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DE LA LÉGISLATION AGRAIRE À UNE LÉGISLATION FONCIÈRE

De la gestion des biens vacants (1963 ) aux ordonnances portant révolution agraire et constitution de réserves foncières au profit des communes (1971-1974). la démarche est identique et s'inscrit dans une logique de patrimonialité et de maîtrise sur l'espace . Elle se traduit par une appropriation publique des terres et par la mise en place des moyens de contrôle de la circulation des droits sur les terres, ayant échappé à l'étatisation. (par la

généralisation de l'immatriculation (ordonnance portant organisation du notariat de 1970, institution du livre foncier et du cadastre général à partir de 1974 ).

Les biens (immeubles ruraux et urbains ), abandonnés par les européens en 1962 dans un climat de dissensions et de luttes pour le pouvoir, font dans un premier temps l'objet de mesures conservatoires dont l'enjeu est l'appropriation de la rente foncière et la préservation de domaines , dont on ne sait pas encore quoi en faire . Ils sont déclarés vacants et confiés en exploitation autogérées

MAROUF (N) - "'État de Droit et champ symbolique au Maghreb le cas de l'Algérie"- in

aux anciens travailleurs. Leur statut ne sera défi+ iitivement réglé qu'en 1966 par une ordonnance qui les déclare biens de l'État.

Une décennie plus tard, sous le mot d'ordre « la terre à celui qui la travaille », héritage doctrinal du mouvement national, l'ordonnance portant révolution agraire est enfin promulguée, non sans difficultés majeures ; Elle a pour objectif la modification des rapports sociaux dans les campagnes . Son impact, au regard de la S.A.0 comme nous le verrons dans la première partie est mineur presque insignifiant, il est surtout politique .

Rejetant tout à la fois le modéle colonial et libéral , incompatible avec les options socialistes et le modéle pré-colonial, considéré comme archaïque et féodal ( charte de la révolution agraire ) ; Elle s'accompagne de mesures de nationalisation des absentéistes et de limitation de la grosse propriété foncière. les terres récupérées sont versées à un fonds-national de la révolution agraire (F.N.R.A ) et redistribuées à des attributaires, choisis parmi les paysans pauvres et sans terres, sous forme de coopératives de production. Ces terres, sont déclarées inaliénables et protégées par la constitution de 1976, mais elles ne font l'objet ni d'étatisation ni de domanialisation. Cette omission posera par la suite de nombreux problèmes ( qui seront analysés dans la troisième partie ) , en matière d'indemnisation et beaucoup plus tard en matière de restitution notamment dans les cas nombreux où les terres du F.N.R.A passent aux réserves foncières communales ,et changent ainsi de voc

at

ion et de statut.

A la périphérie des villes, sous l'effet conjugué de l'exode rural, de l'industrialisation et du croît urbain, l'ordonnance portant constitution de réserves foncières au profit des communes est promulguée. Elle a pour objectif de permettre aurcommunes de se constituer un portefeuille foncier, de contrôler l'urbanisation et d'éviter la spéculation foncière sur les terres constructibles ou susceptibles de le devenir. Dépouillée de la dimension révolutionnaire qui accompagne l' application de la révolution agraire cette ordonnance est conçue comme un instrument technique de gestion du/développement urbain. Au delà de l'aspect volontairement technique du texte, il s'agissait en réalité pour l'État par collectivités locales interposées de maîtriser la répartition et la

consommation d'une denrée rare, les terres constructibles, tout en préservant les terres agricoles . Les assemblées locales communales issues du parti unique manquent de représentativité et d'autonomie. Cette dépendance au profit de l'appareil politique se double d'une centralisation administrative de contrôle par le wali des délibérations communales (1). De ce fait les assemblées communales se retrouvent selon leur importance et leur degré d'allégeance, les acteurs quelque fois actifs et souvent passifs des enjeux

politiques centrés autour de l'attribution des terrains. Ces enjeux sont mesurables à l'aune des scandales et des attributions de lots de terrain à construire annulées, rapportés par la presse nationale (2) et par les tentatives des différents gouvernements d'assurer la transparence des attributions passées et à venir comme moyen de désamorcer la crise sociale du logement. L'observation de visu, des empiétements sur les terres agricoles et des magnifiques demeures édifiées dans des poches urbaines ou sur des sites où la rente de situation n'est pas négligeable, par les gens du sérail politicoadministratif, rend pour le moins caduque la neutralité d'un Droit urbain soumis à rude épreuve par les uns et par les autres. Les effets de ces manipulations seront analysés dans la deuxième partie de ce travail, à travers une observation des processus d'émergence des constructions illicites.

