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La solution du double statut n’est qu’un pis-aller et c’est bien la création de l’Institut, plus que celle de l’Association, qui pose problème. La « neutralité », l’indépendance et l’équilibre chers aux fondateurs prennent en effet un sérieux coup dans l’aile en 1958 au moment de la création officielle de l’Institut. Car c’est bien le Ministère de l’Education Nationale, et non les membres du CUCES, qui crée l’Institut, par décret officiel. Et certains, parmi les industriels, se sentent un peu floués, dépossédés, et s’émeuvent de l’éventuelle « récupération » de l’œuvre du Centre par l’Education Nationale. Le Recteur MAYER multiplie ses apaisements en martelant au fil des réunions que la création nécessaire de l’Institut n’a d’autre signification que de permettre au CUCES de recevoir et gérer légalement des fonds publics. Cette dualité ne doit en rien, selon lui, modifier le fonctionnement du centre et « l’esprit de coopération qui présida à sa création ».61

La question de l’indépendance du CUCES se pose pourtant brutalement, en raison du conflit qui l’oppose au rectorat de Metz, avec la remise en question de la poursuite des actions hors territoire académique...

Mais si l’action de l’Institut CUCES se voit confinée aux frontières administratives - le bureau prend acte de cette limitation imposée par le Ministère - rien n’interdit à l’Association CUCES d’étendre son action bien au-delà. Pour autant, la rédaction des statuts du futur Institut est surveillée de près. Notamment l’article 12 modifié par le Ministère et adopté par le Conseil de l’Université est contesté. Il limite en effet l’action du centre à la seule PST. Il est demandé que cet article soit rétabli dans sa version ratifiée par l’Assemblée Générale du 13 février 1957 à savoir :

Article 12 : Les enseignements, dont le programme est arrêté par le Recteur, sur proposition du Conseil d’Administration comprennent :

- des cours de formation économique et sociale dans les Instituts et Ecoles d’Ingénieurs de l’Université de Nancy

- des cours de perfectionnement destinés aux ingénieurs et cadres - des cours de Promotion du Travail62

Enfin, dans un souci de clarté et à titre de garantie, il est convenu que le Recteur MAYER adressera au Président ARNAUD une lettre où seront expliquées les raisons qui ont motivé les membres du Bureau à prendre la décision de la création de l’Institut. On le voit, l’inquiétude est réelle. Il semble bien que cet épisode ait réellement ébranlé la confiance mutuelle et que le difficile équilibre entre les deux mondes, celui de service public et celui de la libre entreprise soit décidément difficile à sauvegarder.

61 Conseil d’Administration du 13 décembre 1957. 62 Bureau du CA du 10 février 1958

Mais il est un autre équilibre que le CUCES doit trouver pour assurer son fonctionnement, celui de ses infrastructures.

Initialement hébergé par le rectorat, sous les combles, le CUCES obtient très vite une subvention spéciale du Ministère de l’Education Nationale pour acquérir un immeuble rue de Metz. Les travaux d’aménagement sont pris en charge sur le budget propre du CUCES. L’équipe du centre s’y installe au début de l’année 1956.

Pourtant, en raison de la croissance très rapide de l’activité du centre, ces nouveaux locaux deviennent très vite insuffisants. Aussi le constat suivant est-il dressé en octobre 1957 :

« ... On est bien obligé de constater que le travail administratif se fait dans de mauvaises conditions.

1 - Réception des visiteurs, réception des communications téléphoniques, travail de deux dactylos, travail de Mademoiselle LAFOUGE (secrétaire) s’effectuent dans une seule pièce donnant sur la rue de Metz

2 - Le tirage, l’assemblage et le pacquage des cours s’effectuent dans une salle qui rendrait des services certains à l’enseignement des cours du soir.

3 - Les trois salles actuellement utilisables seront occupées tous les jours d’octobre à juin »63.

