénal) permettra de mieux comprendre le flou des contours de la notion d'illicite et d'illiceité qui sera abordée dans le chapitre suivant.

3) LES MODES D'IDENTIFICATION'

L'évolution dans les manières de dire l'espace illicite, par les occupants, apparaît comme un indicateur des mécanismes d'identification et du rapport à l'État. A cet effet les dénominations se modifient à partir des années 1970. " New-york ","Dallas" sont les appellations données aux sites par leurs occupants. Elles relèvent en même temps du rêve ( Dallas la saga d'une famille américaine fut très suivépar les téléspectateurs algériens sur la chaîne unique ) et de la dérision.

Ils sont le produit d'une interpellation profonde d'une politique , d'un choix de société ( l'idéologie socialiste battait son plein officiellement ) et d'une gestion locale défaillante.

Cette contestation va s'exprimer encore plus abruptement à partir de la fin des années 1980. A Mostaganem apparaît la cité "abni ou askout" ( construit et tais toi)(10), à Constantine c'est la cité "hou chahraîne" , en référence aux deux mois d'incarcération des contrevenants .

La gestion municipale par les élus du FIS, en 1990, se caractérise par une recrudescence des sites illicites ( base potentielle de l'électorat pour les élections législatives puis présidentielles) . C'est à cette période que correspond à Constantine , l'émergence de la cité "bessif'. L'appellation est à double sens " cité par la contrainte ou par l'épée". Née avec la complicité ,

passive ou active , des élus locaux à un moment où l'État entrait en phase de déliquescence ( due aux luttes à l'intérieur du pouvoir et qui vont se traduire par la démission du président Chadli, l'assassinat du président Boudiaf et l' arrêt du processus électoral). Ces appellations entrent dans le cadre de la confrontation entre un pouvoir local légitimé par les urnes et un pouvoir central sans aucune légitimité armé de la seule légalité des textes édictés. «Avec le multipartisme les insuffisances des communes - entité assistée, administrée par des personnages souvent dépourvus de légitimité sociale - se sont encore développées en faisant des communes des entités en conflit ouvert avec l'État

(C - DIE L'OCCULTATION DU FAIT À SA PRJESE EN

Dans le document Droit foncier étatique et stratégies locales (Page 167-171)