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Espaces non-octaviants de régime 11

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 171-180)

Les espaces non-octaviants de régime 11 sont construits sur l’intervalle de septième majeure. Dans les structures binaires, l’octave contractée (c’est-à-dire la septième) est divisée en deux intervalles formant une période de deux intervalles de onze quarts de ton qui engendrent le cycle parfait. Ce cycle compte onze positions di¤érentes.

Exemple 28 - Cycle parfait binaire. Position 1. Regime 11

Exemple 29 - Positions du cycle parfait. Régime 11

En divisant irrégulièrement cette septième, on obtient deux périodes : l’une de structure 12-10, l’autre de structure inverse 10-12. Ces deux périodes engendrent le cycle imparfait. Ce cycle comporte 22 positions : 11 écrites sur le système chromatique usuel (type a), les 11 autres écrites à un quart de ton de distance (type b).

Exemple 30 - Cycle imparfait binaire. Positions 1a et 1b. Régime 11.

Cet espace est appelé espace non-octaviant de structure binaire à période contractée de régime 11. Il a été utilisé par Wyschnegradsky dans des oeuvres comme la symphonie pour quatre pianos Ainsi parlait Zarathoustra opus 17

Exemple 31 - Ainsi parlait Zarathoustra, opus 17

ou de façon plus systématique dans le Prélude et fugue opus 21. Le début d’Arc-en-ciel opus 37 est aussi écrit dans cet espace.

Les structures ternaires emploient les sixièmes de ton. La septième, formée de 33 sixièmes de ton, est divisée dans le cycle parfait en trois parties égales de structure (11-11-11). Le cycle parfait se compose de onze positions

Exemple 32 -Période du cycle parfait ternaire. Position 1. Regime 11

Le cycle imparfait se compose de trois types de périodes : le type A de structure 12-10-11, le type B de structure 12-11-10 et le type C de structure 12-9-12.

Exemple 33 - Période des cycles imparfaits de regime 11

L’espace obtenu est l’espace périodique de structure ternaire à période contractée de régime 11. Il a été utilisé par Wyschnegradsky dans Arc-en-ciel, opus 37.

Structures quaternaires. L’Etude sur le carré magique opus 40 est un espace quaternaire de régime 11. La densité du milieu est douze, c’est-à-dire que la pièce est écrite dans le système traditionnel des demi-tons. Elle constitue toutefois une application importante des espaces non- octaviants. Toute l’oeuvre est écrite sur un même accord, comme le Prométhée ou la Septième sonate de Scriabine (Lettre à Bruce Mather du 1er mars 1974). Plus précisément, elle est écrite sur un carré magique, comme celui que nous a laissé la Rome antique (Sator / Arepo / Tenet / Opera / Rotas) dont les mots disposés en carré peuvent se lire aussi bien de haut en bas que de droite à gauche, mais ici les mots sont remplacés par six mesures de structure cyclique qui sont permutées et superposées à elles-mêmes. Les mesures, qui peuvent être lues aussi bien de haut en bas que de droite à gauche, forment toujours la même séquence mélodique.

Exemple 34 - Etude sur le carré magique

La septième majeure est décomposée en quatre intervalles, trois tierces mineures suivies d’une seconde, (mi bémol, fa dièse, la , do, ré) qui forment une structure de (3-3-3-2) demi-tons. La répartition géométrique des sons dans cette structure évoque les modes à transpositions limitées d’Olivier Messiaen. L’œuvre elle-même s’apparente à l’écriture de Messiaen. Le cycle imparfait issu de cette structure engendre les éléments du carré magique. Du point de vue formel, l’étude est construite comme une série d’intégrations et de désintégrations. Quelques éléments du carré sont d’abord exposés dans un “désordre apparent ” (mes. 1 à 35), puis ce sont trois voix du carré magique incomplet (mes. 36 et suivantes) qui se désintègrent progressivement. Le carré complet à six voix apparaît à partir de la mesure 84 dans une polyphonie rigoureuse où les voix s’introduisent successivement les unes après les autres à partir de la huitième position. De nouveau, le carré se désintègre sur un fa terminal. La conclusion reprend des éléments du carré désintégré (mes. 94 à 125). Les changements de position sont indiqués dans le tableau suivant.

