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Les propriétés du milieu pansonore

5.2.1 Les trois propriétés du milieu pansonore

Wyschnegradsky a¢ rme que “le milieu pansonore possède trois propriétés : continuité, ré- gularité, in…nité”, qui sont des propriétés topologiques de l’espace musical. La continuité est l’expression même du pansonore : il n’y a pas un seul point où il n’y ait pas de sonorité. La régularité est la disposition régulière des sons et des continuums, et cette uniformité n’est pas la conséquence de la continuité, mais bien une propriété autonome. En…n, l’in…nité exprime le fait que la pansonorité s’étend au-delà des limites de la perception humaine.

Ces propriétés peuvent être mises en correspondance avec les propriétés usuelles du son. Car pour Wyschnegradsky, le son musical n’a que trois dimensions, qui sont la hauteur, la durée et la dynamique. Le timbre est une propriété et non une dimension car un changement de timbre ne peut s’exprimer par un nombre. Cette correspondance fonde, nous le verrons plus tard, l’opposition du principe pansonore et du principe naturel.

Etant dérivé du milieu pansonore, l’espace compositionnel hérite des propriétés de ce milieu. Dans le système musical choisi par le compositeur, les sons se rapprochent le plus possible les uns des autres, de manière à ne pas altérer le tissu continu de l’espace musical. La continuité du milieu pansonore pose donc le problème de l’ultrachromatisme et des divisions plus petites que le demi-ton. L’espace musical respecte aussi la régularité dans la mesure où les sons se répartissent régulièrement dans le volume choisi. La répartition des fréquences sera donc une division du tempérament égal : un univers micro-tempéré. En…n à la troisième propriété, l’espace musical occupe le plus grand volume possible, de manière à se rapprocher de l’in…nité. Les sons occupent toute l’aire audible, et même plus dans la mesure où les cycles des espaces wyschnegradskiens se referment sur eux-mêmes en liant l’extrême grave à l’extrême aigu dans la zone de fréquences inaudibles. L’incommensurabilité des fréquences du tempérament égal et leur irrationalité est une expression du caractère in…ni. Dans le système tempéré, les fréquences des notes sont en e¤et les puissances des racines douzièmes de 2, expression irrationnelle. Cette incommensurabilité caractérise le système tempéré et ses dérivés (les univers micro-tempérés). Dans le système naturel, les fréquences s’expriment par des rapports rationnels simples.

5.2.2 La densité du milieu pansonore

Pour quanti…er la continuité et l’uniformité du milieu pansonore, Wyschnegradsky intro- duit la notion de densité, qui permet d’exprimer une approximation de l’ordre et de la limite pansonore. La dé…nition la plus usuelle de la densité du milieu pansonore est celle qu’il donne dans l’Etude sur les espaces non octaviants et qui dérive de la densité du milieu sonore :

“La densité d’un milieu sonore est le nombre de sons contenus dans une octave exprimé en intervalles élémentaires. Le système tempéré a pour densité 12 (i.e. formé de douze demi-tons), le système des tiers de ton a pour densité 36 (i.e. formé de 36 tiers de ton) et le système des quarts de ton est de densité 24. Les milieux sonores de densité inférieure à douze sont dits infrachromatiques et les milieux de densité supérieure à douze sont dits ultrachromatiques”.

Ainsi, les univers extrachromatiques se partagent en deux catégories. Mais la densité de mi- lieu pansonore n’a pas seulement un aspect quantitatif, elle revêt également un aspect qualitatif qui la relie directement à l’appréhension psychologique de la tension musicale.

“Nous employons le terme de densité du milieu pansonore comme synonyme de tension de la conscience pansonore, et les di¤ érents degrés, l’augmentation ou la diminution de la densité du milieu signi…e l’augmentation ou la diminution de cette tension. C’est ainsi que l’atonalité complète se manifeste naturellement quand cette tension augmente jusqu’à contrebalancer le poids de tout le système sonore, la tonalité parfaite se manifeste quand cette tension tombe jusqu’au zéro.” [LP, 1936, p. 403].

Cette loi générale sera mise à pro…t par Wyschnegradsky pour développer sa théorie des continuums.

5.2.3 Le cosmos pansonore

Wyschnegradsky démontre que selon les principes du milieu pansonore, le système musical actuel est insu¢ sant. En e¤et, les trois critères retenus à savoir : 1) les sons musicaux doivent être disposés de la manière la plus étroite, 2) ils doivent être disposés régulièrement, 3) le système musical doit avoir le maximum d’étendue. ne sont pas véri…és. Pour satisfaire ces critères, il faut introduire les micro-intervalles. La régularité du milieu permet d’écarter les systèmes d’intonation juste qui seront développés par les Américains, et de se limiter aux univers microtempérés. Car le tempérament est un des aspects du cosmos pansonore. Mais

la mise en œuvre de l’ultrachromatisme pose alors deux types de problèmes. Le premier est que le choix des systèmes microtempérés est limité par le pouvoir de séparation de l’oreille humaine qui ne peut distinguer deux sons trop proches l’un de l’autre. Et le second est lié aux instruments qui ne sont pas tous capables de jouer des micro-intervalles. Le premier est lié la dé…nition des systèmes sonores et le second est un problème d’évolution de la lutherie. Si, à ces deux problèmes nous ajoutons, le problème de la conscience musicale, que nous avons étudié dans le paragraphe précédent, nous constatons qu’ils forment un nouveau trièdre, un nouveau référentiel qui permet de distinguer la mentalité sonore de la mentalité pansonore.

“Ces trois éléments musicaux que nous venons d’analyser en détail : conscience, système sonore et instrument, et qui représentent en musique ce qu’on pourrait appeler les éléments spirituels, intellectuel et corporel forment un ensemble homogène que nous allons appeler cosmos musical. Ainsi nous allons distinguer le cosmos pansonore qui inclut la conscience pansonore, atonale, le système également tempéré de douze demi-tons et les instruments à clavier, du cosmos purement sonore qui inclut la conscience classique, tonale, le système naturel, non- tempéré et les instruments mélodiques - en premier lieu les instruments à intonation naturelle”. Pour déployer l’espace musical pansonore, Wyschnegradsky …xe le volume du continuum total du la 1 au la6centré sur mi b. Il étend ainsi l’espace musical sur sept octaves. Il distingue

les systèmes de division binaire utilisé par Julian Carrillo et les systèmes de division ternaire employés par Aloïs Hába, et favorise le système des douzièmes de ton car, dit-il : “Le système de douzièmes de ton possède en outre un avantage qu’il est la synthèse des systèmes de quarts et de sixièmes de ton et par cela même, présente un couronnement logique de plusieurs pas successifs dans la direction de l’ultrachromatisme, en réalisant ainsi une certaine continuité dans l’évolution même (le système des demi-tons engendre d’un côté celui des quarts de ton, d’un autre côté, celui des sixièmes de ton. Les deux fondus ensemble, donnent naissance au système des douzièmes de ton”.