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Classi…cation des notations

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 131-135)

8.2 Notation des micro-intervalles

8.2.4 Classi…cation des notations

La ré‡exion sur les systèmes de notation intéressent à la fois les théoriciens et les composi- teurs. La classi…cation proposée par Karkoschka27 concerne plus la notation musicale dans son ensemble, que des sous-parties du langage musical. Il distingue quatre types de notation. La notation précise (Präzise Notation) où chaque objet est parfaitement mentionné, la notation encadrée (Rahmennotation) où les objets sont déterminés par des cadres limites, la notation sug- gestive (Hinweisende Notation) dans laquelle on spéci…e les relations entre objets et les limites approximatives d’ensembles et la notation graphique (Musikalische Graphik ) dans laquelle la nouveauté des éléments graphiques est déterminante. Cette classi…cation repose essentiellement sur la part d’aléatoire qui intervient dans chaque type de notation. Elle est graduelle et s’étend des éléments totalement déterministes (notation précise) aux éléments qui o¤rent plus de place à l’aléatoire (notation suggestive). Transposée au niveau de la notation des micro-intervalles, cette classi…cation met en évidence la di¤érence qui existe entre des éléments complètement déterminés comme la notation des altérations des systèmes micro-tempérés et des éléments micro-intervalliques dont la hauteur n’est pas …xée avec une extrême précision comme dans Ap- pels pour sept instruments à vents, deux percussions, piano et contrebasse, composé en 1974, de Michael Levinas (né en 1949), oeuvre dans laquelle les ‡èches hautes et basses renvoient à des micro-intervalles sans en préciser la valeur exacte. Dans la classi…cation de Karkoschka, la notation dérivée des altérations et la notation colorée de Wyschnegradsky appartiennent à la première catégorie. Ce sont des notations précises et non ambiguës.

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La dé…nition d’un système notationnel de Nelson Goodman28 repose sur cinq réquisits, deux réquisits syntaxiques et trois réquisits sémantiques. Le premier réquisit syntaxique est la dis- jointure syntaxique qui impose à deux caractères d’être disjoints et le second, de di¤ érenciation …nie, suppose que les caractères sont articulés, c’est-à-dire qu’ils véri…ent l’axiome suivant : Pour tout couple de caractères K et K’ et pour toute marque m qui n’appartient pas e¤ ective- ment aux deux, il est théoriquement possible de déterminer soit que m appartient à K, soit que m appartient à K’. Dans les notations de micro-intervalles classiques, les micro-intervalles ont des graphies distinctes et si une même marque, par exemple le signe dièse ou tout autre sous-élément graphique, qui n’appartient pas à deux altérations, on peut déterminer que cette marque est un élément constitutif du dessin d’une des deux altérations. Ce qui semble vrai pour les micro- intervalles ne l’est pas pour les altérations classiques puisque la marque composée du bémol est contenue à la fois dans l’inscription atomique du signe bémol et dans l’inscription composée du double-bémol. Les altérations classiques ne véri…ent donc pas le réquisit de di¤érenciation …nie. Les trois réquisits sémantiques sont dé…nis par rapport à la classe-de-concordance qui est l’équivalent, selon les théories linguistiqures, du champ sémantique, de l’isotopie ou du domaine notionnel de Culioli. Pour le domaine des micro-intervalles, cette classe-de-concordance cor- respond à la fréquence du micro-intervalle qui est noté. Le premier réquisit sémantique est le réquisit de non-ambiguité qui assure que les classes de concordance sont disjointes et qu’il n’y a pas, par conséquent, d’inscription sémantiquement ambiguës. Le deuxième réquisit est le réqui- sit de disjointure sémantique par lequel deux caractères di¤érents ont des classes de concordance di¤érentes. Le troisième réquisit, de di¤ érenciation sémantique …nie, est fondé sur l’axiome sui- vant : Pour tout couple de caractères K et K’, tels que les classes-de-concordance ne sont pas identiques, et pour tout objet h qui ne concorde pas avec les deux, il doit être théoriquement possible de déterminer ou bien que h ne concorde pas avec K, ou bien que h ne concorde pas avec K’. Lorsque la notation permet l’enharmonie, le système n’est pas un système notationnel car la non-ambiguité n’est pas véri…ée. Le signe-do-dièse et le signe-ré-bémol ont même classe de concordance, c’est-à-dire correspondent à la même fréquence. Dans les notations classiques, seules les notations qui ne font intervenir que l’ordre ascendant (ou descendant) des altérations, comme la notation de Sylvano Bussotti, sont non-ambiguës. Dans la majorité des notations, la