Position Mesures 1 9, 16, 19, 23, 51, 61, 71, 120, 122 2 17, 57, 70 3 57, 58, 67, 100 4 5, 16, 19, 66, 97 5 3, 14, 22, 48, 6 2, 7, 13, 37, 63, 73, 94 7 2, 13, 20, 25, 37, 76, 108, 121 8 12, 17, 38, 53, 73, 75, 84, 119, 120, 124 9 1, 11, 20, 24, 63, 73, 74 10 10, 74, 105, 112, 115, 122 11 5, 6, 19, 55, 61, 72, 112, 115, 121, 122

Dans les structures quaternaires de régime 11, la septième est partagée en quatre intervalles. Pour donner des intervalles égaux, ce partage devrait opérer dans l’espace des huitièmes de ton. Comme Wyschnegradsky le situe dans l’espace des douzièmes de ton, il est impossible d’obtenir un cycle parfait et on doit se contenter d’une approximation de structure 17-16-17-16 douzièmes de ton.

En ce qui concerne les cycles imparfaits, Wyschnegradsky distingue quatre types de cellules imparfaites. Une façon simple d’étudier les structures quaternaires est de les considérer comme des entrecroisements de structures binaires. Le type A est composé de cellules de période de structure 6-5-6-5 quarts de ton (mi bémol, fa dièse, la demi-bémol, la demi-dièse, ré). Il entre- croise une position parfaite de onze quarts de ton en position 1 avec une position 7. Sa structure permutée est formée de 5-6-5-6 quarts de ton. Le type B, composé de cellules de structure 5- 5-5-7 quarts de ton (mi bémol, fa demi-dièse, la, si demi-dièse, ré), entrecroise les positions 1a et 6b de la structure binaire de 10-12 quarts de ton. Sa forme permutée (5-5-7-5) entrecroise les positions 1a et 7b de la structure binaire adjacente. Le type C est composé de période de structure 6-6-6-4 quarts de ton ou 3-3-3-2 demi-tons. Il ne dépend que de l’espace demi-tonal (mi bémol, fa dièse la, si, ré) comme sa forme permutée (mi bémol, fa dièse, la, do, ré) de structure 3-3-2-3. C’est pourquoi cette structure est utilisé dans l’Etude sur le carré magique.

En…n, le type D est composé d’une période de structure 6-5-5-6 quarts de ton (mi bémol, fa dièse, la demi-bémol, si, ré). Il est formé de l’enchassement des positions binaires parfaite et imparfaite 1 et 6a.

Wyschnegradsky emploie les structures quaternaires dans la Deuxième étude sur les densités et les volumes, opus 39 bis.

Exemple 35 - Etude sur les densités et les volumes, no 2

Structures sexanaires. Les structures sexanaires sont construites par division de la septième initiale en six parties. La période parfaite est écrite dans l’espace des douzièmes de ton. Du fait de leur complexité, les structures sexanaires ont été peu employées par Wyschnegradsky. Dans Arc-en-ciel, opus 37, Wyschnegradsky montre les possibilités de juxtaposition au grave et à l’aigu des structures binaires, ternaires et sexanaires. L’oeuvre est construite par intégration progressive des univers micro-tempérés. Les premières mesures (mes. 1 à 6) sont écrites dans l’univers des quarts de ton, puis interviennent les sixièmes de ton (mes. 7 à 10). A partir de la mesure 17, l’espace employé est, en dépit de l’emploi des sixièmes de ton, un espace quart de tonal, mais transposé un sixième de ton plus haut. Puis, c’est un espace de sixième de ton

(mes. 25 à 39), qui est employé, mais transposé un douzième de ton plus haut. Un espace quart de tonal transposé au douzième de ton (mes. 40 à 53) précède la conclusion …nale qui est écrite dans l’espace des (vrais) douzièmes de ton. On assite donc à une intégration progressive des univers micro-tempérés. La structure de l’œuvre serait complètement évidente si la notation colorée proposée par Wyschnegradsky avait été employée. On aurait alors des zones de couleurs di¤érentes, qui sont résumées dans le tableau suivant présentant la répartition des milieux sonores de l’opus 37.

