• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 Discussion

10- Les propositions de la mini-théorie sur les besoins psychologiques fondamentaux

Proposition Ia : Il y a trois besoins psychologiques fondamentaux, dont la satisfaction est essentielle au développement optimal, à l’intégrité et au bien-être. Ces besoins sont les besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation à autrui. Le défaut de satisfaire l’un de ces besoins se manifestera en diminution de la croissance, de l’intégrité et du bien-être. De plus, la frustration de ces besoins, typiquement due à des entraves, est associée à un plus grand mal-être et à un fonctionnement plus appauvri.

Proposition Ib : La satisfaction et la frustration d’un besoin psychologique fondamental varient pour une même personne dans le temps, les contextes et les interactions sociales. Tout facteur ou évènement qui produit des variations dans la satisfaction ou la frustration d’un besoin produira aussi des variations dans le bien-être, et ce principe s’étend à des niveaux d'analyse globale jusqu'à des variations de fonctionnement instantanées ou d'une situation à l'autre.

Proposition II : La satisfaction de chacun des trois besoins psychologiques fondamentaux est facilitée par le soutien à l’autonomie, alors que les contextes et les évènements contrôlants peuvent perturber non seulement la satisfaction du besoin d’autonomie, mais également la satisfaction des besoins d’affiliation à autrui et de compétence.

Proposition III : Parce que les satisfactions des besoins psychologiques fondamentaux sont des exigences fonctionnelles pour un fonctionnement et un bien-être complets, les effets de la satisfaction ou de la frustration de ces besoins seront mis en évidence, que les personnes désirent ou valorisent explicitement ou non ces besoins, et indépendamment de leur contexte socioculturel.

Proposition IV : Les satisfactions de chacun des besoins fondamentaux d’autonomie, de compétence et d’affiliation à autrui ont tendance à avoir des relations positives entre elles, en particulier à un niveau d'analyse global (c'est-à-dire à travers différents domaines, situations ou moments).

Proposition V : Les besoins déficitaires (tels que les besoins de sécurité et d'estime de soi) deviennent saillants dans des circonstances de menace, de détresse ou lorsque la croissance est entravée, tout comme ceux d’autonomie, de compétence et d’affiliation à autrui. La satisfaction des besoins déficitaires peut écarter des aspects du mal-être, mais ne contribue pas spécifiquement à augmenter le bien-être ou l’épanouissement. Ainsi, les besoins déficitaires émergent de façon plus saillante sous des conditions adverses (menace, privation, exclusion, etc.), mais ils ne sont pas des aspects de la prospérité en cours et leur satisfaction peut préparer le terrain pour, mais ne promeut pas nécessairement, le fonctionnement humain optimal.

Proposition VI : La vitalité subjective est basée sur plus que des nutriments physiques; elle reflète également la satisfaction ou la frustration des besoins psychologiques fondamentaux en matière d'autonomie, de compétence et d’affiliation à autrui. Par conséquent, les états contrôlés de l’extérieur et les états autocontrôlés devraient épuiser la vitalité, alors que la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux devrait l'améliorer.

Proposition VII : D’autres facteurs mis à part, une exposition significative à la nature vivante a un effet positif sur la vitalité subjective par rapport à une exposition à des environnements construits non naturels, sans éléments vivants, et cette relation est médiée en partie par les besoins psychologiques fondamentaux.

Proposition VIII : La pleine conscience, définie comme l’ouverture et la prise de conscience réceptive de ce qui se produit à la fois à l’intérieur des personnes et à l’intérieur de leurs contextes, facilite une plus grande autonomie et une autorégulation plus intégrée, ainsi qu’une meilleure satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux, ce qui contribue à un plus grand bien-être.

9 Traduction libre de Ryan et Deci (2017a)

110

Bien que les trois besoins (autonomie, compétence et affiliation à autrui) soient tous fondamentaux, le besoin d’autonomie est particulièrement important. En effet, comme mentionné dans la proposition II du tableau 10, la satisfaction de chacun des trois besoins psychologiques fondamentaux est facilitée par le soutien à l’autonomie, alors que les contextes et les évènements contrôlants, qui ne supportent pas l’autonomie, peuvent perturber non seulement la satisfaction du besoin d’autonomie, mais également la satisfaction des besoins d’affiliation à autrui et de compétence (Ryan & Deci, 2017a). Comme mentionné précédemment, l’autonomie concerne l’autorégulation des comportements. En ce sens, le besoin d’autonomie a un statut spécial parce que c’est à travers la régulation des comportements que les personnes répondent à leurs besoins fondamentaux, autant physiques que psychologiques (Ryan & Deci, 2017c). L’autonomie est un véhicule par lequel l’organisation de la personnalité procède, et à travers lequel les autres besoins psychologiques sont actualisés (Ryan & Deci, 2017c). Ainsi, la pleine satisfaction du besoin de compétence est rehaussée lorsque l’autonomie est satisfaite en parallèle (Ryan & Deci, 2017c). Et les personnes expérimentent pleinement la relation à autrui et l’intimité particulièrement quand les autres prennent spontanément et volontairement soin d’eux et/ou à l’inverse, que les personnes sont elles-mêmes volontairement liées ou engagées dans la relation à l’autre et dans les soins envers l’autre (Ryan & Deci, 2017c).