Déjà un grand nombre de cours, notamment de la PST, doivent avoir lieu dans des locaux extérieurs, dans des établissements scolaires du second degré ou de l’enseignement technique, ce qui rend difficiles les contacts entre les « élèves » et les professeurs. Il faut donc réfléchir à de nouvelles solutions pour agrandir l’espace de travail. Une opportunité se présente avec l’installation de l’Ecole des Mines dans de nouveaux bâtiments, parc de Saurupt. En effet, étant donné la surface importante de ces locaux, B. SCHWARTZ, Directeur de l’Ecole des Mines, souhaite qu’une partie en soit affectée à un autre organisme.64

Les horaires de fonctionnement du CUCES étant différents de ceux de l’Ecole des Mines, le CUCES pourra disposer de tous les locaux qui lui seront nécessaires. La décision du transfert est prise au cours du Bureau du 27 février 1959. Un devis est établi pour chiffrer le coût de la nouvelle installation. Le Recteur MAYER estime qu’il est « normal » que ce coût soit pris en charge par l’Education Nationale étant donné que l’aménagement des locaux de la rue de Metz a été financé par les fonds privés de l’Association et que, dans l’éventualité d’un départ ultérieur du CUCES, ces locaux seront affectés à un organisme

63 Bureau du CA du 27 octobre 1957 64 Bureau du CA du 27 février 1959

universitaire. La subvention est effectivement obtenue et le déménagement prévu pour la rentrée de 1960.

Quant à la question des moyens en personnel, elle n’a semble-t-il jamais été vraiment traitée à fond. En octobre 1957 le Bureau prend conscience qu’il est impossible de demander plus longtemps au personnel permanent du centre de prolonger l’effort qu’il a fourni au cours de l’année passée. L’embauche d’une sténodactylo supplémentaire s’impose.

A cette date, l’équipe serait composée de la manière suivante65 :

- Michel DESHONS (Secrétaire Général avec le statut de cadre) - Mlle LAFOUGE (secrétaire)

(ils sont les deux pivots du centre et il n’y a pas de tâches qu’ils n’aient réalisées tous les deux, y compris coller des enveloppes66)

- deux sténodactylos

Et c’est semble-t-il tout, puisque le recrutement du premier coordinateur de la PST a échoué et que M. GRANOUILLAC ne sera nommé qu’à la rentrée 1958.

P. OLMER quitte Nancy le 1er octobre 1957 pour prendre de nouvelles fonctions à l'Ecole SUPELEC de Paris et il est remplacé par Georges FRIEDEL à la direction du CUCES. C'est un universitaire, professeur à la faculté de droit de Nancy, dont le père, industriel, est l'un des fondateurs du CUCES et membre du Conseil d'Administration. Il a participé en 1956 au cycle « Relations sociales » de perfectionnement des cadres. Il travaille principalement à l'obtention de la reconnaissance officielle du centre de PST, mais ne semble pas se passionner pour sa tâche. Cinq mois après sa prise de fonctions, il manifeste en effet le désir d'abandonner la présidence du Comité de direction et c'est sous la pression du Doyen URION, qui estime que "les activités du centre ne pourraient

souffrir d'un nouveau changement de Président", qu'il accepte d’assumer sa charge

jusqu'à la fin de l'année 195867. Il l'assumera finalement encore une année de plus (faute

de remplaçant ?). Entre le départ de Philippe OLMER et celui de Georges FRIEDEL en décembre 1959, aucune nouvelle action n’est initiée. Le CUCES continue sur sa lancée. Ses perspectives de développement consistent principalement en l'intensification de ce qui existe déjà, c’est-à-dire la poursuite de l'essaimage dans la région. Il s'efforce de répondre aux besoins sans cesse croissants avec des infrastructures qui ne se développent pas, loin s'en faut, au même rythme que celui des actions. Il en découle des situations parfois un peu "bricolées".

65Il s’agit d’une reconstitution d’après divers éléments épars car je n’ai pas trouvé

d’organigramme officiellement établi.

