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Par-delà la Promotion Supérieure du Travail : l'Education Permanente

3 DEPARTEMENT EDUCATION PERMANENTE

33. Par-delà la Promotion Supérieure du Travail : l'Education Permanente

Resituer l'Education permanente

Le texte de septembre 1961 commence par redéfinir l'Education Permanente telle qu'elle est repensée à l'issue de cette phase d'étude. Il s'agit bien de la situer dans le domaine de la vie professionnelle, du moins, cela en sera le point de départ. Mais, contrairement à la position prise en mars 1960, l'Education Permanente a vocation à dépasser largement le cadre de la promotion supérieure du travail car elle ne répond pas seulement à la nécessité de rechercher un complément de culture scientifique, mais bien « un accroissement général du niveau de connaissance » qui ne peut être seulement

quantitatif, mais aussi qualitatif. Le choix est donc d'orienter l'Education permanente plus vers la « formation générale » et le « développement de la personnalité » plutôt que vers une simple extension de la formation technique.

« Il faut donc que l'on s'attache beaucoup plus à intégrer les connaissances

diffusées dans une perspective culturelle réelle, à susciter l'auto-éducation et l'éducation mutuelle, plutôt qu'à déverser un savoir, limité par des besoins immédiats, simple accumulation de notions, de documents, de formules trop étroitement utilitaires.

Ainsi donc, aussi bien pour l'entreprise que pour l'homme, l'éducation permanente doit “despécialiser”, c'est-à-dire développer la “capacité d'autonomie” de ceux à qui elle s'adresse. » (p. 5)

On voit ici se dessiner la recherche d'un certain « rapport au savoir », qui, s'il reste rapport individuel au savoir dépasse la seule notion de promotion individuelle pour s'élargir à la notion de développement personnel à l'intérieur d'un groupe social.

En effet, les deux objectifs suivants sont énoncés. L’Education Permanente doit :

- d'une part, élever le niveau de connaissances générales dans la vie professionnelle en vue de faciliter :

. l'adaptation aux changements techniques . la reconversion à des activités nouvelles . la promotion personnelle ;

- et d'autre part donner aux hommes des chances plus grandes de développement personnel en leur fournissant les moyens d'une participation accrue à la culture de notre société et à son évolution."

Il n'est donc plus seulement question, avec le deuxième objectif, de favoriser un changement personnel, mais également de susciter la participation à un changement social.

Si elle doit être prioritairement implantée dans le milieu de travail, parce que c'est la condition d'une meilleure organisation,

« il y aurait danger à vouloir limiter l'éducation permanente au cadre des besoins les

plus immédiats de l'entreprise. Elle n'est pas une nouvelle façon d'envisager la formation professionnelle, ni non plus un «faux-semblant» de culture générale sans rapport avec la vie active, mais bien le prolongement de la scolarité dans la vie de travail. » (p. 7)

L'insistance à vouloir placer l'Education permanente dans l'entreprise peut sembler aujourd'hui surprenante. C'est que le taux de chômage est très faible dans ces années de croissance et que la très grande majorité des hommes se trouve effectivement dans les entreprises. C’est encore le signe que le milieu de travail n’est pas conçu par les auteurs comme aliénant. Il est vrai que le public visé est la hiérarchie des entreprises et non les ouvriers. Par ailleurs, la question de la formation des femmes (qui sont, quant à elles à cette époque, majoritairement en dehors de l'entreprise) n'est pas encore à l'ordre du jour. C'est une préoccupation qui ne verra le jour au CUCES que vers les années 66/676...

Principes pédagogiques

La synthèse des enquêtes menées conduit les auteurs à définir des "principes pédagogiques généraux" qui doivent être considérés plutôt comme des "hypothèses de travail", comme des "fondements temporaires aux règles pratiques" données à l'action. Ces principes découlent des caractéristiques de l'auditoire d'adultes. Engagé dans la vie active, l'entreprise d'auto-perfectionnement par un adulte n'a jamais un caractère désintéressé : la motivation en est sociale. A la différence de l'enfant, il est "tout entier" dans sa tâche d'auto-perfectionnement. Il faut ici éviter deux écueils : le "danger d'encyclopédisme" et le "risque de déracinement".

Les principes pédagogiques sont au nombre de 5 :

1 - Globalisme : équilibre entre apport de connaissance et formation personnelle et recours systématique aux exercices de synthèse

2 - Utilisation de l'expérience personnelle et recours au concret (s'appuyer sur le milieu réel)

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Exception faite toutefois de l’intervention à l’Assistance Publique qui a pour public des infirmières, des conseillères hospitalières, ainsi que des médecins... et qui débute en 1963

3 - Auto-formation et éducation mutuelle, afin de développer l'autonomie (l’expression « apprendre à apprendre » n'est pas citée dans ce texte, mais elle l’est dans le document d’octobre 1961 qui constitue le second volet de cette étude, cf. chapitre suivant)

4 - Alternance, dans toutes les déclinaisons possibles (théorie/pratique, travail personnel/travail en groupe, formation/vie courante...)

5 - Auto-contrôle, "pour que chacun passe par un itinéraire mental qui lui est propre" Comme on le voit, ces principes pédagogiques sont loin d'être dépassés. La plupart d'entre eux figurent encore de nos jours dans la plupart des projets pédagogiques dits "novateurs". Les emprunts aux méthodes d'éducation active sont ici flagrants, ils sont d'ailleurs identifiés comme tels.

La part de la discussion n'est pas la moins importante dans le processus de maturation de l'étude. En effet, des personnalités aussi diverses, tant du point de vue des parcours d'études ou que de l'engagement socio-politique, s'affrontent et l'accouchement est rude. Des concessions sont faites. B. SCHWARTZ reconnaît qu'à l'époque, il n'avait pas une grande culture politique et que ces discussions ont contribué à l'alerter sur les aspects sociaux qu'il avait quelque peu négligés au cours de ses premières analyses (comme par exemple le fait qu'un contremaître n'avait peut-être pas nécessairement envie - ni intérêt - de suivre une formation, à l'intérieur de son usine, menée par son supérieur hiérarchique tout ingénieur qu'il soit...7). Pourtant l'idée de la démultiplication nécessaire reste centrale. Le dispositif, par contre, se complexifie : on est loin de la simplification du TWI. Ce qui n'est pas sans générer, chez B. SCHWARTZ, quelques inquiétudes...

Ainsi, les conclusions (toutes provisoires) de cette étude marquent le début d'un passage progressif du pédagogique au second plan et l'émergence d'une vision un peu plus idéologique de l'éducation des adultes. Celle-ci connaîtra des développements divers, elle aura pour fondement le développement personnel comme condition du « changement du milieu par le milieu » et contribuera à forger « l'utopie » qui sera le moteur du Complexe de Nancy.

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