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Chapitre 5 Discussion

27- Interventions éducatives d’autonomisation des résidents en soins de longue durée

Interventions Activités

Motiver l’autogestion - Procurer de la rétroaction positive - Utiliser l’entretien motivationnel

Procurer les connaissances adéquates - En utilisant des séances de groupe interactives où les expériences personnelles sont discutées

- En faisant du counseling individuel personnalisé basé sur les besoins et les préférences

- En utilisant du matériel éducatif imprimé en plus de l’éducation verbale

Établir des buts et développer des plans avec les résidents, basés sur leurs besoins et leur motivation

- Identifier les barrières avec les résidents - Identifier les besoins et les préférences

Améliorer les habiletés de résolution de problème

- Supporter l’identification des problèmes - Supporter l’établissement des buts - Supporter/guider la résolution de

problème en petites étapes

Utiliser des stratégies de raisonnement dans la vie quotidienne

- Aider à repérer l’information

- Aider à surligner les informations clés - Supporter la séparation des informations

en petites unités

Schoberer et al. (2016) précisent que les quelques études retenues ont des niveaux de preuves bons à modérés. Elles ont catégorisé les résultats des interventions d’autonomisation22 présentées dans les études recensées comme ceci: auto-efficacité, activités ou gestion ou comportements d’autosoins, autonomie et attentes de résultats. Elles soulignent que des effets significatifs sur le sentiment d’auto-efficacité des personnes et sur leurs comportements d’autosoins ont été rapportés pour les sessions éducatives en groupe et le counseling individuel basé sur les besoins et les préférences des résidents. Elles rapportent

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aussi que les comportements d’autosoins des aînés ont augmenté significativement en réponse aux soins ciblés sur les fonctions et aux exercices de raisonnement. Les soins ciblés sur les fonctions font référence à une étude (Resnick, Galik, Gruber-Baldini, & Zimmerman, 2011) ayant testé les effets de ce type de soins axés sur l’autonomie des personnes dans la réalisation des activités de la vie quotidienne et qui était soutenue par des stratégies motivationnelles. Elles soulignent aussi que les stratégies d’interventions ciblant l’autonomisation22 peuvent supporter la croissance personnelle et faciliter l’autodétermination.

Liens entre les données expérientielles et les données empiriques. Après comparaison des données expérientielles et empiriques recueillies, il apparaît que l’accès à l’information demeure un élément fort important, tout comme la participation et l’implication des personnes dans leurs soins, puis l’évaluation des besoins. La médication ou gestion de la médication est apparue comme un élément présent dans les stratégies posées au quotidien par les personnes interrogées, mais également dans les données empiriques et dans les lignes directrices. En trame de fond, les données empiriques présentent également des interventions de nature éducative, notamment en tant que moyens de transmission d’informations. La littératie en santé apparaît également comme un élément important, sur lequel nous reviendrons plus loin dans ce texte. La revue systématique réalisée par Schoberer et al. (2016) met également en lumière l’effet de soutien que peuvent avoir des interventions infirmières sur les comportements d’autosoins des personnes âgées.

D’autre part, il y aurait assurément matière à questionner davantage l’usage du terme

empowerment dans les écrits, vu la confusion qui entoure ce concept. Aussi, les liens entre

l’autonomisation22 et l’autodétermination et/ou le soutien à l’autonomie sont très peu explicités dans les écrits, ce que constataient aussi Aujoulat et al. (2007) après une revue de cinquante-cinq articles utilisant le terme empowerment en lien avec les soins et l’éducation de personnes atteintes de maladies chroniques. Pourtant, les similitudes sont frappantes entre les interventions suggérées par les études visant l’implication des personnes dans les soins transitionnels, celles sur les interventions fondées sur l’autonomisation22, et celles sur les interventions basées sur la théorie de l’autodétermination et la mini-théorie des besoins

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psychologiques fondamentaux (dont il sera question plus loin dans ce texte). Selon Aujoulat et al. (2007), l’autodétermination est un concept guidant fortement les interventions fondées sur l’autonomisation22, certaines études positionnant même l’autodétermination de la santé comme un résultat de ces interventions. En fait, Aujoulat et al. (2007), au regard des articles consultés, identifient les éléments clés d’une approche fondée sur l’autonomisation22 comme étant le fait que la personne puisse faire des choix et prendre des responsabilités, développer des habiletés pour devenir plus compétent dans ses relations à soi et aux autres, et composer avec la maladie, la vie et l’environnement. Face à cela, ils soulignent – à juste titre – la proximité entre ces éléments clés et les composantes de la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (TAD). Cette proximité sera mise en évidence plus loin, avec la présentation de données d’études fondées sur la TAD ou sur la mini-théorie des besoins psychologiques fondamentaux (Ryan & Deci, 2017a). Enfin, les données de Schulman-Green et al. (2016) sur les facteurs affectant l’autogestion de la maladie chronique trouveront également écho plus loin dans la section portant sur la théorie intermédiaire de l’autosoin de la maladie chronique de Riegel et al. (2012).

Approche théorique pour l’élaboration des interventions. Cette section revient sur

les théories présentées précédemment afin de voir quelles interventions sont suggérées ou peuvent être déduites de celles-ci afin de répondre aux trois besoins non comblés identifiés, soit le besoin d’autonomie, le besoin de soutien dans l’exercice des autosoins, et le besoin de prévenir ou réduire l’incertitude. Des études fondées sur ces théories seront aussi présentées.

Les interventions pour soutenir l’autonomie. La théorie de l’autodétermination et la mini-théorie des besoins psychologiques fondamentaux ont été largement testées, dans le domaine du travail, de l’éducation, de la santé, et de l’activité physique (Ryan & Deci, 2017f). Ainsi, des interventions ont été développées pour soutenir l’autonomie ou encore pour favoriser l’intériorisation de la motivation.

