• Aucun résultat trouvé

Evolution de la lutherie

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 135-138)

8.3 Facture instrumentale

8.3.1 Evolution de la lutherie

De nombreux instruments capables de produire des micro-intervalles ont été construits au cours du XXe sicècle, mais peu on réussit à satisfaire complètement à la fois les compositeurs et les interprètes. A Moscou, les premières recherches ont été orientées très tôt vers les instruments électroniques. Evgeni Mursin développe un synthétiseur à commandes optiques sur la base des travaux de Arseni Avraamov qui explore les douzièmes de ton. A Saint-Pétersbourg, Georges Rimsky-Korsakov (1901-1965), le petit …ls du célèbre compositeur, fonde une société pour la musique microtonale, édite une brochure théorique30 et organise concerts et conférences. Il

est à l’origine de l’Emeriton, un instrument construit par A.A. Ivanov, V. L. Kreystern et V. P. Dzerzhkovitch. En Allemagne, plusieurs facteurs développent des instruments microtonaux. Willi Möllendor¤ construit le premier harmonium à quarts de ton, un harmonium qu’il appelle bichromatique dès 1917. Baptisé à l’origine Elektrophon, le Sphérophone de Jörg Mager, inventé en 1921, fut présenté au Festival de musique de Donaueschingen en 1926. C’est le premier instrument de l’histoire capable de produire des quarts, sixièmes ou huitièmes de ton. Le son est généré par interférence de deux tensions à haute fréquence et sa hauteur est controlée par un condensateur variable à manivelle (Sphérophone à manivelle). Dans les versions ultérieures, Mager relia directement les touches du clavier à une série de condensateurs (Sphérophone à clavier ). La société August Förster a fabriqué plusieurs pianos à quarts de ton selon le modèle des trois claviers proposé par Wyschnegradsky, pour Hába et Wyschnegradsky, ainsi que des harmoniums à quarts et sixièmes de ton. V. Kolhert fabrique des clarinettes à quarts de ton selon un modèle déposé par Richard Stein. Aloïs Hába a commandé également des guitares, des trompettes et des cors à quarts de ton au facteur Fr. Haëckel installé à Dresde.

A Leipzig, le compositeur et violoniste Julian Carrillo, violon solo de l’orchestre du Gewan- dehauss de Leipzig, construit lui-même ses propres instruments sur lesquels il expérimente les micro-intervalles, cithares en tiers de ton et harpes en seizièmes de ton sont parmi ses instru- ments de prédilection. Il fera également construire en 1957 une série de quinze pianos appelés

3 0

Georges Rimsky-Korsakov, Bases du système musical des quarts de ton, (en russe, De musica, Léningrad, 1925.

pianos metamorfoseadores accordés chaque sur une division particulière du ton (demi, tiers, quarts etc. jusqu’au seizièmes de ton) par la maison Sauter. Le compositeur Mordecai Sand- berg (1897-1973) fera construire en 1926 par la société Straube un harmonium à quarts de ton doté d’un clavier de cinq octaves avec vingt-quatre notes par octaves. Trois années plus tard, la même maison fabriquera un harmonium à douzièmes et seizièmes de ton, équipés d’un clavier ordinaire de douze touches par octave s’étendant sur cinq octaves. L’ensemble du clavier a un ambitus total d’une quarte juste. A Salzburg, le compositeur Franz Richter-Herf (1920-1984) …t construire en 1974 un orgue ekmelique à douzièmes de ton.

C’est à l’opéra de Paris que furent présentées les ondes musicales de Maurice Martenot, le 20 avril 1928 dans le poème symphonique de Dimitrios Levidis. L’ instrument à clavier est muni d’un ruban métalisé qui se déplace latéralement. L’index de la main droite s’insère dans un anneau et permet de guider le ruban en regard de repères disposés le long du clavier. Le ruban o¤re la possibilité de produire des micro-intervalles jusqu’au cinquantième de ton, ou des glissando quasi-continus par balayage latéral. Sur la gauche se trouve un petit tiroir où sont disposés des boutons de registrations qui règlent les combinaisons de timbres et une touche d’intensité qui commande le volume sonore. Avec une étendue de sept octaves, le Martenot est un des rares instruments électroniques du début du siècle qui ait trouvé sa place dans la musique classique. La commercialisation de l’instrument fut entreprise par la maison Gaveau dès 1929. En 1947, à l’initiative de Claude Delvincourt, fut créée une classe d’Ondes Martenot au Conservatoire de Paris.