L’autonomie et l’indépendance. L’autonomie et l’indépendance sont deux concepts

distincts. Tel que mentionné par Deci et Ryan (2008), l’autonomie est le fait, pour une personne, d’agir en exerçant sa volonté et son libre choix, alors que l’indépendance signifie que la personne fonctionne seule et sans compter sur les autres. Aussi, une personne peut être dépendante d’une autre pour réaliser certaines tâches, mais être tout de même capable d’exercer son autonomie, et à l’inverse, une personne peut être indépendante mais se retrouver dans des situations où ses choix sont posés pour se conformer aux normes imposées par son environnement. Par contre, le fait d’être en situation de dépendance, pour une personne, augmente les chances que son environnement soit contrôlant envers elle et ne supporte pas l’autonomie; ce qu’il est d’ailleurs fréquent de constater dans les milieux de vie pour personnes en perte d’autonomie (Paquet, Junot, David, & Vallerand, 2016).

111

Les liens à faire entre les données théoriques et expérientielles. Le fait que les milieux

de vie pour aînés ont une tendance vers le contrôle plutôt que vers le soutien à l’autonomie est souvent constaté par « un contrôle régulier sur les activités [de la personne] afin de « combler » ses déficits et lui « garantir » une certaine sécurité » (Paquet et al., 2016, p. 194). L’argument de la sécurité a aussi émergé des propos des participants de la collecte expérientielle, justement comme un élément du contexte des résidences qui entravait l’autonomie des personnes, de même que certains règlements contraignants dans le fonctionnement des résidences. De plus, la non-implication des personnes dans les décisions qui les concernent et la privation d’informations contrarient leur besoin d’autonomie. En effet, les travaux avec la TAD, comme mentionné précédemment, se sont intéressés aux diverses contraintes à l’autonomie présentes dans différents contextes et environnement sociaux (dont les milieux de vie pour aînés et autres contextes de soins de santé) et aux interventions permettant, au contraire, de soutenir l’autonomie, dans ces différents contextes. Ces travaux ont ainsi conduit à l’émergence de propositions d’interventions permettant de soutenir l’autonomie des personnes. Ces dernières seront présentées plus loin dans ce texte.

Le questionnement posé précédemment quant à la nature du besoin d’implication rencontré dans la collecte expérientielle et dans la collecte empirique trouve réponse dans le fondamentalisme du besoin d’autonomie. La nature même de l’humain et son besoin fondamental d’autonomie l’amènent à vouloir naturellement exercer son propre contrôle sur ses expériences (ici la transition post-hospitalisation), même à un âge avancé. De plus, le lien entre la satisfaction du besoin d’autonomie et la motivation intrinsèque explique la nécessité d’engager les personnes dans leurs soins transitionnels, afin qu’ils puissent s’investir de manière durable dans la prise en charge de leur santé, notamment en réalisant les autosoins requis par leur état de santé. Enfin, soutenir l’autonomie devient également essentiel dans ce contexte pour favoriser le bien-être et la vitalité des aînés.

L’autosoin de la maladie chronique. La collecte de données expérientielles a permis de déceler la présence de stratégies d’autosoins chez les personnes interrogées, et ces données sont présentées plus loin dans ce texte - plus spécifiquement dans la section sur l’élaboration

112

des interventions - étant donné qu’elles ne représentent pas des problèmes. En fait, c’est l’absence de soutien à la réalisation de ces stratégies qui est un problème, surtout que le soutien aux capacités d’autosoins, notamment par l’éducation à la santé, est une composante clé de plusieurs modèles de soins transitionnels (Enderlin et al., 2013). Or, afin de bien saisir le sens de cette absence de soutien à l’autosoin, il est essentiel de définir tout d’abord à quoi réfère le concept d’autosoin. Pour y parvenir, il existe plusieurs écrits. Par exemple, Gottlieb (2014) fait référence au Rapport Epp (Epp, 1986) pour définir l’autosoin en soi, puis elle présente ensuite des composantes de l’autosoin, issues d’un cadre de référence publié par Santé Canada en 1997 et élaboré suite à une étude exploratoire réalisée par des infirmières et des médecins (Santé Canada, 1997). Aussi, le Cadre de référence pour la prévention et la

gestion des maladies chroniques physiques en première ligne (Ministère de la Santé et des

Services Sociaux, 2012) est aussi populaire, mais ce dernier parle d’autogestion plutôt que d’autosoin, et en parle comme d’une philosophie de soins et d’interventions, du point de vue de l’intervenant. Bien que ces références soient importantes pour situer le développement du concept d’autosoins ou comprendre son positionnement au niveau des priorités des instances gouvernementales canadiennes et québécoises, une théorie intermédiaire de l’autosoin récente et élaborée par des infirmières s’est avérée ici plus intéressante pour définir et expliciter le concept d’autosoins du point de vue de la personne. D’autant plus que cette théorie, de Riegel et al. (2012), concerne spécifiquement l’autosoin de la maladie chronique, une condition fréquemment rencontrée chez les personnes âgées.

La théorie intermédiaire de l’autosoin de la maladie chronique. La théorie

intermédiaire de l’autosoin de la maladie chronique aborde le processus de maintien de la santé par des pratiques favorables à la santé dans le contexte de la gestion requise par la présence d’une ou de plusieurs maladies chroniques (Riegel et al., 2012). Cette théorie spécifie trois concepts clés, trois hypothèses et sept propositions, puis identifie plusieurs facteurs influençant l’autosoin; ces derniers pouvant être des barrières ou des facilitateurs à la réalisation des activités d’autosoins. Le tableau 11 présente les hypothèses de cette théorie, et le tableau 12 présente ses propositions, telles que définies par Riegel et al. (2012).

113 Tableau 11