Il apparaît, à travers le processus normatif depuis l'indépendance que la logique agraire, distributive de l'espace a été dominante

Entre 1980 et 1990 ( date de promulgation de la loi d'orientation foncière ) un double mouvement va s'engager, le secteur privé bénéficie de prêts au développement et le secteur public est soumis à différentes restructuration5en vue d'une meilleure rentabilisation. Une logique de rationalité économique émerge sur fond de crise économique ( avec la chute des prix du pétrole principal source de financement du pays ) .

BENCHEIKH EL HOCINE (F) - La décentralisation - Mémoire de magister, université de Constantine -1982

2 Quotidien "El Moudjahid" 10 août 1980

Les prémices d'une privatisation et d'une généralisation de la propriété privée commencent à apparaître. Elles sont entaméek, par la cession d'une partie des biens de l'État à usage d'habitation (1981 ) puis avec la cession en 1983 des terres sahariennes intégrées au FNRA, pourtant protégées par la constitution, encore en vigueur, de 1976 . Ce sont les premières brèches ouvertes dans l' édifice du secteur public par un processus de privatisation qui ne sera entamé officiellement qu'avec la loi d'orientation foncière de 1990. Cette loi a pour effet de dénationaliser ( en abrogeant l'ordonnance de la révolution agraire et celle des réserves foncières) et de restituer les terres privées.

Le débat sur la vente des terres coloniales et domaniales (issues du domaine français dans le cadre de la succession d'État) sera occulté, pour des raisons stratégiques, jusqu'en 1995 date à laquelle le projet de leur cession à titre privatif sera annoncé officiellement par le ministre de l'agriculture.

Marginalisée puis réhabilitée pour enfin la voir intégrée à un processus de généralisation, la propriété privée pose aujourd'hui problème au niveau de sa conceptualisation et au niveau de sa gestion.

Les terres qui ne sont pas téuchées par le processus de l'étatisation et des nationalisations sont classées par la constitution de 1976 dans la propriété privée non exploiteuse ,cette définition lui donnera une consistance politique et indiquera la place qui lui est assignée dans la politique de développement du pays .

L'ordonnance de 1975 portant code civil en fixe les contours juridiques à travers les prérogatives du propriétaire « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements « (Art.674 ). Marquée par l'empreinte du code napoléonien la terre est considérée par le législateur Algérien comme un bien, au même titre que tous les autres biens immobiliers, sur lequel s'exercent des droits garantis par la loi . Néanmoins sa particularité, du fait de enjeux fonciers qui se manifestent dans une redistribution des terres par l'État, se traduit par les entraves apportées par le même législateur à l'exercice de ces droits, par, l'art 692 qui lie le droit d'usage et de jouissance à l'exploitation directe «la terre

appartient à ceux qui la travaillent». Ces dispositions sont renforcées par les

ordonnances de 71 et 74 en matière de limitation de surface en fonction des capacités de travail(pour les terres agricoles) et de besoins familiaux(pour les terres constructibles).Dans les deux cas les notions de justice sociale et d'utilité sociale limitent les droits d'usage et de jouissance.

La logique distributive de l'espace, s'accompagne de mécanismes d'entrave à la mobilité foncière, pour éviter la spéculation sur les terres constructibles et la reconstitution de la grosse propriété privée sur les terres agricoleJes droits de disposer du propriétaire sont limités ou suspendus selon la vocation des terres. Dans ce sens la circulation des droits sur la terre sera encadrée en amont et en aval par le contrôle des mutations foncières et par la généralisation de l' immatriculation , faisant du notaire et du conservateur foncier les deux acteurs du contrôle des mouvements fonciers.

La loi d'orientation foncière de :1990 entame la réhabilitation de la propriété privée telle que défini par le code civil en opérant l'amalgame entre le melk ( conception autochtone ) et la propriété privée (conception civiliste ) le législateur privilégie la seconde . Selon l'art.27 : « La propriété privée est le droit de jouir et

de disposer d'un fonds foncier et/ou de droits réels immobiliers pour un usage conforme à la nature ou à la destination des biens.»

Ainsi, sur la base de l'art. 30 de cette loi « Tout détenteur ou occupant d'un

bien foncier doit disposer d'un titre légal justifiant cette détention ou cette occupation». Cette conception s'applique aux terres francisées et exclut du

champ de la définition, toutes les autres catégories juridiques existantes . Les terres archs, intégrées au fonds national de la révolution agraire en 1971 ne seront pas restituées , car ne disposant pas d'un titre, la loi de 1990 les classe dans le patrimoine foncier de l'État. La loi modifiant et complétant la loi d'orientation foncière (1) en refusera la restitution aux possesseurs initiaux. Dans ce sens le législateur Algérien ira plus loin que les rédacteurs du

senatus-consulte de 1863 et la loi Warnier de 1873 qui les avaitirconsidérécb

avitat

-comme des terres collectives mais en /len laissé une partie en jouissance aux occupants.

