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Espaces non-octaviants de régime 13

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 180-189)

Les espaces non-octaviants de régime 13 sont construits sur une neuvième mineure formée de treize demi-tons. Comme dans le cas du régime 11, la division de l’intervalle de base (ici une octave dilatée) conduit à des cycles de di¤érentes natures. La structure binaire est obtenue en divisant en deux intervalles égaux la neuvième mineure. En redoublant cette période de structure 13-13, formée de deux quintes mineures de treize quarts de ton, à partir du centre spatial du clavier (mi bémol ), on construit la première position du cycle parfait.

Exemple 37 - Cycle parfait binaire. Position 1. Régime 13

Par transposition de cette structure, on obtient les treize positions du cycle parfait

Exemple 38 - Positions du cycle parfait de régime 13

En divisant irrégulièrement cette neuvième mineure, on obtient deux périodes : l’une de struc- ture 14-12, superposant une quinte et un triton, l’autre de structure inverse 12-14. Ces deux périodes engendrent le cycle imparfait. Ce cycle comporte 26 positions, qui se répartissent en deux séries de couples homologues : 13 écrites sur le système chromatique usuel (type a), et les treize autres écrites à un quart de ton de distance (type b).

Exemple 39 - Cycles imparfaits binaires de régime 13

L’espace obtenu est appelé espace non-octaviant de structure binaire à période dilatée de régime 13. Il a été utilisé par Wyschnegradsky dans l’Etude sur les mouvements rotatoires, pour deux pianos, huit mains, opus 45a et dans la version pour orchestre opus 45c, la deuxième des Deux compositions opus 46 et les Intégrations opus 49.

Dans l’Etude sur les mouvements rotatoires, la première position centrée sur mi bémol est présentée sous la forme d’un octogone, dont chaque côté représente un intervalle de 13 quarts de ton. En redoublant la période dans le sens ascendant, à partir du centre spatial du clavier, le huitième son entre dans l’aire inaudible. Le cycle se poursuit dans la zone inaudible. Il rejoint l’extrême grave, au point de jonction de la note la qui est le treizième son et qui se retrouve aussi bien au grave (la-4) qu’à l’aigu (la10). Ce son est le lieu des points où les contraires se rejoignent

et les extrêmes s’assemblent. Issu de l’extrême grave, le cycle poursuit sa course ascendante et pénètre dans la zone audible à partir du dix-neuvième son.

Exemple 40 - Cycle de l’Etude sur les mouvements rotatoires

Ce schéma représente le cycle total avec jonction des extrêmes, qui s’e¤ectue dans la zone inaudible.

Exemple 41 - Représentation linéaire du cycle précédent

du cycle parfait. Les cycles imparfaits dérivent du cycle parfait par de légères perturbations de la période génératrice. L’oeuvre enchaîne les positions du cycle parfait et les positions du cycle imparfait, en alternance et par positions voisines, créant ainsi un glissement progressif microtonal caractéristique du mouvement rotatoire.

Exemple 42 - Etude sur les mouvements rotatoires

Au niveau formel, l’œuvre est divisée en cinq parties, qui sont délimitées par les procédés d’intégration et de désintégration. La notice accompagnant le manuscrit décrit la structure de l’oeuvre : “Elle comporte cinq sections : 1) mouvement régulier de l’octogone du grave vers l’aigu, 2) désintégration progressive aboutissant à des rapports de successions irrationnels et imprévus, 3) regroupement progressif du mouvement rotatoire régulier allant cette fois de l’aigu au grave 4) deuxième désintégration, 5) brève intégration …nale”. D’un point de vue formel, l’œuvre est donc de la forme ABA’B’A. Les lettres A correspondent aux intégrations, qui sont ici, de

durée beaucoup plus courte que les désintégrations, …gurées par les lettres B, qui organisent la déconstruction du mouvement rotatoire et des intégrations.