disjointure sémantique est véri…ée. Elle ne l’est pas dans les notations imprécises ou à caractère stochastique, comme celle de Lévinas citée précédemment. La limite imposée par l’oreille, assure qu’on atteint une limite conventionnelle, en appliquant la procédure de décomposition dyadique entre deux micro-intervalles. Entre do et do augmenté d’un tiers de ton, on a un intermédiaire qui est do augmenté d’un sixième de ton et entre do et cet intermédiaire, on a do augmenté d’un douzième de ton. Mais entre do et cet intermédiaire qui est do augmenté d’un douzième de ton, on n’a pas d’autre intermédiaire, car on a …xé arbitrairement la limite du système aux douzièmes de ton de sorte que la di¤érenciation sémantique est toujours …nie. La …nitude du troisième réquisit est donc assurée par la …nitude du spectre des fréquences de l’aire audible et par le pouvoir discriminateur de l’oreille …xée conventionnellement à une fraction de ton ou à une fréquence donnée (e.g. douzième, seizième de ton ou autre).

La “proposition de systématisation des notations” de Costin Miereanu29 repose sur une classi…cation des notations selon des critères croisés de réalisation directe ou di¤érée et de distribution des notations en numérique, punctiphonique, paramusicale et metamusicale. Dans le domaine microtonal, l’ensemble des notations appartient aux notations signalétiques (nu- mériques ou punctiphoniques) bien que ces notations puissent s’intégrer dans des partitions graphiques symboliques ou fonctionnelles (Voir par exemple Bussoti, Stockhausen).

Parmi les notations proposées par les compositeurs, nous distinguons trois grandes catégo- ries : les notations colorées, les notations tabulées, et les notations classiques. Dans ces trois catégories, toutes les notations ne sont pas des systèmes notationnels au sens de Goodman.

Les notations colorées participent de cette idée de simpli…cation de l’écriture mais se heurtent aux problèmes typographiques et économiques. Elles utilisent un code de couleurs pour noter l’altération d’une note. Ce code permet d’écrire tous les sons du système en douzièmes de ton en conservant la notation et les altérations traditionnelles. Dans les années 40, Wyschnegradsky élabora un projet de clavier ultrachromatique en douzièmes de ton et nous avons qu’il réalisa une série d’études chromatiques pour la coupole du temple destinées à être projetées et “ani- mées d’un mouvement synchronisé avec celui de la musique”. Il simpli…a encore sa notation en remplaçant les notes diésées par une croix à la manière de Nicolas Obouhov. L’avantage de la notation colorée est qu’elle permet de déterminer les sous-sytèmes utilisés et facilite la

transposition.

Les notations tabulées ou à base de tablatures compliquent un peu plus l’écriture et néces- sitent souvent un apprentissage. Julian Carrillo par exemple utilise une tablature pour noter la harpe en seizièmes de ton. Chaque ligne représente une octave et est associée à une zone de la harpe délimitée par les chevalets. Les chi¤res de 0 à 95 représentent le numéro de la corde qui doit être pincée. Dans la notation rationnelle de certains compositeurs américains, la portée est éclatée. A chaque ligne est associée une fréquence donnée, repérée par le rapport acoustique de la note qu’elle représente.

Les notations classiques ou descriptives sont les plus répandues. Elles utilisent l’écriture traditionnelle (portée de cinq lignes, clés usuelles, en noir et blanc, ....) et se classent en deux grandes catégories : les notations dérivées et les notations adjointes.

Les notations dérivées se caractérisent par une graphie du micro-intervalle issue des al- térations usuelles (dièse, bémol, bécarre). Elles se divisent en trois sous-classes. La notation minimale utilise le plus petit nombre d’altérations possibles. Concise, elle répond à une logique du moindre encombrement et perturbe peu l’écriture traditionnelle. La notation chromatique répond à la logique du mouvement musical ascendant ou descendant. Elle utilise des symboles dérivés du dièse ou du bémol mais pas d’altérations dérivées du bécarre. La notation position- nelle répond à une logique de complétude. Elle utilise des symboles dérivés des trois altérations traditionnelles et permet de noter tous les cas de …gures. La notation positionnelle du système à quarts de ton est employée par Jörg Mager, Aloïs Hába, Mauricio Kagel et Björn Fongaard. Les notations adjointes se caractérisent par l’abandon des …gures dérivées des altérations usuelles. On distingue trois sous-classes. La notation numérique emploie des symboles mathé- matiques. Elle se rencontre chez les compositeurs américains, comme par exemple, Harry Partch ou Ben Johnston. La notation pictographique emploie des pictogrammes. C’est par exemple la notation d’Ezra Sims. La notation indicative agit sur la note elle-même par modi…cation ou ajout de signes complémentaires. On la trouve par exemple dans les œuvres de Bernd Aloïs Zimmermann ou Isan Yung.

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