Depuis 1973 (1) et, consécutivement à l'application de la révolution agraire a été entamée une politique de constatation de la propriété et de cadastre général , mais il faut préciser que cette politique avec celle de la généralisation de l'immatriculation n'est pas encore achevée et connaît de sérieuses difficultés si l'on en juge par les résultats de l'enquête sur les communes déjà cadastrées dont les résultats seront analysés dans le titre I de ce travail . Ces difficultés rencontrées dans la généralisation du cadastre sont encore amplifiées par les restitutions des terres nationalisées, leur intégration en 1971 au fonds national de la révolution agraire en avait modifié le statut. Durant la période de leur intégration, elles étaient considérées comme des biens de la nation et donc inaliénables. Leur restitution s'effectue aujourd'hui selon les statuts antérieurs à leur nationalisation, comme si la révolution agraire avait servi à mettre en veilleuse les statuts traditionnels, avec une difficulté non négligeable, l'omission de ces statuts par le législateur.

La définition des droits sur la terre, voulue restrictive, avec les aménagements signalés précédemment, contribue à exclure une partie des possesseurs des terres Archs du processus de dénationalisation. Ces terres maintenues dans le domaine public sont en voie de cession, dans la cadre des privatisations. Elles sont au centre d'une contestation qui va obliger le législateur à affiner et à recentrer la définition et la consistance des terres publiques. Il est tenu de dire avec précision :Qui a des droits sur quoi , et à préciser les termes et les modalités d'une réforme foncière que les politiques agraires post-indépendance avaient évacué , au profit de la domanialisation et de la redistribution.

Ces procédures de dénationalisation, entamées suite à la loi d' orientation foncière de 1990 par une restitution des terres nationalisées et de privatisation devant entraîner la vente des terres publiques, s'inscrivent dans

le cadre global des réformes économiques des politiques d'ajustement structurel et des recommandations de la banque mondiale (2).

Elles sont appliquées sur un fond de crise économique et de crise politique de contestation de l'autorité de l'État, par un changement de logique qui passe d' une logique distributive à celle de la rationalité économique; avec la mise en place des mécanismes de l'économie de marché. La terre agricole a désormais une nouvelle fonction sociale et économique et sa non exploitation entraîne des sanctions pour abus de Droit qui vont jusqu'à la vente) par l'États des terres non exploitées à des tiers (3) .

l'État se désengage progressivement au profit de l'initiative privée dans ce qui apparaît à l'évidence depuis 1990 comme l'amorce d'une politique foncière

« l'insertion de notre agriculture dans l'économie de marché exigera des réformes multiples y compris en ce qui concerne le régime foncier.. » (Déclaration du président L.Zeroual)(4) .

Cette réforme implique une reformulation des titres traditionnels sur la terre, que les politiques agraires n'ont pas pu réaliser , et la mise en place d'un encadrement des initiatives privées désormais libérées.

Dans ce nouveau contexte , nous assistons à l'évidence à une transition difficile dans laquelle des textes répressifs et surtout inadaptés à la nouvelle logique qui est mise en place bloquent les initiatives privées. C'est dans cet esprit que l'appel par un ministre du gouvernement, à une violation des lois devenues un frein à l'application 'des réformes peut être comprise et que nous tenterons d'expliquer comment se manifeste cette situation d'anomie, en matière de gestion des terres constructibles , dans le titre II.

Décret 73-32 du 5/1/1973

2 Accords Algérie FMI - juin 1991

3 Art.58 de la loi d'orientation foncière 90/25 Quotidien "El Watan" du 30/11/1995

Quel Droit pour quelle société, semble être la question de l'heure sur laquelle butte le CNT (1), qui explique que la promulgation des textes sur la privatisation des terres publiques soit retardée, autant du fait des résistances à l' intérieur de la sphère productrice du Droit que de la résistance des acteurs sociaux en cause, les travailleurs de la terre et les possesseurs des terres Arch.s notamment.

Quel Droit pour quelle société ? est une question qui nous interpelle aujourd'hui plus qu'hier dans un contexte particulièrement tendu où le président

nouvellement élu est à la recherche d'une base consensuelle dans le cadre E

rot

d'un de Droit.

Conseil national de transition mis en place après l'annulation des élections législatives de 1992. Il est composé des représentants de partis politiques et d'associations , chargé de pallier à l'absence d'une assemblée nationale élue