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Julian Carrillo et le treizième son

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 120-123)

7.7 Ecritures polytonale et atonale

8.1.6 Julian Carrillo et le treizième son

Compositeur mexicain, né le 28 janvier 1875 à Ahualulco près de San Luis Potosi, Julian Carrillo (1875-1965) embarque pour le continent européen en 1899 et étudie la composition au Conservatoire de Leipzig . Violon solo de l’orchestre du Gewandehauss de Leipzig, il écrit sa première Symphonie en 1901, son premier quatuor à cordes deux ans plus tard et en 1904, un opéra OINA. En 1905, il rentre au Mexique et compose sa Deuxième Symphonie. Nommé professeur au Conservatoire de Mexico en 1906, puis directeur de ce même Conservatoire, il écrit

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Concert à Prague le 14 mai 1946. B. Stankova, Quartett für vier Zugposaunen. Jiri Pauer, Burlesken pour piano à quarts de ton. Jan Seidel, Alte Frauen, pour récitant et quatuor à cordes sur un texte de Fr. Halas. Miroslav Ponc, Les Mariés de la Tour Ei¤ el, suite pour orchestre d’après Jean Cocteau. Josef Bubak, Quartett für vier Zugposaunen. Karel Reiner, Fantasie Op 15, pour piano à quarts de ton. Stepan Lucky, Trois Etudes pour piano à quarts de ton. Rudolf Fikrle, Duo pour alto et violoncelle. Aloïs Haba, Six Fantaisies pour piano à quarts de ton (Opus 25, 26, 28, 29, 30 et 31) , Karel Reiner piano. Aloïs Haba, Quatuor à cordes, opus 7.

une suite pour orchestre Los Najanros (1907), deux opéras Mathilde (1909) et Xulith (1920), une Messe à Sainte Catherine (1911) et une Messe du Sacré Coeur (1912).

C’est en 1917 qu’il invente la révolution du trezième son (sonido 13 ), un son ou un concept par lequel il souhaite désigner toute sa production musicale, ainsi que le rapporte sa …lle Dolores Carrillo dans les Nouvelles du Mexique :

“Ainsi, s’il y avait seulement douze sons dans le monde musical avant la découverte des seizièmes de ton, comment allait-on désigner le premier son venant à la suite ? (...) Le ‘son treize’fut donc exactement le premier seizième [de ton] ascendant que l’on ait entendu entre les notes sol et la de la quatrième corde du violon.... Mais [le] ‘son treize’ est devenu l’expression symbolique par laquelle mon père entendait couvrir l’ensemble de son oeuvre”22.

Julian Carrillo se préoccupe des problèmes de lutherie à base de micro-intervalles et fait construire plusieurs instruments, dont une harpe en seizièmes de ton couvrant deux octaves, une cithare en tiers de ton de deux octaves et une cithare en cinquièmes de ton d’un ambitus plus large (trois octaves). En 1920, il écrit sa première oeuvre importante de musique microtonale le Preludio a Colon (Prélude à Christophe Colomb). De 1926 à 1927, il séjourne à New-York où il rencontre Léopold Stokowski qui lui commande le Concertino pour orchestre. Stokowski, à la tête de l’Orchestre de Philadelphie, en assure la création en 1927. Entre-temps, Carrillo établit les plans de quinze pianos metamorfoseadores qui ne seront construits qu’en 1957 par la maison Sauter. En conservant le clavier traditionnel du piano, il modi…e la longueur, le diamètre et la tension des cordes de façon à construire quinze pianos en 1/2, 1/3, 1/4,... et 1/16 de ton. Le clavier du piano est conservé de sorte que l’ambitus de l’instrument est diminué. Ainsi, le piano en seizièmes de ton avec 96 touches ne permet de parcourir qu’une seule octave.