Mesures Intervalles Couleurs

1 à 6 1/4 de ton Rouge-Vert

7 à 10 1/6 de ton Rouge-Jaune-Bleu

17 à 24 1/4 de ton Jaune-Violet (transposé au 1/6 de ton)

25 à 39 1/6 de ton Orange-Vert-Violet (transposé au 1/12 de ton) 40 à 53 1/4 de ton Orange-Bleu (transposé au 1/12 de ton) 54 à 101 1/12 de ton 6 couleurs

Dans les premières mesures, Wyschnegradsky utilise les structures binaires du régime 11, en position parfaite et en position imparfaite (mes 2 : pos. 8a, 7b, 7 - mes. 3 : pos. 6, 6b et 7 - mes. 4 : pos : 7a, 8, 8b - mes. 5 : pos. 9 et mes. 6 : pos. 8a). Puis l’espace se densi…e en passant de la densité de l’espace des quarts de ton (espace de densité 24) à la densité de l’espace des sixièmes de ton (espace de densité 36). Dans cette section, le thème exposé en position 2 (mes. 7-8) est repris en position 1a (motif BI, mes. 9-10) et en position 1b (motif BII, mes. 11-13) avant l’exposition du conduit C en position 1b joué par le troisième piano, qui mène au retour de l’espace des quarts de ton, mais, cette fois, transposé un sixième de ton plus haut. Wyschnegradsky enchaîne les positions parfaite et imparfaite des structures binaires dans une polyphonie de plus en plus complexe (mes. 18 : pos. 4a, 3b - mes. 19 : pos. 3 - mes. 20 : pos. 2, 1, 11 - mes. 21 : pos. 11a, 11, 10b). A partir de la mesure 25, l’oeuvre est écrite dans un espace ternaire de régime 11, à sixièmes de ton. Les éléments de la deuxième section sont repris ici dans de nouvelles positions. Le thème est donné en position 4 (mes. 25-27), puis est repris en position 3c (motif BI, mes. 28-30) et en position 3b (motif BII, mes. 31-33). Le conduit C est joué par le deuxième piano solo en position 2a (mes. 34-38) et se termine par le cycle complet

(mes. 39) joué en accord.

La cinquième section (mes. 40 et suivantes) renoue avec les structures binaires. Elle reprend les éléments de la troisième section en ajoutant des micro-variations rythmiques et en transpo- sant dans de nouvelles positions. Cette section est écrite un douzième de ton plus haut. Elle alterne les positions parfaites et imparfaites (mes. 42 : pos. 7b, 7, 6b - mes. 43 : pos. 6a, 1b - mes. 48 : pos. 6b, 6 - mes. 49 : pos. 5b)

La sixième section (mes. 53 et suivantes) se divise en deux sous-sections. Dans la première sous-section, la pièce est construite sur des positions parfaites (mes. 59 : pos. 3 - mes. 61 : pos. 11 - mes. 63 : pos. 8 - mes. 66 : pos. 4 - mes. 67 : pos 11, 7 - mes. 68 : pos. 3, 7 - mes. 69 : pos. 3, 10 - mes. 70 : pos. 3 - mes 74 : pos. 3, 9, 11, 6 - mes. 75 : pos. 8, 3 - mes. 77 : pos. 5, 11, 2, 8 - mes. 78 : pos. 11, 6). Dans la deuxième partie (mes. 82 et suivantes), Wyschnegradsky superpose di¤érentes structures binaires, ternaires et sexanaires, qu’il répartit deux par deux entre le grave et l’aigu (mes. 82, à l’aigu, structure ternaire dans l’espace à sixièmes de ton en position 11, au grave, structure binaire dans l’espace des quarts de ton en position 8 et 7b, - mes. 83, à l’aigu, structure ternaire dans l’espace à sixièmes de ton en position 2, au grave, structure binaire dans l’espace des quarts de ton en position 6a, - mes. 84, à l’aigu, structure ternaire dans l’espace à sixièmes de ton en position 3, au grave, structure binaire dans l’espace des quarts de ton en position 6a, - mes 85, à l’aigu, structure ternaire dans l’espace à sixièmes de ton en position 5, au grave, structure binaire dans l’espace des quarts de ton en position 6 et 5b, - mes. 86, à l’aigu, structure ternaire dans l’espace à sixièmes de ton en position 6, au grave, structure binaire dans l’espace des quarts de ton en position 4a, etc.). Le tableau suivant résume les superpositions de positions entre l’aigu et le grave.

mesures 82 83 84 85 86 87 88 aigu 11 2 3 5 6 6 7 grave 8-7b 6a 6a 6-5b 4a 10a 9b 89 90 91 92 93 94 95 96 7 9 9 10 1 1 3-5 6 9-8b 8a 8-7-6 5 5 4 4 3-2

La mesure 97 superpose à l’aigu une structure ternaire dans l’espace des sixièmes de ton en position 8 et au grave une structure sexanaire en position 4. La cadence …nale superpose à l’aigu et au grave une même structure sexanaire en position 4.

Exemple 36 - Arc-en-ciel, opus 37 (mes. 96-97)

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 171-180)