66 Entretien M. DESHONS

Le CUCES franchit néanmoins le cap des cinq années de fonctionnement. Il n'était pas acquis en effet que les entreprises qui s'étaient engagées pour cinq ans renouvellent leur participation financière et assurent ainsi la pérennité de l'institution :

"Il y a six mois, à notre dernière réunion, nous nous réjouissions de ce que le CUCES allait terminer sa cinquième année d'existence. Il a maintenant franchi ce cap. C'est donc que notre organisme est utile et viable ; et le développement continu de ses activités, l'accroissement de l'intensité et de l'ampleur des besoins qui se manifestent à lui aujourd'hui, - et qu'il ne peut refuser de satisfaire -, la reconnaissance de l'efficacité de son action, tant par le Ministère de l'Education Nationale que par les entreprises, montrent qu'il est sans doute appelé à s'affirmer et à grandir encore.

Mais il n'en faudrait pas déduire que la route est désormais toute tracée et que des obstacles ne s'y dresseront plus. Le propre d'un organisme comme le CUCES est qu'il doit sans cesse rectifier sa direction, modifier ses plans, adapter ses méthodes. Car il est dans la nature de ses activités, par le public auquel il s'adresse, de heurter ou plutôt de déborder l'ordre établi en matière de formation : qu'il s'agisse de promotion du travail ou de perfectionnement des cadres, son rôle est un rôle nouveau. C'est pourquoi le développement des activités du CUCES, et, en particulier l'essaimage qu'il poursuit dans la région (...) ne peut se faire qu'en s'accompagnant d'un travail continu de mise au point et de révision, sans que le temps nous soit toujours laissé de mettre vraiment à l'épreuve les méthodes et les programmes, avant que la manifestation de nouveaux besoins nous oblige à les appliquer ailleurs ou dans d'autres conditions qu'il n'était d'abord prévu"68.

Il semble bien, à la lecture de ces lignes, que l'équipe du CUCES se trouve un peu débordée par ce qu'elle a mis en place et qui ne cesse de croître indépendamment de sa propre volonté.

Il est vrai que, si les moyens financiers ont été trouvés69 pour faire face à l'augmentation

de l'activité, il n'en est pas de même de la logistique qui, elle, n'a pas suivi. La rentrée 1959 s’effectue dans des conditions très critiques. Un mouvement de personnel bouleverse le faible équilibre acquis : Mlle LAFOUGE, précieuse secrétaire, se marie et annonce qu’elle abandonne ses fonctions au 31 décembre ; une sténodactylo abandonne également son poste ; M. GRANOUILLAC, coordinateur de la PST à mi-temps, quitte Nancy à la même période ; tandis que G. FRIEDEL confirme cette fois de manière définitive son désir de quitter la direction du CUCES ! On le voit, c’est un véritable

68 Rapport sur les activités du CUCES, Conseil d'administration du 29 juin 1959

69 L’appel au doublement des souscriptions, lancé auprès des industriels en décembre 1955, a été

suivi d'effets. Par ailleurs, le Ministère de l'Education nationale finance les cours de promotion supérieure du travail. La parité entre les fonds publics et les fonds privés est réelle : environ 14 500 000 pour chacune des parties en 1957.

cataclysme qui secoue le centre en cette fin d’année 1959, à un moment où il a peut-être plus que jamais besoin de conforter ses positions.

C’est au cours de la réunion du Bureau du CA du 4 novembre 1959 que le Recteur MAYER fait part de son intention de demander à B. SCHWARTZ de prendre la direction du CUCES. Les membres du Bureau approuvent ce choix « avec satisfaction ».

Le Conseil d’Université ayant donné un avis favorable à cette éventuelle nomination, M. ARNAUD est chargé de réunir les membres industriels du Conseil d’Administration du CUCES afin qu’ils donnent également leur avis pour le mois de décembre. C’est chose faite le 7 décembre, et ce jour, le Conseil d’Administration du CUCES s’étant réuni pour entendre le dernier rapport d’activité présenté par G. FRIEDEL, la candidature de B. SCHWARTZ est approuvée à l’unanimité.

2 - LE CONTEXTE FRANCAIS EN MATIERE D'EDUCATION DES