La première section (mes. 1 à 8) expose la première position en arpèges à partir du centre spatial mi bémol vers les aigus extrêmes du clavier. Les arpèges des sons graves inférieurs au centre spatial ne commencent qu’à la troisième mesure. A partir de la cinquième mesure, les positions s’enchaînent par tuilage en alternant les positions parfaites et imparfaites (mes. 5 : pos. 1b, 2 - mes. 6 : pos. 2a - mes. 7, pos. 3, mes. 8, pos. 3b). L’alternance de positions voisines produit des points immuables, du fait de la ressemblance des positions parfaites et imparfaites et des sons mobiles qui créent des micro-changements entre les parties créant un mouvement dans l’immobilité. Le mouvement métronomique régulier accentue l’impression de glissement progressif du mouvement rotatoire.

La deuxième section (mes. 9 à 40) correspond à la première désintégration du mouvement rotatoire. Elle se divise en trois sous-parties qui correspondent chacune à une véritable explosion des intégrations ou superposition des positions. La première sous-partie (mes. 9 à 15) décompose le mouvement rotatoire dès les premières mesures, en brisant le rythme, mais en conservant l’évolution des positions (mes. 10 : pos 4b, 4) qui suit l’alternance des cycles parfaits et imparfaits et qui régresse jusqu’à la mesure 15 de la quatrième position à la première position 1b (mes. 10 à 15 : pos. 4b, 4, 3a (+10b) 3 (+9b), 2a, 2, 1b). On assiste à une déconstruction à rebours du mouvement rotatoire. Dans la deuxième sous-partie (mes. 16 à 34) un mouvement analogue des positions conduit à l’aigu de la treizième position à la neuvième position (mes. 16 à 21 : pos. 13, 12a, 12, 12b, 12a, 12b) avec un climax porté par la mesure 21 qui …gure les éléments irrationnels et imprévus évoqués par Wyschnegradsky, et qui superpose plusieurs positions. L’intégration est déconstruite par les mesures suivantes. La désintégration reprend le cycle des positions (mes. 21 à 25 : pos. 13, 12, 11, 10b, 9a), puis de nouveau la même évolution (mes. 26 à 32 : pos. 13, 12, 11, 10, 10b, 9, 8, 7, 7b) avant de conclure sur l’explosion des positions par des rapports irrationnels (mes. 31) de coe¢ cient d’accélération 16/21. La mesure 32 est une nouvelle superposition de plusieurs positions qui se désagrège progressivement avec une recomposition passagère (mes. 39), au cours de la troisième et dernière sous-partie (mes. 34 à 40).

transitoires (mes. 41 à 45) reconstruisent par intégration le mouvement rotatoire qui ne débute qu’à la mesure 46, par la première position. Contrairement à la première section, le mouvement est arpégé en sens contraire de l’extrême aigu à l’extrême grave.

La quatrième section (mes. 59 à 76) enchaîne successivement les positions des cycles parfaits et imparfaits en brisant le rythme du mouvement rotatoire. Une première phase de décons- truction aboutit aux mesures 65 et 66 qui introduisent les valeurs irrationnelles des éléments rythmiques. Une deuxième partie poursuit la désintégration qui se concentre sur la première position agrémentée des clusters terminaux (mes. 73). Un conduit, très bref, (mes. 74 à 76) in- troduit en première position le mouvement rotatoire qui le suit. Dans la version pour orchestre (opus 45c), cette quatrième partie est beaucoup plus développée. La désintégration produit des densi…cations partielles qui aboutit à un continuum de onze sons qui s’étendent de fa dièse et demi à ré demi-dièse (mes. 64-65) et qui est répété quatre fois. C’est une concentration des sons qui s’oppose à la disposition espacée des cycles et qui …ge le discours musical en un point de total immobilité. La désintégration se poursuit par les positions 2 et 10 (mes. 67 - 68), mais n’évolue plus selon les cycles voisins. Le climax de l’œuvre est atteint à la mesure 72-73 où l’orchestre tout entier joue dans la dynamique double forte. Un continuum de vingt sons, qui s’étend de fa demi dièse à ré dièse, résulte de la condensation des treize positions du cycle parfait. Les clusters, joués par les pianos, accroissent la densité de l’orchestration.