De retour à Mexico, Carrillo fonde l’Orquesta Sonido Trece qui se consacre à l’exécution d’oeuvres microtonales. Il écrit plusieurs textes théoriques sur le treizième son et les problèmes d’acoustique musicale liés aux micro-intervalles, dont El Sonido 13 (Mexico, 1924), Sonido 13, Teoria logica de la musica, (Mexico, 1938), Genesis de la revolución musical del ‘Sonido 13’ (San Luis Potosí, 1940), Sonido 13, fundamento cientí…co e histórico (Mexico, 1948). Il compose sa Troisième symphonie ainsi que plusieurs quatuors à cordes (trois dans le système tempéré et

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Dolores Carrillo, “Les hommages à Julian Carrillo”, in Nouvelles du Mexique, Paris, n 43-44, Octobre 1965- 1966, p. 53.

trois dans le système des quarts de ton). En 1949, il compose le Concertino pour piano en tiers de ton et en 1952 le poème symphonique Horizontès. A Paris entre 1949 et 1965, il rencontre Aloïs Hába, Ivan Wyschnegradsky et Jean Etienne Marie auquel il lègue plusieurs instruments dont un piano en tiers de ton. Il expose ses instruments à Paris en 1955 : ses démonstrations in‡uenceront certains compositeurs dont Maurice Ohana. En 1958, il dirige à Paris le Preludio a Colon et présente ses pianos metamorfoseadores à l’Exposition Universelle de Bruxelles. Il compose une Sonate pour guitare en quarts de ton et Bulbuceos pour piano en seizièmes de ton et orchestre.

Contrairement à Julian Carrillo qui explorait des divisions binaires de micro-intervalles fondées sur le système des seizièmes de ton qu’il considérait comme limite d’exploration du champ microtonal, Wyschnegradsky cherchait, comme Aloïs Hába, à développer des divisions ternaires sur la base des douzièmes de ton.

Le huitième de ton, qui est employé dans le Chant douloureux et Etude, opus 6, est excep- tionnel chez Wyschnegradsky car il pose un certain nombre de problèmes dont son intégration au sein du système des douzièmes de ton. Wyschnegradsky pensait que le système des douzièmes de ton était bien supérieur aux autres systèmes microtempérés car il juxtaposait les propriétés à la fois des systèmes binaires et des systèmes ternaires. L’intégration des huitièmes de ton qui relève du système des seizièmes de ton devenait di¢ cile dans la logique des douzièmes de ton. Il laissait au compositeur mexicain Julian Carrillo le soin d’explorer l’univers des seizièmes de ton. Il lui reprochait d’ailleurs cette division binaire des micro-intervalles, contrairement à sa propre théorie qui privéligiait les divions ternaires qui lui paraissaient beaucoup plus riches. Mais à la mort de Carrillo, Wyschnegradsky publie une lettre dans laquelle il revient sur ce point.

“A cette époque, je voyais en Juliàn Carrillo un compositeur ultrachromatique ayant choisi la division binaire du demi-ton (quarts, huitièmes, seizièmes de ton), de préférence à la ternaire, et c’est ainsi que je parlais de lui dans mes articles. Mais c’était mal le connaître. Je m’en suis convaincu en 1958, quand je le rencontrai à l’Unesco, à l’occasion du congrès musical dédié à la confrontation Est-Ouest. C’est alors qu’il m’a fait connaître sa dernière invention : les quatorze pianos à micro-intervalles qui, à ce moment, étaient exposés dans le hall de la Salle Gaveau et qui réalisaient, d’une façon extrêmement simple et originale, les quatorze systèmes ultrachro-

matiques fractionnaires du ton entier, notamment ceux des tiers, de quart, de cinquième de ton, etc. jusqu’à celui des seizièmes de ton. Je compris alors que la pensée ultrachromatique de Carrillo n’était nullement limitée par la perspective de la division binaire comme je le pen- sais, mais qu’elle admettait toutes les divisions ultrachromatiques possibles du ton entier, ne s’arrêtant qu’à la limite de l’audibilité”23.

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 120-123)