Tout d’abord, mentionnons une précision importante apportée par Ryan et Deci (2017b) à propos de ce qu’est le soutien à l’autonomie selon une vision cohérente avec la théorie de l’autodétermination. Ces auteurs expliquent que souvent, en médecine, le soutien

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à l’autonomie est interprété comme le fait que le professionnel doit laisser le patient seul pour prendre ses propres décisions, concernant sa propre santé. Or, cette vision représente un soutien à l’indépendance et non un soutien à la motivation (qui est le but du soutien à l’autonomie). En ce sens, Ryan et Deci (2017b) précisent que pour que les personnes puissent faire des choix de façon autonome, ils ont besoin d’être supportés, informés dans un langage qu’ils comprennent et encouragés à considérer les informations pertinentes soigneusement. Ils ajoutent que les terminologies médicales sont fréquemment difficiles à saisir, et qu’un professionnel qui supporte l’autonomie doit être concerné par la perspective du patient, et s’efforcer de transmettre l’information d’une façon qui peut être comprise par la personne, sans compter le fait que lors de rencontres médicales, ces dernières sont souvent anxieuses et ont davantage de difficultés à tout saisir. Ryan et Deci (2017b) soulignent que le but d’une approche supportant l’autonomie est d’en venir à un point où le patient peut faire de vrais choix, après avoir bien considéré les options pertinentes et les informations. Cela requiert d’éviter de mettre de la pression en faveur d’une option particulière, et de plutôt permettre à la personne de considérer chacune des options. Les professionnels peuvent toutefois émettre des recommandations, mais doivent le faire de manière informative et sans pression (Ryan & Deci, 2017b). Il s’agit en fait d’un travail de partenariat, en commun, pour informer et supporter la prise de décision autonome du patient (Williams, Deci, & Ryan, 1998). De plus, l’engagement actif des personnes dans la planification de leur traitement et dans son exécution est associé à la motivation autonome (Ryan & Deci, 2017b).

Quelques études se sont aussi intéressées à la motivation et au bien-être des aînés demeurant en résidences pour aînés, notamment pour comprendre quelle influence les caractéristiques et le climat interpersonnel de ces milieux de vie avaient sur la santé et le bien-être des personnes y demeurant. Ainsi, Vallerand et O'Connor (1989) ont mesuré, auprès de 146 résidents, à quel point il vivait de l’autonomie dans leurs activités d’autosoins, dans leurs activités religieuses, dans leurs activités interpersonnelles et dans leurs activités récréatives. Leurs résultats ont démontré que l’expérience d’une plus grande autonomie dans ces activités était associée à la satisfaction envers la vie, au sens de leur vie, à moins de dépression, à une plus haute estime de soi, à la santé en général, et à l’ajustement psychologique. Dans le même sens, les résultats des travaux de O'Connor et Vallerand

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(1994a), auprès de 129 aînés en résidences pour aînés, soutiennent que le soutien à l’autonomie des aînés est positivement prédictif de la motivation autonome de ces derniers pour leurs activités quotidiennes, qui à son tour, prédit positivement leur santé et leur bien- être. Ils soulignent également qu’une plus grande autodétermination est associée à de plus hauts niveaux d’ajustements psychologiques. Dans un autre article, toujours auprès de la même population (cent vingt-neuf résidents), ces mêmes auteurs ont démontré que « les occasions propices à l’autodétermination et les perceptions d’autodétermination étaient toutes deux reliées au style de motivation » et que « l’influence de l’environnement sur la motivation était médiatisée par les perceptions d’autodétermination » (O'Connor & Vallerand, 1994b, p. 528).

Les travaux de Kasser et Ryan (1999), également auprès d'aînés en résidence, rapportent que le soutien à l’autonomie provenant du personnel de la résidence, tel que perçu par les aînés, est corrélé négativement avec la dépression et positivement avec le bien-être, la vitalité et la satisfaction envers la vie. Toujours auprès de cette même clientèle des aînés en résidences, les résultats de Custers, Westerhof, Kuin, et Riksen-Walraven (2010) indiquent que la rencontre des besoins psychologiques fondamentaux des personnes dans la relation de soins (besoin d’autonomie, de compétence et de relation à autrui) est reliée à des niveaux plus faibles de sentiments dépressifs et à une plus grande satisfaction envers la vie. Ces mêmes auteurs précisent aussi que la rencontre des besoins psychologiques fondamentaux dans la vie en général est un médiateur de la relation entre la rencontre des besoins psychologiques fondamentaux dans la relation de soins et les sentiments dépressifs (Custers et al., 2010). Plus récemment, Souesme, Martinent, et Ferrand (2016) ont également démontré - dans une étude impliquant des personnes âgées hospitalisées sur des unités de soins de réadaptation de courte durée - qu’un haut niveau de satisfaction des trois besoins psychologiques fondamentaux est associé à de faibles niveaux de dépression et d’apathie, et à l’inverse, un niveau faible à modéré de satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux est associé à une augmentation des symptômes dépressifs et de l’apathie.

Cependant, ces études ne précisent pas en quoi consistent des interventions de soutien à l’autonomie envers les aînés. Toutefois, un volume de Deci et Flaste (1995), traduit

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récemment en français (Deci & Flaste, 2018), nomme plusieurs interventions permettant de soutenir l’autonomie, notamment dans le contexte des soins de santé et de la relation entre le professionnel de la santé et la personne. Le tableau 28 résume les interventions de soutien à l’autonomie pertinentes pour le présent projet de recherche.

Tableau 28