La dernière section (mes. 76 à 84) écrite en position 1, présente le début du mouvement rotatoire, qui est haché par les silences, et qui se désagrège par décomposition totale. La dernière mesure donne simultanément le cycle parfait dans sa première position.

Les structures quaternaires, formées par enchâssement de structures binaires, apparaissent aussi dans cette oeuvre. La deuxième composition opus 46, écrite en quarts de ton, explore de manière systématique les structures quaternaires.

Exemple 43 - Composition 2, opus 46

Dans les Deux intégrations, opus 49, l’élément structurel est la neuvième mineure décomposée en structure binaire de deux quintes mineures composées de treize quarts de ton chacune. Cette structure engendre les cycles parfaits et imparfaits selon treize positions di¤érentes. Dans ces deux oeuvres, l’intégration, c’est-à-dire la technique qui consiste à superposer des positions de cycles s’e¤ectue selon trois modalités. La première est l’intégration par tuilage qui superpose progressivement dans le temps deux ou plusieurs positions avec, mais pas systématiquement, une charnière de notes communes. La deuxième modalité est l’intégration par condensation qui est la superposition franche de deux ou plusieurs positions, qui du fait de la proximité des positions, accroît de manière importante la densité des aggrégats et provoque une augmentation de la tension microtonale par frottement de sons voisins. En…n, la troisième modalité est l’intégration par clusters qui est la forme maximale de la tension micro-intervallique.

La première pièce des Deux intégrations débute par le cycle parfait en position 7, et évolue par degré conjoint jusqu’à la première position, puis enchaîne de la position 13 à la position 6a (mes. 1 à 13). La première intégration, sur une pédale de si bémol, superpose les positons imparfaites 6a et 13b, conduisant à des structures quaternaires formées de trois intervalles de sept quarts de ton suivi d’un intervalle de cinq quarts de ton, de structure (7-7-7-5). L’intégration des hauteurs se double d’une intégration des rythmes qui se superposent. L’intégration est suivie d’une désintégration dans laquelle les éléments du thème sont repris mesures 13 à 24 alors que les

positions évoluent par degrés conjoints de la position 13 à la position 7a. Un nouvelle exposition (mes. 24 à 32) conduit à une nouvelle intégration (mes. 32 à 26) dans les mêmes positions (6a contre 13b). La désintégration qui suit, reprend les éléments du thème de la position 6 à la position 4a (mes. 36 à 39). Une marche chromatique descendante guide l’intégration (mes. 39 à 42) qui évolue de la position 4a superposée à 10b à la position 7 superposée à la position 13. L’éclatement des structures quaternaires (mes. 42 à 52) reprend les éléments du thème, les positions évoluant par degrés voisins de la position 12 à la position 8. La coda …nale (mes. 52 à 55) est une intégration par condensation des structures binaires qui superpose, en une unique structure sexanaire, trois positions (10a, 9b, 8a).

La deuxième intégration est une “polyphonie à deux voix ”. La première voix parcourt le cycle parfait de régime 13, par quartes majeures descendantes et quintes mineures ascendantes, dans le registre grave et medium du piano, en commençant par la troisième position. L’autre voix parcourt le cycle en sens inverse par quartes majeures ascendantes et quintes mineures descendantes et évolue dans la tessiture aiguë et medium du piano. Les notes de cette voix forment les notes de basse des clusters, dont la densité est chromatique (densité 12, clusters en demi-tons), mais qui alternent entre les deux pianos, dans une dynamique sans cesse changeante.

Exemple 44 - Deuxième integration, opus 49

Au niveau de la forme, l’œuvre se divise en trois parties. Une introduction (mes. 1 à 30) présente les lignes mélodiques et le mouvement des grappes sonores. Le développement (mes. 31 à 67) est marqué par une densi…cation des clusters. Le volume des clusters oscille entre 24 et 25 sons et atteint un volume maximal (volume 37) à la …n du développement. La conclusion (mes. 68 à 84) reprend le glissement des positions et se termine sur la quarte majeure si demi-bémol - mi surmontée d’un cluster s’étendant sur deux octaves de la bémol.

Dans le document IVAN WYSCHNEGRADSKY ET LA MUSIQUE MICROTONALE (Page 180-189)