C’est cet instrument qu’expérimenta Wsychnegradsky dans les années d’après-guerre. Il écrit dans son journal. “Lundi 10 décembre 1945. A cinq heures et demie, je vais chez Mme Martenot. Nous discutons le problème d’un Martenot à quarts et à douzièmes de ton. Discussion au sujet d’un nouveau clavier à adopter. Elle me montre comment jouer des quarts de ton sur le Martenot actuel : au ruban et sur le clavier.”

La version proposée en 1991 qui est une version entièrement numérisée, intègre totalement tout type de micro-intervalles. Le Martenot 91 couvre une étendue de neuf octaves avec seule- ment six octaves de clavier et permet de produire des micro-intervalles jusqu’au 1/112 de ton. Quatre pédales modi…ent le timbre et atténuent les di¤useurs (Principal, Métallique, Résonance, Palme,...).

Aux Etats-Unis les instruments se sont développés en relation avec les recherches sur l’In- tonation juste. Harry Partch (1901-1974) adapte plusieurs instruments aux nouvelles échelles, guitares, altos et marimbas. Il développe à partir de 1941, un orgue fondé sur le système mo- nophonique à 43 degrés, appelé le chromelodeon. Un peu plus tard, Ivor Darreg construit une série d’instruments de la famille de la megalyra. George Secor invente le scalatron un orgue à claviers modulables comprenant trente et une touches par octave.

A côté de cette facture d’instruments acoustiques s’est développé des instruments électro- niques qui ont progressivement intégrés les micro-intervalles. Du premier dynamophone inventé par l’américain Thaddeus Cahill et présenté à Washington en 1900, qui est considéré comme le premier instrument électronique de l’histoire musicale, aux réalisations les plus récentes un long chemin a été parcouru dans l’acquisition, la maîtrise et le rendu des sons musicaux. Le timbre des instruments s’est progressivement amélioré. Le Therminvox inventé par Lev Thermin était un instrument monodique qui s’étendait sur trois octaves. La hauteur du son montait lorsque la main droite de l’utilisateur approchait une antenne connectée à un condensateur variable ; plus la main s’en éloignait, plus le son baissait. De la main gauche, l’instrumentiste règlait le volume sonore. Le Therminvox fut présenté à l’Hotel Esplanade de Berlin en 1923, puis à Francfort et Paris en 1927. Emigré aux Etats-Unis, Thermine perfectionna son instrument et lui ajouta un clavier. En 1929, la …rme RCA se chargea de le produire en série. La même année fut créée à Cleveland la First Airphonic Suite pour Therminvox et orchestre de Joseph Schil- linger (1895-1943). Un an plus tard, Friedrich Trautwein (1888-1953) présentait le trautonium au Festival Neue Musik à Berlin. Après quelques améliorations, le trautonium devint un ins- trument polyphonique, qui fut rebaptisé pour l’occasion le Mixtur-Trautonium. L’instrument fut commercialisé en 1932 par la …rme Telefunken mais peu d’exemplaires furent vendus. Paul Hindemith a écrit un Concerto pour trautonium (1931), Harald Genzmer un Concerto pour trau- tonium (1940) et un Concerto pour Mixtur-Trautonium (1952). D’autres compositeurs, Werner Egk, Paul Hö¤er, Helmut Riethmüller, Richard Strauss, Julius Weismann ont aussi écrit des pièces pour cet instrument. Dédicataire et interprète de nombreuses oeuvres, Oskar Sala a passé sa vie à défendre l’instrument. Mais c’est dans des instruments plus récents encore que les micro-intervalles furent intégrés à cette nouvelle lutherie. Inventé par Jean-Etienne Marie, le CERM (Complexe Expérimental de Recherches Musicales) est un synthétiseur dédié aux tra-

vaux sur les micro-intervalles. Le Mutabor (Mutierende Automatisch Betriebene Orgel ) a été construit sous la direction de Rudolf Wille par Bernhard Ganter et Harmut Henkel du groupe “Musique et Mathématique”de la Technische Hochschule de Darmstadt. L’Unité Polyagogique et Informatique du CEMAMu (UPIC ) a été inventée par Iannis Xenakis. En…n, la 4X, qui est un instrument développé en 1980 par G. Di Giugno pour l’IRCAM, marque un sommet et un tournant dans l’élaboration de la nouvelle lutherie.

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 135-138)